Passion Parfums

En découvrant une parfumerie un peu différente, il y a bien longtemps, je me suis rendu compte que j’avais avec les notes fumées, un drôle de rapport. Parfois je les aime et j’ai envie de les porter et, à d’autres moments, elles me rebutent. Je crois que j’ai abordé ce style de créations avec « Tea For Two », créé en 2000 par Olivia Giacobetti pour L’Artisan Parfumeur. Les notes de lapsang souchong étaient adoucies par les épices. Depuis, j’ai opté pour des compositions plus clivantes et peut-être encore plus tranchées. Pour écrire mon article, j’ai remis mon nez dans quatre créations que je ne porte pas forcément mais dont je connais bien l’évolution. Alors, de thé chinois très marqué en bois chauffé voire même brûlé, j’ai choisi des parfums segmentants, étonnants et qui, c’est vrai ne vont pas plaire à tout le monde.

Le premier qui me vient à l’esprit est, bien évidemment, « Bois d’Ascèse » créé par Julien Rasquinet en 2012 pour Naomi Goodsir. Je dois dire que j’ai pris beaucoup de plaisir à remettre mon nez dessus. « Une fumée enveloppante et rassurante. Notes de tabac et de whisky soutenues par la cannelle, l’ambre et le ciste labdanum. La mousse de chêne, ainsi que le bois de cade fumé, presque brûlé, prolongent l’encens de Somalie avec puissance et élégance ». Le départ est déjà étonnant avec des notes vertes d’angélique adoucies par une mandarine italienne mûre et presque sucrée mais, en évoluant, la fragrance se fait tabac blond et whisky au coeur avec des touches d’encens puis, après un assez blond développement, la mousse de chêne, les muscs et surtout le bois de cade prennent toute leur place. Ce parfum, « vert et noir », me rappelle, par certains côtés, mon cher « Cuir » de Mona di Orio qui est aujourd’hui discontinué. Sur la peau, ce parfum à la fois très fumé et cuiré évolue sur plus de douceur tout en restant particulièrement signé. Julien Rasquinet a beaucoup travaillé les notes de fond et je trouve que « Bois d’Ascèse », que je redécouvre aujourd’hui un peu différemment, très élégant et je me dis que je pourrais parfaitement le porter. Il m’évoque l’hiver, une élégance un peu cuir et peut-être un thé corsé au coin du feu. En tout cas, j’appréhende mieux qu’au début et il me plait énormément.

 

 

 

Il est parfaitement impossible de parler de parfum fumé sans évoquer une fois encore Beaufort London car il s’agit un peu du trait d’union entre plusieurs parfums de la marque. Créé en 2015 par Julie Marlowe, « 1805 Tonnerre » (aujourd’hui simplement « Tonnerre » m’a impressionné dès que j’ai posé mon nez dessus et il m’arrive de le porter ponctuellement. « 1805 – L’année au cours de laquelle Nelson a gagné à la fois la Bataille de Trafalgar et perdu la vie. L’année au cours de laquelle Sir Francis Beaufort a introduit son ‘Échelle de Force des Vents’. Le parfum Tonnerre imagine des moments au sein même de la bataille de Trafalgar. Des accords de fumée, de poudre à canon, de sang et de brandy associés avec des embruns marins et une note d’agrumes pénétrante : le parfum est singulièrement audacieux dans sa composition et cependant ultimement raffiné, provoquant et unique. Le parfumeur Julie Marlowe a créé une composition audacieuse sans compromis, mais au final élégante, provocante et remarquable - une vraie histoire dans une bouteille ». Dès l’envolée, on sent qu’on va rencontrer un parfum fumé et sombre avec un accord de brandy et d’embruns marins contrebalancées par l’amertume du pamplemousse et du cyprès, la fraîcheur du citron vert et du gingembre qui se charge d’un accord très sombre de poudre à canon. Si on retrouve, au coeur, l’amertume du pamplemousse , la douceur de la lime, des bois blonds et de la bergamote, contrebalance le côté ultra dark du parfum et lui donne un équilibre qui se concrétise par un fond de baume de Tolu, de ciste, de bois, de cèdre, de sapin baumier et surtout de bois de bouleau qui lui confère un côté très goudronné. S’il est, à-priori éloigné de mes goûts, « Tonnerre » me plait depuis que je l’ai découvert. Je ne sais pas si je le rachèterai mais je le porte parfois. Ensuite, il faut faire des choix alors à suivre…

 

 

 

« Une bouffée, la première. Comme le premier souffle d’une vie. Epaisse et blanche. Longue et puissante. Le corps qui se relâche enfin. Un quasi-frisson. Puis les bouffées qui s’enchainent. Le temps de quelques minutes. Une courte sensation de satisfaction, qui se fait déjà désirer à nouveau. Smoke s’inspire du plaisir de la première bouffée de la clope, celui qui se consume aussi vite qu’il nait ». Mon troisième choix est une création d’Olivier Cresp pour sa maison, Akro, qui a été lancée en 2018 et qui, avant la sortie de « Infuse » était le parfum que je préférais dans la marque. Là encore, il s’agit d’un parfum très segmentant mais dont l’équilibre n’a rien à envier aux deux premiers. Après une envolée de tabac blond et de bois de cade, le coeur est constitué par un accord de tabac à cigare, plutôt gris il me semble même si je ne suis pas spécialiste et le fond, rond, plus oriental, est composé de benjoin et de fève tonka. Au premier abord, quand je l’ai découvert il y a quelques années, je l’avais trouvé assez joli mais sans plus mais, lorsque la marque est arrivée à Lyon, j’ai eu tout le loisir de l’essayer et j’en ai découvert les très addictives facettes. Ce n’est pas un parfum qui sent le tabac froid car il est très chaud, très enveloppant et je trouve l’idée d’avoir adjoint au très sec bois de cade, des notes baumées de benjoin et poudrée voire presque vanillées de tonka vraiment excellente. « Smoke » s’avère donc être un parfum fumé relativement facile à porter. Je l’aime bien. Il me plait et je pourrais me l’approprier. Il pourrait, même s’il appartient à un tout autre style, remplacer « Tea For Two » qui me manque un peu. C’est une très jolie création, peut-être un peu moins clivantes que les précédentes.

 

 

« Révolution imprègne la peau ; au fil de la journée, le parfum se creuse de mystères et d’intrigues pour faire corps avec nos émotions ». Quand j’ai découvert les premiers parfums lancés par Trudon, deux m’ont vraiment surpris. En 2017, la parfumeuse britannique Lyn Harris a donc créé « Révolution » et « II » qui s’avèrent mes préférés. Si le second est vert et particulièrement printanier il n’en n’est pas de de même du premier qui me rappelle un peu les créations de Julie Marlowe et Julie Dunkley pour Beaufort London. Dès l’envolée, la résine d’élémi se fait marquante et le coeur d’angélique vient renforcer une impression naturaliste qui se fume et prend des aspects presque « feu de bois » au fond avec un absolu de ciste et des notes de cèdre, de papyrus, de patchouli, d’encens, d’opoponax mais surtout de bois de cade. J’aime beaucoup ce parfum. Il est particulièrement segmentant et probablement est-ce celui, dans la collection Trudon, qui a le plus de mal à trouver son public mais les amateurs s’y retrouvent. « Révolution » est un beau fumé, tout en nuances, avec des accents boisés bien évidemment mais aussi un peu cuirés. Je ne le porte pas mais je pourrais. Il me rappelle, par certains côtés, un « Bois d’Ascèse » de Naomi Goodsir, un « Tonnerre » de Beaufort London ou encore, et je n’y avais jamais pensé, un « Cuir » de Mona di Orio. Une fois de plus, je suis séduit par la signature très particulière de Lyn Harris et j’adhère à son univers. On ne parle jamais de « Révolution » mais je trouve qu’il gagne à être senti et mieux, à être essayé.

 

 

 

 

 

 

Je sais, le dernier parfum que j’ai choisi est presque introuvable aujourd’hui et je le regrette mais je l’aime tellement que je ne pouvais pas en parler. Je ne sais pas trop comment remettre la main dessus et pourtant je pense qu’il n’a pas été discontinué. Allez, je fais un petit rappel : en 2016, Daphné Bugey crée pour Philippe Starck, un boisé magnifique aux notes brûles, également minérales et aux accents de réglisse qui va me séduire également. « Peau de Pierre » est à la fois, singulier et ultra moderne. « Peau de Pierre est un parfum masculin qui dévoile au coeur la part féminine de l’homme. Il est cette membrane, symbole de cette permanente ambiguïté et à travers laquelle passent nos différences et notre personnalité.  Daphné Bugey n’a jamais sacrifié son instinct à la maîtrise de son art. Curieuse, imaginative, sensible, sa personnalité la prédisposait à entreprendre cette recherche qu’aucun but précis ne définissait. C’est en pensant à la beauté fascinante du trou noir, dense, attractif et énigmatique, que l’idée de réconcilier les opposés s’est imposée: l’ombre et la lumière, le masculin et le féminin De plus, sa tenue est absolument extraordinaire. On penserait qu’il s’agit d’une petite eau de toilette un peu légère et pourtant, son odeur un peu linéaire, toujours agréable, vraiment originale, reste présente toute la journée ». Typiquement créé pour une clientèle masculine, ce parfum était porté, à l’époque où on pouvait le trouver facilement, tout autant par des femmes que par des hommes. Fumé mais frais, ce parfum très facile à porter m’a énormément accompagné. J’avoue que j’économise un peu ce qui me reste car il est devenu si rare que je ne sais pas quand je croiserai à nouveau sa route. « Peau de Pierre est une vraie réussite. Je l’aime vraiment beaucoup et j’espère pouvoir le retrouver un jour même si j’ai encore un peu de stock si l’on peut dire.

 

 

 

Voilà, j’en ai terminé avec ma sélection de parfums fumés. Même si je ne pourrais pas les porter tous les jours, ils m’attirent et je les aime tous. Je trouve que ces notes un peu particulières leur donne beaucoup de caractère. En tout cas, j’ai pris beaucoup de plaisir à les porter pour écrire cet article. J’en avais le projet depuis longtemps et je ne le regrette pas. J’espère vous avoir donné envie d’y mettre votre nez et de me dire ce que vous aurez senti et surtout ressenti.