Passion Parfums

 

 

C’est l’histoire d’un hasard alors qu’il n’y a peut-être jamais de hasard. C’est l’histoire d’un créateur atypique de ses parfums jusqu’à son nom. C’est l’histoire d’une rencontre entre une belle maison de niche et moi. Depuis plusieurs semaines, je ne faisais qu’entendre parler de l’originalité des créations d’Anatole Lebreton. J’ai lu des articles, regardé des vidéos dans lesquelles on décrivait le talent de ce parfumeur qui a lancé sa propre maison en 2013. Il n’en fallait pas plus pour exciter ma curiosité seulement voilà, les points de vente de la marque étaient extrêmement limités et je me demandais quand j’aurais le temps de mettre mon nez sur ses créations à la fois atypiques et empruntes d’une grande tradition « à la française ». Et voilà qu’une nouvelle parfumerie voit le jour à Lyon mais nous en reparlerons ultérieurement. Cette toute récente boutique distribue la marque. Et s’il n’y avait pas de hasard. Je remercie donc Nicolas de m’avoir patiemment fait découvrir les neuf créations de ce parfumeur afin que je puisse non seulement vous en parler mais également être séduit. Niche de la niche ? Parfumerie d’auteur au plus vrai sens du terme ? Partons ensemble sur les traces fascinantes d’Anatole Lebreton et de ses fragrances qui, soyez-en sûrs, sortent des sentiers battus et rebattus.

« Un poudré lumineux reposant sur taffetas d’ambre et de vanille. Rouge à lèvre à l’ancienne, poudre libre, écrins dorés, la découverte cosmétique en fouillant dans le sac à main de ma mère » En quelques mots, Anatole Lebreton éveille la curiosité de l’amateur que je suis et mon goût pour les parfums aux accents cosmétiques et élégants que je considère comme complètement intemporel. Avec « Incarnata » qu’il a créé en 2015, le parfumeur nous emmène sur un fil et il ne tombe jamais d’un côté pas plus que de l’autre. Il évite le danger du déjà senti et l’écueil du parfum daté pour nous livrer un intemporel à la fois extrêmement contemporain et, à mon sens, assez facile à s’approprier. É tant déjà séduit sur la touche, j’ai eu l’envie de l’essayer sur ma peau et, si je suis un peu dérouté par la note de framboise à l’envolée que je n’aime pas du tout d’ordinaire, il se trouve qu’associée à la violette et au rhododendron fort peu utilisé en parfumerie ainsi qu’à un accord volontairement cosmétique, elle arrive à me plaire. Ceci dit c’est l’arrivée sur un coeur d’iris, de myrrhe et de rose que je comprends mieux encore que je vais aimer cette création à la fois déroutante et rassurante. Le fond continue de me le rendre confortable avec des notes d’ambre, un accord daim, du benjoin mais aussi un soupçon d’une vanille pas du tout gourmande. Anatole Lebreton parle d’un « poudré lumineux reposant sur un taffetas d’ambre et de vanille » et je trouve que c’est extrêmement bien vu car c’est tout à fait ce que j’ai ressenti en posant mon nez sur « Incarnata ». Comme des lèvres devenues incarnats après le maquillage mais aussi comme un seconde peau, cette rose poudrée et cachée m’a séduit et, si l’on pourrait considérer ce parfum comme un grand féminin, je pourrais le porter sans aucune restriction. De plus, sur ma peau, sa tenue est impeccable… Que demander de plus ? Simplement d’essayer le prochain.

« J’ai rêvé d’une caravelle chargée d’épices et de bois précieux accostant au port pour y débarquer sa cargaison. J’ai rêvé d’une vanille racée comme un vieil alcool, s’arrondissant et gagnant en bouquet avec l’âge, imprégnant de son odeur des fûts qui la ramènent vers les cours européennes. J’ai rêvé d’une vanille conquistador, faisant le tour du monde des palais gourmets et des nez gracieux… ». Depuis sa sortie en 2021, j’entends parlé de cette « Fleur Cachée » et ma curiosité était vraiment à son comble lorsque je l’ai senti sur touche. Je pense que c’est grâce à Marion de la chaîne YouTube « Des Paons Danse Cent Heures » que j’ai eu envie de le découvrir. Elle semblait tellement enthousiaste que je ne voulais absolument pas passer à côté et bien m’en a pris. Et si moi qui n’aime pas du tout la vanille, je pouvais me laisser séduire par cette orchidée planquée derrière une envolée de poivre Timut, de curcuma et de fenugrec, tirée de la plante herbacée du même nom dont je n’avais jamais entendu parler, un coeur de santal de Nouvelle Calédonie, de Cèdre du Texas et un fond de baume du Pérou. La très belle qualité de vanille de Madagascar utilisée par le parfumeur s’en trouve boisée, très épicée et complètement sublimée. Elle se fait boisée, presque résineuse et je dois dire qu’elle ne m’a rien rappelé de connu par mon nez. Anatole Lebreton a réussi à m’intriguer tout à fait. Je n’avais jamais rien senti de tel. Je ne sais pas si je pourrais porter ce parfum que je trouve quand même très ample et capiteux pour moi mais son côté originalement addictif ne m’a pas échappé. En tout cas, je suis complètement dérouté au très beau sens du terme et c’est bien sûr ce que j’attends d’un parfum d’auteur.

« Le parfum est construit autour d’un accord de rose boisée qui sert de fil conducteur. L’essence de rose Bulgare, vive et pétillante, s’allie au patchouli, rond et doux pour un cœur plein d’élégance. L’accord est habillé de jasmin d’Inde qui accentue l’aura fleurie et de cèdre de Virginie pour un boisé velouté, des notes fruitées de poire et de prune égaient la tête. Le parfum laisse s’exprimer la richesse des matières et leur générosité en jouant sur les textures. Tantôt telle une étole qui vole au vent, un souffle de liberté. Tantôt comme un velours qui glisse suavement sur la peau ». Un départ de poire, de prune et de framboise pas du tout chimique comme souvent, un coeur de rose, de jasmin et de patchouli et un fond de cèdre de Virginie, de baume du Pérou et de musc, « Perfumista » est une construction chyprée sophistiquée, pas sentie et tout à fait faussement classique. Il a été mon premier coup de coeur dans la marque ce qui ne surprendra personne. Déjà sur la touche, je me suis dit « il est pour moi » et alors sur la peau, je ne vous raconte pas ! Et bien si, allez, je vous raconte. Ce parfum, créé en 2019 m’a semblé comme composé pour moi. L’évolution est dingue sur moi. Il se fond avec ma peau de blond qui boit les parfums. Il est à la fois complètement dans ma zone de confort et inattendu. Je m’explique. Il a tellement de facettes qu’il me surprend quand je le porte à chaque fois que l’anosmie que l’on peut avoir à sa propre odeur s’estompe. C’est comme si j’en découvrait à chaque fois une subtilité. « Perfumista » c’est moi et ce n’est pas moi. Je suis emballé par ce clair obscur tout en finesse et en surprises.

J’ai fait le test proposé sur le site de la marque et on m’a proposé « L’Eau Scandaleuse » créé en 2014 et, franchement, pour une fois, c’est super bien vu. Un départ de pêche, de bergamote et de davana, un coeur de tubéreuse, d’ylang-ylang et de cuir et un fond autour d’un accord castoreum, de cypriol Nagarmotha en lieu et place du patchouli et de mousse de chêne. La construction est, une fois de plus chyprée et, comble du confort, fait la part belle à la tubéreuse et à l’ylang-ylang. Je suis au coeur même de ce que j’aime et le parfumeur a les moyens de me séduire. Sur ma peau, « L’Eau Scandaleuse » est, n’ayons pas peur des mots, parfaite ! Anatole Lebreton décrit sa création avec ces mots brefs et bien vus : « Comme une danse, un combat, la chair de la tubéreuse se mêle à la peau sèche du cuir et le duo s’alanguit sur un tapis mousseux. L’animalité de l’un et de l’autre se répond et s’enlace, s’accouple avec insolence et sensualité. Un parfum charnel et enivrant, qui en fait trop, scandaleusement ». Quand je sens ce parfum sur ma peau, le mot qui me vient naturellement est « équilibré ». Ce cuir et tubéreuse, narcotique, addictif, profond et complètement déroutant construit comme un chypre qui n’en n’est pas un me trouble, me séduit, me donne envie d’y revenir. C’est un parfum inclassable, moderne et pourtant vraiment utilisant la tubéreuse et l’ylang-ylang comme certains classiques qu’on aime tous depuis des décennies. Avec « L’Eau Scandaleuse », Anatole Lebreton crée un parfum d’une autre style, d’une autre dimension et comme ça fait du bien d’être surpris même au coeur de sa zone de confort. Évidemment, je pourrais le porter… Ah oui je pourrais !

Je me demande si, finalement, le plus gros coup de coeur ne serait pas « Cornaline » Lancé en 2018 et qu’Anatole Lebreton présente ainsi : « Impératrice aux pieds nus dans jardin exotique. Une composition autour de l’ylang-ylang, telle une impératrice qui se prélasse dans un jardin imaginaire : fleur de carotte, géranium, belle de nuit, jacinthe complètent le tableau exotique ». Avec un départ de bergamote, de graine de carotte, de géranium et de pêche, le parfum me saisit dès la vaporisation et j’ai tout de suite l’impression de surprise. Le coeur de jacinthe, d’iris poudré, d’ylang-ylang travaillé pile comme j’aime et de belle de nuit se pose sur un fond de benjoin comme le papier d’Arménie, de muscs et de vanilles. C’est un floral mais un parfum construit, facetté, complexe et lisible à la fois. Sur ma peau, il revêt un équilibre parfait. Invitation au voyage troublante, c’est entre les « bleus-violets de Gauguin » qu’il m’emmène et, comme ça m’arrive rarement, je passe mon temps à avoir envie de le sentir, de le re-sentir et de le reporter. C’est un parfum qui semblerait presque, au premier abord, plus classique que les autres mais, lorsque je le porte, il ne cesse de me surprendre et de me donner envie. Je pourrais me l’approprier vraiment facilement. Il n’est jamais sage. Il est toujours précis et efficace. Je suis vraiment séduit par « Cornaline ». Je dois dire que sa finesse me ravit.

J’ai choisi de me concentrer sur les cinq parfums qui m’ont le plus séduit mais je parlerai de la nouveauté dans un autre article et j’ai un peu laissé de côté « Bois Lumière » qui est vraiment magnifique aussi mais que j’aurais peut-être un peu plus de mal à porter malgré l’omniprésence de l’immortelle, « Grimoire » et « L’Eau de Merzhin » car ils sont peut-être un peu trop éloignés de mes goûts ce qui n’enlève rien à leur originalité et leur qualité. J’y reviendrai peut-être plus tard qui sait. En tout cas, à l’instar de mes camarades blogueurs, je suis bien séduit par cette très belle maison d’auteur qui m’a ravi et emmené hors des sentiers battus y compris des miens. Un grand merci à Nicolas, à Benoit, à Marion, à Val et à Emmanuelle évidemment sans qui je n'aurais jamais pu mettre mon nez sur ces parfums qui me ravissent complètement.