Passion Parfums

J’avais beaucoup entendu parler de la très récente maison bretonne Atelier Materi dont le postulat est la mise en valeur de belles matières premières. Les parfums ont été faits avec la collaboration des parfumeurs Marie Hugentobler et Lucas Sieuzac et ont été lancés en 2019 et en 2021. J’ai été très intéressé à l’idée de les découvrir aussi quand j’en ai eu l’opportunité, je dois dire que je n’ai pas hésité une seconde. La fondatrice de la marque Véronique Le Bihan a voulu une gamme exigeante, luxueuse et dans laquelle inventivité se conjugue avec qualité. Le packaging est absolument magnifique avec un flacon unique bleu nuit et un capot en béton très élégant contrairement à l’idée que je m’en faisais. J’ai pris pas mal de temps pour explorer cette collection et laisser les parfums évoluer. Étant donné qu’ils sont conçus avec un fort pourcentage de matières premières naturelles, ils bougent beaucoup et il est nécessaire de les laisser se développer pour avoir une idée précise de ce qui va en rester sur la peau. C’est, pour l’instant, une collection qui compte six parfums ce qui me permet aujourd’hui de vous faire une revue complète.

Le premier que j’ai découvert est celui dont on parle beaucoup dans la blogosphère, il s’agit bien évidemment de « Cacao Porcelana » lancé en 2019 et créé par Marie Hugentobler. La marque le décrit ainsi : « Une fragrance élégante et signée, portée par le choix d’une matière singulière, le cacao blanc ». J’ai été très attiré par l’envolée de cacao blanc, de rhum et d’immortelle que j’ai trouvée très singulière et vraiment addictive. Le parfum évolue sur un coeur de jasmin indien de tabac blond et de davana, de ce fait, le développement est très beau. Je suis un peu moins fan de la toute fin de l’évolution. Les notes de fond sont le patchouli, le santal et la fève tonka mais pour mon nez, hélas, le bois de santal prend toute la place et à l’association de notes très originale autour du cacao succède un parfum très boisé qui m’a moins provoqué d’envie. Il n’en reste pas moins que c’est une très jolie création qui mérite l’engouement qu’il provoque je pense. Il a un côté gourmand sans jamais être sucré mais il demeure un peu trop rond et un peu trop boisé pour moi. C’est une appréciation personnelle. En dépit de sa concentration, je trouve, en outre, que la tenue est limitée. Mon ressenti de « Cacao Porcelana » sera donc un peu mitigé mais c’est vrai que l’originalité et la créativité y sont.

 

« Un parfait accord exprimant la facette sensuelle et confortable de l’iris ». Toujours composé par Marie Hugentobler en 2019, décrit comme un floral cuiré, « Iris Ébène » n’est peut-être pas forcément le parfum de la collection que je préfère car il m’a furieusement rappelé certains cuirs de Memo et m’a moins surpris que « Cacao Porcelana ». Enveloppant, élégant et poudré il s’ouvre avec des notes de mandarine rouge, de petitgrain mandarinier et de piment jamaïcain pour évoluer vers un coeur de baies roses, d’iris et d’un accord suède. Il se pose sur un fond de baume du Pérou, de santal de de muscs cuirés que je n’avais jamais sentis. C’est un cocon réconfortant, élégant et ethnique à la fois. Le mot qui m’est venu lorsque je l’ai senti se développer est « raffiné » mais je dois dire qu’il ne m’a pas surpris et m’a emmené là où je pensais qu’il m’emmènerait. De ce fait, je suis peut-être resté sur ma faim mais cela n’empêche pas que la création est belle et la réalisation impeccable. Il n’y aura là ni faute de goût ni mauvaise surprise. L’évolution est conforme avec le top notes, d’une grande qualité. S’il n’est pas l’iris que je préfère sur le marché car je le trouve plus boisé que réellement cuiré mais il m’a paru être un beau parfum tout de même.

Créé par Luca Sieuzac, « Santal Blond » a été la première surprise de la collection. Je n’aime pas du tout le bois de santal travaillé en majeur et là, oh surprise, je l’ai trouvé, dès l’envolée de bergamote et de cardamome, vraiment très agréable avec un côté épicé et une certaine fraîcheur qui m’a rappelé l’odeur des bois aux printemps. Le coeur de santal et de jasmin est très étonnant et le parfum se pose sur un fond d’hinoki bourbon qui est une sorte de cyprès japonais. Je dois dire que je l’ai trouvé très beau, jamais écoeurant même si le fond est vraiment très arrondi par la fève tonka. Je trouve qu’il y a quelque chose d’assez addictif dans ce parfum. Son évolution m’a séduit voire même charmé. Attention, il n’est pas consensuel et c’est un parfum pour amateurs. Tout le monde ne peut pas se l’approprier facilement. Il s’adressera aux amateurs de boisés sensuels et naturels. Je trouve le rendu très beau et insolite à la fois. La marque, d’ailleurs, le décrit ainsi : « Matière sacrée, le santal est un bois exotique singulier qui, distillé, offre une essence aux accents crémeux, souples et veloutés, très puissante ». Je trouve que l’équilibre jasmin/santal est super intéressant. C’est un parfum à découvrir.

J’aime beaucoup le travail de la graine d’ambrette et j’attendais beaucoup de « Bois d’Ambrette » créé en 2019 par Marie Hugentobler et finalement, il est peut-être le parfum de la collection qui m’a le moins attiré. Le départ de mandarine et de gingembre est très fugace et le coeur d’ambrette, associée au côté vert et croquant de l’angélique et à la facette fumée et boisée de l’huile essentielle d’amyris m’a presque dérangé. Le fond de muscs blancs ne m’a pas convaincu car il est un peu saturé d’ambroxan et exploite une facette du santal que je n’aime pas trop. C’est un parfum très boisé, un peu fumé, qui m’a terriblement dérouté. Décrit ainsi par la marque : « Un parfum qui traite en majesté un musc végétal méconnu et aux multiples facettes, l’ambrette », il m’a peu convaincu mais je ne saurais pas l’expliquer je pense que la note boisée persistante me dérange un peu et m’empêche d’apprécier le côté profond de l’ambrette. C’est dommage pour moi mais je suis certain qu’il va rencontrer son public.

« Une fraîcheur à la tenue et à la signature singulières, portée par le poivre Timut ». « Poivre Pomelo », créé par Marie Hugentobler en 2019 est le premier des deux coups de coeur que j’ai eu dans la marque. Après un départ très amer et presque dérangeant de poivre timut, pamplemousse et baies roses, le parfum se développe merveilleusement. Le coeur d’angélique, de pivoine et d’osmanthus est particulièrement addictif et le fond de cèdre très discret se marie très bien au maté et à une très belle qualité de vétiver. Frais mais profond, original et versatile « Poivre Pomelo » est vraiment formidable pour moi et pourtant, je ne suis pas vraiment un fou des hespéridés. Il est très intéressant mais il ne faut pas s’arrêter à l’envolée qui est un peu déstabilisante. J’ai beaucoup aimé le sentir changer et me surprendre. Il m’a beaucoup séduit et je dois dire que je le réessayerai avec plaisir. Il a un côté très pétillant qui m’a beaucoup plu et je trouve que le poivre timut apporte vraiment une facette étonnante.

« Narcisse Taiji », composé par Marie Hugentobler est la nouveauté puisqu’il vient de sortir en 2021. C’est un parfum floral et épicé avec un fond cuiré tout à fait fantastique et d’une élégance absolue. J’aime le côté un peu cuiré et poudré du narcisse que j’identifie tout de suite. J’avais d’ailleurs consacré un article à cette note qui me plait particulièrement et le travail de Marie Hugentobler est vraiment une merveille. Après un départ de poire, de racines de gingembre et de tubéreuse que je ne sens pas, le coeur est construit autour d’une très belle senteur de narcisse à la fois profonde et poudrée. Elle est associée à un absolu de foin et de son ce qui m’a surpris et se pose sur un accord cuiré avec des notes de patchouli et de muscs. La marque le décrit ainsi : « La force et la délicatesse du narcisse, un parfum entre ombre et lumière ». Ce parfum d’une élégance incroyable est presque chypré. C’est un vrai parti pris olfactif et je suis complètement séduit. Je pense bien qu’il va rejoindre mon top des sorites de l’année 2021 en bonne place. Pour moi, c’est carton plein.

Pour résumer mon impression sur la marque, je dirais que je suis un peu mitigé. La qualité des création et l’originalité des jus est indéniable. C’est un très beau travail dans l’ensemble mais j’émettrait deux réserves. La première est la tenue que je trouve un peu limitée sur plusieurs des parfums que j’ai essayé mais ça n’engage que moi car, je pense que sur quelqu’un d’autre, il est tout à fait possible qu’elle soit meilleure, la seconde est le prix. Lorsque je découvre une marque je me demande toujours si je serais près à mettre le prix de vente dans l’une des créations. Pour ce qui est de Atelier Materi, la réponse sera probablement non car 220 euros pour 100 ml d’eau de parfum c’est une somme et je ne suis pas certain de vouloir franchir ce cap. Ceci dit, c’est une très belle découverte et je changerai peut-être d’avis.