Arquiste, trois nouveautés et une rencontre avec Carlos Huber
Fondée en 2012 par Carlos Huber, d’origine mexicaine et vivant à New York, la maison Arquiste est inspirée par les goûts et les voyages de cet architecte de formation qui a confié à des parfumeurs de talent la réalisation en parfums de ses ressentis personnel. Aujourd’hui, la marque compte 16 parfums dont certains, reformulés après l’interdiction de certaines matières par l’Ifra ont mis du temps à ressortir mais cela fera l’objet d’un autre article. En bref, la marque est très peu distribuée en France, ce qui un peu la volonté de son Carlos Huber. Représentée par Different Latitude, elle a été implantée par David Frossard il y a déjà longtemps au Paravent à Lyon bien avant que la boutique devienne l’une des plus importantes hors Paris. Il était donc naturel que Carlos Huber, lors d’une tournée en Europe, vienne présenter les trois nouveautés de 2024 « en personne ». Je remercie Serge et Alain, qui nous reçoivent au Paravent, chaque fois que nous nous y rendons, avec compétence, bienveillance et, avec le temps, amitié. Ils m’ont donc invité à participer à un cocktail rencontre avec Carlos Huber et j’avais envie de vous parler à la fois de la rencontre et des nouveautés.
Carlos Huber nous a donc présenté lest trois parfums qui sortaient cette semaine mais aussi les bests de la maison dont je vous ai sans doute déjà parlé, « Architect Club » et « Anima Dulcis ». C’est un homme pétillant et très facile d’accès qui a répondu chaleureusement à nos questions en partageant ses goûts, ses expériences avec beaucoup de facilité autour d’une coupe de champagne et d’un buffet délicieux. Nous étions entre passionnés. Je voudrais faire un clin d’oeil à Neil Jacquet, qui lance son nouveau parfum dont je vous parlerai dans les nouveautés d’octobre et avec qui j’ai toujours beaucoup de plaisir à échanger ainsi que les lecteurs de mon blog qui étaient présents et avec qui je suis toujours très content de discuter en direct. Mais, après cette petite digression, revenons à Carlos Huber. Il nous a donc emmené en voyage dans trois destinations et trois époques avec des parfums construits, complexes et que je n’aurais peut-être pas eu l’occasion de sentir immédiatement si nous ne les avions pas à Lyon, disponibles et à notre portée.
« Août 1508, île de Lopud, mer Adriatique. Lopud est une île verdoyante, bordée de figuiers et d'oliviers luxuriants. Depuis le port, parsemé de villas en pierre de la Renaissance, l'odeur des figues et des olives écrasées est si forte que la brise marine salée la transporte au-delà, vers les forêts de pins méditerranéens et de cyprès. Au-dessus, d'anciennes chapelles surplombant le port, telles des sentinelles, sont envahies de thym sauvage, de fenouil et de romarin. L'ensemble du paysage est un paradis aromatique de figues vertes, d'aiguilles de pin séchées, d'herbes sauvages et du parfum subtil de noisette de l'huile d’olive ». Direction donc les bords de l’Adriatique, la Croatie plus sauvage de que ce qu’elle est aujourd’hui et laissons-nous emporter par ce parfum créé par Rodritgo Flores-Roux, en toute amitié avec Carlos Huber. « Imaginez une île ensoleillée de l'Adriatique, un petit port avec des maisons en pierre et des figuiers et des oliveraies, entouré de collines verdoyantes de pins méditerranéens, de rangées de cyprès et d'herbes sauvages. Une fenêtre sur un paysage toujours vert et aromatique de figues adriatiques, d'aiguilles de pin séchées, de romarin sauvage, de thym et du parfum subtil de noisette de l'huile d’olive ». Tel est l'inspiration de "A Grove By The Sea". L’envolée de feuille de figuier, d’olive noire, de fleur de sel et de clémentine a tout de suite retenu mon attention et j’ai été séduit par la fraîcheur et la rondeur de ce parfum résolument vert, aromatique et même, dans une certaine mesure, résineux. Le coeur, bâti autour d’un accord d’huile d’olive, revêt des versants figue mure, presque suave mais contrebalancée par le thym et le romarin qui accentuent encore le côté aromatique. Le fond, presque résineux, s’articule entre notes d’aiguilles de pin, de cyprès méditerranéen et d’argile rouge. Le résultat est un mélange de parfum très figue, comme on en trouve sur le marché mais qui oscille entre notes aromatiques, résineuses et salées. Sur ma peau, il matche vraiment très bien et il a été mon préféré des trois.

« Septembre 1757, Casino Venier, Venise. Dans une ruelle cachée au cœur de Venise se trouve un petit ridotto , un appartement secret pour les relations intimes. Une porte en palissandre s'ouvre sur une pièce aux couleurs pastel, rose poudré, vert pâle et blanc perle. Suspendues dans un nuage parfumé de violette, de rose et d'iris, des sculptures en stuc de nuages mousseux, de guirlandes délicates et d'angelots malicieux semblent danser dans la douce lueur des bougies. Au milieu de ce havre sensoriel, les accords d'une mandoline émanent mystérieusement de derrière un mur, le musicien étant caché des regards indiscrets. La mélodie subtile de fond s'entremêle aux conversations feutrées et aux rires partagés de deux amoureux, les enveloppant dans l'enchantement de leur rencontre clandestine ». Cette fois, à travers « Venice Rococo », toujours composé par Rodrigo Flores-Roux, Arquiste nous emmène au XVIIIème siècle, à Venise, en plein carnaval, là où tout est permis, avec cette évocation peut-être un peu coquine des fêtes complètement folles, des masques et des perruques poudrées. « Un floral poudré et coquet qui capture la décadence de la Venise du XVIIIe siècle, ses intérieurs rococo et ses aventures clandestines. Violette noire, rose poudrée et camomille nichées sur une base incroyablement douce d'iris poussiéreux et d'ambre subtil et animal ». Le départ est vraiment très rétro avec des notes de camomille, d’eau de rose, d’aubépine et d’aldéhydes puis vient, en coeur, ce que la marque appelle un accord poudré à la Maréchale et qui m’évoque les effluves d’un poudrier très ancien et avec des notes de violette noire et de fleur d’oranger mais mêlées au cumin qui rappelle le côté animal de la peau. Le fond, entre accord ambré, iris, civette reconstituée, et jasmin, se fait franchement baroque et, c’est vrai, un peu décalé. Ce parfum est une merveille n’en doutons pas. C’est une fausse poudre de riz sage. Il faut vraiment le mettre sur ma peau. Il y avait longtemps que je n’avais pas mis mon nez dans un tel parfum. Je suis vraiment content qu’il existe même si je ne suis pas certain de pouvoir le porter.

« Décembre 810, Cordoue, Al-Andalus / Sefarad, Espagne. À l’âge d’or d’Al-Andalus, les confiseurs fabriquaient du massepain aux amandes d’une délicatesse sans pareille. Le secret résidait dans les échanges chuchotés entre les cuisines maures et espagnoles, transformant les recettes à base de farine d’amande, de sucre, de safran et de fleur d’oranger en un art. Non loin de là, dans les rues animées de Cordoue, des artisans qualifiés façonnaient le cuir en merveilles exquises. Ainsi, le parfum velouté du massepain se mêlait au cuir de chêne de Cordoue, leur artisanat constituant un pont symbolique entre les cultures et les traditions, prouvant que même dans le creuset d’une domination diversifiée, les plus douces symphonies pouvaient émerger de traditions communes ». Si j’en reconnais la qualité, j’ai été, c’est vrai, peut-être un peu moins sensible à « Almond Suede » composé par Calice Becker alors que, sur le papier, il était sans doute le parfum qui aurait du le plus me plaire. « Almond suede de la maison Arquiste est un parfum gourmand addictif et sophistiqué, qui marie pâte d'amande et cuir suédé, inspiré de l'Andalousie médiévale, de la ville de Cordoue et des bonbons aux amandes. Un incontournable pour les amateurs de gourmandise ». C’est un parfum ultra complexe avec une pyramide olfactive très étonnante puisqu’après l’envolée très addictive de poivre rose, de bergamote et d’huile d’amande amère associée à un absolu de nid d’abeille vient un coeur de ciste espagnol complété, en coeur par des notes de néroli, de safran et de fleur d’oranger puis, en fond, de sucre candi, de vanille absolue, de goudron de pin, le tout enveloppé d’un accord daim. Il en reste, sur ma peau, un parfum cuiré, bien qu’un peu gourmand, dans le fond très classique. J’ai été moins séduit que par les deux précédents mais, il faut le dire, il est très efficace et trouvera, j’en suis certain, son public.

Serge et Alain nous ont offert des doses d’essai de chacun des parfums ce qui m’a permis de faire ce compte-rendu très détaillé car je les ai porté chacun à leur tour sur la peau. Arquiste est une très très belle maison et je suis content de l’avoir découvert. Bien sûr, il est difficile de détrôner « Aleksandr » que j’aime énormément et qui est un très beau cuir de Russie associé à la violette mais ces trois créations, à l’instar des autres, sont réalisées de manière inspirée et soignée. Cela leur confère une très belle qualité et peut-être que l’une d’elle pourrait vous donner envie. Je vous laisse donc les découvrir.
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