Akiko Kamei, le nez discret
Si Akiko Kamei a collaboré avec Hermès, l’Artisan Parfumeur, Caron et Diptyque, on ne connait pas grand-chose d’elle si ce n’est qu’elle est d’origine japonaise et que son univers est tout en légèreté et en transparence. Si j’ai tenu à parler d’elle c’est que je trouve qu’elle a su imprimer aux marques avec lesquelles elle a travaillé, toute la singularité et l’originalité de son travail. Si elle a exploré plusieurs familles olfactives, je trouve qu’elle excelle dans les hespéridés et les aromatiques comme nous allons le voir. Pour moi, Akiko Kamei la discrète est aussi un nez dont les créations ont une vraie personnalité et qui a su, au cours de sa carrière, aller là où d’autres parfumeurs n’ont pas eu le désir de se rendre en mélangeant les familles olfactives et les codes établis y compris pour des marques très classiques. Sa signature olfactive me plait beaucoup et je me suis rendu compte, en écrivant cet article, qu’elle avait créé des parfums que je connais bien et certains même que j’aime beaucoup.
C’est en 1985 qu’Akiko Kamei a créé pour Caron l’un des rares rescapés de la collection masculine et qui a pour nom évidemment « Le 3ème Homme ». Étant donné que je l’ai en dose d’essai, je le redécouvre en écrivant et je suis frappé par la dualité entre l’ouverture classique et très hespéridée de bergamote, citron et mandarine et les notes épicées, aromatiques et boisées vers lesquelles elle nous emmène. Le coeur de lavande est relevé par des notes de clou de girofle si cher à la maison Caron et de coriandre et le parfum repose sur un fond de mousse de chêne et de vétiver. Frais mais boisé, aromatique mais aussi chypré, ce jus est devenu un classique de la parfumerie masculine et rencontre, parmi les clients de la maison Caron, un grand succès. Comme ça, lorsqu’on le sent, il pourrait sembler banal mais ne nous y trompons pas, il est très facetté et c’est un parfum qui peut être porté, je trouve par un homme comme par une femme. Avec cette création, Akiko Kamei a su réinventer le classicisme en parfumerie boisée et hespéridée et je ne peux que lui tirer mon chapeau.
C’est aussi à travers un échantillon que j’ai eu depuis peu que j’ai découvert « Oyedo » qu’Akiko Kamei a créé en 2000 pour la maison Diptyque. Là encore, elle réinvente une forme d’hespéridé aromatique et boisé avec cette création d’une grande originalité. Le départ de bergamote, de cédrat, de mandarine et de citron est presque acidulé et me donne l’impression d’une douche fraiche et douce à la fois. Le coeur est plus que surprenant puisqu’il est construit autour du thym qui n’est pas utilisé tant que ça en parfumerie et qui s’avère très différent de la lavande et du romarin que l’on trouve plus souvent. Le fond de bois précieux n’est présent que pour soutenir l’ensemble et lui assurer une tenue correcte. Le sillage de « Oyedo » est assez discret mais il résiste très bien sur la peau et, même après m’être lavé les mains, je le sens encore sur mes doigts. Je trouve que ce jus est l’une des plus belles réussites de la marque car il brille par sa singularité et sa personnalité. Connaissant très bien le « 3ème Homme », je trouve qu’on y retrouve la même signature olfactive si particulière.
Sorti également en 2000, « Rouge Hermès » que je ne connaissais pas et que j’ai découvert vraiment cette semaine, est devenu un classique et pourtant il sort encore une fois des sentiers battus. Le départ est déjà tout à fait singulier avec des notes opulentes de rose, d’ylang ylang et d’iris poudré. Le coeur est construit autour du bois de santal comme si c’était un fond, avec des accents d’ambre, de cèdre et de vanille et le fond est constitué d’épices et de myrte. Ce jus est, à mon sens, parmi les plus originaux des parfums Hermès féminins. Je le trouve très moderne et singulier. Pour moi, il ne ressemble à rien d’autre. Il est comme un foulard de soie sur une robe du soir flamboyante. Je n’aime pas donner de genre au parfum mais je trouve que ce parfum « rouge » est la quintessence d’une féminité élégante et sophistiquée. Akiko Kamei a vraiment donné sa lecture singulière du parfum Hermès et je trouve que c’est une vraie réussite une fois de plus.
Je ne crois pas que l’interprétation « cologne » qu’Akiko Kamei a fait de « Mûre et Musc » existe toujours mais j’avoue bien humblement que je ne la connais pas et pourtant j’aimerai bien. Si j’en crois les articles que j’ai lu sur le sujet, c’est une version hespéridé de l’eau de toilette avec un départ très frais et amer de pamplemousse avec les accents aromatiques du basilic et la douceur de la bergamote. Au coeur, on retrouve, autour de la mûre, une construction à la fois florale et fruitée avec des notes de myrtille, de mandarine mais aussi de jasmin et le tout repose sur des muscs blancs qui, je pense, « sentent le propre ». Je sais que j’ai une impression théorique de cette création mais je me dit que j’aimerais bien la découvrir et je regrette que la marque l’ait arrêtée. J’aime beaucoup « Mûre et Musc » en eau de toilette, un peu moins la version extrême mais je crois qu’un été, j’aurais aimé m’approprier la cologne. Apparemment, ce ne sera pas possible et c’est dommage.
Pour finir, je dirais qu’Akiko Kamei a promené son nez un peu comme une géniale dilettante afin de créer, ça et là, des pépites à découvrir, à porter et même à racheter une fois le flacon vide. J’avais envie, en écrivant ses quelques lignes, de parler de son travail si singulier.
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