Annick Goutal, histoire d'une rêverie parfumée
« Il était une fois, Annick Goutal, une femme d’intuition et d’émotions, l'une de ces visionnaires qui vont jusqu’au bout de leurs rêves. Enfant prodige, elle est promise à une carrière de pianiste. Très vite, elle se rebelle contre ce destin qu’on lui impose pour devenir mannequin.
Sa curiosité pour les parfums l’amène ensuite à Grasse, où elle rencontre un homme qui changera sa vie et lui transmet une nouvelle passion : en 1979, elle devient créatrice de parfums. Sa sensorialité, sa générosité et son don pour la composition sont les atouts signature de ses parfums uniques et remarquables.
Comme depuis toujours, ce qui passe entre ses mains se transforme en succès, à l’image de sa première création, L’Eau d’Hadrien, composée en 1981 et devenu icône. L’orgue du parfumeur est son nouvel instrument. Les notes de parfum remplacent les notes de musique. Sa sensorialité, sa générosité et son don pour la composition sont les atouts signature de ses parfums uniques et remarquables. »
Telle est la manière dont la marque raconte la naissance de la maison Annick Goutal et l’inspiration de sa créatrice. Et tout commence par une boutique rue Bellechasse, sur la rive gauche puis sous les arcades, 14 rue de Castiglione dans le premier arrondissement de Paris et, depuis, le succès est au rendez-vous. Très rapidement, la petite marque indépendante et confidentielle, à contre-courant de ce qui ce fait en parfumerie au début des années 80, gagne le coeur du public et prend un essor tout à fait étonnant. Boutiques en nom propre, corners dans les plus luxueux des grands magasins, « l’Eau d’Hadrien » et les premiers parfums de la marque plaisent et le lancement de la marque devient une aventure.
Depuis sa création, la marque est un binôme, celui de Madame Goutal et du nez « maison », la très inventive et très talentueuse Isabelle Doyen. Ensemble, et jusqu’à la disparition de la créatrice en 1999, la vente de la marque et la transmission à sa fille Camille, elle-même parfumer, qui va travailler avec d’autres parfumeurs tels Mathieu Nardin, Philippine Courtière et Francis Camail (qui était déjà là à l’origine). Pionnière de la parfumerie alternative, la maison a, à ce jour, à son actif, 73 créations. J’ai décidé d’en évoquer six qui, pour moi sont soit emblématiques, soit conformes à mes goûts. J’ai déjà parlé longuement d’ « Heure Exquise » dans l’article sur les poudrés et de « Sables » dans celui sur les épicés aussi ai-je choisi d’autres créations.
Créée en 1981 en collaboration avec le parfumeur Francis Camail, « l’Eau d’Hadrien » est « le » best seller incontesté de la maison. C’est un hespéridé qui est, il faut bien le dire, dès les notes de têtes de citron de sicile, de pamplemousse, de cédrats et de cyprès, une explosion olfactive. Sa fraîcheur et son intensité, déjà en eau de toilette mais encore plus dans sa version eau de parfum, est vraiment inédite à l’époque pour les créations de cette famille olfactive. Un fond de mandarine, d’ylang ylang avec une touche aldéhydée renforcent sa personnalité et, d’emblée « l’Eau d’Hadrien » va plaire aux hommes comme aux femmes. Il existe, aujourd’hui en deux flaconnages, un féminin et un masculin mais aussi en deux concentrations comme je l’évoquais précédemment. Depuis presque trente ans, j’ai l’occasion de le sentir car il est le parfum de mon papa. Ce parfum ensoleillé, overdosé en citron et cédrat, n’est pas le plus original de la marque mais il demeure, aujourd’hui encore, emblématique. Il a d’ailleurs reçu le prix FIFI Award All of Fame par la Fragrance Foundation de France en 2008, un prix qui récompense les grands parfums intemporels.
Pour moi, la signature de la maison est indéniablement les fleuris aussi il m’a fallu en choisir un mais je les aime tous. J’ai opté pour « Le Chèvrefeuille » sorti en 2002 et créé par Camille Goutal et Isabelle Doyen car je trouve qu’il est vraiment dans l’esprit maison. C’est un bouquet de fleurs blanches, tendre, intense, comme celui que l’on pourrait sentir sur une terrasse à la fin du printemps. Chèvrefeuille, ciste et jasmin sont ici conjugués avec le petit grain et des notes vertes d’herbe coupée après un départ de citron très délicat. Je trouve qu’il reproduit avec beaucoup de délicatesse, à l’instar de « Gardénia Passion» sorti plus tôt, l’image que je me fais de la fleur en elle-même. J’ai toujours aimé « Le Chèvrefeuille » et je me réjouis qu’il soit toujours disponible car je trouve que c’est l’un des parfums sortis après la disparition de Madame Goutal qui est le plus proche de son univers.
Comment évoquer la marque sans parler de « Petite Chérie » qu’Annick Goutal a créé avec Isabelle Doyen en 1998 en pensant à sa fille Camille. Floral, fruité, jamais consensuel mais tout en douceur, c’est sans doute l’un des parfums de la maison que je préfère sentir. Des notes de tête très douces de poire, d’abricot et de pêche qui s’effacent pour nous emmener vers un coeur de lilas et de rose posée délicatement sur un fond de muscs blancs et d’une vanille aromatique et épicée. À la fois, rond, tout doux, très subtil et vraiment singulier, « Petite Chérie » est, pour moi, tout à fait représentatif du goût d’Annick Goutal et de son élégance. Je ne pourrais pas le porter mais j’ai eu la chance d’avoir un savon qui a existé et j’avoue que j’aimais particulièrement me laver les mains avec jusqu’à ce que je le termine. Je vais vous faire une confidence, dès que j’en ai l’occasion, je vais sentir « Petite Chérie », il est, pour moi, un parfum réconfortant et, en même temps, vraiment addictif.
Il y a quelques années, j’ai adoré « Mon Parfum Chéri par Camille » créé en 2011 par Isabelle Doyen et Camille Goutal et qui est un floral boisé dont la note de tête est une prune confite délicieuse, riche et pleine de douceur qui compose à avec un mariage d’iris, de violette et d’héliotrope délicatement poudré et un fond de patchouli très boisé et diaboliquement bien vu. « Mon Parfum Chéri » a été, c’est vrai, la création sortie après la disparition de Madame Goutal que j’ai préféré. Je l’ai essayée, réessayée et même un peu portée mais je la trouvais un peu trop audacieuse pour me l’approprier tout à fait. Ceci cette note de prune sublime l’accord floral et poudré et vraiment c’était une réussite. J’ai beaucoup hésité à parler de ce parfum car il a, hélas, été arrêté il y a deux ou trois ans et je n’ai plus l’occasion de le sentir mais je me suis dit que peut-être quelques uns d’entre-vous l’aviez connu et aimé autant que moi.
Je vais terminer ma sélection par « Grand Amour », créé par Annick Goutal et Isabelle Doyen et lancé en 1996. C’est un floral intemporel, qui est un cuir floral comme je les aime avec, en tête, des notes de lys, de chèvrefeuille, de rose et de jacinthe contrebalancées par un accord cuir et l’amertume de la fleur de genêt soutenu par l’ambre et la vanille et rehaussé de notes de mimosa et de jasmin. « Grand Amour » est, à n’en pas douter un parfum de séduction, complexe, envoûtant et complètement addictif. Je trouve qu’il est la quintessence du travail de la maison Annick Goutal et, si je ne l’ai jamais porté, j’ai énormément tourné autour. Sorti dans la gamme des féminins, je le trouve tout à fait facile à porter pour un homme et vraiment c’est une grande réussite. Je l’ai redécouvert il y a quelques mois car je suis tombé sur le fond d’un très ancien flacon et j’ai éprouvé énormément de plaisir à le sentir à nouveau.
J’ai essayé, dans cet article, de faire revivre mon sentiment et mon admiration pour cette maison que j’ai énormément aimée et depuis longtemps en évitant l’écueil d’évoquer, une fois de plus, « Sables » que j’ai beaucoup porté et « Heure Exquise » qui fait encore partie des fragrances dont j’aime m’entourer surtout dans la version « vintage » que j’ai le privilège de posséder. Aujourd’hui, la maison Annick Goutal appartient à un groupe coréen et est devenue Goutal Paris. Tout le flaconnage et le packaging ont été modifiés et j’avoue que je le déplore. Outre certaines reformulerions (à l’exception d’un ou deux parfums dont « Sables » que je trouve encore vraiment magnifique), ces changements ne sont pas de mon goût et j’admets que je me suis éloigné de cette maison que, pourtant, j’ai tellement aimé. Je ne suis quasiment pas retourné dans notre boutique lyonnaise de la rue du Président Edouard Herriot. C’est ainsi. Peut-être qu’un jour, je ferai fi de mes à-prioris et que j’y reviendrai. Je ne sais pas… j’espère car, vraiment j’ai été un grand admirateur de la maison.
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