Passion Parfums

S’il est une famille de parfum que j’ai du mal à porter ce sont les boisés. Qu’ils soient sec et vraiment « forêt », « sous-bois », ou plus résineux, je peux les trouver jolis mais, sur moi, ce n’est pas du tout ce que je préfère. Il ne m’en fallait pas plus pour m’éloigner de ma zone de confort pour en essayer et voir si au moins un pourrait me convenir. De ces pérégrinations parfumées sont sorties évidemment quelques conclusions. Bien sûr, j’aurais pu revenir sur les très belles créations de Michel Roudnitska qui a vraiment travaillé sur cette famille olfactive d’une manière très complète avec « Bois de Paradis » de DelRae tout d’abord et, également, plus récemment, pour « Agua Nativa » pour Parfumeurs du Monde et également « Wood of Life » d’Anima Vinci car ce sont, sans aucun doute ceux que j’ai préféré mais je l’ai très largement fait dans différents articles. J’aurais pu aussi vous dire l’attirance que j’ai pour le côté bois de réglisse mais c’est un sujet que j’ai déjà largement abordé. J’ai décidé de vous entrainer avec moi loin de ma zone de confort pour explorer des créations qui, sur le papiers, n’auraient jamais pu me plaire et qui, pourtant, on chatouillé mon nez.

Il y a beaucoup de parfums boisés chez Serge Lutens et j’en ai choisi un très résineux. Il s’agit de « Fille en Aiguilles » qui a beaucoup plu, dès sa sortie en 2009 dans mon entourage. Christopher Sheldrake est revenu, avec dette création, à ses premières amours en mêlant des notes de pin, de sapin baumier je pense avec le vétiver et l’encens tout en n’oubliant pas des notes de fruits confits. Pour moi, « Fille en Aiguille » est un peu une variation autour de « Féminité du Bois » et pourquoi pas ? J’avais une amie qui l’adorait et le portait beaucoup il y a donc une dizaine d’années et, ce qui me frappait surtout était vraiment le côté sève, résineux et dense. Je pense qu’il peut y avoir des notes d’encens également. À l’époque, je lui trouvais quelque chose de très « relaxant » et, même s’il ne me plaisait pas tellement pour moi, j’éprouvais un certain plaisir à le sentir porté. J’aimais bien le côté « promenade en forêt » de ce jus très réussi. J’ai un regret toutefois, c’est la politique de la maison qui a décidé de retirer ce parfum de ce qui est devenu la Collection Noire pour le sortir parmi les Gratte-Ciels car son prix est vraiment très élevé et va dissuader certains amateurs.

 

 

Marc-Antoine Corticchiato s’est attaqué à cette famille olfactive à son tour avec « Wazamba », également sorti en 2009 mais il l’a fait avec son esprit baroque. Si ce parfum, également très résineux, est un travail autour du cyprès et de l’encens, je dois dire qu’il s’enrichit de notes de prune (que j’aime énormément), de ciste, de myrrhe et de résine oliban. Le départ presque cerise, est très déroutant. « Wazamba » est un parfum complexe, qui oscille entre boisé et oriental fougère. C’est une invitation au voyage vers un pays rêvé et, il est vrai, sans doute exotique. Curieusement, j’étais passé à côté jusque-là et l’an dernier, je l’ai vraiment découvert. Dans la collection, il détonne un peu et, même si Marc-Antoine Corticchiato a déjà utilisé des bois et voulu créer des promenades dans la nature, il a fait de « Wazamba » un inclassable. Je l’ai vraiment beaucoup aimé porté. Il est très capiteux et je ne suis pas certain qu’il soit pour moi mais je sais bien reconnaitre le côté inventif de sa construction et je comprends qu’il ait ses adeptes et que, durant tout le temps durant lequel la production était arrêtée, il ait tant manqué.

 

 

J’avais évoqué « Bois d’Ascèse » dans ma revue des parfums Naomi Goodsir mais je ne me voyais pas écrire un article sur les parfums de cette famille olfactive sans y revenir tant je le trouve réussi. Créé donc par Julien Rasquinet en 2013, c’est un oriental boisé complètement atypique avec un départ de tabac et de whisky qui, ensuite, glane des notes ambrées et épicées très sèche pour reposer sur un fond qui est une overdose de cèdre associé à un encens très délicat. Il a presque un côté « bois brûlé » tout en restant d’une rare finesse et d’une modernité à toute épreuve. Certes, « Bois d’Ascèse » n’est pas le parfum de tout le monde. Il n’est ni facile à porter, ni consensuel. Il faut l’assumer car il est un rien extravagant. Là encore, nous sommes dans un univers onirique et dans une forêt sombre au petit matin après l’été. Je trouve que « Bois d’Ascèse » est vraiment une réussite sur tous les points. On ne peut pas tout porter mais il est vrai qu’il me plait.

 

 

J’ai déjà largement parlé de la merveilleuse collection Natura Fabularis créée en 2016 par Daphné Bugey pour l’Artisan Parfumeur mais je ne m’étais pas vraiment arrêté sur « Tenebrae 26» qui a vraiment sa place dans ce top. C’est un boisé aromatique très singulier construit autour du sapin et de la résine oliban. Je trouve qu’il y a quelque chose de mystique dans ce parfum à la fois délicat et un peu terreux. Il m’évoque une petite chapelle perdue au milieu des bois de la campagne anglaise avec tout ce que ça peut comporter de mystère. Comme à son habitude, Daphné Bugey nous entraîne dans un paysage rêvé et étrange avec un jus très étonnant. Moi qui n’aime pas trop les notes de bois et d’encens, j’ai été séduit par « Tenebrae 26» et je trouve que, porté, il a vraiment quelque chose de magique. Je vous engage donc grandement à vous plonger dans le très sobre flacon de « Tenebrae 26» pour aller découvrir cette fragrance très étonnante mais tout à fait facile à porter. Je l’ai re-senti hier et, franchement, je l’ai redécouvert. Je le trouve magnifique.

 

 

Boisé toujours mais beaucoup moins résineux, « Green Irish Tweed », lancé en 1985 est, je trouve l’une des plus belles réalisations d’Olivier Creed. Il représente, à mon sens, tout l’esprit de la maison avec une dualité à l’anglaise entre la violette et le bois de cèdre. Ici pas de résine, pas d’aiguilles de pin mais plutôt un bois indiscipliné de la campagne anglaise, un peu frais parsemé de gouttes de rosée. J’ai toujours aimé ce parfum car je trouve qu’il est vraiment, même s’il est moins connu que « Aventus », l’archétype de l’identité anglo-française de Creed. Le mot qui me vient lorsque je le redécouvre est « élégance ». Son classicisme apparent et son développement très délicat lui confèrent quelque chose de vraiment agréable à porter. Je pourrais tout à fait le porter. Un seul bémol peut-être, la durée de sa tenue que je trouve un peu réduite. En tout cas, contre toute attente, il m’attire et je suis toujours content lorsqu’un testeur est à ma disposition, de le vaporiser sur mon poignet.

 

 

Ouf ! J’ai réussi à trouver des boisés, résineux ou non qui me plaisent un tant soit peu et j’ai peu écrire cette revue en y trouvant un certain plaisir olfactif. J’ai choisi des univers très distincts les uns des autres et je ne le regrette pas car la famille des boisés est très vaste. Ils peuvent être donc très terreux et résineux comme également fleuris par petites touches et il y en en a pour tous les goûts.