Room 1015, rock'n parfums
Je n’avais jamais écrit d’article sur Room 1015, la marque fondée par Michaël Partouche, venu du rock et de la pharmacie (et oui !) en 2015. La création des jus a été confiée à Amélie Bourgeois, Anne-Sophie Behaghel, Jérôme Epinette, Jérôme di Marino, Amelie Bourgeois et Serge de Oliveira et compte aujourd’hui 14 fragrances assez faciles à porter. Mickaël Partouche explique le postulat de départ : « Parfums d’une nostalgique liberté. Une parfumerie “plein-volume” dont l’histoire et les notes olfactives sont décrites au travers de chansons originales » et je crois que ça résume assez bien une démarche très « rock » et une inspiration tout autant musicale qu’olfactive. Je vais essayer de vous parler de quatre parfums que je connais assez bien afin de vous donner envie d’aller découvrir la marque. Nous ne l’avons pas à Lyon mais, vu que j’ai porté « Cherry Punk », je possède pas mal d’échantillons. Il m’a fallu restreindre la sélection et aller vers les parfums qui m’intéressaient le plus.
Je connais bien « Cherry Punk » (en version eau de parfum car, depuis est sortit l’extrait) que Jérôme Épinette a créé pour Room en 2020 car je l’ai pas mal porté. Il a quelque chose de très étonnant avec son départ de cerise enveloppé de safran et de poivre noir, son coeur poudré de mimosa et de violette avec une touche de jasmin et son fond de cuir, de patchouli et de fève tonka. C’est un parfum absolument contemporain avec quelque chose d’un peu subversif et pourtant, il demeure facile à porter. La dualité entre la cerise, très présente et le fond cuiré et légèrement poudré lui donne une drôle de sensualité mais aussi une curieuse élégance. Il m’a beaucoup plu. Je l’ai porté un peu par hasard mais c’est un parfum singulier qui me conforte dans l’idée que l’on peut vraiment trouver des parfums dits de niche dans les créations récentes. « 10:45 - elle est toujours en retard. Sirotant son Cherry coke avec un doigt de porto, ce Mimosa épineux en Rangers ouvre la boutique Westwood sur King’s Road. Vous auriez attendu une heure juste pour la voir tourbillonner avec les nouveaux vinyles, cette Violette insoumise dans son blouson en cuir tatouée de peinture. Perdue dans une douce rêverie, son rouge à lèvres brule votre peau, les volants blancs Jasmin de son chemisier donne une touche de romance... mais ne vous méprenez pas, peut être que ce Sex est pour les rebelles, mais ça vend. « 7 pounds for the “Pistols”, no coins, please. »
Pour décrire « Purple Mantra » créé par Serge de Oliveira pour Room 1015 en 2022, Mickaël Partouche, le directeur artistique de la marque écrit : « Purple Mantra est une expérience olfactive qui invite cette agréable sensation de calme intérieur dans votre vie quotidienne. Laissez-le amplifier la voix de l'Intuition et faire taire tout le reste ». D’accord, l’inspiration est un peu nébuleuse pour moi mais j’aime bien le parfum même s’il n’est pas pour moi. L’envolée de baies roses, de lavande et de freesia augure un peu une fougère mais le coeur, à la fois poudré et métallique de sauge et d’iris me trouble un peu. Il se développe très bien sur ma peau. Je le dis avec d’autant plus de facilité que j’ai un échantillon et que je le porte en écrivant. En revanche, je sens moins le fond d’encens, de myrrhe, d’ambroxan et de muscs blancs qui ne semble présent que pour faire tenir la fragrance. « Purple Mantra » est une création très singulière. Elle n’est pas forcément pour moi mais il y a de l’idée et je la trouve très bien réalisée. Je ne sais pas si j’arriverai à me l’approprier mais c’’est une expérience olfactive en effet et je me dis que j’aime décidément beaucoup le travail de Serge de Olivera.

« L'idée a été de créer une fragrance inspirée par le tatouage en mélangeant des notes de cuir et d'encre. Atramental est un parfum brut, à l'image de ce qu'il représente. Le castoreum et le cuir fumé rappellent la peau endommagée par l'aiguille. Puis se mêlent les notes métalliques de sang, d'encre et de bergamote aseptisée. Addictif... tel un tattoo » tels sont les mots de la marque pour décrire « Atramental » créé en 2015 par Anne-Sophie Behaghel et Amélie Bourgeois. Je n’avais pas senti ce parfum depuis longtemps et, pour être honnête, je ne savais même pas que j’en avais un échantillon mais, même si je trouve le fond un peu synthétique, m’a pas mal plu Il s’ouvre avec des notes fusantes de bergamote et de citron rehaussées par un ciste aussi incongru qu’inattendu. Le coeur est très épicé avec un poivre noir « incisif » et rafraîchi par une cardamome presque pétillante. Je dois dire que j’aime beaucoup le coeur qui entre pas mal dans mes goûts. Je suis, en revanche, un peu dubitatif sur les notes de fond qui est construit autour d’un bois, peut-être du cèdre, rendu animal par un accord castoreum et safran. Je suis un peu mitigé quant à « Atramental ». Je suis, en effet, très séduit par l’envolée et le coeur mais le fond me déçoit un peu, en tout cas sur ma peau. Je ne sais pas s’il plait beaucoup mais l’idée générale est très intéressante.

« L'intention derrière Wavechild était de créer un parfum qui capture l'essence exaltante du surf : son insouciance, le sentiment libérateur de liberté et l'attrait addictif qu'il suscite. Il s'agit d'un pur parfum de style de vie, infusé de notes irrésistiblement addictives, qui incarne l'esprit même du style de vie des surfeurs. Conçu pour évoquer les rivages ensoleillés, la brise salée et le frisson des vagues, Wavechild est plus qu'un simple parfum - c'est un témoignage de la passion et de la dévotion des surfeurs pour leur art ». Tels sont les mots de Jérôme di Marino pour évoquer la création qu’il a réalisé pour Room 1015 en 2024. C’est un parfum frais, solaire, plein de pep’s et qui évoque la culture surf. « Immergez-vous dans un voyage olfactif et embarquez pour un hommage à la Culture Surf, chevauchant les vagues olfactives des agrumes, de la pastèque, de la noix de coco et de l'ambre gris. De la légendaire Huntington Beach aux gangs de surfeurs, motards, et à l'électrisant mélange d'audace et de créativité, Wavechild est une célébration de l'art du surf. Dépouillé à l'essentiel, le parfum entre vos mains est une explosion d'énergie brute, rebelle, de bout en bout. Ouvrez vos narines et votre esprit... Devenez le Wavechild ». Cet « enfant des vagues » s’ouvre avec des notes de mandarine, de citron et d’orange pour nous entraîner vers un coeur juteux et jubilatoire de pastèque et de noix de coco puis un fond d’ambre gris et de cacao. J’ai bien aimé cette création très vivifiante et moderne, pleine de petites facettes et je la trouve joyeuse. Elle annonce l’été, les vacances. « Wavechild » est un parfum facile, sans « prise de tête », qui évoque une certaine liberté car il est quand même assez original mais je le trouve peut-être un peu léger sur ma peau. Je ne sais pas si je pourrais me l’approprier mais il m’a bien plu. Son flacon bleu est très joli, ce qui renforce l’impression plutôt positive que j’ai eu en le redécouvrant.

J’ai bien aimé me remettre dans les créations de Room 1015 mais je ne suis pas certain de comprendre toutes les références du directeur artistique. En tout cas, il s’agit d’une maison un peu différente, très « rock », très « musicale » mais peut-être qu’elle explore des univers que je ne connais pas bien. Cela ne m’empêche pas de trouver les jus plaisants et faciles à porter tout en restant originaux. Je trouve qu’il y a quelque chose d’agréable à sentir voire porter ces parfums. Si vous les connaissez mieux que moi, n’hésitez pas à me dire ce que vous en pensez…
Michaël Partouche interviewé par François Hénin (Jovoy) :
Exquise trouvaille : "Palm"
J’ai toujours aimé les compositions créés par James Heeley, le plus français des parfumeurs britanniques, pour sa marque éponyme et j’en découvre tout le temps. Je n’avais jamais eu l’idée ni l’envie de découvrir « Cocobello », qu’il a lancé en 2013 et je pense que son changement de nom m’a intrigué. C’est pour cela peut-être que je suis allé mettre mon nez dessus. En effet, ce parfum, dont la formule n’a pas été changée, est devenu « Palm ». Parfois, je ne comprends pas les raisons qu’ont les marques de modifier l’appellation de leurs créations. En tout cas, cela a suscité ma curiosité et j’ai bien aimé le découvrir. « Un sillage de gardénia de Tahiti s’enroule au rythme d’une mer silencieuse et transparente sur la peau salée, sublimée par le soleil. Des notes de noix de coco et de bois de cèdre de Virginie étendent leur ombre sur une plage de sable blanc ». Le parfumeur a voulu, à cette époque, un parfum floral, fruité et solaire d’un nouveau genre, qui s’éloigne un peu de ce qu’on a l’habitude de sentir (et que j’aime beaucoup par ailleurs) pour se parer de plus de transparence, de légèreté et d’une beauté singulière qui a su me surprendre. Si je ne comprends pas forcément le changement de nom, l’inspiration, elle, m’est limpide.
James Heeley
Le parfum s’ouvre sur des notes vertes et suave à la fois de fleur de palmier et de gardénia. Il s’agit, bien évidemment d’un accord mais il n’est, sur ma peau, ni trop linéaire ni trop synthétique et m’emmène sur une noix de coco très transparente, un peu salée, plutôt comme une eau que comme un lait. La fragrance, garde, en ce qui me concerne, une très belle fraîcheur. Le fond de cèdre, de santal et de benjoin sait se faire presque oublier pour laisser toute la place à ces versants exotiques qui nous invitent au voyage, aux vacances, à des plages paradisiaques et peut-être même à l’immobilité comme un éloge de la paresse. Je plaisante mais pas tant que ça. « Palm » (puisque c’est son nom actuel) est vraiment un parfum « translucide », très agréable, sans trop de prétention artistique mais avec une singularité qui fait qu’on le reconnait tout de suite. Côté sillage, il ne faut pas s’attendre à quelque chose d’hyper imposant. On verse vers la délicatesse d’une création « pour soi ». Pour ce qui est de la tenue, sur ma peau, elle est idéale car longue et pas du tout plombante. Globalement, j’ai beaucoup aimé « Palm » mais je me demande si je pourrais le porter. Il va falloir que je fasse d’autres essais.
Chyprés modernes ou néo-chyprés
* Article enrichi
Les parfums chyprés ont beaucoup évolué depuis René Coty. Outre les constructions que l’on pourrait qualifier de « classique » et qui tendent un peu à se faire de plus en plus rares dans les collections et notamment dans les nouveautés, la conception de cette famille olfactive par les parfumeurs. Depuis une vingtaine d’années, peut-être un peu plus, sont apparus des parfums à la pyramide olfactive quelque peu bousculée. On parle alors de chyprés modernes voire de néo-chyprés. Je dois dire que je trouve ce terme un peu plus évocateur et peut-être que cela sera celui que je retiendrai. Étant donné qu’il s’agit-là d’une des familles olfactives que je préfère, j’ai donc pris du plaisir à explorer cette manière, peut-être plus contemporaine, d’envisager le chypre. Pour illustrer mon propos, j’ai choisi de parler de quatre parfums « néo-chyprés » que je connais bien, que j’aime et peut-être même que je porte. J’espère qu’il y aura quelques cohérence dans mon article. En tout cas, j’essaye, je me lance.
Le premier parfum qui me vient à l’esprit est sans doute l’un de ceux que je porte le plus en hiver et je vais y revenir même si j’en ai souvent parlé. Il s’agit de « The Afternoon of a Faun » créé par Ralph Schweiger en 2012 pour État Libre d’Orange. « Un mélange des genres esthétique et éternel. Dans ce parfum se trouve la relation entre la fantaisie et la réalité séduisante. Une fleur immortelle forte qui trouble la barrière entre rêves et réalité ». Construit comme un hommage aux grands chypres à la française, ce parfum atypique, profondément étrange et pourtant si agréable à porter, est sans doute la création que je préfère dans la marque imaginée par Étienne de Swardt. Je le porte depuis longtemps et je l’aime vraiment toujours autant car il allie une modernité absolue avec une fausse construction classique. Il déroute, surprend, me rend addict et, lorsque je le sens autour de moi, j’ai envie qu’il reste le plus longtemps possible. Heureusement, il est doté d’une excellente tenue et donc je ne ressens aucune frustration. On retrouve la bergamote, typique de l’accord chypré et elle est associée, en tête à des notes de cannelle et d’encens ce qui constitue déjà un départ original et atypique qui nous conduit sur un très beau coeur classique de rose, d’iris et de jasmin qui se renforce avec un fond de myrrhe et de benjoin assez résineux. Les notes de patchouli et de mousse d’arbre deviennent alors anecdotiques et le parfum se fait un peu oxydé et surtout plus rond qu’un chypre classique. Pour moi, ce parfum est un parfait équilibre entre une colonne vertébrale qui me séduit et une construction qui me déroute. Pour moi, il ne ressemble à rien d’autre et je suis content de l’avoir découvert il y a déjà des années et d’avoir franchi le cap de le porter.
« Je suis un parfum à l’écriture vive et actuelle. J’évoque l’odeur de la pluie d’Irlande, fraîche et douce, l’odeur veloutée du vent et la Bruyère délicatement sucrée de ce pays de feu sous la lande humide qui a captivé mon parfumeur. Je suis un chypre moderne, recomposé grâce à un Patchouli en deux temps. L’un sublime mon coeur floral où la Rose Damascena est reine, l’autre s’associe à la Poudre de Cacao en fond et révèle ses notes sombres et chaudes. En note de tête, les effluves fruités et hespéridés soutiennent l’impertinent sillage des fragiles Feuilles de Violette. Je suis à l’image de la Reine de Saba, mystérieuse, qui continue d’intriguer siècle après siècle. Je suis Sublime car envoûtante, je suis Balkiss car insaisissable et émouvante. Je suis Sublime Balkiss ». Depuis que je m’intéresse à la parfumerie de niche, j’ai toujours cherché des créations qui pourraient me surprendre, m’éloigner de mes goûts habituels et dans la famille des chyprés, il est plus facile de trouver cela en découvrant des créations modernes et qui prennent leur distance avec les constructions classiques. C’est le cas de « Sublime Balkiss » créé par Céline Ellena Nezen en 2008 pour la collection Just Chic de The Different Company. Mon attachement à cette composition ne s’est jamais démenti même si elle me déroute à chaque fois que je la porte. C’est un néo-chypré très moderne avec un départ dans lequel la bergamote est associée à des notes poudrées de feuille de violette, de mûre et de myrtille pour un côté fruité qui nous entraîne sur un coeur de cassis très « croquant » mais arrondi par des notes de muguet, de lilas et de rose. En fond, le patchouli n’est pas associé à la mousse de chêne mais à des traces de cacao et de bruyère. Ce parfum que j’aime depuis longtemps, j’ai hésité à le porter car il est tellement contemporain, même s’il a déjà une quinzaine d’années, que je ne peux pas vraiment me raccrocher à quelque chose que je connais. En tout cas, je ne regrette pas car il est vraiment sublime… sans jeu de mot !
« Eau Suave » créé par Marc-Antoine Corticchiato pour sa marque, Parfum d’Empire, est sans doute l’un des chyprés modernes que j’ai le plus porté. « Un chypre rosé et fruité pour raconter une collection de roses. Ce chypré moderne révèle les facettes méconnues de la rose, fleur emblématique de la parfumerie. Riche et opulent, Eau Suave développe les notes étonnantes de roses épicées, roses fruitées, roses thé, arrondies par le musc et le patchouli. Eau Suave, cocktail de roses au charme piquant… ». Là encore, le parfumeur a imaginé une autre manière de s’écarter de la construction originelle du parfum chypré en supprimant la bergamote des notes de tête pour la remplacer par des épices, la coriandre et le safran qui s’enrichissent d’un coeur floral et fruité de rose, de fruits rouge et de pêche rehaussé de poivre noir. Le fond est, finalement, très classique puisqu’il reprend l’association de mousse de chêne et de patchouli est enrichie de muscs et de vanille. Pour moi, « Eau Suave » est un peu l’exemple type que l’on peut reproduire l’effet chypre en bousculant un peu mais pas trop la pyramide olfactive. Pour moi, la rose est presque juteuse, jamais poudrée et sa dualité avec la pêche dans cette très belle construction est idéale. C’est un parfum doté d’un sillage et de tenue vraiment parfaits car il n’est jamais trop envahissant tout en restant très présent. Je l’ai porté beaucoup mais il est vrai que je l’ai fait connaitre à une amie proche or il est devenu sa signature olfactive et il lui va comme un gant. J’ai donc un peu arrêté de le porter mais je suis certain que l’envie me reprendra un jour. Ce n’est pas le parfum le plus connu de la marque mais je vous engage vraiment à le découvrir. Il s’agit d’une très belle réussite.
Pour le quatrième parfum, j’ai beaucoup hésité. J’aurais pu revenir sur « La Couleur de La Nuit » d’Isabelle Doyen et Camille Goutal pour Voyages Imaginaires, « Chypre Isli » de Jean-Claude Gigodot pour Maison Incens ou encore « L’Air de Rien » de Lyn Harris pour Miller Harris mais j’en parle tout le temps alors j’ai opté pour un autre parfum qui m’avait été offert très gentiment et que j’aime beaucoup. Il s’agit de « Une Île Pluvieuse » créé par Euan McCall pour Senyokô en 2020 et qui, de part sa construction et sa concentration en eau de parfum, est vraiment qualitatif et innovant. « Inspirée de la nouvelle Le Tumulte des Flots (Shiosai) écrite par Yukio Mishima dans les années 50, Une Île Pluvieuse capture le mystère d’un rendez-vous galant au bout d’une sente détrempée, voilée de brume, parfumée par les embruns et parée de flore sylvestre, sur une lointaine île du Japon ». Au départ, le parfumeur a remplacé la note traditionnelle de bergamote par une association de pamplemousse et de feuille de violette plus amère. Le coeur de pivoine, de lilas et de mimosa est poudré mais pas trop. Le parfum se pose sur l’accord traditionnel mousse de chêne et patchouli mais il prend une dimension boisée avec le cèdre et le calamus complété par des notes d’ambre gris presque aquatiques voire marins. Je trouve que c’est l’équilibre parfait entre une modernité vraiment assumée et une construction plus classique. En tout cas, le résultat est merveilleux, je dois bien l’admettre.
Alors chyprés modernes ou néo-chyprés, quelque soit l’appellation, cette subdivision de famille olfactive me convient très bien. J’aime ce genre de création et je crois qu’elles font partie intégrante de mes goûts. Bien sûr, celui que je porte le plus est « L’Air de Rien » depuis que je l’ai retrouvé, mais il y en a plein qui me plaisent et je me rends compte que j’en porte finalement pas mal.
Mes parfums préférés : "Eau Moheli"
* Article modifié
Lors de mes pérégrinations en parfumerie ou dans les doses d’essai que j’ai pu glaner ces derniers mois, j’ai fait des découvertes et des redécouvertes qui ont su me séduire. Je voudrais remercier toutes celles et ceux qui me donnent envie de chercher, de sentir, d’essayer par leurs message ou leur travail sur internet. Je leur dois de très belles trouvailles et, à chaque fois, je me dis que j’aurais pu passer à côté.
Créée par Olivier Pescheux en 2013 pour Diptyque, « Eau Moheli » n’existe qu’en concentration eau de toilette. C’est Marion de la chaîne YouTube Des Paons Danse Cent Heures qui a attiré mon attention sur cette fragrance que je ne connaissais pas et je ne l’ai pas regretté car j’ai eu vraiment un coup de coeur. Il est évident que ce parfum avait tout pour me plaire puisque c’est un travail autour de l’ylang-ylang qui est vraiment une fleur dont les effluves me plaisent. Le parfumeur l’a révélée fraîche et presque pétillante avec des notes de baies roses, de gingembre et de vétiver. Il le décrit ainsi : « L’ylang-ylang se montre ici « grandeur nature », telle qu’elle vit et fleurit sur l’île de Moheli dans l’archipel des Comores: solaire, avec ses pétales jaunes, nichée au coeur d'une végétation luxuriante. On ne l’a jamais sentie ainsi, verte, épicée, à peine boisée, sans langueur ni opulence ». Je l’ai essayé et vraiment j’ai aimé. Peut-être qu’après nombre de pérégrinations parfumées, j’aurais trouvé « mon Diptyque » !
Mes carnets de voyage - Ljubjlana
L’une des villes d’Europe que j’ai vraiment aimée est Ljubjlana, la capitale de la Slovénie. Certes ce n’est pas une destination courante mais je suis allé très souvent en Europe de l’Est et en Europe Centrale et j’ai eu l’occasion de m’y rendre en hiver il y a une dizaine d’années. Je l’ai donc vue sous la neige. Décrire Ljubjlana est un endroit assez étonnant car on y trouve une ambiance à la fois un peu vénitienne, un peu viennoise mais aussi fondamentalement slave. La Slovénie, certes peu touristique, est pourtant un pays très agréable car le paysage change un peu tous les cinq kilomètres. Il y a le côté très montagneux, près de Trieste, fluvial avec la capitale ou encore littoral avec d’autres villes que j’ai envie de visiter. Ljubjlana et, en son centre, vraiment très belle avec le superbe parc Tivoli, les façades art nouveau, les petites places bordées de cafés, de commerces élégants et de salons de thé. Je crois d’ailleurs que j’ai adoré les pâtisserie qu’on y servait. La ville est traversée par le fleuve Ljubjlanica au bord duquel on peut trouver d’excellents restaurants de poisson. J’ai trouvé, dans cette capitale, une certaine quiétude et pas mal de jeunesse donc il me fallait un parfum qui évoque cette ambiance d’une ville à la fois de dimensions humaines mais qui est aussi la plus grande du pays. Je pense que, lorsque j’y suis allé, je portais « Sables » de Goutal mais la création qui m’évoque ce séjour serait plutôt « Baïkal Leather Intense » créé par Patricia de Nicolaï pour sa marque éponyme en 2019.

« La facette cuir de Baïkal Leather Intense est apportée principalement par le mélange de deux notes boisées sèches : l’essence de bois de gaïac et l’essence de pin fumé. Ce duo puissant est révélé par un départ fusant de yuzu, de poivre et de safran tandis que la facette aromatique de menthe crépue complète la note de tête. Le coeur floral rose-violette enrobe le cuir, adouci par un fond beurre d’iris, fèves tonka et musc blanc ». Là encore, il s’agit d’un cuir de Russie à l’ancienne. Le départ, très surprenant de yuzu et de poivre noir avec une pointe de safran est particulièrement étonnant et nous emmène sur un coeur de bois de bouleau et de mousse de chêne associé à la violette, la rose et l’iris qui lui donnent un côté poudré. Le fond de bois de gaïac est renforcé par des notes de santal, de pin, de vétiver, de fève tonka et de muscs blancs. C’est un beau parfum très profond, un peu vintage mais pas complètement. Il m’évoque ce séjour en Slovénie car j’ai le souvenir de la neige et d’une atmosphère quand même slave. J’aurais adoré le connaitre à l’époque car, vraiment, il symbolise quelque chose de dense et de léger à la fois comme les émotions provoquées par cette ville qu’il faut absolument visiter, tout comme plein d’autres lieux de ce pays peu connu.
Mystérieuse angélique
* Article modifié
L’angélique est une plante herbacée bisannuelle, très aromatique, mesurant de un à deux mètres de haut, jusqu'à 2,5 m. Les feuilles sont poilues sur la face inférieure, à long pétiole, finement divisées, avec le segment terminal trilobé (si ce segment n'est pas lobé, il s'agit probablement d'Angelica sylvestris dont les feuilles sont par ailleurs glabres). L'inflorescence est une grande ombelle composée (ombelles d'ombellules) de fleurs verdâtres (si les fleurs sont blanches, il s'agit probablement d'Angelica sylvestris). Je me souviens de sa note si particulière dans « Drakkar Noir » de Guy Laroche que j’ai senti durant toute mon adolescence et je dois dire que, au premier abord, je n’aime pas tellement son odeur mais, comme la perception olfactive change, j’apprends à l’apprivoiser. Le parfum responsable de cela est « Angéliques sous la Pluie » créé par Jean-Claude Ellena pour les éditions de parfum Frédéric Malle dont j’ai déjà pas mal parlé et qui me plait beaucoup. J’aime aussi beaucoup le goût de l’angélique confite. C’est pour ces deux raisons que j’ai décidé, il y a quelques mois, de découvrir des parfums dans lesquels cette plante étonnante est bien présente.
« Je suis d’une humeur ravageuse, ma couleur et mon sillage enveloppant vous évoquent la nuit, après-minuit. On se doit de me porter une fois que le soleil se cache, pour que je puisse vous livrer mes charmes et secrets. Je suis une fragrance ensorcelante, presque magique. Ma fraîcheur lumineuse et dorée, sur un lit d’iris poudré et d’angélique suave, est réchauffée de cannelle. Je m’assagit et m’adoucis alors sur un fond musqué de baume benjoin de graine d’ambrette. Je suis sorcellerie et enchantement. Une fois la nuit tombée, et que le douzième coup de minuit a sonné, nul ne peut se détourner de mon sillage envoûtant et sensuel. Je suis After Midnight ». Tels sont les mots de la marque pour expliquer l’inspiration d’Émilie Coppermann lorsqu’elle a inventé ce parfum en 2011. Pour ma part, je suis très séduit par cette envolée de bergamote et de néroli qui enveloppent l’amertume croquante de la racine d’angélique, le coeur poudré d’iris et de lentisque épicé d’écorce de cannelle et fleuri par un jasmin délicat puis le fond de benjoin baumé, de labdanum cuiré, de graine d’ambrette et de muscs blancs. Il y a quelque chose de vraiment très addictif dans cette création particulièrement originale et douce amère avec une fraîcheur presque ronde. Quand je l’ai essayée sur la peau, je me suis vraiment fait plaisir et je me suis dit qu’il pourrait vraiment m’accompagner facilement. Il est suffisamment original pour me donner envie et pas si éloigné de ma zone de confort. Pour moi, « After Midnight » est une vraie réussite.

Chez Guerlain, dans la collection l’Art et la Matière, j’ai pu découvrir « Angélique Noire » créée par Daniela Roche Andrier en 2005. Sur son site, la marque présente ce parfum ainsi : « Sensuelle et contrastée, cette interprétation rend à l’angélique ses lettres de noblesse. Elle associe la facette verte croquante de l’angélique à la douceur enveloppante de la vanille. ». Je trouve cette variation autour de la note verte de l’angélique très intéressante. Elle est présente à la fois en tête, associée à des notes de poire et de poivre rose, un coeur de jasmin et de carvi et un fond de vanille et de cèdre. J’ai beaucoup de mal à classer « Angélique Noire » dans une famille olfactive tant ce parfum est singulier. Il m’évoque l’angélique confite de mon enfance avec cette vanille omniprésente. J’avoue qu’il est, de loin, mon préféré de la collection car je trouve les autres un peu ordinaires (surtout lorsque j’ai découvert leur prix) mais celui-ci est vraiment singulier et doté d’une belle personnalité. Pour écrire cet article, je suis allé au stand du printemps pour le redécouvrir et demander à la vendeuse de me le faire essayer car en ce moment tous les testeurs sons sous clef. En fait, j’ai bien aimé la dualité entre le côté oriental de la vanille et herbacé de l’angélique. C’est un beau parfum.
Si j’ai un faible pour « Angéliques sous la Pluie », j’aime beaucoup aussi « L’Eau d’Hiver », également créée par Jean-Claude Ellena pour les éditions de parfum Frédéric Malle en 2003. Je trouve que l’envolée de bergamote et de muscs blancs en tête trompe sur l’évolution du parfum. En effet, lorsque l’on rentre dans le coeur floral et poudré, avec un iris très délicat, un héliotrope qui renforce la note et un jasmin opulent et vert à la fois, le jus prend toute sa place. Le fond d’angélique confite avec des notes miellées, très finement travaillées, très délicates, donne à ce parfum à l’écriture épurée, une élégance très transparente mais également bien présente. Lorsque je l’ai essayé, il y a un an ou deux, j’y suis revenu plusieurs fois mais je n’ai pas, pour l’instant, franchi le pas. Je trouve « l’Eau d’Hiver » particulièrement réussie mais il faut dire qu’il y a beaucoup de belles créations éditées par Frédéric Malle. « L’Eau d’Hiver » en fait partie et je trouve que le côté léger, boisé frais, pour les saisons plus froides était une idée absolument géniale.
Créé en 2008 par Isabelle Doyen et Annick Goutal, « Musc Nomade » exploite le côté frais et poudré de l’angélique qui vient en renfort des muscs blancs dès l’ouverture. Elle est également associée à des notes d’ambre, d’amande douce et de fève tonka. Je n’ai pas senti ce parfum depuis très longtemps mais j’ai la chance d’avoir une excellente mémoire et je me souviens parfaitement du fond de ciste, de papyrus, de bois précieux et d’ambrette qui venait arrondir la création. J’ai très envie d’y revenir d’ailleurs. C’est une interprétation à la fois tendre et poudrée du musc et de l’angélique. Je trouve qu’on y retrouve bien la patte d’Isabelle Doyen et sa capacité à aller chercher des senteurs différentes et originales pour les associer. « Musc Nomade » n’est vraisemblablement pas le parfum de Goutal Paris le plus connu mais il mérite d’être redécouvert. Dans ce parfum, l’angélique n’est pas du tout « botanique », elle est vraiment très musquée et fraîche. Je trouve que c’est une interprétation tout à fait étonnante.
Dans « Fou d’Absinthe » créé en 2006 pour l’Artisan Parfumeur, dont j’ai aussi la chance d’avoir une dose d’essai à disposition, Olivia Giacobetti exploite le côté végétal de l’angélique en l’associant, en tête avec le bourgeon de cassis et l’absinthe avant de la conjuguer, au coeur avec ds notes de patchouli, de gingembre, de poivre noir, de noix de muscade, de badiane et de clou de girofle. Ce coeur épicé renforce le côté très ambigu de l’angélique et de l’absinthe tout en leur donnant des accents anisés et envoûtant. Le fond est, une fois de plus très végétal avec des notes de myrrhe, d’encens mais aussi d’aiguilles de pin et de sapin baumier. Je l’ai déjà dit je crois mais, à une époque, je prenais régulièrement le train avec une jeune fille qui travaillait pour l’Artisan Parfumeur et qui m’avait gentiment offert de nombreuses doses d’essai. En écrivant, je le sens et, effectivement, je retrouve bien la note d’angélique associée à l’absinthe et aux épices. C’est un très joli parfum à essayer et sans doute à porter.
Outre « Angéliques sous la Pluie » qui est vraiment emblématique de l’utilisation de cette plante, cette matière premières très facettée et aux multiples possibilités est beaucoup employée en parfumerie et je trouve qu’elle confère aux créations dans lesquelles elle est utilisée, quelque chose de très original et de très identifiable malgré ses différents versants. Si je n’aimais pas du tout son odeur, je l’ai apprivoisée et je commence à en apprécier à la fois sa fraicheur et son côté boisé.
Spoturno, quand la qualité rejoint la créativité
Quatre créations inspirées directement du patrimoine de la parfumerie française inventées par Christopher Sheldrake. Ça fait rêver. Le talent du parfumeur n’est plus à démontrer. Depuis plus de trente ans, il a signé des chefs-d’oeuvre et il se retrouve, maintenant, devant un nouveau défi, faire revivre l’héritage Corse de Véronique Spoturno, fondatrice de la marque. Ils sont sortis depuis peu et je remercie Cédric Chamoulaud de m’avoir adressé le très beaux coffret découverte afin que je puisse les essayer et en parler de mon mieux. Je dois dire que je suis vraiment impressionné par la qualité des compositions mais aussi leur personnalité qui n’est pas rien. « Spoturno incarne l’alliance entre héritage, authenticité et modernité, un pont entre haute parfumerie et parfumerie d’auteur. Fondée par Véronique Spoturno, héritière d’un savoir-faire ancestral, la maison puise son inspiration dans la vision novatrice de François Spoturno dit Coty, créateur de la parfumerie moderne. Excellence, audace et sensibilité guident chaque création, confiée au talent du parfumeur Christopher Sheldrake. Fidèle à son éthique, Spoturno célèbre l’artisanat d’exception et collabore avec des maîtres artisans et designers prestigieux pour sublimer ses flacons et écrins. À travers des fragrances singulières, la maison raconte une histoire de famille, d’art et de liberté, capturant l’émotion d’un sillage intemporel ». Je connaissais, car j’avais lu des articles au cours de ces dernières années, la passion de Véronique Spoturno pour le parfum, un héritage familial pas toujours facile à porter, mais je ne pensais pas qu’elle franchirait le pas et lancerait les quatre premiers parfums de « sa » marque avec la complicité de l’un des plus fantastiques artistes de notre époque, Christopher Sheldrake que, malgré sa discrétion, nous connaissons tous. Je me suis laissé emporter par cet univers à la fois solaire et élégant en diable et je vais essayer de vous présenter, de mon mieux, la collection tout en vous exprimant les émotions que j’ai ressenti en portant ces parfums au cours de tout un week-end.

Véronique Spoturno, fondatrice de la marque
Renouveler le style floral hespéridé tout en restant dans la plus grande tradition de la parfumerie fine française est vraiment ce qu’a réussi Christopher Sheldrake avec « Alphée » qu’il évoque avec ces mots : « Alphée est un parfum rafraîchissant et minéral où les agrumes sont accompagnés de feuilles de myrte, de baies de genièvre et dynamisées par des touches de baies roses, de coriandre et de muscade. La fleur d'oranger et le jasmin ajoutent une sensualité solaire ». En général, je ne suis que très rarement attiré par ce genre de parfum mais, avec cette composition, le parfumeur arrive à me surprendre et à me « donner envie ». L’envolée est vraiment très fusante, très fraîche avec la bergamote, la mandarine et l’orange amère qui lui confère quelque chose de « jamais ennuyeux » associées à des notes de myrte très vertes et de baies de genièvre qui apportent un côté gin. La qualité du jasmin grandiflorum au coeur se développe sans jamais perdre la fraîcheur et les notes de néroli conservent quelque chose de vert rehaussé d’épices qui peuvent paraitre antinomiques et pourtant qui s’harmonisent parfaitement. On parle de coriandre et de noix de muscade. Le fond très muscs blancs sur ma peau est soutenu par l’ambrofix et le vétiver mais jamais le parfum ne perd sa légèreté. Il est d’une fraîcheur vraiment très agréable et reste original. Véronique Spoturno en résume l’inspiration : « Hommage à Alphée Dubois, Grand Prix de Rome, père spirituel de Spoturno et grand-père de sa femme Yvonne, ce parfum évoque les années heureuses qui s'expriment dans le souvenir d'une croisière le long des côtes rocheuses de la Corse vers l'archipel des Îles Sanguinaires ». Ça y est, je pars en vacances !
« Un parfum d'immortalité, symbole de la renaissance de Spoturno. « L'Oiseau de feu » de la mythologie, qui figure sur les armoiries de la famille Spoturno, s'immole et renaît de ses cendres, seul ». Je me suis plongé complètement dans l’univers de « L’Âme du Phenix » pour pouvoir en apprécier toutes les subtilités. Je suis allé de surprise en surprise. Le départ est vraiment très aromatique avec une note de lavande qui, sur ma peau est très présente et qui s’associe à des baies roses pétillantes et à un pamplemousse assez amer. La logique est donc d’aller vers un coeur boisé avec le cèdre mais les notes épicées de gingembre, de noix de muscade et de cannelle me surprennent, m’emmène sur des chemins auxquels je ne m’attendais pas. Sur ma peau, il y a presque une tonalité « cuivre » que je ne sens pas sur la touche. Le fond, très dense, construit autour d’un accord cuiré et vanillé, se fait parfois ambré, parfois très fumé avec l’accord de tabac et le patchouli mais sans se départir c’une certaine fraîcheur. Pour moi, « L’Âme du Phenix » est le parfum le plus contemporain de cette collection. C’est un cuir certes, mais épicé, pas convenu, tout en surprises. Sur ma peau, il fonctionne magnifiquement bien alors que, sur le papier, il avait tout pour me faire un peu peur. J’y retrouve tout l’art de Christopher Sheldrake, tout ce que j’aime dans son travail et notamment le fait de partir dans des directions presque opposées. En tout cas, il faut absolument poser « L’Âme du Phenix » sur la peau car il prend une toute autre dimension que sur une touche inerte.
Avec « Barbicaja » le parfumeur parle, en tête, d’un accord fraîcheur fleuriste mêlant notes florales et vertes avec un côté jacinthe et, avant d’avoir lu la description, j’avais trouvé cela. Il est associé au freesia extrêmement présent sur ma peau à un accord muguet. On retrouve, au coeur, la fleur d’oranger bien sûr mais aussi la tubéreuse et le jasmin grandiflorum arrondit par un accord abricot que je sens en écrivant. Le fond de ois de cèdre, de vétiver, de patchouli et de vanille s’avère, sur ma peau, seulement un moyen de le faire tenir sur la durée. Véronique Spoturno explique l’inspiration : « L'atmosphère légère et insouciante de la Belle Époque. Le décor : le jardin magnifiquement fleuri de la maison familiale des Spoturno, pionniers de la culture des orangers sur leur domaine, surplombant la baie d'Ajaccio, bercé par la brise marine ». Il est vrai que je sens quelque chose de vert et de presque salé à la fois. Je comprends tout à fait ce qu’a imaginé Christopher Sheldrake. Sur ma peau, « Barbicaja » matche magnifiquement. Il est exprime beaucoup de facettes et je suis complètement séduit. C’est un vrai floral foisonnant mais qui reste vert. Je comprends l’inspiration corse de la fondatrice de la marque et du parfumeur mais, moi, et c’est la magie du parfum, il m’entraîne dans un texte de Colette, « Les vrilles de la vigne » que j’ai relu il n’y a pas longtemps… Oui, je l’associe au chant gracieux du rossignol, allez savoir pourquoi. Entre « Alphée » et « Barbicaja », mon coeur balance vraiment. Je les trouve totalement addictifs.
« J'ai imaginé un parfum rétro-moderne, mélange parfait d'hier et d'aujourd'hui, qui s'incarne dans ce somptueux bouquet floral composé de jasmin, de rose, d'ylang-ylang et de fleur d'oranger, simplement serti de quelques-unes des matières premières les plus précieuses de la parfumerie telles que la bergamote, le santal, le vétiver, la fève tonka, la vanille, comme une myriade de nuance » tels sont les mots de Christopher Sheldrake pour décrire « Spoturno 1921 ». Il a été le premier parfum que j’ai découvert sur la peau d’un ami et je dois dire qu’il m’a vraiment impressionné. Il est peut-être, alors qu’il s’agit d’une création d’aujourd’hui, l’un des parfums patrimoniaux les plus parlants que je connaisse. Je m’explique : il me fait voyager dans le temps à la vitesse de la lumière et les années folles sont là, près de moi, avec excès, entre créativité et élégance. Il s’agit-là d’un parfum d’une richesse assez peu commune. Le départ est une envolée déjà sophistiquée avec le fusant du citron, la richesse de la rose damascena, la douceur de la bergamote et de la mandarine et le côté rafraîchissant de la fleur d’oranger. Le coeur, un peu « duveteux » avec l’accord ambre gris associé à des notes florales d’ylang-ylang et de jasmin grandiflorum prend un versant très inattendu avec la persistance de la fleur de lavande qui pourrait paraître incongrue mais qui, finalement, s’harmonise très bien avec les autres versants. Le fond, très « vintage » de boise de santal, de vétiver, de muscs, de fève tonka, de myrrhe et de vanille associées à un accord civette, donne quelque chose d’ambré fleuri certes mais un peu animal comme on peut imaginer les parfums du début du XXème siècle. Il est probable que je ne pourrais pas le porter mais je reconnais que « Spoturno 1921 » est plus qu’un beau parfum, c’est un grand parfum dans lequel s’exprime tout l’art de Christopher Sheldrake.
J’ai aussi essayé l’extrait de « Spoturno 1921 » et je l’ai, bien évidemment trouvé sublime mais je préfère me concentrer sur les eaux de parfums car elles vont être distribuées, dans des circuits restreints je pense, dans les mois qui viennent et je pense que la marque est à découvrir. En confiant la réalisation de ses parfums à Christopher Sheldrake, dont on connait l’univers très affirmé, elle a visité le patrimoine de sa famille, en lui donnant parfois un côté très contemporain mais aussi, et c’est un peu le postulat je pense, en réinterprétant une parfumerie de patrimoine française, aujourd’hui malmenée par la politique de l’offre et de la demande. La collection Spoturno ne plaira pas à tout le monde. Elle a sa propre identité et, il faut le dire aussi, elle s’avère onéreuse donc l’achat d’un flacon se fait après une très profonde réflexion et différents essais. Ce ne sont pas des produits de consommation courante mais, et c’est aussi cela la parfumerie, une vraie expérience olfactive pour les amateurs d’élégance, de tradition mais avec une pointe de modernité. Après différents essais, et j’en suis le premier surpris, le parfum qui aura le mot de la fin est « Alphée » car, contre toute attente, sur ma peau, son développement est magnifique. J’espère que vous croiserez la route de Spoturno Paris car cette maison qui se lance me semble très prometteuse avec des premiers parfums vraiment très aboutis.
Un grand merci à Cédric Chamoulaud mais aussi à Serge de la parfumerie Le Paravent à Lyon qui m'a vraiment donné envie de découvrir ces quatre créations. Sans eux, je n'aurais probalement pas plongé dans l'univers de la marque et cet article ne m'aurait pas été inspiré.
Mes carnets de voyages : la côte de Cornouailles
Je suis très souvent allé au Royaume Unis et je dois dire que j’ai aimé chaque région. la côte de Cornouailles est, pour moi, la plus romanesque avec ses côtes restées un peu plus sauvages que celles du Devon par exemple. De plus, cette partie du sud-ouest de l’Angleterre m’évoque « L’Auberge de la Jamaïque », « Ma cousine Rachel » et bien sûr « Rebecca » de Daphne du Maurier. J’avais donc envie de partir de Truro, le chef-lieu très agréable de cette région baignée de mystère pour suivre toute la côte et le front de mer par la route qui porte le nom de l’écrivaine. Il me fallait un parfum « à l’anglaise » mais aussi empreint de spiritualité et de mer. J’ai beaucoup réfléchi et, finalement j’ai opté pour l’une des créations préférées, « Fathom V » créé, en 2026, par la parfumeuse britannique Julie Marlowe. Après un départ vif de baies de genévrier, de tangerine, de cassis associés à des notes vertes et terreuses qui nous emmènent sur un coeur de thym de lys, de jasmin, d’ylang-ylang et de mimosa, relevées par le gingembre, le cumin et le poivre noir et assis sur un fond de patchouli, de vétiver, de mousse de chêne, de sel, d’encens, de cèdre de l’atlas et d’ambre. Il s’agit donc d’un chypre vert et salé particulièrement étonnant, tenace et « sauvage » comme peut-être, le temps des côtes de Cornouailles en hiver.
« Le changement perpétuel de l'état de la mer - dans un flux constant entre calme et nature - est point de départ pour la marque, exploré à travers l'utilisation de matières premières apparemment contradictoires dans des concentrations “surdosées”: le sel rencontre la terre, les herbes pétillantes se mélangent avec des mousses foncées, les notes claires de fleurs rencontrent des épices noires intenses. En contrastant le dessus et le dessous, la lumière et l'ombre, nous imaginons l'état changeant de la mer: son intensité - l'attrait de ses profondeurs sombres. Un parfum pour les intrépides qui remettent en question les idées préconçues sur ce que signifie vraiment «aquatique»… ». Je l’ai toujours dit, « Fathom V » a été l’un de mes plus gros coups de coeur en parfumerie et c’est vrai qu’il m’évoque quand même une Guinness bue dans un pub au bord de la mer après avoir visité toute la journée. C’est un parfum de pirate ! Clair, lumineux par moments, il se fait floral et romanesque puis, d’un coup, on le trouve sombre, « pluvieux », boisé et dense. Sa tenue et son sillage sont parfaits pour moi. Il et une illustration assez fidèle de mes impression de cette côte de Cornouailles où je suis allé plusieurs fois et que j’aime énormément.
Anne Flipo, talent et succès
* Article modifié
Prolifique, éclectique dans ses choix, Anne Flipo est, depuis une quinzaine d’années, devenue l’une des parfumeuses les plus demandées. Elle a exploré de nombreuses matières premières y compris certaines qui sont rarement employées et elle s’est glissée dans l’univers de plusieurs marques. J’aime beaucoup nombre de ses créations et, je l’ai déjà évoqué, celles qu’elle a inventé pour des marques telles Jo Malone ou l’Artisan Parfumeur. J’ai décidé de « compiler » mes préférés dans cet article et d’en faire une revue détaillée. Je vais donc revenir sur certains jus que j’aime particulièrement et d’en découvrir d’autres avec vous. Que ce soit dans le sélectif ou dans la parfumerie plus confidentielle, Anne Flipo s’illustre, elle invente, elle crée et elle provoque des émotions différentes. Elle a prouvé qu’on peut allier parfumerie qui plait et parfumerie artistique.
Anne Flipo a pas mal travaillé pour les marques de luxe françaises et la parfumerie du circuit sélectif. Si elle a travaillé pour de nombreuses maisons, je trouve que c’est chez Yves Saint-Laurent qu’elle s’est particulièrement illustrée dès 2012. En créant avec Loc Dong ce qu’on appellerait aujourd’hui un « floriental », elle a inventé, avec « Manifesto » (hélas discontiné je crois), un parfum à la fois fruité, vanillé et fleuri que je trouve particulièrement réussi. Le départ très vert est construit autour du cassis et de la bergamote et le coeur, muguet et jasmin est une explosion de fleurs blanches qui s’appuie sur un fond suave de fève tonka, vanille soutenus pas un bois de santal lacté. À ma grande honte, je ne connaissais pas du tout ce parfum et je l’ai découvert lorsque j’ai fait des recherches pour écrire un article sur la marque. C’est un très joli parfum, très élégant et, j’ose le dire, très Saint-Laurent.
J’avais eu un vrai coup de coeur, dès que je l’ai senti, pour « Mimosa pour moi » (également discontinué hélas) qu’Anne Flipo a créé en 1992 pour l’artisan parfumeur et qui est un parfum à la fois floral et poudré tournant autour de la note de mimosa. Je l’avais d’ailleurs évoqué lors de mon article sur cette matière première. La parfumeuse en donne, ici, une lecture poudrée certes mais aussi boisées car, après un départ de violette, un coeur de mimosa et de feuille de cassis, son fond de vanille est très aromatique et pas du tout gourmande ce qui lui donne presque un côté « essence de forêt » en tout cas dans mon esprit. J’aime beaucoup le côté très simple (et non simpliste) de ce parfum qui est un vrai mimosa facile à porter et assez éloigné des autres jus utilisant cet ingrédient comme note dominante. Je l’ai essayé souvent, j’ai tourné autour et il n’est pas dit que je ne le porte pas dans l’avenir.
« Au coeur de ses jardins verdoyants du Nord de la France, elle a montré dès son plus jeune âge un intérêt singulier pour la nature : les changements de saison, les aléas de la météorologie, les cycles de la vie... Elle n'a jamais caché son addiction aux notes végétales, florales et vertes. Lui confier la création de Synthetic Nature, sa première composition pour les Editions de Parfums Frédéric Malle, était donc une évidence ». J’aime les chyprés et les parfums verts. Il était donc naturel que je m’intéresse à ce parfum né en 2021 et qui s’appelait à l’époque « Synthetic Jungle », devenu il y a quelques mois « Synthetic Nature ». Je ne sais pas trop ce qui, après « Une Rose » devenu « Rose Tonnerre », a conduit le groupe Estée Lauder, propriétaire de la marque, à changer le nom. J’aimais bien « Synthetic Jungle », je suis moins fan de « Synthetic Nature » que je trouve, finalement, moins évocateur. C’est la politique de la marque et je ne vais certainement pas commenter plus. Revenons au parfum, c’est beaucoup plus intéressant. Il s’inscrit dans la lignée de « Green Water » de Jacques Fath première version et surtout de « Vent Vert » créé par Germaine Cellier pour Balmain mais qui a disparu « jus et âme » après une malheureuse reformulation, il y a quelques années. J’avais déjà révélé mon coup de coeur pour la création quand je l’avais découverte en avant-première, plusieurs mois avant sa sortie. Je l’ai beaucoup porté mais j’ai un peu arrêté car son prix me fait désormais un peu reculer. Cela ne signifie pas que je l’aime moins. C’est une merveilleuse création. Je le rachèterai peut-être dans un petit conditionnement. Le parfum s’ouvre sur des notes de galbanum et de basilic qui nos emmène sur un coeur de muguet et de jasmin puis sur un fond de patchouli et de mousses. Il est vraiment fusant, vert, presque froid et, sur ma peau, il s’avère d’une élégance étrange. C’est un chypre moderne qui, pourtant, reprend tous les codes du thème. Je l’aime vraiment beaucoup et cela ne s’est jamais démenti.

Parmi les très belles créations d’Anne Flipo pour Jo Malone London, il y a, bien évidemment « Honeysuckle & Davana » lancé en 2018 et qui est, pour moi, un des beaux floraux de la maison. La note de tête, le davana, est une herbe aromatique originaire du sud de l’Inde. Son huile essentielle est à mi-chemin entre une note florale et une autre plus verte et herbacée. Dans cette création, elle est une très belle entrée en matière avant d’arriver au coeur qui est un duo entre la rose et le chèvrefeuille et un fond de mousse de chêne. L’écriture épurée d’Anne Flipo fait merveille dans cette composition à la fois simple et élégante et qui entre parfaitement dans les codes de la marque. Je suis fan, je dois le dire. Il y a quelque chose de profond et de léger à la fois dans ce parfum. Il est versatile, étonnant, facetté et j’ai adoré l’essayer dès qu’il est sorti. Il n’est pas nécessairement pour moi mais je le trouve absolument magnifique.
Comme nous l’avons déjà vu, il existe chez Jo Malone London, deux parfums basés sur une note de oud dans la collection des absolus. J’ai déjà évoqué « Violet & Amber Absolu » que je trouve absolument magnifique mais Anne Flipo a créé aussi « Rose & White Musk Absolu » en 2018 pour compléter ce duo précieux. Tout aussi luxueux et profond que le précédent, il est plus classique et exploite l’idée d’une rose de Damas rafraîchie par une eau de rose limpide en tête sur un coeur d’ambre et un fond de oud et de muscs blancs. Intense, profond, élégant et particulièrement chic, ce parfum plait, je pense aux amateurs de l’accord oud et rose mais je trouve qu’il a quelque chose en plus. En effet, c’est un parfum délicat et chic et on est loin du côté « grosse machine » mis en avant par d’autres marques qui surfent sur cette mode. Anne Flipo a su très bien reprendre cette association « à la sauce Jo Malone London » pour créer une fragrance singulière et suffisamment chic pour que je puisse l’apprécier.
Dans ses créations, Anne Flipo a travaillé de nombreuses matières premières et je trouve qu’on reconnait assez facilement sa signature (en tout cas dans les parfums que je connais) et elle a une « patte » très élégante. J’ai un faible pour ses créations chez Jo Malone London mais je trouve qu’elle s’est pas mal illustrée aussi dans des marques grand public autant que dans d’autres, plus segmentantes. Elle ne se met pas de barrière et je trouve qu’elle a absolument raison car elle se permet ce que d’aucuns pourrait appeler certaines excentricités mais, pour moi, c’est simplement du talent.
Trois extraits de parfum chez Chapel Factory
En matière de création, Anaïs Biguine ne s’interdit rien. Que ce soit pour Jardins d’Écrivains, Les Cocottes de Paris ou encore Chapel Factory, elle ose des associations de notes auxquelles nous n’avons pas forcément l’habitude. Avec trois extraits de parfum sur le thème de l’encens pour, justement, cette dernière maison, elle explore avec beaucoup d’audace cette matière première qui, pour moi, est très clivante. En effet, si j’aime l’odeur des encens de toutes provenance dans l’air, comme « en ambiance », je n’arrive pas forcément à porter des créations dans lesquelles cette note est travaillée en majeur. Il m’est donc plus difficile de les aborder que si elles mettaient en avant d’autres matières premières. Je suis allé tout de même découvrir cette nouvelle collection et je remercie vraiment Benoit et Nicolas la parfumerie lyonnaise Odorem pour leur collaboration toujours parfaite mais aussi pour nous emmener vers des parfums qui cassent nos habitudes et nous font élargir nos goûts en matière de créativité. Mais trêve de digression, entrons, si je peux dire, dans le vif du sujet.
J’ai donc découvert « Candor », qui s’ouvre sur des notes très élégantes de néroli et d’amande, pour nous emmener sur un coeur de fleur d’oranger mais aussi de jasmin et de rose portées par un ois d’encens soutenu, en fond par les muscs et le cèdre. « Candor est un état de grâce, où l’élixir floral rencontre l’amande amère. Un parfum lumineux, contrasté par la profondeur de l’encens ». Floral, doux, très nuancé, ce parfum a été, je dois le dire, mon premier des trois. Je trouve que c’est un exemple d’équilibre. En revanche, il faut l’attendre car la concentration extrait lui confère, comme aux deux autres d’ailleurs, une évolution longue, une tenue très importante et un sillage que je ne peux pas encore bien mesurer. J’ai trouvé qu’à chaque stade de l’évolution, le parfum se renouvelle, joue avec un encens qui demeure assez discret, parfois même un peu « fantômatique » et qui attire, réconforte tout en s’enveloppant d’un versant floral tout à fait inédit. Anaïs Biguine réinvente cette matière première avec les notes suaves de l’amande et vraiment très florales du néroli, de la fleur d’oranger et du jasmin poudré par la rose. C’est, à mon sens, une très belle création, entre originalité et « confort » car je le trouve relativement facile à porter. C’est donc vers « Candor » que va ma préférence.

Anaïs Biguine
« Chapel Factory ne résiste pas à l’interprétation du plus délicieux des péchés. Idolatry séduit par ses notes gourmandes, où la vanille noire se fond aux volutes mystiques de l’encens ». Beaucoup plus segmentant, « Idolatry » revêt, pour moi, quelque de plus « torréfié » et gourmand au travers de notes rondes. C’est un parfum que je trouve plus « contemporain ». Le départ de pistache, de praline et d’encens est très rond et peut parfois rebuter un peu celles et ceux qui, comme moi, ont un peu de mal avec le gourmand en parfumerie mais, une fois encore il faut l’attendre. Le coeur de labdanum et de vanille est encore arrondi par la note de noisette mais, lorsqu’il est posé depuis un certain temps, le côté cuir du labdanum prend de la force avec le patchouli et le benjoin enveloppés d’une « fumée d’encens » qui m’emmène un peu dans les bâtonnets que je faisais brûler lorsque j’étais adolescent. Attention, l’évolution est très longue et le parfum n’est plus du tout le même à l’arrivée qu’au départ, ce qui est parfois un peu déstabilisant. Je dois dire que j’ai eu un peu de mal avec les notes de tête mais, ensuite, l’a création est vraiment originale et bien faite.
Plus fumé, plus tranché, plus « minéral » et boisé à la fois, « Scapular » est sans doute le parfum le plus dédiés aux amateurs d’encens car il s’avère sans aucune concession avec un départ très résineux de galbanum et de styrax puis un coeur d’ambrox, de cèdre et de bois de hô que je ne suis pas capable d’identifier. Plus froid et « spirituel » au sens mystique du terme, le fond d’encens et de mousse est davantage étonnant et segmentant. « Scapular s’ouvre sur un sous-bois sacré au pied du Mont Carmel. Racines, résines et écorces sombres libèrent une force tellurique, tandis que l’encens se dépose sur la peau, formant un scapulaire olfactif ». Vous l’aurez compris, « Scapular » n’est pas du tout un parfum pour moi et la densité, presque épaisse du jus, m’effraye un peu mais, une fois encore, ce ne sont que mes goûts. Les amateurs d’encens vont se l’approprier facilement tant il est bien imaginé, original et qualitatif. Je n’ai pas vraiment envie de le mettre sur peau car il est très éloigné de mes goûts mais je reconnais que c’est une réussite.
Une fois encore, Anaïs Biguine arrive à me « cueillir » alors que ce n’était vraiment pas gagné du départ. Il faut dire que l’encens m’éloigne de mes goûts originaux. Seulement voilà, je suis vraiment très client de la singularité de son travail et cela ne date pas d’hier. J’ai toujours aimé son style (je devrais dire « ses styles ») et je m’intéresse de très près à chacune de ses créations. Pour moi, elle reste très inventive, très inspirées et son imagination me surprend toujours et c’est ce que j’aime en parfumerie. Je ne sais pas si vous croiserez facilement ces trois extraits de parfums mais si c’est le cas, il faut impérativement aller les découvrir. Qui sait, vous pourriez peut-être trouver le vôtre.
Promenade dans mes doses d'essai
J’ai réessayé plusieurs parfums que je connaissais pour cet article qui sera plus longue que d’habitude. J’avais envie de remonter un peu aux sources. Alors, il y a beaucoup à dire… Je ne vous embête pas avec une longue introduction. Je vous emmène directement dans ces univers parfumés très différents les uns des autres.
Le premier dont j’ai envie de parler est « Speakeasy » créé par Marc-Antoine Corticchiato pour la maison Frapin et lancé en 2012. Complexe, portable l’hiver mais tout de même rehaussé par des notes d’agrumes et de menthe, il est tout à fait inclassable. Il s’ouvre sur une note ronde de rhum contrebalancé par des notes d’orange douce et de citron vert mais très vite, la menthe et le géranium prennent le dessus et nous évoluons vers des notes de fond tout à fait étonnantes de cuir, d’immortelle, de tabac, de fève tonka et de styrax. L’ensemble a presque un côté ambré et cuiré. Baroque et orginal, « Speakeasy » est vraiment une création typique du travail de Marc-Antoine Corticchiato. C’est un parfum rond qui ne ressemble à rien d’autre mais les notes de menthe fraîche le rendent un peu piquant et très singulier. Sa tenue et son sillage sont assez importants et on conserve les notes de rhum, d’immortelle et de tabac très longtemps sur la peau. Je ne sais pas s’il est un parfum pour moi mais je dois dire que j’aime bien « Speakeasy » et ses multiples facettes. C’est un parfum atypique et ceux qui vont accrocher se feront plaisir.
J'ai eu l'occasion, d'essayer "Vaahdoo", créé par Aliénor Massenet pour Memo et de passer ma soirée de samedi en sa compagnie ! Je dois dire que je me suis fait plaisir, moi qui aime les chyprés et les cuirés, j'avais, autour de mon cou, une subtile alliance des deux. Comment vous le décrire...? Tout d'abord, je dirais que "Vaahdoo" est d'une telle singularité qu'il est quasiment indescriptible. Je vais tout de même essayer. Les premières notes sont fraiches. On peut le croire oscillant entre hespéridé et aromatique et il est finalement toute autre chose. Les notes de géranium, de vétiver, de patchouli et de moussent viennent se composer autour d'un accord très "cuir de russie" pour donner un ensemble mi-cuir, mi-patchouli très original et résolument moderne. Tout en subtilité, il est aussi tout en légèreté et en finesse. Ce n'est absolument pas un parfum qui "cogne", il vous enveloppe seulement d'un chic plein de singularité. Bref, comme vous pouvez vous en rendre compte, j'ai un peu de mal à le décrire. Il ne vous reste plus qu'à le découvrir... Pour ma part, je suis séduit !
J'ai redécouvert, il y a un an ou deux "Bois du Portugal" de Creed. Je comprends tout à fait l'engouement pour ce boisé et agrumes très élégant, délicieusement classique, plein de fraicheur et d'un chic un peu "à l'ancienne". Pour moi, c'est un petit plaisir fugace car j'ai déjà pas mal de parfums "en prévision" mais je l'aime bien. Il m'emmène sur les côtes d'une région familière et amicale. C'est un parfum rassurant, comme un parfum de vacances au bord de la mer par un été ensoleillé mais pas trop chaud. "Bois du Portugal" est indéniablement une réussite dans ce style si populaire. Je trouve qu'il se distingue bien des autres créations dans la même famille olfactive. Une bien belle création !
Il y a une éternité que je cherche sans vraiment chercher une idée de parfum pour les jours où je n'ai pas envie de quelque chose de précis, j'en découvre de temps en temps en me disant que, l'été prochain, j'y reviendrais bien. Il y a quelques temps, j'ai eu un coup de coeur pour “Brittany Breeze” de Lubin. Frais, épicé, classique mais pas trop, doté d'une légèreté délicieuse, il m'a beaucoup plu. Il faut que je l'essaye sérieusement mais il pourrait bien être mon parfum de l'été prochain car vraiment ma première impression est très très favorable. Enveloppant mais pas entêtant, héspéridé mais pas que, assez original et doux, il est réellement addictif et, alors que je retombe sur un échantillon que j'ai en ma possession, je me dis qu'il est très agréable. Je trouve les trois récentes créations de cette collection de la maison Lubin très jolies mais c'est celle qui m'a fait, pour l'instant, le plus envie.
« ”La chambre, tout en chaos, est pleine d’un mélange d’odeurs : savon, poudre de riz, senteur aiguë de l’eau de Cologne, dans la lourdeur du matin enfermé”. C’est de cette phrase tirée du roman de Henri Barbusse, que s’inspire “Poudre de Riz”, le parfum d’une étreinte délicieusement ambrée : charme suranné d’un accord “Poudre de Riz” ourlé de Pétales de Roses et sensualité intemporelle d’un Monoï infusé de Gousses de Vanille… » C’est ainsi qu’est décrit ce parfum que j’ai découvert il y a quelques mois et redécouvert récemment. De « Ombre Rose » de Jean-Charles Brosseau à « Teint de Neige » de Lorenzo Villoresi, j’ai une prédilection pour les parfums qui m’évoquent le poudrier de ma grand-mère. Réminiscence de l’enfance ou goût pour la poudre de riz parfumé à la rose ? Je ne saurais le dire mais c’est un fait, je cherche toujours un poudré qui m’évoque cette odeur de l’enfance. Créé par Pierre Guillaume pour sa marque éponyme en 2012, « Poudre de Riz » est mon premier essai et il est inclassable. Des notes de riz, de fleur de tiaré, de vanille et d’ambre construisent ce parfum autour des pétales d’une rose de Damas envoûtante et très poudrée. C’est une madeleine, un petit bijou parfumé comme une houppette oubliée au fond d’un beau sac en cuir. Ce jus est, pour moi, parfaitement régressif. Je suis complètement fan. J’ai toujours trouvé qu’il y avait quelque chose de vraiment lié à l’enfance dans cette fragrance qui est, pour moi, plus une odeur qu’un parfum. Sur ma peau, elle se fond complètement comme un voile élégant. Si je n’aime pas donner un genre au parfum, je dirais que « Poudre de Riz » est tout de même la quintessence d’une féminité un peu surannée et dont l’élégance me ramène dans les années trente, entre fume-cigarettes, jazz et voilettes. Je me sens projeté, quand je le sens, dans un roman d’Agatha Christie.
Voilà, c’est tout pour ce mois de mai. Ce n’est déjà pas mal. En tout cas, j’ai eu beaucoup de plaisir à redécouvrir certains d’entre-eux, notamment « Brittany Breeze » que j’avais complètement oublié et qui, je trouve, est ma « tasse de thé » malgré sa simplicité. En tout cas, je suis parti tous azimuts, j’espère que je vous aurai donné envie. J’aimerais bien vos retours si vous découvrez un ou deux parfum de cette sélection.
Naomi Goodsir Parfums, six fragrances singulières
* Article enrichi
Styliste et designer australienne, Naomi Goodsir est installée en France depuis déjà quelques années. Passionnée de parfumerie, elle a créé sa marque en s’entourant de nez plein de talent. Une petite collection de cinq parfums pour lequel créativité est le maître mot. Si nous sommes sans cesse envahi par de nouvelles marques chaque jour, il en est quelques unes qui retiennent tout de même notre attention par l’originalité de leurs créations, la passion que leurs créateurs ont déployé pour faire un beau travail et, il faut bien le dire, la volonté d’aller à l’essentiel, préférant la qualité de la création à la communication. C’est à Paris, il y a déjà un certain temps que j’ai senti pour la première fois les parfums inventés (c’est le mot) pour la marque de Naomi Goodsir et s’il y en a qui me touchent plus que d’autres je vous concède bien volontiers que sur cinq créations ce sont cinq réussite. Une fois n’est pas coutume, je vais essayer de vous détailler un peu chaque parfum sans ordre de préférence mais simplement en essayant de vous décrire ce que j’ai ressenti lorsque je les ai découverts.
Le premier qui m’a séduit est « Cuir Velours » créé en 2012 par Julien Rasquinet. Enveloppant, un rien gourmand, c’est un cuir moderne, doux et terriblement addictif. Le départ est d’emblée très intense et j’ai cru déceler une note d’immortelle qui est, comme vous le savez, une matière première que j’affectionne particulièrement. Le coeur est un assemblage de bois précieux et de tabac et le fond est presque légèrement gourmand. S’il est une vraie création originale, « Cuir Velours » m’a un peu fait penser, dans l’esprit, à « Cuir » de Mona di Orio. Je pense que, si la composition est différente, ces deux parfums doivent partager une ou deux notes. Il est tout à fait le style de cuirés que j’aime et j’ai été enchanté de l’essayer. Qui sait, peut-être un jour…
Créé également par Julien Rasquinet et lancé en 2015, « Iris Cendré » est une très belle construction autour de la feuille de violette et du rhizome d’iris. Après un départ de mandarine et de notes de fleurs blanches relativement fugace, on entre dans le vif du sujet avec un parfum « iris » très intense (ce qui est plutôt rare) avec des notes également de tabac. S’il pourrait paraître classique du genre, voire même un peu terreux, il faut attendre « Iris Cendré » sur la peau car son développement est particulièrement original, son sillage très dense et sa tenue remarquable. Lorsque je l’ai essayé, je l’ai gardé sur mes vêtements même après le lavage. J’ai vraiment un coup de coeur pour « Iris Cendré » même si je reconnais qu’il n’est pas le plus facile à porter car il est vraiment singulier mais je suis tout à fait impressionné par ce travail si différent autour de ces deux matières premières qui ont déjà été employées pour créer de nombreuses merveilles en parfumerie.
« Or du Sérail » est le parfum oriental, vanillé et ambré de la marque. Créé par Bertrand Duchaufour et lancé en 2014, je ne vous cacherai pas qu’il m’a énormément fait sortir de ma zone de confort car il est assez éloigné de mes familles olfactives de prédilections. C’est une création d’une incroyable complexité et il m’est très difficile de savoir quelles sont les matières premières utiliser pour s’associer à la vanille, aux muscs, à l’ambre et au miel. Je pense que certaines doivent être fleuries (je pense à la rose à l’ylang ylang qui pourraient accentuer le côté opulent) et épicées. « Or du Sérail » est un jus riche, comprenant de nombreuses facettes. Lorsque je le sens, je ressens plein d’impressions différentes, et il m’emmène vraiment à l’époque révolues où les femmes voulaient un parfum suffisamment puissant et doté d’une forte identité pour envelopper l’odeur de tabac blond froid. C’est une réussite totale et je pense qu’il ravira les amateurs de ce genre de création qui cherchent quelque chose de différent et d’original.
Dans chaque marque il faut un boisé et le plus difficile est de ne pas tomber dans l’écueil de la répétition d’un parfum « à la Lutens » par exemple. Les alternatives ne sont pas très nombreuses. O, pourrait se tourner vers une fragrance très ethnique comme par exemple « Wood of Life » chez Anima Vinci ou un esprit très original comme « Peau de Pierre » sorti dans la marque Starck Parfum. Avec « Bois d’Ascèse » créé en 2012, Julien Rasquinet a complètement bifurqué en inventant réellement une odeur. Il est à mi-chemin entre un chypré ultra moderne et un boisé sophistiqué, emportant toutes les idées reçues sur son passage. Pour être honnête, je n’avais jamais rien senti de pareil et, si je ne suis jamais blasé, je dois bien admettre que j’ai découvert pas mal de créations originales ces dernières années. Comme tous les parfums de la collection, « Bois d’Ascèse » est vraiment singulier et il s’adresse vraiment aux amateurs de boisés hors norme. Il ne plaira pas à tout le monde. Il peut même en rebuter certains, trop déroutés par la composition imaginée par Julien Rasquinet. Si je sais reconnaitre que c’est une très très belle création qui sort vraiment des sentiers battus, je dois dire que ce n’est pas forcément un parfum pour moi mais j’aimerai le sentir sur quelqu’un à qui il va bien car il a vraiment une identité et ça fait plaisir.
Créé par Isabelle Doyen à qui nous devons nombre de merveilles pour Annick Goutal et lancé en 2017. Il répond au nom tout à fait original de « Nuit de Bakélite » et est un travail tout à fait surprenant autour de la tubéreuse. Dans l’idée, cette fragrance a tout pour me déplaire car je ne suis pas très fan de cette fleur et, il faut bien le dire, les notes de tête ne sont vraiment pas très agréables. Lorsque je l’ai vaporisé je me suis dit que je comprenais le côté « bakélite » car la fleur prend presque une envolée de caoutchouc ! De plus, le côté vert est assez brutal. Seulement il ne faut pas s’en arrêter là. L’évolution sur la peau est tout à fait surprenant et petit à petit, le parfum prend sa place, des notes boisées viennent remplacer celles presque artificielles du départ pour finalement ne faire qu’un avec celui qui le porte. Isabelle Doyen est sortie complètement de ce que l’on attend d’un parfum pour créer, en quelque sorte, un objet parfumé non identifié et je dois dire que, au bout du compte, j’ai beaucoup aimé « Nuit de Bakélite ». Je ne suis pas le seul car, en 2018, la Fragrance Foundation France lui a décerné le prix du meilleur parfum d’une marque de niche indépendante. Pour la petite histoire, je me suis laissé dire que « Nuit de Bakélite » a un tel sillage qu’on arrive à le sentir dans un placard flacon fermé.
Je l’ai attendu pendant longtemps et c’est en 2021 qu’il a fini par voir le jour. Nous le devons à Bertrand Duchaufour et il a été choisi par Naomi Goodsir. Je veux parler, bien évidemment de « Corpus Equus » que j’ai pas mal porté ces jours-ci en usant tous les échantillons que j’avais en ma possession. C’est un cuir (encore un), un cuir de Russie dans la grande tradition de la parfumerie à la française mais sans « édulcorant ». L’essence de bouleau, sombre, goudronnée, intense, prend beaucoup de place entre les notes chaudes et froide de rose, d’ambre, de cèdre, d’encens et de musc tonkin pour finir sur un accord cuir et un patchouli profond. La marque le rapproche du caractère impétueux d’un étalon arabe. J’ai grandi entouré de chevaux et c’est un univers que je connais bien. Il est vrai qu’il y a quelque chose d’animal dans ce parfum mais, sur ma peau, il passe par plusieurs étapes. Tout d’abord une rose très boisée, fumée et profonde puis un fond très cuiré, très goudronné et très sombre avec des accents musqués qui sont, c’est vrai, assez fugaces (en tout cas sur ma peau) et font place vraiment à une fragrance profonde, un peu déstabilisante, élégamment sauvage. « Corpus Equus » a été pour moi un choc olfactif et j’ai mis longtemps à oser le porter sur plusieurs heures. J’avais peur qu’il me dérange et pire, de casser les pieds à mon entourage. J’ai utilisé les doses d’essai avec beaucoup de parcimonie car il a un sillage et une tenue absolument effarantes. Je dois dire que je l’aime. Il est sans doute trop audacieux pour moi mais je me vois bien l’acquérir et le porter le temps d’une soirée importante pour me sentir un peu rebelle peut-être. Au niveau artistique, je le trouve particulièrement intéressant et pour moi, il est la quintessence de ce qu’est la parfumerie d’auteur, une oeuvre artistique qui emballera les uns et rebutera les autres.
Voilà, j’espère que cette revue exhaustive sur Naomi Goodsir Parfums vous aura intéressé. Il me fallait la compléter. J’avais envie, à mon petit niveau de passionné, de parler de ces créations surprenantes, parfois clivantes mais toujours singulières et dont la forte identité m’a interpellé. Je sais qu’elles sont sûrement difficiles à découvrir mais je pense que ça vaut le coup.
Mes carnets de voyages : Rome
Je garde de Rome un souvenir un peu mitigé. La ville était très plaisante et belle mais la chaleur m’avait un peu écrasé. J’ai beaucoup cherché un parfum qui puisse, pour moi, s’associer à cette visite, au demeurant fort culturelle, et je crois que ce qui me vient, ce sont des effluves d’orange douce, de bergamote et de citron. J’ai donc cherché un peu quelle création hespéridée aurait pu m’accompagner dans ces rues blanchies par le soleil où tout respire l’histoire avec un H majuscule. Je porte peu de parfums de cette famille olfactive mais et j’aurais pu opter pour l’une des créations de Gian Luca Perris pour sa collection italienne mais elles m’évoquent plutôt d’autres séjours dans la péninsule donc, j’ai cherché et j’ai fini par trouver. Il me fallait quelque chose de frais mais aussi d’élégant que je connaisse bien et je crois que « Eau de Monsieur », créé par Annick Goutal en 1981 est la composition idéale surtout dans sa seconde version imaginée par Isabelle Doyen en 2013. « Son élégance n'a d'égale que sa sensualité et son assurance n'a nul besoin d'être sur-jouée. Eau de Monsieur enveloppe cet homme au charme discret et naturel de ses notes chaudes de patchouli et de santal ».
Le flacon original
Dès l’envolée, certes un peu volontairement désuète, le parfum est une pulvérisation de soleil et de fraicheur à la fois. Les notes douces, jamais agressives, de bergamote et de mandarine nous conduisent sur un coeur très « Goutal » de menthe, de baies de genièvre, de cèdre et de géranium puis sur un fond de patchouli, de bois de santal et de vétiver très évanescent. La dilution en eau de toilette permet d’avoir un parfum très facetté même si sa tenue est, relativement, de courte durée. Pour moi, c’est une valeur sûre et je m’imagine, un verre d’eau minérale gazeuse désaltérante, en tee-shirt noir et pantalon léger, à une terrasse d’un café romain, prenant une pause entre deux visites de musées, me laissant envahir par le brassage de cultures antiques mais aussi contemporaine, comme dans un film de Fellini. Le Colisée, la vieille ville, le musée du Capitole… Avec cette « Eau de Monsieur », je me balade au milieu de tout cela en étant très sage, très serein, imprégné d’une ville d’histoire et d’histoires, pleine de vestiges et de cultures millénaires. Je trouve que cette fragrance, très réjouissante, s’harmonise parfaitement avec cette capitale italienne si contrastée.
Séquence nostalgie : "24 Old Bond Street"
Je n’avais pas parlé, dans cette cette rubrique sur les parfums que je regrette de « 24 Old Bond Street » créé par Christine Nagel pour Atiknsons en 2013 c’est parce que j’ignore s’il est discontinué mais je ne trouve plus de revendeurs de la marque en France et je le regrette beaucoup. Lorsque je l’ai découvert, au Printemps du Boulevard Haussmann à Paris, j’étais très content de retrouver Atkinsons qui avait disparu en France depuis longtemps. J’ai alors appris que la marque avait été rachetée et que de nouvelles création, dont celle-ci, étaient lancées. Je dois dire que j’ai eu plusieurs inclinations pour certaines mais c’est surtout la version eau de toilette de « 24 Old Bond Street » qui a été un coup de coeur. Je la trouvais vraiment facettée et très originale. Je l’ai d’ailleurs énormément portée. La marque en décrit ainsi l’inspiration : « Inspirée du tout premier parfum Atkinsons créé il y a plus de 200 ans, l'eau de Cologne 24 Old Bond Street est un mélange délicieusement chaud et épicé de genièvre, de rose et de thé Earl Grey. Sous ces senteurs britanniques traditionnelles se cache une subtile touche de whisky fumé vieilli en fût, créant une fragrance chaleureuse et étonnamment fraîche, longtemps considérée comme une icône intemporelle. Débordant de personnalité, ce parfum est un classique moderne et élégant pour ceux qui adhèrent à la tradition tout en vivant un style de vie résolument harmonieux et dynamique du XXIe siècle ».

Christine Nagel
Si je devais définir cette eau de toilette (je la préfère à la version intense), je dirai que c’est une « fausse cologne ». En effet, l’ouverture aromatique épicée pourrait laisser penser à quelque chose de très classique mais non. C’est un parfum « à l’anglaise » qu’a recréé Christine Nagel ce qui n’est pas étonnant car elle maîtrise ce style parfaitement comme on a pu le voir chez Jo Malone. Là, j’avoue qu’elle m’a bluffé. Après un départ de cardamome et de baies de genièvre qui, déjà me séduit à la vaporisation, le coeur de thé noir et de bois de cade associé à la rose turque est de toute beauté. Le fond de whisky tourbé est vraiment très inattendu et le parfum s’arrondit tout en restant d’une parfaite légèreté, d’une parfaite transparence et d’une élégance un peu étonnante qui se développe au fur et à mesure qu’on le porte. Il n’y a aucun doute, c’est un coup de coeur et je ne regrette en aucun cas de l’avoir acheté lors d’un séjour à Paris car je l’ai déjà beaucoup porté et, vraiment, je le rachèterai si je tombe dessus mais, pour l’instant, il s’inscrit dans une certaine nostalgie. En tout cas, j’ai été content de redécouvrir ce parfum en version eau de toilette dans un échantillon que j’ai conservé précieusement.