Caron, nouveaux parfums, nouvel esprit... et impression très mitigée
J’ai beaucoup hésité à écrire un article sur la nouvelle collection de la maison Caron pour plusieurs raisons dont les premières créations sont sorties en 2019. Tout d’abord, il faut que je sois honnête, la politique du groupe qui possède la marque me déroute, voire même le dérange. Je trouve extrêmement dommage d’avoir supprimé la plupart des créations jusque-là conservées depuis des décennies et qui faisaient partie de l’histoire de la belle parfumerie. Je comprends parfaitement le besoin de rentabilité et le fait que beaucoup de ces jus étaient difficiles à vendre aujourd’hui mais était-il vraiment nécessaire de tout supprimer ? Je me suis largement exprimé là-dessus et je ne vais pas y revenir encore et encore. Je suis également un peu déstabilisé par la réutilisation des noms de parfums déjà existants pour pour nommer de nouveaux jus absolument différents qui sont sortis depuis 2019 (« Narcisse Blanc » en 2020 et « Muguet du Bonheur » en 2021) et également par la reformulation des extraits (« Tabac Blond », « Pois de Senteur » et « Délire de Roses ») même si je ne les trouve pas horribles. Je vais regretter la décoration artdéco de la boutique de la rue François 1er même si le code couleur est joli et qu’il y a un côté clair et moderne qui n’est pas laid. Les nouveaux flacons et les nouveaux codes de la marque me surprennent également énormément et je ne peux pas dire que j’adhère totalement mais je vais m’y habituer. J’étais juste attaché à la boutique telle qu’elle était car cela correspondait plus à mes goûts. Enfin, j’ai été, dès le départ, un peu désappointé par les nouvelles créations de Jean Jacques dont j’attendais beaucoup mais qui, il faut bien le dire, ne correspondent pas vraiment à mes goûts. Ceci étant dit, j’ai eu l’occasion, un peu par hasard, de re-sentir ces nouveaux jus et, si cela a confirmé, en grande partie mon opinion, je dois dire que j’en ai trouvé trois assez intéressants. Pour les autres, je vais tenter d’être un peu plus objectif que d’habitude et répondre à une demande qui m’est faite depuis très longtemps d’écrire une revue complète.
Le premier parfum créé par Jean Jacques pour cette collection des Nouveaux Parfums Fontaine a été « Rose Ivoire » lancé en 2019. Je dois dire que, parmi les trois premières créations, celle-ci m’a assez plue. Je connais la culture de la rose chez Caron et j’ai trouvé très logique que cette fleur, chère à Ernest Daltroff, soit au centre des nouveautés. Sur le papier, c’est un parfum qui avait tout pour me plaire. Une ouverture de poivres blancs, roses et noirs, un coeur composé d’un duo de rose de Turquie et d’absolu de jasmin sambac et un fond de concrète d’iris, de graine d’ambrette et de muscs blancs. Je dois dire que, finalement, j’ai été un peu déçu car, si le départ m’a enthousiasmé, j’ai trouvé que, finalement et sur ma peau (je ne peux parler que de mon ressenti), la rose pétillante et délicate tombait un peu à plat et devenait un parfum musqué comme il y en a tant sur le marché. J’apprécie le côté frais et délicat de la fragrance mais je ne suis pas du tout convaincu par la tenue qui est assez limitée sur moi. De plus, je trouve que, si la réalisation est jolie, elle est assez classique et, finalement, ne correspond pas vraiment à l’identité très marquée de la maison Caron.
La rose de Turquie est également au centre de « Rose Ébène » qui fut le second parfum que j’ai senti et je dois dire que, si le précédent aurait pu me plaire, il n’en n’est pas de même pour celui-ci. Il me dérange énormément. Je ne sais pas si c’est l’association de de la rose de Turquie et de l’essence de styrax alliée au côté sombre du bois de bouleau et d’un accord cuir ainsi qu’au vétiver où encore la note de safran que je trouve très envahissante car je ne crois pas que ce soit le duo rose et patchouli qui me dérange mais j’ai vraiment une répulsion pour ce parfum très dense et qui, apparemment, plait beaucoup. Je dois dire que je ne suis pas la meilleure personne pour venir vous en parler car je n’ai pas du tout accroché. Je dois même dire que j’ai été rebuté par cette création. Je crois que c’est cela aussi la parfumerie. Un parfum de peut et ne doit pas plaire à tout le monde. J’accepte donc parfaitement le fait que je suis hermétique voire même réfractaire à « Rose Ébène ». Je suis donc passé à autre chose.
« C’est lors d’un voyage en Thaïlande que Jean Jacques a découvert l’incroyable complexité des fleurs blanches… et en est tombé follement amoureux. Dans leurs effluves délicieusement solaires, il a découvert d’étonnantes facettes fraîches de gingembre. Ce choc olfactif lui a inspiré le duo au cœur de ce parfum : une tubéreuse d’Inde dont la senteur charnelle, entêtante et crémeuse, est contrastée par une note de gingembre Nigéria piquante et zestée, plus vraie que nature ». La troisième tentative a été plus concluante parmi la découverte des trois premiers parfums de la collections sortis en 2019. Ce bouquet de fleurs blanche finement travaillé ne pouvait que me plaire beaucoup plus car il est beaucoup plus dans ma zone de confort. Je l’ai essayé et c’est vrai que c’est un joli parfum. Toutefois, je dois dire que, s’il m’a plu « Tubéreuse Merveilleuse », ne m’a pas surpris et m’a rappelé, dans l’esprit, les créations de Jean Jacques pour Isabey. J’étais donc vraiment dans mon élément. En revanche, je n’ai pas vraiment senti la tubéreuse pourtant utilisée en majeur. J’ai trouvé le parfum facile d’accès et bien réussi. Je n’en n’attendais pas grand chose et « Tubéreuse Merveilleuse » est l’un de mes parfums préférés de la collection au bout du compte.
Présenté comme le pendant de « Tabac Blond », j’attendais beaucoup de « TabacNoir » qui faisait partie de la seconde salve des parfums de la nouvelle collection. Je pensais que l’association de l’absolu de tabac des Balkans associé à l’essence de patchouli d’Indonésie allait me plaire mais je me trompais. Je ne sens ni la note de miel, ni celle de fève tonka et encore moins celle de poivre noir de Madagascar et je dois dire que j’ai été très désappointé par « Tabac Noir ». Je n’ai absolument pas accroché mais il ne m’a pas dérangé. Je me suis simplement dit qu’il n’était pas pour moi et surtout que nous étions très loin de l’élégance surannée qui était l’identité de Caron. Pour moi, ce parfum résolument moderne aurait peut-être eu sa place dans la Private Blend de Tom Ford ou dans une marque très contemporaine. Je comprends le besoin de moderniser la maison mais c’est vrai qu’entre « Tabac Blond » et « Tabac Noir », c’est un peu le grand écart. Je suis donc un peu mitigé en ce qui concerne ce parfum et je le trouve trop éloigné de ma zone de confort pour l’apprécier vraiment. Je l’ai eu sur ma peau il y a quelques temps et ça a confirmé un peu mon impression. C’est, même s’il ne faut jamais dire jamais, une création qui ne me provoque pas la plus petite émotion. Peut-être en attendais-je trop ou peut-être est-il simplement trop sombre pour moi, je ne saurais le dire.
Dans le genre ultra-moderne, « Tabac Exquis » est également un cas d’espèce. Sorti en 2020, je l’ai découvert dans la boutique de la rue François 1er à Paris et je dois dire que, à l’instar de « Rose Ébène », il m’aurait plutôt dérangé. La dualité entre le chocolat et le tabac m’a positivement entêté. Je dois dire que, si je sens très bien l’ambroxan, décidément très à la mode, la myrrhe et le labdanum, l’accord chocolat prend toute la place ainsi que l’absolu de fève de cacao. Je dois dire que j’ai été très rebuté par « Tabac Exquis » et que je ne l’ai pas essayé sur ma peau car je pense que j’aurais eu du mal à le supporter sur un temps long. Il est, c’est le moins que l’on puisse dire, dans l’air du temps. Je pense qu’il y a beaucoup d’amateurs pour ce parfum très fort, très puissant à mi-chemin entre tabac et gourmandise. Pour ma part, il est vraiment trop éloigné de mes goûts et je dois dire que je ressens parfaitement son côté contemporain mais clivant. Je n’adhère absolument pas mais encore une fois, cela n’engage que moi et mes goûts. Je l’ai senti par une journée ensoleillée d’octobre et je dois dire que peut-être qu’au plus froid de l’hiver, je l’aurais mieux supporté.
Lorsque j’ai su que « Narcisse Blanc » allait être réédité en 2020, j’ai brûlé de le découvrir et je dois dire que j’ai été complètement dérouté car ce n’est pas une reformulation mais bel et bien un tout nouveau parfum. Il m’a énormément déstabilisé car je ne m’attendais absolument pas à ça. Je dois dire que ma déception a été grande car, au côté cuiré et profond de l’original (du moins de la version que je connaissais), succède un petit floral assez mainstream avec assez peu d’identité. Si le top note, très classique m’a plu avec une jolie bergamote, une essence d’orange et de petit grain et de fleur d’oranger, j’ai été vraiment déçu par une évolution plate et peu intéressante entre vanille et une profusion de cashmeran. Je ne suis vraiment pas en phase avec ce parfum qui ressemble, j’en suis désolé, à toutes les petites fleurs d’oranger qui sortent dans plein de marques et qu’on oublie aussitôt après les avoir senties. Je dois dire que je n’ai pas du tout accroché et que, même si je l’ai re-senti récemment, je l’ai déjà oublié à nouveau. Je passerai donc très rapidement sur cette version de « Narcisse Blanc » que je trouve un peu désolante.
Dans cette nouvelle collection, j’ai été vraiment séduit par un seul parfum. Contre toute attente, il s’agit de « Santal Précieux » lancé en 2020. Je dois le dire, je n’en n’attendait absolument rien. Ceux qui suivent mon blog le savent, je ne suis absolument pas attiré par ce bois lacté et crémeux travaillé en majeur et j’ai été très surpris d’aimer vraiment bien ce parfum qui est, pour moi, l’équilibre parfait entre un départ épicé très cannelle et cumin un coeur de rose poudrée qui m’a rappelé l’odeur très régressive des poudres de Caron que j’ai senti depuis les petites heures de l’enfance et l’association avec la note plus pep’s de géranium. En plus, j’ai trouvé qu’il matchait très bien avec ma peau ce qui n’est pas toujours une évidence il me faut bien l’admettre. J’ai un peu tendance à ne garder qu’un côté floral et sucré que je n’aime pas forcément mais je n’y peux rien. Reste que « Santal Précieux » garde sur moi une myriade de facettes et que vraiment il me plait bien. Après, le porterais-je ou non ce n’est pas à l’ordre du jour car j’ai d’autres priorités mais il est une très jolie création, à la fois dans l’esprit Caron mais avec plusieurs twists très modernes. Il me fait un peu l’effet de ce que j’avais ressenti en découvrant « Montaigne » que j’aime toujours beaucoup, il y a quelques années.
J’avais découvert un peu après les autres, « Vétiver Infini » dans lequel je mettais beaucoup d’espoir mais je ne l’ai pas aimé du tout. Pour moi, l’association de l’iris et du vétiver existe déjà sous cette forme-là et je dois vous dire que le prix en est vraiment moindre donc je ne m’étendrai pas sur ce parfum que j’ai trouvé vraiment mainstream et peu intéressant en dépit de l’évidente qualité des matières premières utilisées. Pour moi, c’est un jus commercial tout comme « Aimez-Moi Comme Je Suis » et je pense qu’il aura du succès mais je passe mon tour. Je l’ai trouvé très quelconque mais ce n’est que mon avis.
Je pense que « Muguet du Bonheur », sorti il y a quelques semaines dans les nouveaux flacons en eau de toilette, ne fera pas partie de cette collection mais, vu que je l’ai découvert en même temps que j’ai remis mon nez dans les autres, j’ai trouvé judicieux de vous en parler. Je connaissais l’ancienne version que je trouvais très belle, entre muguet et magnolia et j’ai été complètement dérouté par ce que j’ai senti. Là, je vais être dur mais tant pis. La note de poire envahissante m’a rappelé un « Petite Chérie » d’Annick Goutal en beaucoup moins réussi. Je suis désolé de le dire mais ce jus commercial ne m’a absolument pas convaincu. Je ne sens ni la rose, ni la bergamote, ni le melon d’os mais cette poire envahissante, suave et peu engageante. Vraiment, je me suis demandé si une telle sortie était nécessaire mais je me suis entendu répondre que ce nouveau « Muguet du Bonheur » faisait un carton d’un point de vue commercial et je ne peux que m’en réjouir pour la marque mais vraiment, je ne suis absolument pas séduit. Je pense qu’il aurait sa place, sur les linéaires des parfumeries du sélectif et j’ai eu l’impression de sentir un lancement chez Sephora. Pardon mais je ne vous pas du tout où est l’esprit Caron dans ce parfum. Pour ce qui est du flacon, qui sera la nouvelle signature de la maison, je suis également mitigé. J’ai bien aimé le petit format mais le grand ne m’a pas attiré. En revanche, l’avoir créé ressourçable m’a bien plu. J’aime l’idée d’un côté pérenne des emballages.
Je ferai l’impasse sur les eaux (« Eaux de Rocaille » et les autres qui viennent de sortir car je les ai trouvées sans intérêt) et, vous l’aurez compris, je ne suis pas vraiment convaincu par les choix faits par la détentrice de la marque et le parfumeur. Certes, l’argent est le nerf de la guerre et il en faut beaucoup pour réveiller ce que beaucoup appelaient « la belle endormie » de la parfumerie française mais, pour ma part, je crois qu’il y avait peut-être moyen de ne pas faire fi de toute une clientèle, vieillissante peut-être mais fidèle pour ne se concentrer que sur une nouvelle. J’accepte tout à fait, maintenant que j’ai dépassé la quarantaine, de passer pour un vieux schnock nostalgique et réfractaire mais personne ne m’empêchera de regretter des merveilles comme « Farnesiana », « Poivre » ou encore « L’Anarchiste » même si la dernière version ne me plaisait pas autant que la précédente. J’appréhende un peu les reformulations à venir et les nouvelles créations même si je les sentirai par principe. J’ai bien peur que, pour moi, la porte de la maison Caron ne se referme, ne restant entrebâillée seulement que pour laisser venir chez moi « Pour un Homme » que je trouve inoubliable et incontournable. J’ai déjà vécu cela avec Guerlain il y a une dizaine d’années sous une autre forme et je trouve que l’histoire se répète. Je comprends tout à fait la colère des anciens clients de la marque qui perdent petit à petit ou brutalement des parfums qu’ils portaient depuis longtemps et, même si j’essayer d’être plus mesuré, je ne peux cacher une déception flagrante. C’est ainsi, il faut avancer et mon avis n’est que celui d’un ancien amateur de la maison.
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