Passion Parfums

 

 

Depuis quelques temps, j’entends énormément parler de Caroline Dumur et je me suis penché sur son parcours olfactif d’autant qu’elle a composé « A Kiss of Bliss » que j’aime beaucoup pour la nouvelle collection Potions & Remedies de Penhaligon’s. J’ai donc fait quelques recherche et j’ai découvert qu’elle travaillait chez IFF et qu’elle avait composé plusieurs parfums que je connaissais. J’en ai sélectionné quatre, très différents mais dans lesquels, je trouve qu’on reconnait bien sa signature. Je pense que j’ai choisi des créations dont j’ai déjà parlé mais je les maîtrisais mieux alors c’est une option que j’ai prise pour cet article. En tout cas, je le dis, je suis admiratif de son travail à en juger par ce que j’ai senti.

Le premier parfum, je viens de le découvrir ou de le redécouvrir (je ne me souviens pas si je l’avais senti lorsque j’ai essayé les créations de la marque) et il fait partie de la collection privée La Perla. Il s’agit de « Once Upon A Garden » créé par Caroline Dumur en 2021. « Once Upon a Garden vous transporte dans un été idyllique, plein d'exubérance juvénile et d'anticipation des aventures à venir. Vous êtes plongé dans la chaleur de la nuit d'été, avec la sensation d'une brise fraîche sur votre peau. L'isolement des pois de senteur en fleur renferme votre secret, un premier baiser innocent. S'agit-il d'un souvenir ou d'un rêve ? ». Pour moi, il représente la dualité entre les notes vertes et presque piquantes de l’envolée avec le poivre rose, la menthe crépue et la mandarine, le versant floral du coeur avec une très belle reconstitution du pois de senteur, la feuille de framboisier et la rose puis le fond ambré et presque chypré dans lequel on retrouve, bien sûr, des notes de patchouli et de mousse de chêne mais aussi de bois ambré (ce qui n’est pas forcément ce que je préfère d’habitude) qui donnent au parfum quelque chose de très moderne. C’est ce que l’on appelle maintenant un néo-chypré car l’accord n’est pas complet étant donné que Caroline Dumur n’a pas utilisé de bergamote en tête (ou en tout cas, je ne la sens pas) et je trouve le résultat très beau. Je remercie Diane, fidèle lectrice de ce blog, de m’avoir envoyé une dose d’essai. J’étais un peu passé à côté de ce parfum mais c’est vrai qu’il me plait bien.

 

 

 

« Aux premières lueurs de l’aube, la nature impétueuse a la fraîcheur incisive des eaux vive d’un torrent de montagne. La moindre odeur explose comme une extase. Celle d’une fleur sauvage à peine éclose emplit l’air tout entier et devient la promesse d’un renouveau, le rêve d’un possible ». Caroline Dumur a également composé « Sauge » pour Headspace et j’ai été complètement dérouté par ce parfum. Nous entrons dans le parfum sans aucune note de tête pour trouver un coeur de sauge très identifiable et associé au côté peau du cumin et du poivre noir, vert de l’angélique et mentholé du géranium puis il évolue vers un fond de cyprès et de cypriol poudré par la fève tonka qui lui donne aussi un versant cuiré, adouci par le santal et finalement par des traces d’encens. Clairement, ce parfum n’est pas pour moi mais je reconnais qu’il est vraiment très original. Sa tenue et son sillage sont extraordinaires. Il est vraiment atypique et je pense intéressant de le sentir, voire même de l’essayer même si, encore une fois, il est beaucoup trop aromatique pour moi. La marque le décrit ainsi : « "Sauvage extase" : la vibration d’une aventure végétale. Alternant entre le frais et l’ardent, cette fougère 3.0 révèle une explosion racée de sauge sclarée et d’épices, dans un encensement d’angélique, une vibration claire d’encens et de bois épris de liberté. Une transpiration contemplative de la nature » et je crois que tout est dit.

 

 

« La mission du parfumeur était d'imaginer une boule disco dans une clairière ensoleillée.. ». En 2022, Caroline Dumur a également signé « Rayon Vert » pour Bastille et j’avoue que ce parfum me laisse dubitatif. Je le trouve à la fois réussi et presque dérangeant. Le départ est un peu « farouche » avec des notes de basilic et d’anis complétées par un néroli très vert et un bourgeon de cassis presque « croquant » qui trouve son écho avec un coeur d’angélique; de cumin, de camomille et de fenouil puis un fond d’immortelle, de cèdre et de santal. Voilà un mélange explosif ! « Basilic, immortelle et graine d'anis Rayon Vert évoque un printemps sauvage, une explosion de vie ensoleillée. Les agrumes s'y mêlent aux notes vertes inattendues de basilic, graine d'anis et fenouil. C'est le vent de liberté que vous attendiez depuis 2020 ! ». Heureusement, si la tenue est très bonne, le sillage reste raisonnable car c’est une création étrange, verte certes mais très éloignée de ce que je connais bien qui est plutôt galbanum. Là, les notes sont fraîches mais elles ont aussi pas mal de facettes et le parfum peut vraiment déstabiliser. Ça a été mon cas. Artistiquement, je trouve que c’est une réussite mais ce n’est pas « mon » parfum vert. Je ne pourrais absolument pas le porter. J’aime beaucoup l’idée qu’il soit vraiment très différent des autres créations de Bastille. Il marque le début d’une nouvelle orientation de la marque, peut-être plus clivante mais c’est aussi cela prendre des risques et je crois que le parfum rencontre bien le succès.

 

Je consacrerai un article entier à « A Kiss of Bliss » quand je l’aurais vraiment essayé mais je vais revenir, pour le quatrième choix de cette sélection, sur « Odeur Du Théâtre Du Châtelet Acte I » que Caroline Dumur a créé pour Comme des Garçons en 2019 et que j’avais beaucoup aimé à sa sortie. « Le Théâtre du Châtelet a réouvert avec le spectacle Parade, hommage au ballet d’Erik Satie, avec les décors de Picasso. Le parfumeur s'est ennivré des odeurs de ce lieu mythique: le poudré des fauteuils en velours se traduit par les notes de tubéreuse, la fleur d'oranger fait écho aux essences des fumigènes, et l'oxyde de rose rappelle la poudre à canon. Le fond d’encens, de musc et de cèdre évoque l’atmosphère mystique qui envahit les recoins de cette salle grandiose ». C’est un parfum froid, très contemporain, très original avec un départ de notes métalliques et aldéhydées associées au poivre noir, un coeur de fleur d’oranger et de rose puis un fond d’ambrette, de café, de cèdre et de musc. Je le trouve presque encens alors que ce n’est pas une matière qui semble faire partie des notes principales. Là encore, Caroline Dumur prend des risques. La créations ne plaira pas à tout le monde et elle est un peu éloignée de l’univers de Comme des Garçons tel qu’on le connait. C’est un parfum moderne, un peu étrange, avec quelque chose de parisien, d’élégant mais aussi de très « graphique » si l’on peut dire. Je ne l’ai pas senti depuis un moment mais je me souviens tout à fait de son développement. Il me plait. Je pourrais sans doute le porter même s’il m’éloigne de mes goûts habituels.

 

 

Voilà, j’avais envie de faire un rapide retour sur la partie parfumerie de niche des créations de Caroline Dumur dans laquelle on reconnait sa signature résolument contemporaine, osée et vraiment très singulière. Je trouve qu’elle déroule, entre ses compositions, un fil d’Ariane qui est facile à suivre. Il y a dans tout ce que je connais, un maître mot : originalité.