Mes Parfums préférés : "La Couleur de la Nuit"
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Quand j’ai découvert Voyages Imaginaires, la très belle maison de parfums naturels fondée par Isabelle doyen et Camille Goutal, j’ai aimé chacun des cinq parfums à peu près de manière égale et je me suis dit que si je devais en porter un, ce pourrait être pratiquement n’importe lequel. J’avais tout d’abord surtout flashé sur « Tea & Rock’n Roll » mais j’ai aussi particulièrement aimé « La Couleur de la Nuit » que les deux parfumeures ont lancé en 2020. Je me devais de mentionner cette création dans la rubrique Exquises Trouvailles. En effet, c’est un parfum qui sort complètement des sentiers battus. Isabelle Doyen et Camille Goutal ont réussi le tour de force d’inventer, en se contentant uniquement des matières naturelles dans la palette du parfumeur, un jus vraiment complexe, original, contemporain et doté d’une très bonne tenue. En général, je ne suis pas très attiré par le « tout naturel » mais Voyages Imaginaires est un peu l’exception qui confirme la règle. C’est un autre manière de se parfumer sans pour autant se contenter de jus simplistes et un peu trop unisenteurs si j’ose dire. « La Couleur de la Nuit est une merveille de complexité et le nombre de ses facettes est impressionnant tou au long de son évolution. Pour ma part, c’est sur la peau que le parfum s’est complètement exprimé. Isabelle Doyen et Camille Goutal en décrivent ainsi l’inspiration : « Des lumières énigmatiques dans les ruelles, diffusées par les ombres des lanternes rouge et reflétées par les trottoirs humides et scintillants. Une marche nocturne grisante dans la moiteur d’une nuit asiatique. L’élégance en clair-obscur d’un film de Wong Kar-Wai ».
Profondément moderne et urbaine, cette fragrance ne ressemble à rien d’autre et nous entraine dans une expérience olfactive un peu hors du commun. Ce ne sera pas le parfum de tout le monde mais, pour moi, c’est un réussite parfaite. L’envolée est très lavande, très dense et aromatique mais le coeur de géranium et de rose, lui apporte une douceur plutôt proche d’un chypre. Le fond de patchouli et de vanille est dense, profond, un peu épicé et terriblement addictif. Ce que m’évoque « La Couleur de la Nuit », c’est l’élégance en toute circonstance, entre simplicité et sophistication. C’est la petite robe noire, le tee-shirt blanc mais c’est aussi le smoking ou le costume en tweed, la robe du soir ou de cocktail. Complètement mixte, c’est un parfum inclassable, chic et, lorsqu’on le porte sur la peau ou sur les vêtements, on a sans cesse envie de le sentir. En tout cas c’est mon cas. Je ne dirai pas qu’il est mon préféré de la collection car je les aime tous et j’ai hâte que sorte le prochain, un très beau travail autour de l’immortelle mais nous en reparlerons. L’univers, pour moi, c’est une grande ville, le bar d’un hôtel chic, une coupe de champagne et une conversation passionnante. D’ailleurs c’est ça, quand je l’ai essayé, je n’ai eu de cesse que de le faire découvrir. Pour moi, « La Couleur de la Nuit » est une très belle réussite, un parfum émotion qui me touche particulièrement.
Isabelle Doyen et Camille Goutal
Mes carnets de voyages : Edimbourg
Je quis allé en Ecosse à plusieurs reprises et je dois dire que j’ai beaucoup aimé les villes autant que les côtes et les highlands. Je voudrais vous raconter Edimbourg que j’ai trouvé belle et accueillante. Elle est la capitale depuis 1535 et je dois dire qu’elle m’a beaucoup séduit avec ses façades, ses musées, ses pubs et quand même un peu de folklore que je ne déteste pas. J’ai connu Edimbourg pluvieuse, puis un rayon de soleil lui a donné un charme différent. C’est une grande ville entourée de collines volcaniques et construite autour de Castle Rock. On parle de la ville aux sept collines. Pour m’accompagner dans cette citée pleine de traditions, de végétation aussi, il me fallait le travail d’un parfumeur écossais et qui de plus talentueux pouvais-je imaginer que Euan McCall. Ses créations sont nombreuses et j’ai beaucoup hésité entre le côté très « roots » d’ « Une Île pluvieuse » qu’il a créé pour la marque franco-japonaise Senyoko mais, finalement, je suis retourné aux sources avec « Gorseland » qu’il a vraiment dédié à l’Écosse et à cette ville. Je ne pouvais pas rêver mieux. C’est un parfum que j’ai découvert par Fabien de Yuuminoki qui a été le premier à importer la marque Jorum Studio et la Scottish Odyssey Collection en France. Je porte beaucoup ce parfum que j’aime particulièrement et c’est vrai qu’il m’évoque les collines d’Edimbourg.
« La beauté et la déréliction qui coexistent au cœur des fleurs d'or néon jaillissant de la roche décolorée par le soleil ». Le parfum s’ouvre sur des notes de camomille, de pomme et de citron autour d’un accord vert d’ajoncs puis, après une longue évolution conférée par la concentration extrait, vient un coeur très original de sureau, de néroli et de géranium puis, en traces, un fond de cannabis. Les ajoncs de « Gorseland » me semblent tout à fait urbains et je crois qu’il fait référence à Salisbury Crags, ces rochers qui jouxtent Edimbourg. C’est un aromatique mais à la manière d’Euan McCall, c’est à dire qu’il casse tous les codes. Je le crois vraiment unique. Il s’ouvre avec des notes huileuses d’ananas, de néroli et de citron qui se posent sur un coeur d’absolu de lavande et de camomille. Le fond boisé me semble tout à fait discret. Pour moi, « Gorsland » est comme une lavande rêvée, je me sens un peu à mi-chemin entre les odeurs de la ville, les parfums des hommes en kilt et des femmes en tweed. Pour moi, c’est une création onirique inspirée d’une Écosse rêvée entre grand air et cité ancienne. Je dois dire que je suis assez emballé alors que je n’aime pas spécialement les aromatiques en règle générale. « Gorseland » est vraiment un parfum facile à aborder au départ mais il se corse, prend de l’ampleur, voire même de l’amplitude tout au long de son évolution et affirme sa personnalité et sa singularité. Je pourrais tout à fait le porter. Il est vraiment très élégant, contemporain et ancré à la fois dans une certaine tradition de la parfumerie. Pour moi, c’est une création vraiment aboutie. Je ressens tout le savoir-faire d’Euan McCall en le portant. Vraiment, et même s’il n’est pas forcément pour moi, je le trouve incroyable et il m’évoque la ville trépidante et entourée de collines d’Edimbourg.
Parfums Intimistes, la naissance d'une toute nouvelle maison
Suivre un projet depuis les premiers prémices est toujours quelque chose à la fois de gratifiant et d’un peu stressant car il y a un engagement personnel qui se met en place qu’on le veuille ou non. Il y a plusieurs années que j’échange avec Emma Clamme qui lance aujourd’hui sa maison de parfums et je dois dire que j’ai suivi pas à pas toutes les étapes de la réalisation de ce projet. Cette fois, ça y est, Parfums Intimistes est née. La marque se compose de trois parfums très différents mais dont le fil conducteur est, pour moi, une certaine poésie et peut-être même la notion de confort même si c’est un mot que je n’aime pas tellement. Après quelques questions, je vais essayer, tant bien que mal, de vous donner mon ressenti après avoir porté ces parfums pendant une journée entière. J’espère que la marque sera distribuée facilement et que vous pourrez découvrir les compositions d’Emma facilement.
Parfums Intimistes en quatre questions :
Bonjour Emma, tout d’abord d’où vous vient cette passion pour l’olfaction et comment vous êtes vous formée à la parfumerie ?
Origine de ma passion pour le parfum : J'ai toujours entretenu un rapport très intime avec le parfum, peut-être parce que je le considère non pas comme un objet mais comme la clef d'une expérience sensorielle et affective profondément humaine. Ma passion (viscérale) pour le parfum en tant qu'expression artistique (et, partant, comme symbolisation de l'intime) est née durant ma petite enfance au Sénégal où j'ai vécu entre l'âge de 3 mois et 7 ans. Là-bas, la sensorialité est culturelle et indissociable de son peuple, que ce soit du point de vue de sa joie de vivre ou de son accueil particulièrement chaleureux et généreux. Lorsque mes parents ont décidé de quitter brutalement ma terre natale, j'ai ressenti une terrible fracture et le parfum a représenté, je pense, une sorte de moyen de continuer à faire vivre cette enfance, ce pays en moi. Peu après notre arrivée, je suppliais ma mère de m'offrir Nahéma de Guerlain. C'est là qu'a démarré ma vie de"collectionneuse" (pathologique ) en quête perpétuelle de beauté et d'émotions olfactives. Ma formation : En 2018, alors que je travaillais comme psychanalyste, j'ai décidé de vivre pleinement cette passion dévorante pour le parfum en devenant parfumeur. Je me suis alors formée auprès de Cinquième Sens et The Perfumery Art School (parfumerie naturelle) avant de poursuivre, durant plusieurs années, ma spécialisation auprès de deux parfumeurs séniors ("Maîtres-Parfumeurs"). J'apprécie particulièrement ce type de transmission "à l'ancienne" auprès de différents mentors. En 2020, j’ai eu la chance de compter parmi les lauréates du concours international de parfumeurs Corpo 35. Cette reconnaissance de mon travail créatif (j'étais la seule à ne pas être issue d'une grande école de parfumeurs) par des professionnels m’a beaucoup encouragée à vivre ma passion pleinement.
Vous avez créé trois parfums abordant des univers très différents, quel en a été l’inspiration ?
Dans un premier temps, je vais vous présenter brièvement le concept de ma marque. Avec Parfums Intimistes, je souhaite avant tout redonner du sens au parfum en rappelant à quel point il est le miroir de nos préoccupations les plus intimes. En témoigne son rôle central (sacré, protecteur, hygiéniste, social etc.) tout au long de l’histoire de notre humanité. « Intimiste » signifie « qui s'attache à exprimer, de manière nuancée, les pensées, les sentiments les plus secrets » (CNTRL, Centre National de Recherches Textuelles et Lexicales). Avec Parfums Intimistes, je me suis donné comme défi de favoriser l’introspection des consommateurs grâce à une sensorialité (choix des matières premières, de leurs textures), une esthétique et un storytelling adéquats. Aujourd’hui, dans notre monde de plus en plus injonctif, agressif et anxiogène, les gens ressentent le besoin urgent de (re)trouver le chemin vers eux-mêmes, le plaisir de penser, de rêver, d’être à l’écoute de leurs affects, de renouer avec ce qui constitue le cœur de leur humanité. C’est dans cette perspective que s’inscrivent mes créations où l’idée de texture olfactive est absolument centrale. Je les ai conçues comme des bulles sensorielles dans lesquelles il fait bon se lover, rêver, s’écouter, se dire. En témoigne, d’ailleurs, ma Baseline* : « Se parfumer, c’est renouer avec l’intimité de ses sens, de ses émotions de ses désirs ».
Cocoa Patchmina m’a été inspiré par la poudre de cacao Van Houten de mon enfance, à son parfum envoûtant, tissé de baumes, de bois, d’épices grillées et d’animalité douce, à sa texture crémeuse, douce, onctueuse (une fois plongée dans du lait chaud). J’ai souhaité éviter l’écueil du chocolat gourmand dans la mesure où j’aime boire ce Van Houten sans sucre. J’ai accentué l’effet « shot de cacao » dès les notes de tête avant d’orienter le parfum vers un accord ambré piqueté de patchouli (il y en a pas mal), de résines et de notes (discrètement) animales pour offrir un parfum moelleux, chaleureux, enveloppant. Je ne peux dissocier ce parfum de l’idée d’un boudoir décoré de conversations (cf fauteuils du passé) et de rideaux en velours pourpre !
L’iris (et le cuir !) sont mes marottes car ils ont le don de texturer un parfum. Ces MP sont présentes dans chacune de mes créations !
Grain de peau fait référence, comme son nom l’indique, au grain de la peau et à sa texture qui varie selon nos émotions etc. J’ai voulu créer un parfum sensuel (et donc un chypre) qui puisse retranscrire une peau qui frissonne (traduite par un chaud-froid d’épices (cardamome, gingembre, cumin, muscade, safran) avant de s’alanguir (notes sensuelles cf immortelle, miel, prune, styrax). Pour changer de la rose (voir storytelling sur le site), j’ai préféré travailler un accord géranium plus original et mixte.
Quant à Nuit Pétale, il m’a été inspiré par les nuits d’été dans le sud de France (chez mes parents) où planait le parfum voluptueux et narcotique du jasmin Grandiflorum. Comme la texture est mon obsession (!), ce sont ses pétales que j’ai souhaité retranscrire dans ce parfum très peau dans la mesure où il évolue très doucement et avec beaucoup de sensualité à son contact. Il y a ici encore l’idée d’une bulle sensorielle dans laquelle se blottir pour mieux s’endormir....
L’univers visuel est très « romantique » au sens sensible du terme et s’harmonise bien avec le côté à la fois original et facile à porter des trois créations. Comment avez-vous choisi le graphisme et les couleurs ?
Je voulais créer un univers poétique et onirique (passionnée par la Vienne fin de siècle - mon mémoire de recherche de DEA d’allemand portait sur ce sujet - l’Art Nouveau m’a, entre autres, sans doute un peu inspirée) aux formes et aux couleurs douces, arrondies, charnelles. Comme déjà précisé, mon objectif est de créer avec Parfums Intimistes, une expérience sensorielle immersive mue par l’émotion et le partage.
Comment voyez-vous la diffusion de votre marque ? Où à-t-elle plutôt sa place ? Parfumeries ? Concepts Stores ? Grands Magasins ?
Une diffusion intimiste, au sein de parfumeries indépendantes et de concepts stores tout aussi intimistes (boudoirs, cabinets de curiosités) et singuliers dirigés par des personnes vraiment passionnées, humaines et sensibles aux valeurs de la parfumerie d’auteur.
Mon ressenti après avoir essayé les trois parfums :
Le premier que j’ai voulu porter, et ça ne surprendra personne, est « Grain de Peau ». En effet, j’ai une prédilection pour la famille chyprée et celui-ci rentre tout à fait dans mes goûts habituels. Emma en décrit ainsi l’inspiration : « Un jeu de textures évoquant la complexité d'un grain de peau grâce à un géranium encanaillé et une immortelle majestueuse vêtue de miel, d'épices et de douceur minérale. Une ode à la peau qui est au parfum ce que la lettre est au mot ». Le parfum s’articule autour de la prune, des épices froides mais aussi chaudes et revêt un côté rose et géranium aussi, miel comme crémeux. Le fond, sur ma peau, est très musqué, légèrement cuiré avec la présence de l’immortelle que j’aime toujours beaucoup. Ce parfum, est très facile à porter pour moi car, en dépit d’une construction plus moderne que celle des chypres classiques, il correspond à mes goûts. Il est à la fois épicé, ce qui ressort beaucoup sur ma peau, mais aussi floral et un peu « sous-bois ». En bref, il se fond parfaitement avec ce que j’aime même s’il sera, je pense, plus adapté à une saison plus froide. C’est un chypre résolument moderne, très addictif et qui s’inscrit vraiment dans les rares parfums de cette famille olfactive qui sont sortis ces dernières années. Il est audacieux et doté d’une forte personnalité. Pour moi, il sera le plus clivant de la marque pour l’instant. Je pourrais tout à fait le porter car il est vraiment proche de ce que j’aime et coche toutes les cases.
« Dans la torpeur moite des nuits d'été, le Jasmin Grandiflorum exhale son haleine narcotique et épicée. Bercée par la caresse de ses pétales veloutés-cuirés, je glisse dans le sommeil, prête à enfanter le rêve, ce voyageur clandestin qui n'est autre que moi-même ». « Nuit Pétale » est le second parfum que j’ai porté et et je dois dire qu’il m’a encore plus séduit que lorsque je sentais les essais qui ont conduit à la formule définitive. Un cuir qui s’associe à un jasmin grandiflorum et qui pourrait devenir un classique, il fallait y penser. On y retrouve, autour d’un cuir suède, très soyeux, des notes de vétiver qui lui assurent une tenue très longue, mais aussi des versants épicés, floraux, musqués et même fruités. Pour moi, il peut avoir des facettes un peu vintage mais, il faut le dire, il est l’un des cuirs les plus tendres et atypiques que je connaisse. La dualité de cet accord et de la force animale et pourtant un peu verte du jasmin est totalement harmonieuse. Vous l’aurez compris, « Nuit Pétale » est un coup de coeur. Vraiment, alors que je ne l’attendais pas forcément, j’ai adoré le porter et je vais le faire encore. Il est intemporel, peut se porter tout au long de l’année car il n’est jamais trop lourd. Vraiment, pour moi, « Nuit Pétale » est une réussite !
Je ne suis pas très client des parfums autour de la note de cacao et j’étais un peu rétif à essayer « Cocoa Patchmina » qui s’articule autour d’une version poudrée et très irisée de la cosse telle qu’on l’imagine, des notes animales et patchouli, avec quand même la douceur charnelle des muscles et d’un accord ambre. Au départ, je sens presque le cacao brut, ethnique, avec un côté ciste qui n’est pourtant présent dans la formule, puis le parfum s’arrondit et devient plus « tendre ». « Un cacao irisé , soyeux et enveloppant comme une étole en pashmina. Une bulle sensorielle tricotée d'ambre, de patchouli et de résines charnelles dans laquelle se blottir, loin du tumulte du monde. Une invitation à prendre soin de soi ». Sur ma peau, le parfum devient très rond, presque gourmand, avec un côté profond. Il est vrai que je suis loin de mes goûts et, même si je trouve « Cocoa Patchmina » super bien réalisé et bien vu, je ne pourrais sans doute pas le porter mais il complète l’offre parfaitement. C’est un parfum original, très singulier même dans son évolution. Je pense qu’il va trouver très facilement son public car il sort des sentiers battus mais il est également facile à porter.
Voilà, j’espère vous avoir donné envie de découvrir Parfums Intimistes et le travaille d’Emma. Pour ma part, j’ai essayé de garder un peu d’esprit critique mais le ressenti face à la parfumerie est toujours très subjectif et je l’assume bien volontiers. Je pourrais porter deux des trois premiers parfums de cette maison, ce qui n’est vraiment pas mal. En tout cas, je lui souhaite succès et longévité et, je l’avoue, j’ai hâte de la voir sur les rayonnages des parfumeries, peut-être confidentielles des grandes villes ou même des plus petites. En tout cas, assister à la naissance de cette maison est très passionnant pour moi et je voulais vous en faire profiter.
La note de mangue, addictive et exotique
« La mangue est le fruit du manguier. Ce dernier est un arbre tropical de la famille des anacardiacées. On le trouve actuellement au Brésil, en Cote d’Ivoire, en Asie et en Inde. On compte environ 2 500 variétés différentes de mangue, qui est le fruit tropical le plus consommé au monde. « Le roi des fruits », comme on le nomme parfois est particulièrement riche en carotène et en provitamine A. La mangue est juteuse, charnue, douce et fibreuse. L’utilisation de la mangue en parfumerie apporte un côté pétillant et une onde de fraicheur ». J’aime le goût de la mangue depuis toujours et il était bien naturel que je m’intéresse à sa restitution en parfumerie. Le soucis des fruits retranscrit est qu’ils sont souvent liés à des fragrances très sucrées. D’un autre côté, il y a, dans l’odeur de mangue comme un côté exotique, une invitation au voyage à aux vacances très nets. J’ai choisi quatre parfums très différents les uns des autres, pas tous franchement estivaux, mais très intéressant pour illustrer mon propos. Allez, suivons la peau verte et la chair jaune oranger de la mangue et profitons de ce qu’elle nous offre comme créations.
Un parfum qui s’ouvre avec des notes de mûre, e mangue et de poivre noir puis qui nous emmène sur un coeur de beurre réalisé avec des iris sauvages, de lotus et de jasmin pour se poser sur un fond de patchouli, de vanille et de sucre rose, tel est « Mango Skin » créé, pour Vilhelm Parfumerie en 2018 par Jérôme Épinette. « Il suffit d'une seule bouchée pour se rappeler les couleurs sauvages et les cieux interminables de l’Afrique du Sud; ces souvenirs forment une série de tableaux qui ont inspiré Mango Skin. Construit comme une explosion expressionniste, ce parfum est comparable à un fruit mûri à point. Sa saveur complexe, cocktail d’iris sauvage, de lotus noir et de jasmin, est relevée par des notes de patchouli, de vanille ainsi qu'une touche de sucre rose ». Il s’agit donc là de ma première invitation au voyage. J’ai réessayé ce parfum pour écrire cet article et je me rends compte que mon avis aujourd’hui, est sensiblement le même que celui que j’ai eu lorsque j’ai découvert la marque il y a quelques années lors de l’ouverture de la boutique parisienne. C’est un joli parfum mais je suis beaucoup plus amateur des notes de tête et de coeur que je peux l’être du fond que je trouve vraiment très boisé, presque un peu synthétique et pas forcément très agréable. J’avais tourné autour à l’époque et je comprends pourquoi je n’ai pas transformé l’essai. Le côté boisé, sucré et la disparition, au cours du développement, de la note de mangue m’a un peu déçu. Je pense, néanmoins, qu’il s’agit d’un parfum réussi mais il ne correspond pas tout à fait à mes goûts.
«Manguier Métisse » créé par Pierre Guillaume Pierre Guillaume en 2019 pour sa collection noire. « C’est une métaphore boisée, un nectar floral suave et pénétrant teinté d’un extrait de Mangue fraîche…Un double accord d’Ecorce de Manguier, poudré aromatique fruité, quelques feuilles de Thé Noir, le tout réchauffé par le sucre exotique de la Fleur de Frangipanier ». Le parfumeur met en avance un accord d’écorce de manguier et de mangue fraîche mis en valeur par la fleur de frangipanier. Beaucoup plus exotique mais aussi plus simple que le précédent, «Manguier Métisse » est une vraie invitation au voyage. Il est aussi le parfum le plus solaire de ma sélection mais aussi le plus léger, en tout cas sur moi. Il est très puissant lorsque je le vaporise puis il se fait aérien et soft. Je l’aime beaucoup. Je me vois bien le porter en sortant de la douche ou pour aller dîner un soir d’été dans un restaurant où l’on servirait des plats de cuisine du monde. Il n’est peut-être pas aussi inédit que les deux précédents mais je l’aime bien. Il me plait, par le côté agréable qu’il y a en sentant. Je pourrais également me l’approprier sans problème même si je le trouve plus convenu.
« Casamance. Savane paisible. Début de cérémonie bercé par l’harmonie magique d’une kora. Un cuir mirage. Sauvage, boisé et épicé » tel est décrit « Cuir Kora »créé par Amélie Bourgeois et Anne-Sophie Behaghel en 2017 est un cuir mangue. Il s’ouvre avec cette note associée à la cardamome et à la pêche puis arrive un cuir très dense, sec et profond soutenu par la résine l’elemi, puis le parfums se pose sur un très beau fond boisé arrondi par le labdanum et surtout par le benjoin. Pour moi, ce parfum est le plus original de la marque. Il est superbe sur ma peau. J’ai tourné autour cet hiver et, vraiment, il ne ressemble à rien d’autre. Le porter ou ne pas le porter, là lest la question. Je ne sais pas. Je l’essaie, toujours et encore mais il n’est pas estival et je réserve ma réponse pour plus tard. En revanche, je l’aime beaucoup, c’est un cuir très élégant, particulièrement rare et original. En tout cas, je l’ai re-senti et re-porté récemment et j’ai aimé.
La note de mangue, pour moi, est vraiment addictive. J’ai apprécié ces quatre parfums et je me dis que j’ai bien fait d’explorer la note. En tout cas, j’aime beaucoup le côté « juteux » qu’elle véhicule. J’aime beaucoup l’idée de fruités que je pourrais porter et ce n’est pas si facile pour moi.
Exquise trouvaille - "Musc Maori 04"
J’ai eu l’occasion de remettre mon nez sur « Musc Maori 04 » créé par Pierre Guillaume en 2005 pour Parfumerie Générale (devenue Pierre Guillaume Paris) et je dois dire que s’il ne s’agit pas, pour moi en tout cas, précisent d’une exquise trouvaille car je ne pourrais pas le porter, je le trouve pour le moins réussi et très singulier. Ce serait plutôt une originale trouvaille. Le parfumeur en décrit ainsi l’inspiration : « L’eau à la bouche… Le bois de Cumaru, à la douceur lactée, est rafraîchi de notes vertes de fleur de caféier présidant à un accord tout en contraste sur le thème du noir et du blanc : musc blanc et fève de cacao s’unissent dans une harmonie gourmande inattendue. À l’effet charnel pur et sobre du premier répond la douceur suave et poudrée du second mise en résonance par l’Ambre vanillé et la Fève Tonka. Le Musc Maori est une eau gourmande, aux tonalités orientales qui développe un sillage charmeur, doux et enveloppant. Un parfum malicieux, faussement frivole qui fait corps avec la peau pour en célébrer toute la sensualité ». J’avoue qu’il m’a complètement dérouté. Voilà un parfum faussement gourmand, avec une note de cacao très présente mais aussi une certaine fraîcheur et pas mal de rondeur lactée. J’ai cherché à percer un peu ce mystère qui me fait le trouver intéressant alors qu’il coche toutes les cases de ce que je n’aime pas d’habitude.
Pierre Guillaume
La marque évoque des notes de bergamote en tête, de chocolat chaud en coeur et de muscs blancs ainsi que d’un accord ambré et poudré en fond. Je dois dire que je sens vraiment bien la bergamote qui peut être présente sur peau un certain temps et se mêle très bien à ce côté chocolaté, très rond et lacté. Mieux même, elle le contrebalance. J’aime beaucoup l’idée du mélange agrumes et cacao. Cela compose un parfum vraiment inédit. C’est son point fort, enfin à mon sens. J’émettrai tout de même des réserves. La note lactonique s’avère aussi très persistante et ce n’est pas ce que je préfère même si elle me dérange beaucoup moins que dans d’autres compositions notamment lorsqu’elle renforce le côté crémeux du bois de santal. Je trouve que c’est un parfum, somme toute, intrigant et qu’il faut découvrir. Il y a beaucoup de créations dans la marque et il est vrai que Pierre Guillaume n’a pas vraiment de barrière et qu’il explore de pistes olfactives. Merci à Jérémy pour cette redécouverte.
L.T. Piver, une renaissance ?
Je ne vais pas revenir sur l’historique de la maison LT Piver dont la création remonte à 1774, qui a été la première marque à utiliser des molécules de synthèse au XIXème siècle et qui a traversé le temps avec des hauts et des bas mais je voulais absolument évoquer, avant toute chose, la renaissance d’une maison emblématique et à laquelle je suis très attaché. En 2022, la marque a été rachetée par Nelly Chenelat-Durand, directrice de la société NCDR Parfums et qui, forte de son expérience, a décidé de la dépoussiérer pour la faire revenir à la place qu’elle mérite, celle d’une maison patrimoniale et historique. Je ne résiste donc pas à vous partager ce que j’ai appris sur le site en construction qui annonce le retour, sur le marché, et sans doute dans les parfumeries, de cette maison qui m’est, je le redis, très chère.
Nelly Chenelat-Durand a décidé de relancer les huit parfums incontournable de la marque, « Cuir de Russie », « Héliotrope Blanc » (apparemment devenu « Héliotrope ») « Rêve D’Or », « Pompeia », « À La Reine des Fleurs », « Un Parfum d’Aventure » dans deux concentrations, eau de toilette et eau de parfums, ainsi que toute une gamme de produits cosmétiques, une ligne de soin et de senteurs pour la maison. Le site annonce aussi le lancement de collections en édition limitée. Je n’ai encore rien senti mais j’ai vu les visuels et, franchement, ça me donne envie que le site soit effectif et que les parfumeries fassent, peut-être, le choix de distribuer cette maison incontournable et historique. Je voulais donc, en avant-première, faire cette annonce en attendant une revue qui viendra compléter mes impressions lorsque j’aurais accès aux créations.
Tout cela pour dire que je souhaite vraiment, très sincèrement, beaucoup de succès à Nelly Chenelat-Durant pour son pari qui est, il faut le répéter, une prise de risque. Les visuels sont très beaux, le site promet de vraiment donner envie alors vivement que nous puissions découvrir les créations !
La Emperor Collection d'Electimuss
L’une d’entre-vous m’a offert très gentiment des échantillons de la très onéreuse collection Emperor de la marque britannique Electimuss et je dois dire que j’ai mis un certain temps à me décider à les essayer. Je n’aime pas trop mettre en avant quatre parfums que je considère comme assez difficile à aborder, que ce soit au niveau de son univers ou à celui de leur prix (445 euros pour 100 ml c’est une somme !) mais je me suis dit qu’il fallait que je fasse honneur à ma lectrice qui a vraiment adhéré à ces quatre compositions d’inspiration orientale très nette, donc, assez éloignés de mes goûts habituels. J’ai fait mes devoirs et les ai posés sur ma peau pour une certaine durée. C’est une gamme très qualitative et je vais essayer de vous donner mes impressions, très subjectives, en essayant de me montrer le plus honnête possible. Allez, je vous emmène :
Créé par Julien Rasquinet, « Cupid’s Kiss » est le premier que j’ai essayé et je dois dite qu’il m’a vraiment surpris. Le parfumeur en exprime ainsi l’inspiration : « L'amour peut prendre de nombreuses formes, qu'il s'agisse de l'amitié, de la famille ou de l'amour romantique. Quelle que soit la forme d'amour considérée, une chose est sûre : elle est compliquée. Cette complexité se reflète dans les facettes très détaillées et nuancées du parfum Cupid's Kiss. De la délicatesse exaltante du début du poivre rose au confort doux du cœur d'orris, en passant par les éléments sophistiqués de daim de la base, une chose est sûre : Cupid's Kiss est un parfum qui convient à la plus intemporelle des entreprises humaines, l’amour ». En effet, c’est un cuir un peu poudré, profond, très intense. Sur son site, la boutique Jovoy parle d’un sillage extravagant et je trouve que c’est la cas. J’y suis allé tout doucement et j’ai eu raison. L’envolée de bergamote et de poivre rose m’a ravi c’est vrai. Il y a quelque chose de doux et piquant en effet et le coeur d’iris et d’immortelle n’est pas sans rappeler des cuirés que je pourrais porter. En revanche, je l’admets bien volontiers, je suis moins attiré par le fond, en apparence très doux avec un accord daim mais, finalement, très dense car il est associé à des notes de labdanum, de oud qui m’a semblé naturel et de santal. « Cupid’s Kiss » est un cuir ambré très qualitatif, je ne veux pas dire le contraire, mais il est beaucoup trop dense pour moi, je ne pourrais pas le porter même par petites touches même si j’aime le côté clair-obscur que je trouve très abouti. Il est réservé aux amateurs de cuir très tranché et il faut l’essayer à plusieurs reprise pour en saisir la complexité.
« Le gladiateur que nous avions en tête comme source d'inspiration pour ce parfum est un noble guerrier. Un vainqueur doté du courage, de la puissance, de la sagesse et de l'habileté nécessaires pour gagner dans l'arène des gladiateurs, mais aussi un leader né avec confiance, intégrité et dignité. Mon rêve était de créer un parfum emblématique digne de ce nom : un oud addictif et portable combinant l'habileté et la physicalité d'un combat avec la noblesse d'un véritable leader, le tout dans le théâtre impressionnant de l'arène de gladiateurs. Pour réaliser ce projet, nous avons collaboré avec Julien Rasquinet. Gladiator Oud est un parfum magnétique, unisexe et sans effort », tels sont les mots de la marque et de Julien Rasquinet pour nous expliquer d’où vient « Gladiator Oud » lancé en 2023 et qui est, je ne le cache pas, le parfum de la collection que j’ai eu le plus de mal à aborder. Là encore, la tenue et le sillage sont atomiques. Le départ d’ambre gris, de safran et de cumin allie des notes très animales à un côté presque minéral que je trouve vraiment abrupte. Le coeur de géranium, légèrement mentholé est assagi par des notes de miel et d’immortelles très finement travaillées mais je ne supporte que très difficilement le fond de oud, encore plus dense que ce à quoi je m’attendais puisqu’il est associé au patchouli, au cèdre et au vétiver. J’avoue qu’il m’a vite dérangé et que j’ai du le retirer de ma main. Il y a quelque chose de vraiment déplaisant pour moi à le porter car il est trop éloigné de mes goûts. Je pense qu’il doit plaire car il coche toutes les cases des amateurs de oud animal mais je passe mon tour.
Lancé en 2020 et créé par Christian Provenzano, « Octavian » est le troisième parfum que j’ai essayé et il est aussi le plus classique de la collection : « Une somptueuse fragrance unisexe à base de rose, sublimée par des ingrédients exotiques que l’on pouvait trouver dans l’empire romain ». Opulent, luxueux, il s’agit d’un Oud-rose comme on en trouve d’autres sur le marché mais il m’a semblé plus finement travaillé que certains. Il est vrai que c’est un univers parfumé qui ne me parle pas du tout. On y retrouve une envolée, devenue classique, de safran et de poivre rose, un coeur de rose et d’encens très très dense et un fond de oud ambré peut-être un peu plus « occidentalisé » que dans les précédents. Je mets des guillemets car il est quand même animal. La tenue et le sillage, comme ceux de toute la collection, sont vraiment très intenses et je dois dire que c’est un peu trop pour moi. Je me suis astreint à le porter un peu plus longtemps. Franchement, je l’ai trouvé réussi mais je ne pourrais absolument pas porter ce type de composition. En général, j’aime beaucoup le travail de Christian Provenzano et c’est vrai qu’il y a quelque chose de virtuose dans ce parfum mais je ne l’ai pas apprécié car ce ne sont pas du tout mes notes. En revanche, je comprends pourquoi il a séduit la personne qui m’a adressé les échantillons car il s’avère très qualitatif.
Un départ de bergamote, un coeur de cognac et de rose et un fond de oud, d’ambre gis, de vanille et de santal, tel est « Amber Aquilaria », créé par Christian Provenzano en 2019 et qui a inauguré la collection. « De riches notes de cognac donnent toute son intensité à cette création puissante qui s’ouvre par de lumineuses et pétillantes notes de bergamote. S’ouvre alors un cœur charnel de roses qui apporte un effet de velours avant de se parer des notes opulentes et chaleureuses d’ambre, de santal, de vanille bourbon et de oud ». Je dois dire que, dans l’absolu, ce parfum qui a inauguré cette collection, est mon préféré même s’il est vraiment hyper intense et rond. Dès la vaporisation, on sent la qualité des ingrédients et j’ai été séduit, je dois bien le dire. Le parfum est une « grosse machine », il en impose, il m’emmène assez dans des fauteuils en cuir, dans un club privé enfumé londonien (où je ne suis jamais entré), en tout cas, c’est l’idée que je m’en fait. Ce parfum, j’ai cherché longtemps à quoi il me faisait penser et j’ai fini par trouver. Il est dans le même esprit que « Baraonda », créé par Alessandro Gualtieri pour sa marque, Nasomatto que j’ai un peu porté. J’ai la même attirance mais je sais que, à terme, je ne pourrais pas le supporter. En tout cas, c’est une très belle création, dotée d’un sillage et d’une tenue incroyables. Il est mon préféré de la collection mais, encore une fois, il n’est pas pour moi.
Je voudrais remercier Katharine, qui vient sur ce blog depuis le début (et ça commence à dater) et qui m’a envoyé ses échantillons pour me faire découvrir la Emperor Collection . Ça m’a pas mal bousculé et ça fait du bien ! Vous l’aurez compris, ces parfums ne sont pas pour moi et je les trouves très dispendieux mais il faut reconnaitre qu’ils sont qualitatifs. En tout cas, je suis content d’avoir « tenté le coup » et essayé de les porter.
Chris Maurice, au pays des notes fruitées
Avec la découverte de la très belle maison Phenom, sortie il y a tout juste quelques mois, j’ai eu envie de me pencher sur le travail de Chris Maurice, qui a déjà créé beaucoup de compositions, entre-autres pour Xerjoff ainsi que d’autres maison italiennes. Il est né en Espagne dans une famille de parfumeurs et demeure aujourd’hui l’un des directeurs de Carbonnel S.A., une société de composition ibérique. Il a beaucoup travaillé en Europe, en haute parfumerie et a déjà, à son actif, près plus de 250 créations. J’en connais quelques unes et j’ai eu envie de venir vous en parler car, si je ne l’avais pas remarqué jusque-là, je trouve qu’il a une signature, notamment dans son travail sur les notes fruitées (la pêche en particulier) que je trouve très intéressante. J’ai adopté, il y a peu, une de ses compositions pour Phenom, « Fleur de Socotra », et je dois dire que c’est un énorme coup de coeur. Je vais tenter d’explorer avec vous la toute petite partie du travail de Chris Maurice que j’ai pu découvrir et essayer. Allez, je vous emmène…
C’est grâce à Anissa de la parfumerie parisienne Uni/vere que j’ai découvert, il y a quelques mois, la collection d’extraits de la maison Atrophil & Stella. J’ai, entre-autres, été très impressionné par « Love In Lost » créé, en 2020, par Chris Maurice. « Comme un pétale qui retourne magiquement à sa corolle après s'être posé au sol, Stella s'est nichée dans la rose des cieux, cherchant à préserver la sensation de proximité avec Astrophil. Elle a réalisé que l'univers exhale le parfum de l'attraction et a pensé que si chaque fleur se fane pour ensuite refleurir à nouveau, tout amour est perdu seulement pour être retrouvé ». L’envolée de bergamote, très qualitative, douce et acidulée à la fois et de néroli assez vert nous conduit vers un coeur de rose de Bulgarie, de géranium égyptien et de jasmin sambac d’Inde pour se poser, après une très longue évolution, sur un fond très délicat de mousse de chêne et de vanille de Madagascar soutenu par un accord ambre que je trouve presque cuiré. J’ai vraiment aimé ce parfum. Il est délicat mais puissant, élégant mais un peu « sauvage ». Chris Maurice a réinterprété l’ambré fleuri à l’ancienne en lui ajoutant une touche de modernité un peu surprenante, très addictive. « Love Is Lost » n’a pas perdu l’amour bien au contraire. C’est un parfum de séduction.
« Ambrosia est une danse légère entre fraîcheur et douceur, une fragrance qui invite à l’évasion. Son éclat fruité, gorgé de la vivacité du fruit de la passion et de la mangue verte, éveille les sens d’une énergie joyeuse et lumineuse. Au cœur de cette envolée, l’ambre et la fève tonka se mêlent dans une chaleur boisée et réconfortante, offrant à la composition une profondeur sensuelle et enveloppante. Une véritable invitation à la légèreté et à la quiétude », c’est grâce à Kenza et Abed de la boutique Evok à Lyon que j’ai redécouvert « Ambrosia » créé en 2025 pour Phenom par Chris Maurice et je dois dire que c’est un coup de coeur. Je l’avais aussi senti cet hiver à la parfumerie Univ/ere et je l’avais bien aimé mais mon impression s’et plus que renforcée. Solaire, chic, très délicat, c’est un parfum pour soi, pour se faire plaisir. Il s’ouvre sur des notes de mangue verte très juteuse, de pêche ultra-présente et un peu duveteuse et de fruit de la passion qui ne fait jamais cheap. Le coeur de jasmin adouci par le lait de coco me plait. C’est curieux. Je n’aime pas tellement le goût mais cette note me plait à sentir en parfumerie. Le fond, de vanille, de cèdre et de fève tonka, enveloppé du même accord ambré, me réjouit. Je pourrais tout à fait porter « Ambrosia ». Je le trouve parfaitement réjouissant. C’est un très très joli parfum à découvrir absolument.
Je n’ai encore jamais parlé de la marque anglaise Sarah Collins, pourtant je l’ai découverte grâce à l’une d’entre-vous et j’ai beaucoup aimé. Cet article sur Chris Maurice est une petite entrée en matière car il a composé plusieurs parfums pour la marque dont« Peach's Revenge » sorti en 2024 et qu’il décrit ainsi : « Ce parfum évoque la sophistication et les intrigues de la Renaissance à travers la richesse d’une pêche vicieusement juteuse, associée au pouvoir et à la séduction. Il débute avec une explosion de fruits voluptueux: pêche, goyave, et prunelle, annonçant son entrée avec exubérance. La douceur enveloppante de la vanille et du caramel prépare le terrain pour un moment de tentation irrésistible, tandis que l’orris apporte une texture de velours sous l’atmosphère opulente de la Renaissance. L’intrigue se densifie avec l’apparition des épices; cardamome, gingembre, et cannelle ajoutent une dimension complexe et épicée, évoquant l’aspect machiavélique du parfum. La transformation de l’écorce en bois et les poignards d’ambre soulignent la dualité entre la beauté et le danger. La finale sur une note d’amaretto rappelle subtilement que derrière la douceur séduisante de la pêche se cache une potentialité toxique, symbolisant la complexité des jeux de pouvoir de l’époque. Ce parfum est une ode aux contrastes, alliant séduction douce et danger élégant ». Vous le savez, je ne suis pas très amateur de parfums gourmands mais je suis assez client de ceux de cette maison délicieusement intrigante et je pense que j’ai bien choisi les mots. « Peach's Revenge » est, comme son nom l’indique, un travail autour de la pêche et je le trouve très réussi. Elle est présente dès la vaporisation et associées à des notes de nectarine et de goyave ainsi que d’amaretto. L’ensemble est fruité, un peu gourmand mais surtout très « juteux » et doux. Le coeur d’iris se fait poudré, presque terreux mais il est rehaussé d’épices telles la cardamome mais aussi le gingembre et la cannelle. Le fond est légèrement boisé, ambré et surtout très musqué avec aussi un versant un peu caramel. L’ensemble est sans prétention mais diaboliquement bien réalisé. Chris Maurice a réussi à rendre ce parfum à la fois addictif et élégant.
« Une composition très moderne où de délicates notes de fruits enveloppent l'éclat et l'effervescence de la rose. Un sillage envoutant, enrichi d'une précieuse note de vanille » tels sont les mots de la marque italienne Bois 1920 pour décrire « Oro Rosa » créé, comme son nom l’indique, en 2021, pour la collection Oro et dont je possédais un échantillon. Je l’avais oublié et j’ai été enchanté de le remettre sur ma peau car il est vraiment ultra réussi avec un départ de poire juteuse, de melon, de pomme et d’orange très amère à ce que je peux en sentir. Le coeur de rose et de litchi est un peu densifié par héliotrope et de jasmin pour un côté à la fois floral et amandé. Le fond de vanille et de muscs blancs complète parfaitement une création que je trouve particulièrement belle et bien trouvée. À mon sens, si « Oro Rosa » est indéniablement le parfum le plus classique de ma sélection, il est aussi une interprétation de la « reine des fleurs » en parfumerie que je trouve particulièrement inspiré. J’étais complètement passé à côté de cette composition et je me dis qu’il va falloir, un jour ou l’autre que je me mette vraiment à découvrir cette maison italienne qui recèle, j’en suis certain, de très belle créations. Chris Maurice en a conçu plusieurs et cela me donne envie de m’y arrêter.
Je n’étais pas vraiment très attiré par le travail de Chris Maurice pour Xerjoff mais j’admets volontiers que ce qu’il a inventé pour d’autres marques me correspond davantage. En tout cas, j’aime beaucoup « Fleur de Socotra » que je porte et qu’il a composé pour Phenom et j’ai hâte de découvrir la marque Librery, à mon prochain passage chez Uni/vere à Paris, une toute nouvelle maison dont il a signé les parfums avec Nathalie Feisthauer dont j’admire beaucoup le travail.
Les pays des lavandes
J’ai un drôle de rapport à la lavande. J’ai porté des parfums, tels « Pour Un Homme » de Caron, dans lesquels elle est utilisée en majeur, pendant des années puis je m’en suis complètement détourné. Pour une raison purement personnelle, j’ai eu l’opportunité de remettre mon nez dans certains parfums aromatiques qui la mettent en avant et il m’a semblé intéressant, avec mes goûts actuels, d’en faire une revue, la moins subjective possible et ce n’est pas facile, afin de vous donner peut-être envie de vous pencher à nouveau sur cet ingrédient qui n’est ni dans l’air du temps ni franchement moderne. Alors lavande de Provence ou d’Écosse ? Je vais essayer de faire la part des choses de mon mieux et de vous donner envie de sentir et de sentir encore
Quand j’ai fait une revue sur la maison française Nissaba, je ne pense pas avoir évoque « Provence » créé en 2023 par Sébastien Cresp qui en décrit ainsi l’inspiration : « Ce qui me vient à l’esprit pour la Provence, c’est des grands champs de lavande. La Provence, c’est les grillons, la chaleur, la nature, la mer, la montagne Je n’ai pas fait un parfum classique, ou on a des ingrédients imposés. C’est vraiment moi qui ai choisi les ingrédients du terroir de la Provence : la lavande Diva, la plus belle qualité de lavande, la sauge sclarée, l’hysope, le lavandin et la coriandre. Ce parfum je l’ai construit autour de cet accord provençal. Ensuite je l’ai marié à un accord thé vert, je l’ai sophistiqué avec d’autres facettes ; des facettes épicées, végétales, vertes. Enfin j’ai travaillé un fond boisé et santalé. Quand je le sens, je suis transporté en Provence ». Je dois dire que ce parfum, très aromatique, m’a quelque peu dérouté. Je le trouve un peu abrupte, très solisenteur même s’il s’avère beaucoup plus complexe qu’il n’en n’a l’air. Il se détourne un peu de la fougère traditionnelle avec une envolée de coriandre, de menthe et de poivre noir très épicé qui contraste et donne du corps aux notes vertes très faciles à discerner. Le coeur est une lavande presque fleurie et rehaussée de sauge sclarée et, en toute fin d’évolution, le parfum se pose sur un fond résolument aromatique construit autour de l’hysope, une plante fleurie et herbacée très présente en Provence et qui et soutenue par des notes de cèdre et de santal. « Provence » n’est certes pas le parfum de tout le monde et Sébastien Cresp a vraiment utilisé ses connaissance de ce terroir pour en sortir une composition originale et naturaliste. Pour ma part, je suis un peu dérouté par cette création étonnante, presque un peu « brutale » pour moi mais je lui reconnais beaucoup de personnalité.
Avec « L’Eau de Sévigné », qu’elle a créé en 2020, Stéphanie de Bruijn prend le contrepied de la création précédente. « Cette eau de Cologne fraîche, légère mais raffinée que j’ai créé , rappelle l’élégance de la célèbre marquise et femme de lettres parisienne, qui habita la place des Vosges et baptisa la si belle rue de Sévigné. Vous retrouverez dans cette Cologne la pureté de la lavande et la douceur du petitgrain, relevés avec audace par une touche pétillante, apportée par la Bergamote ». Elle effectue un travail beaucoup plus en douceur et en légèreté, comme une Cologne à l’ancienne, avec une envolée de bergamote, un coeur super élégant de lavande et de menthe et un fond qu’elle a voulu plus tendre avec un néroli vert et floral renforcé par le petit-grain et le romarin. J’ai beaucoup aimé « L’Eau de Sévigné ». C’est une très belle création qui coche toutes les cases pour devenir un grand classique de la parfumerie. Je lui trouve même un côté un peu « à l’anglaise » dans le traitement très floral de la lavande. Je ne sais pas quelle qualité de plante elle a utilisé mais cela m’a rappelé un peu les Cologne écossaises vendues près d’Aberdeen. J’ai trouvé le côté un peu désuet vraiment charmant. C’est un parfum d’élégance qui plaira autant aux hommes qu’aux femmes tant il est androgyne et universel. Pour moi, réinventer la lavande au sein d’une Cologne sans trop explorer ce que je connaissais est un tour de force.
« La lavande est si attachée à la Provence que parfois les cultivateurs ignorent qu’elle fut introduite lors des invasions romaines qui donnèrent à cette région le nom Provincia Romana d’où dérive son nom actuel ». Avec son départ de lavande et de cassis, son coeur de cèdre et son fond musqué, « Lavande Romaine », créé en 2020 par Jean-Claude Ellena pour la collection de Grasse de Perris Monte Carlo est, à mon sens, vraiment emblématique du travail épuré autour de cette note. Le départ est littéralement fruité et acidulé, totalement addictif, puis le parfum se fait aromatique, boisé, presque grillé un peu comme « Gris Clair » de Serge Lutens qui, je crois, n’existe plus. C’est une lavande vraiment évocatrice. Elle me fait penser aux champs qui se trouvent un peu dans les terres mais près de la mer Méditerranée. J’ai un peu de mal à porter ce parfum même si je le trouve merveilleusement réussi. Pour moi, c’est un exemple parfait d’aromatique équilibré. Jean-Claude Ellena, avec cette formule courte, exprime la lavande plus qu’il ne la transforme. En tout cas, j’aime énormément le sentir.
J’ai toujours aimé l’approche « à l’anglaise » de la lavande. Je pourrais citer « Lavandula » de Penhaligon’s qui n’existe plus, mais aussi « English Lavender » de Yardley qui demeure, pour moi, un incontournable à petit prix. J’avais aussi envie de parler créé en 1995 par Jo Malone pour sa marque éponyme de l’époque et que j’ai beaucoup porté. « Un classique de la parfumerie masculine, revisité. La lavande française et le petit grain apportent une luminosité fraîche à l'ambre précieux. Cultivé et cosmopolite ». Je crois qu’on peut toujours trouver cette créations dans les archives de la marque mais qu’elle a été remplacée depuis, dans la collection permanente par « Silver Birch & Lavender » que je trouve plus sombre. La colonne vertébrale en est simple : un départ de petit grain très frais, avec des accents presque fleur d’oranger et une certaine amertume, une lavande camphrée très douce avec des notes de miel et de foin et un fond construit autour d’un accord ambré. Rien de bien révolutionnaire me direz-vous et vous aurez raison mais juste une certaine élégance, plutôt destinée aux hommes mais qui pourrait tout à fait plaire aux femmes élégantes. J’ai énormément aimé « Amber & Lavender », d’ailleurs je l’ai porté pendant des années. Je le connais bien mais je remettrais bien mon nez dessus.
Voilà pour ce petit tour d’horizon de la lavande dans tous ses états. J’espère avoir été un peu synthétique et ne pas trop m’être perdu dans mes souvenirs. En tout cas, j’ai eu beaucoup de plaisir à écrire cet article. Je ne vais pas mentir, pour moi, la lavande des lavandes reste, malgré-tout, l’incontournable « Pour Un Homme de Caron ». Je le trouve parfait et régressif. En tout cas, il demeure indémodable.
Promenade dans mes doses d'essai
Comme chaque mois, j’ai essayé quatre parfums dont je disposais d’une dose d’essai ou que j’ai pu porter en les découvrant en parfumerie. J’ai essayé d’aller un peu dans des directions opposées mais il faisait beau quand j’ai préparé cet article or je me suis plutôt concentré sur des créations un peu plus légères sans m’en rendre compte de prime abord. Je pense que je n’avais parlé d’aucune dans des articles précédent mais je me trompe peut-être. Enfin, ce n’est pas important. Le principal est de vous donner mes impressions maintenant, à l’instant T. Alors aurai-je eu un ou plusieurs coups de coeur ? Vous le saurez en lisant ces quelques lignes.
Je crois que je n’avais jamais essayé « Odalisque » créé, pour sa marque éponyme, par Patricia de Nicolaï et je ne sais vraiment pas pourquoi car il s’agit d’un chypre classique, très élégant avec une jolie tenue et un sillage très suffisant. « Les inconditionnels des parfums Chypre succomberont à cette valse à trois temps composée d’un trio d’agrumes et de muguet sur un fond mousse de chêne ». Je départ est très classique mais un peu vert et fusant. Il allie la douceur de la bergamote et de la mandarine, très présente sur ma peau, au côté plus herbacé du galbanum. Assez vite, nous arrivons sur un coeur très floral avec un accord muguet et un absolu de jasmin qui se poudre et s’arrondit grâce au beurre d’iris. Le fond, très classique, mousse de chêne et patchouli se poudre avec les muscs blancs. Sur moi, ce parfum a vraiment un développement très agréable, comme un voile chypré. Je le trouve très romantique, presque poétique. Patricia Nicolaï est une virtuose et, techniquement, elle sait très bien réaliser des compositions hyper équilibrées mais si elle n’avait pas autant de goût et d’imagination, ses créations ne seraient pas aussi séduisantes. Pour résumer, j’ai adoré porter « Odalisque » et je pourrais tout à fait le porter. Il me plait et il faudra que je m’y repenche lors d’un prochain passage en boutique. Vraiment, je suis séduit. Je trouve qu’il s’agit-là, d’une des plus belles créations de la collection. Patricia de Nicolaï a su, dès 1989, créer non pas de beaux parfums mais de grands parfums et « Odalisque » en fait partie.
« Dans le parfum reconstitué par Nicolas de Barry, l’accord Iris-Tubéreuse centralise un effluve sensuel où est incorporé l'Osmanthus de Chine et le Oud très en vogue à cette époque. Un parfum d'une provocante sensualité mais avec la touche aristocratique, proprement impériale, de l'Iris de Chine… ». Les parfums historiques de Nicolas de Barry sont devenus difficiles à trouver en boutique mais ils n’en demeurent pas moins vraiment réussis et ultra-qualitatifs. J’ai pas mal parlé de « George Sand » que je porte depuis de très nombreuses années, parfois aussi de « L’Eau du Prince Igor » qui est, à mon sens, l’un des plus beaux cuirs de Russie que j’ai pu sentir. Inversement, j’ai un peu laissé de côté « Wu Zeitan », dédié à l’impératrice chinoise du même nom et je ne me souvenais pas que je possédais un très grand échantillon (hélas sans vaporisateur) et que je pouvais le porter assez facilement. J’échange souvent avec Marion de la chaîne YouTube Des Paons Danse Cent Heures car elle porte cette création et j’ai eu très envie d’essayer vraiment. Je l’ai donc mis sur une journée entière, un dimanche, et j’en ai parfaitement profité. Il s’agit d’un travail tout en délicatesse et en élégance autour de l’une de mes fleurs de prédilection : la tubéreuse. Le parfumeur l’a travaillée comme pour en extraire un solinote. La tubéreuse, ici, est mise en valeur avec des notes d’osmanthus, d’iris et de bois précieux et le résultat est du plus bel effet sur ma peau. C’est une fleur pétale, exotique, mystérieuse, qui se développe comme un voile de légèreté. La tenue et le sillage sont limités (en tout cas sur ma peau) mais la beauté de la création me fait vraiment aimer ce parfum. Pour moi, c’est une pièce maîtresse de la collection Parfums Historiques de Nicolas de Barry et peut-être l’une de ses plus belles réalisations.

Créé par Sophie Labbé en 2020, « Cypress & Grapevine » a intégré la collection des Cologne Intenses de Jo Malone comme un masculin assumé. La marque a d’ailleurs choisi l’acteur britannique Tom Hardy comme égérie. « Pour celui qui savoure la surprise. Rencontres fortuites, coïncidences mystérieuses et changements imprévus. Tout est bienvenu ». Je dois dire que j’avais, à sa sortie en France, un peu passé mon tour mais Pénélope, de la boutique lyonnaise, m’avait gentiment offert un échantillon et je l’ai essayé à tête et à nez reposés chez moi pour me faire une idée plus précise. Comme toujours chez Jo Malone, nous ne connaissons que les notes principales mais elles sont quand même des points de repère. L’envolée de cyprès et de lavande se fait boisée, résineuse mais aussi aromatique grâce à la lavande et on a l’impression d’entrer dans une fougère classique mais le coeur de bois de vigne vient lui donner son caractère. Il y a presque un côté « oseille ». Le fond de mousse et d’ambertonic, une molécule qui se rapproche de l’ambre gris mais dans une tonalité plus fraîche, vient compléter un parfum qui sera, finalement, un vrai boisé. Sur ma peau, la tenue et le sillage sont assez « costauds » mais, au bout de quelques heures, le parfum se pose. Si je veux analyser mon ressenti, je dirais qu’effectivement, il va plaire plus aux hommes qu’aux femmes. Je le trouve presque des accents de reconstitution de musc animal. L’ai-je aimé ? Je ne sais pas. Il me laisse toujours aussi dubitatif. Peut-être est-il un peu trop tranché pour moi et ne suis-je pas la cible. Je préfère les parfums plus androgynes que je peux m’approprier sans références extérieures.

Pour sa marque, Rania J., la parfumeuse Rania Jouaneh a inventé « Jasmin Kama » en 2013 et je l’avais senti sans essayer. Elle explique : « Une fragrance sophistiquée, fraîche et pure. Créée à partir d’Absolue de jasmin et mariée à la douceur de la vanille et de la rose. Jasmin Kama est une invitation à l’amour et à l’enchantement ». Je possédais une dose d’essai et j’ai supposé que j’avais bien aimé le découvrir alors je l’ai essayé et, vraiment, c’est un parfum très étonnant car il s’agit d’une construction chyprée fraîche et douce à la fois avec un départ poudré de rose et de bergamote, un coeur de jasmin très envahissant et qui constitue son originalité. Le fond de patchouli, de santal, de muscs, d’héliotrope et de vanille lui confère quelque chose tendant vers un parfum ambré amis en restant, il faut le dire, dans une certaine légèreté, en tout cas sur moi. Le sillage est assez limité mais il me suffit largement. En revanche, je trouve la tenue très bonne. Travailler le jasmin sur un versant plutôt frais était assez original mais j’avoue que le fond m’entête un peu. Je pense que « Jasmin Kama » est, objectivement vraiment un très beau parfum, une création singulière et tout à fait intéressante à essayer. En revanche, sur moi, une note se développe et je la trouve un peu écoeurante. J’ai bien aimé le découvrir mais je ne le porterai pas. Ce sont les hasards des tentatives

Globalement, j’ai bien aimé les quatre parfums que j’ai essayé pour écrire cette revue mais le seul que je pourrais porter est « Odalisque » de Patricia de Nicolaï. « Wu Zeitan » est super beau mais, sur ma peau, la tenue est un peu trop limitée et je suis moins client de « Cypress & Grapevine » même si j’ai l’impression qu’il matche bien sur ma peau. C’est un peu la même problématique que j’ai pu rencontrer avec « Jasmin Kama », je l’aime bien mais… enfin je l’ai déjà développé. En tout cas, j’espère que, si vous croisez ces parfums, vous aurez l’envie de les essayer.
La note addictive de fruits confits
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C’est probablement avec les parfums de Serge Lutens, notamment, « Bois et Fruits », « Arabie », « Chergui » ou encore, et bien évidemment, « Féminité du Bois » que j’ai réussi à identifier cette note de fruits confits que je peux aimer comme détester. Le maquilleur, lorsqu’il a confié à Christopher Sheldrake le soin de créé des parfums, a toujours voulu que ces fruits, profonds, suaves sans jamais être trop sucrés, viennent arrondir ses parfums. Je me suis rendu compte, en sentant pas mal de parfums, que j’avais un rapport d’attirance et de répulsion à la fois pour ce côté parfois un peu trop prenant et gourmand mais que, dans la plupart des cas, je revenais sur les parfums comme si l’effluve rejoignait le goût, celui de l’enfance en famille, des bêtises dans « Les malheurs de Sophie » de la Comtesse de Ségur et que, finalement, c’était une note fascinante et tout à fait addictive. J’ai choisi d’en parler à travers quatre parfums dans lesquels je trouve qu’elle est très significative.
Le premier, j’en ai déjà parlé, est, bien évidemment « The Purple Bar » qui fait partie de la collection Cherigan et qui a été lancé en 2021. Je dois dire qu’il est, à ce jour, un peu mon coup de coeur dans la marque même si je le trouve peut-être quand même un peu gourmand pour moi. La marque en présente ainsi l’inspiration : « Purple Bar célèbre la folle ambiance des nuits parisiennes, au cœur des années 20. Dans les pages d’Anaïs Nin et de Henry Miller, le désir de vivre devient une quête des plaisirs. Traversant les sous-sols, les cafés, les bars, la soirée bat son plein. Un cocktail liquoreux zesté d’orange tremble aux pulsations de la musique, répandant son parfum fruité et caramélisé de davana, et ses notes épicées de cannelle et de girofle. Il se mêle aux peaux chaudes, animales, vanillées, où diffuse encore une goutte de patchouli. Si Paris est une fête, The Purple Bar en est l’incarnation olfactive ». J’aime beaucoup l’évolution de la fragrance. Je la trouve complètement réjouissante. Elle s’ouvre sur une envolée d’orange un peu amère pour nous emmener sur ce coeur de davana absolument magnifique et enveloppé de la douceur de l’amande et des fruits confits très présents contrebalancés par le fusant épicé du clou de girofle. Le fond, baumé, cuiré est organisé autour d’une cannelle et d’une vanille évidente soutenues par le labdanum et un patchouli très finement ciselé. C’est un parfum d’élégance un peu désuète, un peu « dans l’esprit » des orientaux des années vingt ou trente mais traité d’une manière plus gourmande, plus moderne. Je ne suis pas certain de pouvoir le porter mais j’adore le sentir. Pour moi, les fruits confits en coeur lui amène ce côté suave qui me donne envie de l’avoir sous le nez.
Lorsqu’Amélie Bourgeois décrit son inspiration lorsqu’elle a créé « Thé Darbouka » pour L’Orchestre Parfum en 2017, elle est d’une précision redoutable : « Insaisissable, fruité, épicé, Thé Darbouka est un voyage inoubliable dans la magie du désert saharien. Une fragrance gourmande, animale, magique ». Si je n’ai pas toujours adhéré aux créations de la marque que je trouve souvent un peu trop « classiques », j’ai beaucoup aimé ce parfum élégant et exotique à la fois. La construction est un peu la même puisqu’on démarre avec une envolée pétillante de bergamote et de poivre rose, qu’on arrive à un coeur d’immortelle qui me plait beaucoup et qui est équilibré du côté rond par les fruits confits très élégants et de l’autre, épicé, presque aromatique, par la baie de genévrier pour finir sur un fond cuiré de styrax adouci par une note de fève de cacao. Pour une fois, je trouve que c’est une invitation à des vacances en Afrique du Nord, avec une certaine gourmandise dans l’air, le soleil, le désert pas très loin et les repas, le thé, le côté un peu abrupte et délicat à la fois d’une culture un peu nomade. Je ne sais pas si je m’exprime mais, pour moi, « Thé Darbouka » est quand même le parfum d’aventurier qui aurait ramené d’un Orient inconnu, des odeurs qui constituent une vraie fragrance à porter. J’ai adoré « Thé Darboula ». Je passerai sur la musique qui lui est adjointe mais, il est l’un des mes trois coups de coeur dans la marque.
Il m’est impossible d’évoquer la note de fruits confits sans évoquer « Bois et Fruits », créé en 1992 par Christopher Sheldrake pour la collection du Palais Royal de Serge Lutens car je l’ai porté et il m’a vraiment séduit il faut bien le dire. « Variation sensuelle de "Féminité du bois", un parfum fruité, revivifié qui participa de l'origine de la parfumerie Serge Lutens et de l'ouverture de la boutique du Palais Royal. (…) Lui aussi descendait de cette « Féminité du bois » qui, en son fond, contenait un mélange complexe de quetsches et de prunes. Ici, non augmenté, mais traité en confit ». Ce parfum est, en quelque sorte un « Féminité du Bois » sans la violette mais avec le côté cèdre, fruits confits et un peu délicat voulu par le parfumeur. Je me souviens du jour où je l’ai découvert. Les notes de prune, de cerise, de poire, d’abricot, de figue et d’écorces d’orange venaient se mêler un des accents floraux et surtout boisés. Il a été, pour moi, une gifle olfactive il faut bien le dire. J’en ai porté 50 ml et je regrette qu’il n’existe désormais que sous forme de flacon de table car ce n’est pas un mode de parfumage que j’aime. Il n’en demeure pas moins l’une des créations les plus fascinantes de Christopher Sheldrake pour la maison. Je me demande si je ne le préfère pas à « Féminité du Bois » que j’aime pourtant beaucoup. « Bois et Fruits » n’est pas le parfum de tout le monde, je vous le concède bien volontiers mais il est, pour moi, au Panthéon des belles créations pour Serge Lutens, alliant ombre et lumière, gourmandise et structure. Pour moi, c’est une merveille, il n’y a pas à dire.
« Hommage à l'année où la famille Frapin s'est implantée en Charente et au cépage mythique de la Folle Blanche, 1270 déploie les arômes caractéristiques du cognac : fruits secs, noix, épices, vanille, cacao et miel blanc. Un concentré de plaisirs gourmands qui transforment la peau en festin des sens, réorchestré par Sidonie Lancesseur. Gourmand et raffiné, 1270 traduit les arômes du cognac en tons chaleureux qui passent du doré de l'ananas à l'orange confite, et du pourpre des pruneaux et des raisins secs au roux des noisettes... Les accents torréfiés du cacao et du café, soulignés de Havane, rappellent les saveurs qui s'accordent le mieux à la dégustation. L'odeur légère de la fleur de vigne et celle plus miellée du tilleul, qui annonce un fond de miel blanc, font souffler un vent de printemps sur ce parfum aux couleurs automnales. Les facettes vanillées et fumées du bois de gaïac évoquent une flambée de sarments de vigne dans la cheminée… ». Il m’était difficile d’évoquer la note de fruits confits sans évoquer « 1270 » de Frapin créé par Sidonie Lancesseur en 2010 et remis « au goût du jour » en concentration extrait par Jérôme Épinette cette année. C’est un parfum incontournable dans la marque et je l’aime bien même si je ne peux pas du tout le porter. Il est complexe, gourmand et addictif avec son départ d’ananas, de cacao, de noisette, de prune confite, de tonka, de café, d’orange confite et de raison, son coeur de fruits confits épicés de poivre noir et renforcé par l’immortelle et le tilleul puis son fond de miel, de gaïac, de vanille et de bois précieux. En clair obscur, les parfumeurs revisitent le gourmand et lui donnant un côté carnet de voyage une fois encore. Je trouve que la note de prune confite de la version extrait est plus profonde mais il me semble que l’original est plus facile à porter. Je l’aime beaucoup. J’ai pas mal tourné autour mais je n’ai encore pas franchi le pas. Il faut que je le réessaye encore et encore pour voir si je pourrais me l’approprier.
Je me dis, en écrivant et en re-sentant ces parfums, que, finalement, j’aime bien certains gourmands quand ils ne sont pas sucrés gratuitement. J’aime beaucoup ces parfums et, si je ne les assumeraient pas forcément, je me dis que la note de fruits confits que je trouve si addictive, je la retrouve dans « Or du Sérail » de Naomi Goodsir et « Ambre Russe » de Parfum d’Empire. En tout cas, j’aime beaucoup et contre toute attente. J’espère vous avoir donné envie de découvrir ces parfums. Merci de m’avoir lu. À très bientôt.
Un parfum d'Ylang Ylang
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Ylang ylang, quel nom exotique pour une fleur ! La première fois que je l’ai lu j’étais enfant et c’était sur la couverture d’une aventure de Bob Morane et Bill Ballantine écrit par le romancier belge Henri Vernes qui nous a quitté en 2021 à l’âge de 102 ans, ce qui n’est pas rien. À l’époque, j’ai du lire « Un parfum d’ylang ylang » mais je ne me souviens plus vraiment de l’histoire. Ceci dit, lorsque j’ai commencé à m’intéresser à la parfumerie, j’ai sans doute été influencé par le titre de ce livre qui m’a donné la curiosité de découvrir l’odeur de cette fleur. J’ai commencé par sentir l’huile essentielle avant de me laisser séduire par les parfums qui sont construit autour de cette matière première travaillée en majeur. Pour décrire l’odeur de l’huile essentielle, je dirai qu’elle est exactement ce que j’imagine de l’odeur des fleurs des îles lointaines et c’est sans doute ce qui m’a plu et qui m’a donné envie de sentir puis de porter des parfums dont l’ylang ylang est la composante phare. Il en existe beaucoup mais j’en ai sélectionné seulement quatre car j’en évoque souvent beaucoup. J’en ai sélectionné trois qui sont vraiment importants pour moi et m’ont souvent accompagné.
Je ne pouvais évidemment pas commencer cette revue sans évoquer l’une de mes signatures même si je l’ai un peu moins porté ces derniers temps. Je veux parler, bien évidemment de « Ylang Ylang Nosy Be » de Perris Monte Carlo créé en collaboration avec le parfumeur Jacques Fiori il me semble. Je lui ai déjà consacré un article et je ne vais pas me répéter mais, que ce soit en eau de parfum ou en extrait, je confirme qu’il est, pour moi, une vraie merveille et que je l’aime définitivement. Je le porte déjà depuis plusieurs années et je ne m’en lasse absolument pas. Certes, c’est plutôt une création pour les belles soirées d’été mais, en l’utilisant avec parcimonie, j’aime aussi l’avoir sur moi, durant les beaux jours de l’années, pour une sortie ou même pour aller travailler. Pour moi, « Ylang Ylang Nosy Be », sorti en 2014, est une création indispensable dans mon dressing parfumé. Pour le décrire à nouveau, j’ai envie de citer ce qu’en dit la marque : « Si « tropique » est un mot magique évoquant la lumière absolue mais également l'obscurité et le mystère, l'Ylang Ylang de Nosy Be est son parfum. Intense et enveloppant, l’Yang Ylang s'oxyde en libérant des notes animales inimitables. La qualité que nous avons trouvée sur cette île proche de Madagascar est sans égale en intensité : comme si la nature elle-même s'était chargée de créer un parfum où se mêlent tradition et nouveauté. Les notes de fleurs blanches, comme la Tubéreuse et le Jasmin Sambac, lui donnent un caractère voluptueux, fruité, exotique, qui séduira les personnes sensibles au côté onirique de la vie. Agrumes et Cardamome illuminent brièvement ce paysage sombre et romantique. En dernier lieu prédominent l’ambre ainsi que d'autres notes boisées et séduisantes. Et le rêve se poursuit ». L’envolée de poire, de pamplemousse et de cardamome nous emmène sur un coeur absolument parfait d’ylang-ylang rehaussé de notes de rose damascena, de jasmin sambac et de fleur d’oranger puis le parfum se pose sur un fond de vanille, de labdanum, de vétiver et de muscs. Pour ma part, j’ai une légère préférence pour l’extrait que je trouve un peu moins rond et légèrement plus naturaliste encore mais les deux versions sont une réussite. Pour moi, ce parfum est un must et il le restera.
« Le parfum intense de l'ylang Ylang, la « fleur des fleurs » aux longues feuilles effilées : douces, poudrées, florales, fortes, rayonnantes et incomparables, entourées d'un chœur de fleurs de frangipanier, Jasmin, Fleurs d'Oranger et Tiaré » Le second parfum que j’ai adopté est « Ylang Ylang » lancé en 2014 et créé par Lorenzo Villoresi. Celui-ci est beaucoup plus « botanique » et même si je crois aussi déceler une note de jasmin, il est beaucoup plus vert, plus frais que le précédent. Les notes de tête sont presque dérangeantes et « piquent le nez » mais très vite, au contact de la peau, il se développe et devient parfaitement élégant. Il s’ouvre en effet avec des note de fleur d’oranger, de jasmin que l’on retrouvera au coeur, de géranium bourbon et de néroli puis, après un moment d’évolution, viennent l’ylang-ylang et donc le jasmin sambac associés à la fleur de tiaré et à la rose. Le socle du parfum est également l’ylang-ylang mais associé avec des traces de vanille et de fève tonka. Complètement addictif, il me plait énormément et je l’ai beaucoup porté pour sortir de l’hiver et, des mois plus tard, entrer dans l’automne tant il me séduit. « Ylang Ylang » fait partie de la collection vintage de Lorenzo Villoresi et je suis passé à côté pendant longtemps avant de l’essayer et finalement de le porter. C’est une création vraiment originale. Je le trouve beaucoup moins exotique que ceux, plus opulents, vers lesquels je suis toujours tenté de me tourner. Ceci dit, lorsque je le porte, je développe une vraie addiction pour cette fragrance et j’aime le sentir et le sentir encore sur moi. « Ylang Ylang » fait partie de ces parfums atypiques qui illustrent parfaitement l’expression « parfumerie d’auteur ».
Je ne peux pas esquisser un article sur la note d’ylang-ylang sans évoquer l’un des parfums les plus épurés de la sélection. C’est grâce à Marion de la chaîne YouTube Des Paons Danse Cent Heures que j’ai découvert « Eau Moheli » créé par Olivier Pescheux en 2013 pour Diptyque et franchement, c’est une trouvaille ! « L’ylang-ylang se montre ici « grandeur nature », telle qu’elle vit et fleurit sur l’île de Moheli dans l’archipel des Comores: solaire, avec ses pétales jaunes, nichée au coeur d'une végétation luxuriante. On ne l’a jamais sentie ainsi, verte, épicée, à peine boisée, sans langueur ni opulence ». Je dois dire que je l’aime vraiment pour son naturalisme, sa délicatesse et toute la dualité entre la restitution de l’odeur de l’huile essentielle dans une concentration eau de toilette plus facile à aborder mais « Eau Moheli », ce n’est pas que ça. En effet, le départ poivre rose et gingembre nous appelle, le coeur d’ylang-ylang nous rassure et le fond de vétiver apporte un côté vraiment ultra-végétal à la composition. Olivier Pescheux a su restituer la fleur d’ylang, ses pétales avec un côté vert mais pas trop botanique, une facette joyeuse et exotique mais pas extravagante. Cette création est un vrai coup de coeur et je pense qu’il va intégrer facilement ma wishlist. Il pourrait bien être l’un des mes parfums de cet été. En tout cas, j’y pense. Je ne suis pas forcément très attiré par l’univers de Diptyque mais il y a quelques parfums qui font exception à la règle.
Il m’est absolument impossible d’évoquer l’ylang-ylang sans faire référence à celui qui, parmi tous ceux que je connais est mon préféré et qui est également la première création, en association avec Isabelle Doyen, de Camille Goutal. Il s’agit, bien évidemment de « Songes » sorti, en 2006 bien sûr chez Goutal Paris en eau de toilette et en eau de parfum (cette dernière version est, hélas, la seule qui est encore commercialisée alors que je trouvais l’eau de toilette plus facettée et moins « d’un bloc » mais ce n’est qu’une question de goût. Camille Goutal et la marque en évoquent l’inspiration : « " Je suis à l'île Maurice, sur la plage et la nuit vient tout juste de tomber sur les fleurs de frangipanier. Je ferme les yeux et je suis comme transportée par leurs effluves délicieusement solaires… ". Ce moment, Camille Goutal l'a d'abord vécu avant de le voir et le revoir, encore et encore. Elle l'a alors immortalisé en créant son tout premier parfum : Songes ». Après une très belle envolée de fleur de frangipanier et de tiaré, le coeur d’ylang-ylang et de jasmin sambac est épicé par des notes de cannelle et de cumin ce qui le rend absolument inimitable. Le fond de vanille Bourbon et de benjoin arrondit les effluves et les fixe dans mon esprit pour me le rendre absolument addictif. Pour moi, « Songes », c’est le printemps qui se fait plus chaud, l’été qui devient moins torride et la totalité de ces fleurs qui m’enveloppent. C’est aussi, comme une continuité, l’esprit Goutal rendu ultra moderne par le nez de deux parfumeuses qui savent travailler la note d’ylang-ylang comme personne. Pour moi enfin, « Songes » c’est mon parfum coup de foudre au-delà du coup de coeur.
Une magnifique bergamote de Calabre fraîche et douche, une mandarine tendre et des notes de davana ouvrent « Fleur de Socotra ». Viennent ensuite des versants pêche, jasmin sambac, tubéreuse, ylang-ylang, vanille, bois de santal et musc ainsi qu’une petite trace de chocolat blanc. C’est un parfum d’addition ! « Fleur de Socotra s’inspire de l’île mythique de Socotra, un havre où la nature déploie sa beauté sauvage et brute. Une ode florale, lumineuse et exotique, éclatante comme une lueur précieuse dans un jardin secret. Les fleurs blanches et jaunes, vibrantes et pleines de vie, saisissent l’essence d’un monde où la pureté et la chaleur s’entrelacent avec harmonie. Audacieuse, cette fragrance fusionne la délicatesse des pétales avec des touches gourmandes et sensuelles, offrant une expérience douce et envoûtante. Elle devient ainsi une invitation à s’évader, à se perdre dans un univers où beauté et sérénité se rencontrent ». Vous l’aurez compris, c’est un grand coup de coeur et, j’irai même plus loin, il est sans doute l’un des parfums les plus réussis que j’ai pu découvrir en ce début d’année. Vraiment, il me plait et de plus en plus. En outre, sa concentration eau de parfum lui confère une très longue évolution qui me donne tout le temps d’en profiter.
Pour résumer, je dirai que l’ylang ylang, moins coûteuse que certaines autres matières premières, est une fleur énormément utilisée en parfumerie et que je pourrais citer nombre de fragrances qui sont construite autour de cette fleur qui m’évoque, allez savoir pourquoi, la chanson de Jacques Brel « Les Marquises » et l’eau un peu sauvage qui perle sur les pétales de fleurs exotiques et mystérieuses. Je me suis seulement concentré sur les trois compositions que je connais le mieux. En tout cas, c’est l’une des fleurs en parfumerie qui me séduit totalement et je porte nombre de créations dans lesquels elle est travaillée en majeur. Chacun ses marottes, l’ylang-ylang en est une pour moi.
Mes carnets de voyages : Uppsala
Il y a bien longtemps, je suis allé en Suède. J’ai beaucoup aimé ce pays et particulièrement Stockholm et Uppsala. Je crois que cette ville m’a vraiment marqué par sa tranquillité et, malgré un climat vraiment rigoureux, par la jeunesse de sa population. Il faut dire qu’elle est située près d’un fjord et abrite la plus ancienne université de Scandinavie. Elle se situe au nord de la capitale et j’y suis allé dans un but précis. Peut-être que ceux qui m’accompagnaient s’en souviennent encore. C’était le printemps mais les jours étaient courts. Il faisait froid et sec. Je trouvais que la ville était une enclave vraiment très agréable dans une nature pas facile mais très belle. J’ai souvenir, le soir, d’une ville au bord d’un fleuve, très joliment éclairée, presque romanesque. Uppsala m’évoque des parfums divers, tout d’abord celui des lilas, un peu incongrus dans ce paysage mais aussi des bouquets de soucis devant une une fenêtre devant laquelle je passais souvent. Il y avait aussi un truc comme la fourrure d’un chaton. Peut-être parce que j’en avais croisé un très beau. La lumière diffuse en journée, la dame de l’hôtel, diaphane et souriante, les petits pains à la cannelle, le thé très fort… tout cela ou presque peut bien faire un parfum. Je ne me souviens plus ce que je portais à ce moment-là mais ça pouvait bien être « Sables » d’Annick Goutal. Je me suis un peu éloigné en allant puiser dans la collection de Vilhelm Parfumerie et j’ai remis mon nez sur la dose d’essai de « Dear Polly » créé par Jérôme Épinette.
J’avais eu vrai coup de coeur également pour « Dear Polly » créé par Jérôme Épinette pour Vilhelm Parfumerie en 2015. Je crois qu’il est d’ailleurs l’un des bests de la marque et c’est vrai qu’il est ma foi bien réussi et très élégant. La marque le décrit ainsi : «Un battement de cœur : l’odeur du thé noir, infusé à la perfection, comme elle l’aime. La lumière matinale fraîche comme une bouchée de pomme. La nuit qui relâche lentement son étreinte sur les sens. Le thé noir de Ceylan réchauffe la peau tandis que le musc sensuel frémit au dessous ». Construit comme un chypré sans patchouli, c’est un parfum complexe, inédit et très addictif. Le départ de pomme et de bergamote est déjà vraiment surprenant et le coeur de thé noir de Ceylan très fort vient renforcer cette impression de bien-être total. Le fond de mousse de chêne, de muscs et d’ambre noire est particulièrement dense. Je dois dire que le côté bois ambré n’est pas ce que je préfère et je trouve que, s’il assoit le parfum, il le fait perdre un peu en subtilité. Ceci dit, j’aime beaucoup « Dear Polly » et je crois que je pourrais le porter sans aucun problème toute l’année comme j’avais pu le faire pour « Tea For Two » ces dernières années. Il est sans doute celui dont l’esprit est le plus proche.
Exquise Trouvaille : "Carnal Flower"
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Depuis quelques années, je me rends compte que j'aime finalement bien la note de tubéreuse. Au départ, je ne la pensais que très opulente, animale, presque vénéneuse. Et puis il y a eu toute une série de Parfums que j'ai bien aimé voire même que j'ai pu porter. Et j'en découvre encore très souvent. J'ai souvent parlé de la tubéreuse sur ce blog mais je pense qu'il faut peut-être que je me recentre sur un parfum emblématique. J'aurais pu opter pour "Narcotic V" qui est un très bel extrait créé par Alessandro Gualtieri pour Nasomato mais finalement j'ai choisi Carnal Flower créé par Dominique Ropion pour les Éditions de Parfums Frédéric Malle en 2005. C'est un parfum complexe est extrêmement envoûtant. De plus je trouve que c'est une interprétation vraiment très intéressante de cette fleur que le parfumeur a rendue très stylisée. Elle revêt des facettes à la fois très florales et très animales voir même gourmandes. Au premier abord je n'aimais pas du tout ce parfum. Je le trouvais trop opulent et peut-être un peu écœurant. Il m'a fallu le mettre sur ma peau pour vraiment en apprécier toutes les facettes. Il est peut-être un petit peu trop diffusif pour moi mais il n'en demeure pas moins vraiment un chef-d'œuvre. Dominique Ropion s'est éloigné du modèle très floral et presque chypré de fracas créé après-guerre par Germaine Cellier et qui est pour moi un peu la référence en la matière. Dès la vaporisation il me fait penser un peu à cette odeur tellement prenante que portent dans l'air les tubéreuses à la tombée de la nuit à Grasse mais très vite le parfum se fait sophistiqué et extrêmement différent de l'idée que je m'en faisais. Le parfum se fait tout en facettes et nous emmène dans plusieurs directions. Je trouve que c'est un floral très étonnant avec vraiment une dimension animale et cosmétique.
Dominique Ropion
La marque le décrit ainsi : « La tubéreuse est une des plus merveilleuses créations olfactives de la nature. Dominique Ropion a travaillé dix-huit mois sur cette composition pour capturer les facettes tour à tour botaniques, animales, camphrées et toujours sensuelles de la fleur charnelle. Il nous offre une composition moderne et addictive de cette odeur qui obsède le monde de la parfumerie depuis toujours ». Le parfum s’ouvre sur des notes de bergamote, d’eucalyptus, de galbanum et de melon qui lui donnent un côté presque vert qui disparaît dès que l’on arrive sur le coeur construit autour de la tubéreuse enveloppée de jasmin et d’ylang-ylang puis le fond se fait ambré et légèrement musqué. « Carnal Flower » porte très bien son nom. C’est une tubéreuse qui peut avoir une dimension animale. Sur ma peau, je le trouve très évolutif. Je regrette un peu qu’il ne conserve pas plus longtemps le côté vert et très fusant du départ. Il n’en demeure pas moins un très beau parfum que j’ai été content de redécouvrir pour écrire cet article. Il a parfaitement sa place dans la rubrique des exquises trouvailles.