Il est des parfums oubliés, passés de mode, qui prennent la poussière sur les linéaires de étagères du sélectif ou qui ont disparu pour ressortir dans des petites drogueries de province, dans solderies même parfois. Et pourtant, il y en a des trésors à faire renaître, à porter… Il y a de quoi surprendre, voire même s’emballer. Depuis que je m’intéresse à la parfumerie, mon insatiable curiosité m’a conduit à découvrir (ou redécouvrir) ces trésors oubliés, ces pépites que l’on peut se procurer pour quelques euros et qui sont une alternative aux sorties standardisées dont on nous abreuve à grands coups de spots à la télés, de publi-rédactionnel et d’égéries retouchées « pour faire glamour ». Féminins, masculins peu importe. À vous d’aller fouiner et de vous faire une idée, peut-être même d’aller dénicher une fragrance que vous aurez envie de porter. Pour moi, le parfum n’a n’i âge ni genre, il faut seulement avoir envie de le porter. Vous connaissez le principe, j’en ai sélectionné cinq mais il y en a plein d’autres. Ils pourraient faire l’objet d’un second article.

 

Le premier auquel j’ai pensé est « Cabochard » de Grès, lancé en 1959 et créé par Bernard Chant. À mi-chemin entre chypré et cuiré, il n’est pas sans rappeler « Bandit » de Robert Piguet mais en plus fleuri, en plus aérien aussi. Il s’ouvre sur des notes boisées et aldéhydées renforcées par une explosion de bergamote et de citron jaune acide. Au coeur on retrouve le jasmin et la rose comme dans nombre de parfums de cette époque mais c’est le fond qui est le plus étonnant. Un accord cuir de Russie (bouleau et mousse de chêne) se mêle avec un autre complètement chypré (patchouli et mousse de chêne) et le tout est renforcé par des notes de vétiver et de tabac qui le rendent vraiment unique. J’ai adoré « Cabochard » et je le trouve complètement mixte (voire même plus facile à porter pour un homme) car je l’ai découvert à un moment de ma vie où je regrettais beaucoup « Macassar » de Rochas qui, lui, a hélas, complètement disparu. La version eau de toilette est la plus facile à trouver mais je me suis laissé dire que l’extrait était encore trouvable dans certaines parfumeries. Il me faut, par contre, mettre deux bémols à mon enthousiasme. Le premier est sa tenue en eau de toilette qui est courte il faut l’admettre. Le deuxième est sa récente reformulation car je trouve qu’on ne le reconnais plus vraiment. Le « Cabochard » que je décris est l’ancienne version que l’on peut trouver dans le flacon ci-dessous. Quelques parfumeries atypiques telles « Sous le Parasol » à Paris par exemple, en ont souvent en stock et, même si je ne suis pas adepte de la vente en ligne, je pense qu’on peut l’acheter encore sur internet.

 

Cabochard Grès parfum - un parfum pour femme 1959

 

 

 

Voilà un flacon en porcelaine blanche que les quadragénaires dont je fais partie ont peut-être aperçu, quand ils étaient enfants, dans les salles de bains de leur grand-père. Il s’agit de Tabac de la marque allemande (et oui !)  Maurer & Wirtz. C’est une eau de toilette très classique, construite comme une « cologne arrangée ». Lancé en 1959, il a eu un gros succès puis est tombé complètement en désuétude. L’envolée d’agrumes, de fleur d’oranger et de lavande est très classique et le coeur de géranium et de pin identifiable tout de suite. Le fond est une note de tabac et de mousse de chêne qui lui donne un côté très suranné. Il avait disparu puis, en 2014, la marque a du être rachetée et l’a ressorti en trois concentrations (eau de toilette, eau de cologne et after shave) sous le nom de « Tabac Original » et il est revenu aux Galeries Lafayette, dans des drogueries et des parfumeries atypiques. Il y a quelques mois, je l’ai redécouvert (ou découvert car je ne m’en souvenais pas vraiment) et j’ai trouvé qu’il soutenait parfaitement la comparaison avec les multiples et peu intéressantes eaux de toilette qui sortent chaque année dans le sélectif. « Tabac » fait partie de ces « délicieuses vieilleries » que j’avais envie de mettre en lumière dans cet article. Vraiment, il faut le découvrir. En plus, je trouve le flacon très élégant, c’est à la fois un joli parfum sans prétention et un objet agréable à avoir sur une étagère.

 

Tabac Original Maurer & Wirtz Cologne - un parfum pour homme 2014

 

 

 

Il y a quelques mois, j’ai eu un vrai coup de coeur en découvrant « Parfum de Peau » créé par Jean Guichard pour Montana en 1986. Je crois que c’est la forme « en volutes » du flacon qui m’a attiré et je ne regrette pas de l’avoir vaporisé. Quelle belle surprise que ce cuiré doux et ambré, relevé par des notes de tête de mûre, de cassis, de gingembre et de fleur de soucis qui vont perdurer à tous les étages de la pyramide olfactive en s’enrichissant de rose, de narcisse, de jasmin et de patchouli pour aller se poser sur un fond cuir de Russie et ambre. Vu que je savais qu’il était sorti dans les années 80, je m’attendais à quelque chose de typique de cette époque comme « Drakkar Noir » de Guy Laroche chez les hommes par exemple mais pas du tout. J’ai senti un parfum intemporel, sophistiqué, très singulier et pas forcément facile à porter. Je pense que, s’ils sortait aujourd’hui dans une marque plus confidentielle, il rencontrerait un beau succès. Même s’il est un peu oublié dans le bas des rayonnages, je l’ai trouvé chez Nocibé (bonjour la pub mais je ne sais pas comment le dire autrement) et j’ai eu un accès illimité donc j’ai pu le découvrir et le redécouvrir facilement. « Parfum de Peau » est vraiment une très belle fragrance et je pense qu’elle peut vite devenir addictive.

Parfum de Peau Montana parfum - un parfum pour femme 1986

 

 

J’ai eu pour « Minotaure » créé par Michel Almairac (tiens donc !) pour Paloma Picasso en 1992, un amour un peu contrarié. Je l’ai brièvement porté mais le succès qu’il rencontrait à l’époque tout en restant très atypique a conduit mes copains branchés de l’époque à se ruer dessus et du coup je l’ai vite abandonné. Sorti au rayon homme, c’est un parfum tellement singulier que je le trouve parfaitement androgyne. Je serais bien en peine de décrire les notes de « Minotaure » tant elles sont mystérieuses. J’ai un fond de flacon très anciens et je le re-sens en écrivant et je me dis qu’il devait y avoir une facette ambrée et boisée mais que la composition comporte une note étonnante et peu utilisée en parfumerie. Je pense qu’elle est aromatique. Ce que je reconnais c’est la bergamote, le géranium et la fève de tonka sans aucun doute. Je pense qu’il peut y avoir aussi un fond un peu vanillé. Subtil, étonnant, presque étrange, « Minotaure » est comme son nom, mythique, et pourtant aujourd’hui, le testeur traine dans le bas des rayons des parfumeries du sélectif. J’ai remis mon nez dedans et je dois admettre qu’il ne ressemble pas tout à fait à celui dont il ne me reste que quelques gouttes. Je le trouve beaucoup plus léger mais on le reconnait et il est encore à la fois original et agréable à porter. C’est également un parfum à redécouvrir, tout comme le féminin de Paloma Picasso que j’associe à l’une de mes amies dont il est le parfum depuis que je la connais.

 

Minotaure Paloma Picasso Cologne - un parfum pour homme 1992

 

 

 

Je crois qu’il est aujourd’hui difficile à trouver mais j’ai adoré « Boudoir » créé en 1998 par Martin Gras pour Vivienne Westwood. Il a été l’un des premiers parfums que l’on pourrait appeler un « floriental » car l’équilibre entre la facette fleurie et les notes vanillées et bois de santal est particulièrement subtil. Lorsque je l’ai senti pour la première fois, j’ai très nettement identifié une envolée de jacinthe, de fleur de soucis et de bergamote puis un coeur de roses, d’aldéhydes, d’iris et de narcisse. Le fond tabac, patchouli et bois de santal présente comme une note de tabac. Je ne l’ai pas senti depuis longtemps mais je ne le l’ai jamais oublié. Il a un côté très chic, presque cosmétique et poudré (il doit bien y avoir de l’iris dans la composition) et je trouve qu’il porte très bien son nom car, s’il peut paraitre très féminin, je pense qu’il doit être très intéressant sur une peau masculine. Je ne sais pas vraiment si on le trouve encore dans les boutiques du sélectif mais je suis certain que certains flacons doivent être trouvable dans de petites enseignes ou encore sur certains sites et, dans mon souvenir, son prix était loin d’être exorbitant.

Boudoir Vivienne Westwood parfum - un parfum pour femme 1998

 

 

Comme je le disais dans l’introduction, il en existe plein d’autres mais je ne les ai pas forcément en tête. Si cet article vous plait et si je fais d’autres expériences olfactives du même style, je ferai une seconde sélection d’ici quelques temps. En tout cas, ça m’a donné envie de porter « Cabochard », il pourrait être mon parfum du jour.