Passion Parfums

 

 

 

Le parfumeur Bernard Chant a créé des fragrances à partir des années cinquante. Certaines d’entre-elles sont devenues des classiques de la parfumerie et sont toujours distribuées aujourd’hui. Pour moi, trois d’entre-elles sont parfaitement incontournables et je les ai re-senties pour vous proposer une petite revue en forme d’hommage à ce parfumeur un peu méconnu mais dont beaucoup d’entre-vous ont porté les créations. Je trouve que Bernard Chant a particulièrement bien maîtrisé l’ambiguïté entre masculin et féminin et travaillant des notes cuirées ou encore fleuries d’une manière très singulière et tout à fait personnelles. Allez, je vous emmène dans l’univers d’un nez talentueux qui a marqué l’histoire de la parfumerie française.

Dans la lignée de parfums à la fois chyprés et cuirés aux notes froides tels « Diorling » de Christian Dior, « Macassar » de Rochas et, bien évidemment, « Bandit » de Robert Piguet, « Cabochard » de Grès est un petit bijou pas très cher qui existe dans trois concentrations, eau de toilette, eau de parfum et extrait. Je ne sais pas s’ils sont toujours tous fabriqués mais ce sont autant d’options pour l’adopter. Le départ est à la fois épicé, aromatique avec des notes de sauge et d’estragon et aldéhydé. Le coeur est poudré et floral et construit autour du géranium avec des touches d’iris, d’ylang ylang, de jasmin et de rose. Le fond, complètement cuiré est un assemblage de notes de santal, de patchouli, d’ambre, de mousse de chêne, de patchouli, de vétiver et de tabac. Cette formule, un peu complexe, donne un parfum qui a des accents chyprés sans bergamote, cuirés mais aussi un peu boisé avec des notes presque épicées. Je le trouve à la fois complexe et facile à porter. C’est un très beau parfum portable tout au long de l’année. Un petit bémol toutefois. Il a été reformulé récemment et je trouve qu’il a maintenant un côté « savon de Marseille » que je ne lui connaissais pas dans son ancienne version et que j’aime moins.

 

 

 

En 1971, Bernard Chant renoue avec un style un peu tombé dans l’oubli, le chypré floral en créant pour la marque de cosmétiques Clinique le très célèbre « Aromatics Élixir ». L’ouverture de camomille, de sauge, de géranium et de palissandre est construite autour de la bergamote omniprésente et douce. Le coeur de tubéreuse, de jasmin, d’iris, d’ylang ylang et de rose semble classique mais il est un peu relevé par des notes presque curieuses de fleur d’oranger. Le fond est typiquement Chypré avec l’accord patchouli et mousse de chêne mais aussi des notes de vétiver, de santal et d’encens, le tout poudré par des muscs blancs. J’aime bien « Aromatics Élixir » sur les autres mais je ne pourrais pas le porter. Il est très capiteux, très profond et il aurait presque tendance à me faire tourner la tête. Beaucoup de femme de la génération seventies se le sont approprié et certaines le portent depuis fort longtemps. Il existe même en extrait. C’est un classique. Rarement un parfum d’une marque n’ayant pas cette branche comme activité première a eu autant de succès. C’est une réussite. Je le trouve particulièrement beau.

 

 

 

C’est avec Joséphine Catapano que Bernard Chant a créé l’un des parfums les plus emblématiques d’Estée Lauder. J’ai découvert « Cinnabar » il y a quelques années et je ne serai pas surpris qu’il ait influencé les créateurs de « Opium » d’Yves Saint-Laurent. J’aime beaucoup le départ très épicé, très clou de girofle mélangé à la bergamote et à l’orange. Le coeur d’iris, de cannelle, de jasmin, d’ylang ylang et de muguet m’évoque beaucoup un lys très opulent. Le fond de benjoin, de vanille, de patchouli, de vétiver et d’encens est très oriental. Vous l’aurez compris, « Cinnabar » n’est pas mon genre de parfum mais je sais reconnaitre qu’il est parfaitement bien imaginé. Il peut avoir quelque chose d’un peu daté mais je le trouve tout de même élégant. J’aime bien son côté très oriental à l’ancienne qui le rend un peu intemporel.

Au travers de ces trois créations, je remarque de Bernard Chant a été un parfumeur important et que, si son nom est un peu inconnu, son travail est aimé depuis plus de cinquante ans et plusieurs des jus qu’il a inventé sont aujourd’hui des classiques qui conservent leur clientèle. Je trouve qu’il faut des parfums « à l’ancienne » qui s’inscrivent dans notre patrimoine olfactif. Ces trois fragrances sont parfaites pour cela.