Le travail d’Antoine Lie est vraiment « tous azimuts ». Il a créé de très beaux classiques dans la parfumerie mainstream mais également pour des marques plus confidentielles telles « État Libre d’Orange » ou encore « Comme des Garçons ». Parmi toutes les fragrances qu’il a imaginé. Il y en a plusieurs que je trouve hors normes et surprenantes et même certaines pour lesquelles j’ai vraiment eu un coup de coeur. Hélas, trois d’entre-elles n’existent plus mais j’avais envie de les évoquer quand même car je les ai vraiment beaucoup aimées. Je veux, aujourd’hui revenir sur le travail d’Antoine Lie à travers six parfums qui ont marqué ma mémoire olfactive.
Créé en 2009 en clin d’oeil à l’artiste et égérie irlandaise Daphne Guinness pour la marque Comme des Garçons et nommé tout simplement « Daphne », ce parfum a été pour moi un coup de coeur et également un grand regret car il n’existe plus et j’ai raté, cet hiver, à quelques jours près, l’un des derniers flacons à la vente. Sur le papier pourtant, il avait tout pour ne pas me plaire. Tout d’abord c’était un oriental avec une note très présente d’encens dès la tête et ensuite le fond ambré et vanillé représente tout ce que j’ai du mal à porter et pourtant, sa conception complexe, avec des notes de rose, de tubéreuse, de bois de cèdre, de patchouli et de safran avait sur ma peau quelque chose de complètement addictif. Pour moi « Daphne » était, non seulement, l’un des rares orientaux vanillés que j’ai eu envie de porter mais également et, ça j’en suis persuadé, l’unique parfum de la marque Comme de Garçons qui était vraiment pour moi même si je reconnais qu’il y a d’autres belles créations. Si un jour ce parfum devait être réédité où si j’en trouvais un flacon pour un prix raisonnable, je me précipiterai dessus.
C’est drôle mais lorsque je pense à la marque, je n’ai quasiment jamais le réflexe de parler de « Cyber Garden » qu’Antoine Lie a créé en collaboration avec Ennio Capasa pour Costume National en 2014 et pourtant, il y a quelques mois, alors que je flânais dans une parfumerie, je l’ai essayé brièvement et j’ai été impressionné par sa modernité. Comme ça, dans l’idée, il a une construction un peu chyprée bien qu’il soit catégorisé dans les orientaux fougère. Un départ de bergamote mais pas seulement puisqu’on y retrouve aussi du pamplemousse et du poivre rose, un coeur de violette, de géranium composé autour d’une feuille de violette presque cuirée et d’un accord vinyl (il fallait y penser) et un fond de patchouli et mousse de chêne adoucis par le ciste et soutenu par du vétiver et de l’opoponax. J’avoue que la modernité de « Cyber Garden » m’a énormément impressionné. Je pense que la parfumerie d’auteur c’est aussi ça. C’est un parfum tout en transparence mais jamais fade, jamais terne. Il mérite vraiment qu’on s’y arrête et, même s’il n’est pas nécessairement pour moi, je trouve que « Cyber Garden » est une belle réussite.
Chez État Libre d’Orange, nous avons déjà évoqué plusieurs parfums créés par Antoine Lie comme « Sécrétions Magnifique » qui a fait couler beaucoup d’encre ou encore « Tom of Finland » et « Rossy de Palma, Eau de Protection » que j’ai évoqué récemment. Il en a créé d’autres et j’en retiendrai trois qui m’ont particulièrement plu. Le premier, lancé en 2008, je l’ai porté et il a également disparu (du moins à ma connaissance). Il s’agit de « Bendelirious ». C’est un parfum qui réussit parfaitement à garder l’équilibre entre fleuri et fruité tout en développant des notes cuirées et poudrées. Le départ a un côté très « cerise confite » et champagne avec une note d’amertume qui doit être du pamplemousse. Les notes de coeur sont une association que j’aime beaucoup, c’est à dire iris et feuille de violette qui lui donnent un côté ultra poudré. Le parfum est soutenu en fond par des notes de fève tonka, de vétiver, de muscs blancs et un accord cuir à la fois discret et bien présent. J’ai beaucoup aimé « Bendelirious » mais il me manquera sans doute moins que « Daphne » car la tenue en était (en tout cas sur moi) assez limitée, ce qui est rare pour un parfum de la marque.
« Je Suis un Homme », créé en 2006 toujours pour État Libre d’Orange réunit toutes les qualités pour devenir l’un des grands classiques non seulement de la marque mais également de la parfumerie en général. Son nom annonce la couleur et le postulat de départ est sans doute de créer un « parfum de mec » dans l’esprit de la maison. Dense, aromatique, avec des accents cuir et tabac et un fond un peu « cognac », c’est un parfum dans la plus pure tradition des masculins des décennies passées, je dirai même du XXème siècle réinterprété par un parfumeur à l’univers très moderne. Quand je l’ai découvert, je lui ai trouvé une parenté avec « Yatagan » de Caron mais les notes d’agrumes, plus prononcées, lui donnent un petit quelque chose de plus pétillant, de plus androgyne aussi il faut bien le dire. « Je Suis un Homme » fait aussi partie des parfums d’État Libre d’Orange que je trouve très facile à porter et dont l’évolution, si elle est bien présente et qu’il faut en tenir compte, est plus courte que dans d’autres créations de la maison. Il s’avère donc plus aisé à choisir. Je le trouve très réussi et j’aimerais bien l’essayer un peu plus précisément.
C’est en 2006 qu’Antoine Lie crée, toujours pour la même marque, un parfum dont la construction chyprée est renforcée par des notes d’ambre, d’encens et d’aldéhydes. Et c’est ainsi que nait « Rien ». Difficile comme nom pour une fragrance complexe qui est tout sauf rien. Je trouve que, parmi toute la collection (je devrais dire désormais les collections) d’État Libre d’Orange, il est sans doute l’un des parfums les plus facettés. Je ne sais pas vraiment comment le décrire tant il est évolutif. Lorsque je l’ai essayé, j’ai eu l’impression de porter non pas un ou deux parfums différents mais plutôt trois, quatre, cinq… Il est un chypre voire même très classique par moment et puis il se fait poivré, floral, ambré, une note d’encens ressort, puis une autre, le styrax, le patchouli, la rose et le ciste puis la mousse de chêne. C’est une avalanche d’informations olfactives qui en font, je trouve, l’un des parfums les plus singuliers de la marque. Pour moi ce n’est pas « Rien » qu’Étienne de Swardt et Antoine Lie auraient du le baptiser mais plutôt « Tout ».
Le dernier parfum dont je voudrais parler car il est, pour moi, tout à fait incontournable, a reçu le FIFI Award du meilleur parfum homme en 2005, un an après sa création, et il s’agit de « London Men » créé par Antoine Lie pour la maison anglaise de mode Paul Smith. Hélas, il a été éphémère et je le regrette encore aujourd’hui car j’avais eu un coup de coeur très net pour lui lorsque je l’avais découvert. Les notes de tête poudrées tournaient autour de la violette et de la menthe fraîchement coupée puis il se faisait tour à tour floral et aromatique avec des notes d’une délicate lavande et un jasmin opulent pour être soutenu par une association de fève tonka et de bois de santal. Je n’y pense jamais lorsque j’évoque les parfums que j’ai porté car ce fut sur un temps très court mais je l’ai vraiment beaucoup aimé. Son évolution sur ma peau était vraiment incroyable. Je le regrette encore aujourd’hui.
Voilà, Antoine Lie a créé nombre d’autres parfums pour des marques du sélectif et aussi pour d’autres plus, voire très confidentielles mais je suis loin de les connaitre tous. Je suis persuadé que, lors de mes péripéties olfactives, je vais en découvrir plusieurs qui vont m’inspirer et je reviendrai vous en parler mais je voulais absolument faire un focus sur ce parfumeur dont j’aime certains aspect du travail, en tout cas ceux que je connais et qui a créé, même si plusieurs sont supprimés, des fragrances qui comptent parmi celles que j’ai préféré.
