Cinq "iris" que j'aime
En parfumerie, l’iris est une matière première absolument précieuse. Pour mieux comprendre les difficultés à le produire « prêt à l’emploi », il faut rappeler que l’on utilise que le rhizome que l’on ne peut transformer que cinq ou six ans après sa récolte. Un beurre est alors réalisé et servira de base à de nombreux parfums. Le plus utilisé est cultivé à Florence et est appelé iris pallida mais d’autres variétés, aux senteurs légèrement différentes sont produites un peu partout dans le monde. Bien évidemment, le coût de production est élevé et il se destinera surtout à une certaine parfumerie de luxe que ce soit dans les marques grand public ou confidentielles. On pourrait imaginer de recréer ses accents boisés, poudrés ou floraux par la chimie et il est tout à fait possible de le faire mais le parfumeur Marc-Antoine Corticchiato nous avait expliqué, en conférence, que les manipulation pour en extraire des molécules synthétiques odorantes étaient très coûteuses donc ces techniques ne seraient pas beaucoup plus utilisées. J’aime l’iris en parfumerie même si ce n’est pas une matière que je porte beaucoup. J’ai donc décidé de vous parler de cinq créations qui me plaisent beaucoup et que je connais assez bien pour vous donner envie d’aller sentir cette note, associée où nom à la violette, dans une sélection de parfums actuels que je trouve particulièrement réussis. J’ai déjà, sur ce blog, consacré pas mal d’article à l’iris et celui-ci est surtout une mise en avant de parfums que j’aime.
Le premier parfum s’appelle tout simplement « Iris » et il a été recréé, pour Le Galion, en 2014 par Thomas Fontaine, sur la base d’une formule de Paul Vacher qui date de 1937. C’est un parfum vraiment très naturaliste que le parfumeur décrit ainsi : « Un iris au bel équilibre, ni trop poudré, ni trop terreux. Léger comme une plume mais à la présence certaine. C’est cela que sentirait la fleur d’iris si le parfumeur pouvait l’extraire ». Les matières premières utilisées sont en partie naturelles et on retrouve un départ de bergamote, de citron, de mimosa et de graine d’ambrette qui, tout de suite, impose une fragrance à la fois délicate et un peu fraîche. Vient un coeur d’iris, de rose et de galbanum rehaussé du côté très floral d’un accord lys. En fond, le parfum est soutenu par des notes de cèdre de l’Atlas, de patchouli, de muscs et de vanille. La marque décrit ainsi cette re-création : « Une ligne droite d’iris à l’élégance évidente, facetté avec précision par la verdeur poudrée d’un duo de galbanum et de mimosa. Des détails floraux et des ornements de bois s’enrichissent de musc et d’ambrette pour arrondir les angles ». Pour moi, « Iris » est surtout délicieusement vintage. C’est un parfum très floral et poudré, un peu en légèreté, comme un voile. Il m’a irrémédiablement évoqué un roman de Fizdgerald, « Gatsby le Magnifique » et les fêtes organisées dans les villas de Long Island dans les années 20. Je ne sais pas pourquoi mais c’est vraiment mon impression. Thomas Fontaine est un as pour adapter les anciens parfums à l’époque actuelle et c’est vrai qu’il y a, une fois de plus, réussi. « Iris » est vraiment très beau et j’aime le sentir et le re-sentir même si je ne le porte pas.
Je ne peux pas évoquer l’iris sans parler d’un des parfums que j’ai porté jusqu’à la dernière goutte et qui, c’est sûr, reviendra un jour dans mes habitudes. Il s’agit, bien évidemment de « Iris de Nuit » créé par James Heeley pour sa marque éponyme. Vraiment, c’est un bijou de la parfumerie, il n’y a pas d’autre mot. « Rare et raffiné, sensuel et discret, le parfum Iris de Nuit est à l’image de l’absolu d’Iris de Toscane, soutenu ici par de la violette, des graines de carottes, de l’angélique, du cèdre et de l’ambre gris, pour dévoiler un thème floral exquis ». Je me disais, en le redécouvrant, que je sentais vraiment une multitude de facettes. Le départ d’angélique et d’ambrette, un peu vert mais quand même doux nous emmène sur un coeur où domine le duo iris et violette soutenu par des notes de graine de carotte un peu plus terreuses. Le parfum révèle une très bonne tenue mais un sillage modéré grâce à un délicat fond de cèdre et d’ambre gris. Malgré un prix qui reste abordable « « Iris de Nuit » m’évoque le luxe. Si je veux le rapprocher d’une ambiance, elle sera musicale et peut-être qu’il m’évoquerait une valse de Chopin. Là encore, je ne saurais pas l’expliquer. C’est juste comme ça, parce qu’il est, pour moi, très proche d’une époque romantique. J’ai énormément porté « Iris de Nuit ». Pour moi, il est un parfum où l’iris et la violette cohabitent de manière nuancée, sans jamais être too much. Il pourrait être, par exemple, un peu la continuité d’un « Après L’Ondée » de Guerlain avec une meilleure tenue mais il sait garder sa propre personnalité.
Comment parler d’iris sans me replonger dans le travail de Marc-Antoine Corticchiato qui, pour Parfum d’Empire, a quand même travaillé cette note en majeur dans deux parfums, « Equistrius » bien sûr mais surtout pour moi « Le Cri » (anciennement « Le Cri de la Lumière »), lancé en 2017, que j’ai également beaucoup porté et qui est un magnifique néo-chypré, très moderne, doux et caressant qui s’ouvre sur des notes de graine d’ambrette très rondes sans jamais être sucrées et nous emmène sur un coeur d’iris et de rose poudré, très floral et extrêmement présent puis sur un fond ou ces trois notes sont renforcées par le patchouli. « Ce Cri qui s’élève, c’est celui d’une renaissance. La limpidité cristalline de l’ambrette, musc végétal aux facettes d’eau de vie, irradie un iris aux lueurs diaprées de rose. Ombre portée par ces notes rayonnantes, un fond subtilement boisé caresse la peau. Le luxe en lumière ». Ce parfum a été l’un de ceux qui m’ont attiré le plus de compliments. En effet, il faut s’en méfier. Lorsqu’on le vaporise, il semble léger et discret mais, au fur et à mesure de la journée, ce qui semblait ténu prend de l’ampleur. La tenue est incroyable et le sillage semble s’intensifier au fur et à mesure de l’évolution. Pour moi, ce parfum est sans doute l’un des iris les plus singuliers du marché.
Créé par Julien Rasquinel en 2015 pour Naomi Goodsir, « Iris Cendré » est aussi un parfum que j’ai énormément porté. « Une composition sophistiquée autour de l'iris. Cette fleur de l'Est a un parfum caractéristique, profond et ennivrant. Iris Cendré est une fragrance subtile, au caractère oriental enfumé ». Complexe, étonnant, très singulier, ce parfum m’a séduit dès que je l’ai découvert. Il est et demeure, pour moi, vraiment un cas d’espèce car il mêle un départ de bergamote et de mandarine assez frais à un coeur d’iris et de violette avec des touches d’encens un peu fumées puis se pose sur un fond ambré avec des versants ciste et tabac. Les notes d’iris florales et poudrées sont contrebalancées par un côté « feu de bois » très étonnant et qui pourrait sembler, à la vaporisation, un peu lourdes et pas forcément faciles à porter mais, au cours de son évolution, « Iris Cendré » se fait plus léger, plus poudré au point que la tenue semble limitée mais il n’en n’est rien. Lorsqu’on le porte, par moment, les effluves reviennent, ciselées, délicates et formidablement réussies. J’aime beaucoup ce parfum. Il est, et demeure, pour moi, l’un de mes préférés sur le marché de par sa complexité mais surtout son originalité. Il a, sans aucun doute, et malgré son originalité, sa place dans cette sélection.
« “L’Iris” est la première Eau de Parfum créée par Officina Profumo-Farmaceutica di Santa Maria Novella après plus de 800 ans d'activité. Á la base de sa construction se trouve un beurre d'iris (“concreta d’iris") extrait des rhizomes du fleur: extrêmement précieux, ils mûrissent au bout de 6 ans. Matière première parmi les plus élégantes des ingrédients poudrés, il est combiné avec notes de tête lumineuses telles que le néroli, le poivre timur et le galbanum, et poursuit son voyage dans un cœur fleuri de géranium, jasmin sambac et magnolia champaca. À la base, un iris d’origine florentine qui raconte Florence à travers un parcours d’équilibrée dévoilement olfactif. Envisagé par le nez créatif Gian Luca Perris, L’Iris réinterprète l'histoire même de Florence, dont cette fleur est toujours le symbole, célébrant ses facettes multiples et multiformes. Mais aussi en se rattachant à la légende de la déesse Iris, messagère des dieux, et à une fleur déjà présente dans les civilisations égyptienne, grecque et latine. Le flacon en verre transparent abrite l'étiquette en velours avec un logo historique de la Maison, et un capuchon en alliage de zamac doré et gravé, qui reflète ses formes ». Créé par Gian Luca Perris en 2022 pour Santa Maria Novella, « L’Iris » est également l’une des plus belles interprétation de cette matière première. L’envolée est très déroutante avec des notes vertes de galbanum, de poivre Timur et de néroli mais, très rapidement, le coeur floral et équilibré de géranium, de magnolia champaca et jasmin sambac vient préparer le terrain pour un fond construit autour de l’iris fiorentina, des muscs et de l’ambre gris. Légèrement poudré, un peu floral « L’Iris » est un faux solinote. Il est absolument magnifique porté et je dois dire que j’ai eu la chance, me trouvant avec quelqu’un qui avait choisi de l’essayer, de me faire un avis distancié peut-être différent de ce que j’aurais pu ressentir s’il s’était développé sur ma propre peau. J’ai vraiment beaucoup aimé « L’Iris ». C’est une pépite ! De plus, et cela complète parfaitement l’élégance de ce parfum, il est présenté dans un flacon magnifique, mettant en valeur la couleur violette profonde de la fleur, avec un cabochon gravé, posé dans un luxueux coffret. Je n’attache pas, en général, d’importance au visuel mais je trouve qu’il complète, dans ce cas précis, vraiment un jus délicat, luxueux et élégant. Parmi les sorties de cette première partie de l’année 2022, il tient, à mon sens, une place à part. « L’Iris » a tout pour devenir un grand classique de la parfumerie. Pour une première eau de parfum, c’est une réussite et il a été la première création d’une belle série.
Bien évidemment, j’aurais pu évoquer « Iris Silver Mist » de Serge Lutens qui a, je pense, été mon premier parfum avec cette note travaillée en majeur ou encore « Déclaration » de Cartier que j’aime beaucoup mais l’article aurait été un peu long. J’aurais aussi pu revenir sur « Iris Médicis » de Nicolaï que je considère sans doute comme l’un des plus beaux sur le marcher mais je n’arrête pas d’en parler alors j’aurais l’impression de radoter. J’aurais aussi pu vous parler de parfums que j’ai beaucoup porté comme « Bois d’Iris » de The Different Company ou « Iris Prima » de Penhaligon’s mais ils n’existent plus. J’aurais aussi pu évoquer un peu plus « Après L’Ondée » de Guerlain qui a été l’une de mes signatures pendant longtemps. J’aurais pu continuer cet article peut-être pas à l’infini mais pendant longtemps. Peut-être aura-t-il une suite… je ne sais pas encore.
Inscrivez-vous au blog
Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour
Rejoignez les 223 autres membres