Cinq grands bouquets floraux de la parfumerie de niche
Je me suis rendu compte que finalement, il n’existe que peu de grands floraux, dans le sens composition, dans la parfumerie d’auteurs et qu’ils étaient presque tous concentrés dans les mêmes marques. Je parle bien évidemment d’Annick Goutal (« Passion Gardénia », « Songes »…), Isabey (« Gardénia », « Lys Noir »…) ou encore Houbigant avec « Quelques Fleurs » et « Quelques Fleurs Royales ». Je pourrais aussi parler de « La Belle Saison » que j’aime énormément mais je n’ai pas assez de recul. J’ai donc exploré un peu les marques pour en tirer cinq parfums que je considère comme devenus des classiques de cette famille olfactive.
Le premier parfum qui m’a paru évident dans cette sélection a été créé par Marc-Antoine Corticchiato pour sa marque Parfum d’Empire et est sorti en 2009. Le concept de « 3 Fleurs » est évident, il met en avant à parts égales la rose, le jasmin et la tubéreuse et suivant la peau des utilisateurs, l’une de ces trois fleurs ressort plus que les autres. « 3 Fleurs raconte une histoire tissée avec les fils de l’amour tel qu’on le conçoit dans les grandes civilisations. Les larmes de sève verte du galbanum, une menthe croquante, une qualité de rose renversante, la blancheur diaphane d’un jasmin sophistiqué et le caractère sauvage de la tubéreuse… Un vrai floral, tout en pétales, renforcé par un cocktail de muscs blancs. Construit comme un bijou élégant. La peau l’aspire. C’est une promesse tenue… ». À l’envolée la rose, associée à la fraîcheur de la menthe et à l’opulence de l’ylang-ylang donne le ton. Il nous conduit sur un coeur floral d’où ressort la tubéreuse presque vénéneuse et mise en valeur par l’iris, la rose encore, le géranium et le jasmin qui constituera l’essentiel des notes de fond avec un musc animal reconstitué et une tubéreuse plus douce. Sur moi, c’est cette dernière note qui reçoit. Composition florale très sophistiquée et diffusive, « 3 Fleurs » est un parfum à la fois très construit et doté d’un sillage important. Je le connais bien, je peux en parler à mon aise. Il ne sera pas pour tout le monde mais force m’est de constater que c’est vraiment un grand fleuri.
Créé en 2009 également mais cette fois par Jean Jacques pour Isabey, « Fleurs Nocturnes » fait partie des grands bouquets de la marque et il s’avère moins faussement solinote que « Gardénia » qui demeure mon préféré. Avec un départ de mandarines et de notes fleuries reconstituées et associées à l’abricot et à la pêche, un coeur de gardénia et de jasmin et un fond de patchouli et de vanille, ce parfum est à la croisée des chemins entre floral, oriental et chypre. « Inspiré par l'univers de cristal peint, de fleurs et d’améthyste nocturne de 1925, le parfumeur Jean Jacques a créé un bouquet floral extraordinairement riche: Jasmin, Magnolia et Gardénia. Les notes fruitées qui reposent sur un fond puissant créant ainsi un sillage d'une élégance et d’une sensualité intense ». Je trouve qu’il y a vraiment un côté profusion de fleurs blanches très bouquet, très complexe qui donne à ce parfum une élégance un peu subversive toute particulière. Il y a plusieurs chefs d’oeuvres fleuris chez Isabey et il est vrai que l’on ne parle que rarement de « Fleurs Nocturnes ». Personnellement, je le trouve particulièrement élégant et bien imaginé. J’aime le sentir mais je ne pourrais sans doute pas le porter car je le trouve presque top opulent pour moi.
Créé en 2012 par Julien Rasquinet et Olivier Creed pour la maison de ce dernier, « Fleurs de Gardénia » va au-delà de son nom et offre un bouquet complexe, un peu « à l’anglaise », tout en délicatesse et en élégance que je trouve finalement relativement androgyne. « Une explosion d'amour et d'innocence, Fleurs de Gardenia rend hommage à nos premiers émois amoureux : passionnels et irréels. C'est dans leur maison de campagne en France, que le parfumeur Oliver Creed et son fils, Erwin, ont confectionné ce magnifique parfum. Ils intensifient le romantisme du parfum en y ajoutant des roses, de la lavande, des pivoines et des baies de rose. Le résultat est une union parfaite des générations précédentes et futures de Creed, qui dresse un portrait olfactif de ce que pourrait être le véritable amour ». L’envolée de cassis, de pivoine et d’orange fait de ce bouquet floral aux notes presque fruitées un grand parfum immédiatement et le coeur, construit autour du gardénia, du jasmin et de la rose est enveloppé d’un voile poudré apporté par l’iris. Le parfum garde ce coeur qui s’intensifie avec ce fond de vanille et de santal discret et qui permet au parfum de perdurer dans le temps. J’ai toujours beaucoup aimé « Fleurs de Gardénia ». Il me semble même que je lui ai consacré un article durant les premiers mois de ce blog. Je l’ai essayé, porté et aimé. Je le trouve vraiment réussi dans le style composition florale.
Il est quand même impossible de parler de grands fleuris sans évoquer la reine du genre, l’américaine Sophia Grojsman et « Outrageous » qu’elle a créé pour les Éditions de Parfums Frédéric Malle en 2007. Pour moi, on frise le chef-d’oeuvre de complexité et d’élégance sophistiquée. Une profusion de notes, de fleurs, de fruits, d’épices pour un parfum unique et vraiment différent. Une carte blanche à une parfumeure qui a un tel talent et une telle expérience est toujours une merveille et je ne doutais pas que celui-ci le fut. « Danser sur la plage au son des vagues et de la musique brésilienne, une Caïpirinha à la main, parmi les éclats orange et bleus de la nuit tombante. Une explosion de jeunesse faite de bergamote, de mandarine et de pomme verte; un jaillissement luxuriant de cannelle sur un lit magnétique de musc et d’ambroxan ». Un départ de bergamote, de mandarine, de pomme verte et de cannelle, un coeur comme un bouquet floral indescriptible et sophistiqué et un fond de musc et d’ambroxan confère à « Outrageous » son statut de bijou olfactif. Pour moi, c’est un grand Sophia Gojsman, un grand floral et un grand Frédéric Malle. Je l’ai essayé et je pourrais le porter avec plaisir.
Je n’ai pas beaucoup de recul sur « Bouquet de Hongrie » créé par Serge Majoulier pour BDK Parfums en 2016 mais dès que je l’ai senti, j’ai été sûr que c’était un grand floral. Le parfumeur le décrit ainsi : « L’idée était de travailler un bouquet floral frais et lumineux, à l’image d’une femme délicate et romantique, en l’associant à des facettes juteuses, vertes et fruitées. Cassis et poire amènent pétillance aérienne au bouquet de roses et de jasmin, sur un fond doux et confortable musqué et ambré ». Après un départ fruité de poire, de fraise et de cassis, le coeur de rose et de jasmin est enveloppé par un très beau bouquet floral et se pose sur un fond de musc, d’ambre et de cèdre. J’ai adoré ce parfum comme objet olfactif mais je le trouve presque un peu vintage pour me plaire complètement. Il n’en demeure pas moins un grand parfum floral qui s’adaptera à beaucoup de personnalités. J’aime beaucoup son évolution mais, si je trouve que le plus souvent, le parfum n’a pas de genre, il a presque un côté « trop féminin » pour moi. Préjugés et idées reçues quand vous nous tenez ! En tout cas, il est un peu oublié chez BDK Parfums et je l’aime bien alors je vous engage à le redécouvrir.
Bien sûr il y a les Goutal est les Houbigant mais j’en parle tout le temps alors je les ai éloignés volontairement. Ils sont aussi à découvrir et à redécouvrir. J’ai adoré me replonger dans ces créations pour écrire cet article et j’espère que vous aimerez autant que moi aller sentir ces créations.
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