Ciste ou ciste labdanum, des notes cuirées, à tous les autres univers
« Le ciste est un petit arbuste de la famille des cistacées. Il pousse principalement autour de la garrigue, donc dans les régions méditerranéennes. Le ciste a besoin de chaleur pour s’épanouir. Son nom vient du grec « kisté » qui signifie capsules, à cause de la forme de ses fruits. Pendant les mois d’avril, de mai et de juin, ce petit arbuste s’orne de nombreuses fleurs blanches ou roses. La particularité de cette plante c’est d’être recouverte d’une pellicule de résine. Cette dernière a pour rôle de protéger la plante, et de l’empêcher de se déshydrater. Cette résine se nomme «le labdanum». » (Source Internet - Site Olfacstory). Je sais que le ciste ou le ciste labdanum sont énormément utilisés en parfumerie mais je ne m’y étais jamais penché. De plus, il y avait très longtemps que je n’avais pas consacré un article à une matière première. J’ai donc décidé de faire des recherches et trouver cinq parfums dans lesquels elle est utilisée en majeur. L’un d’entre-eux m’est venu immédiatement mais il a fallu que je remette mon nez dans les autres.
Le premier parfum qui me vient à l’esprit est évidemment « Attaquer le Soleil Marquis de Sade » créé pour État Libre d’Orange par Quentin Bitsch en 2016 car le ciste y est, c’est le moins que l’on puisse dire, mis en valeur. « Attaquer le soleil, le chasser de l'univers, créer des ténèbres perpétuelles – quelle proposition scandaleuse ! Mais Donatien Alphonse François, marquis de Sade, était un homme scandaleux » tels sont les mots énigmatiques d’Étienne de Swardt pour en décrire l’inspiration. Je dois dire que j’ai été très surpris lorsque, à sa sortie, j’ai découvert ce parfum. C’est un peu le ciste dans tous ses états et je pense que ça n’avait jamais été fait avant. Quentin Bitsch l’a utilisé presque en solinote. Lorsque la marque communique sur une pseudo pyramide olfactive, elle ne parle d’ailleurs que du ciste. C’est un curieux parfum, tour à tour épicé, boisé, cuiré. Je le trouve bizarrement extrêmement facetté et très évolutif en tout cas sur ma peau. Je l’ai réessayé pour écrire cet article et, à l’envolée, il est franchement boisé comme si on avait coup un peu les branchages de l’arbuste mais très vite, un côté cuir et fleurs se développe pour finalement revêtir des notes très épicées. C’est un parfum clivant. On l’aime ou il dérange franchement. Pour moi, c’est une belle réussite, comme une variation autour d’un thème, ce qui se fait bien sûr pas mal en musique mais aussi en parfumerie. Je ne comprends pas trop la corrélation entre son nom et son effluve mais n’est-ce pas souvent le cas chez État Libre d’Orange. En tout cas, si je ne le porte pas, j’ai adoré le réessayer car je crois que je ne l’avais pas re-senti depuis sa sortie et il est vraiment très intéressant.
Camille Goutal et Isabelle Doyen ont également utilisé le ciste en majeur associé à d’autres notes pour créer, en 2007, l’incontournable « Ambre Fétiche ». C’est un parfum complexe, opulent, luxueux et particulièrement addictif. La marque le décrit ainsi : « Aller simple pour un Orient fantasmé, Ambre Fétiche est un véritable parfum de matières. Il plonge dans l’atmosphère unique des marchés orientaux où s’entremêlent des notes d’épices, de cuir et d’essences envoûtantes. Un parfum oriental où l'accord ambré de vanille et de benjoin se love dans la chaleur enveloppante des résines sur un fond de bois et de patchouli ». Le mélange entre un accord ambré, encens, vanille et styrax rendu cuiré par le ciste est présent dès l’envolée et renforcé par un coeur profond et poudré de benjoin baumé et d’encens puis, au bout déjà de quelques temps, le parfum se pose sur un fond qui allie accord cuir de Russie, géranium et patchouli. Je trouve que, tout au long du développement de la fragrance sur ma peau, la note de cuir initiée par le ciste labdanum est présente et se renforce avec le duo mousse de chêne et bouleau plus sombre, presque dark. Je me souviens du côté addictif que j’avais vraiment adoré dans ce parfum lorsque je l’ai découvert dans parfum lorsque je l’ai découvert il y a quelques années mais je dois dire que, si j’aime sentir « Ambre Fétiche », j’ai un peu de mal à la porter car son opulence me déroute un peu. J’ai remis mon nez dedans pour écrire et je trouve qu’il n’est pas évident à porter mais c’est un très bel ambré cuiré par le ciste et poudré par l’iris.
Parfois, le ciste est utilisé au sein d’une formule courte pour renforcer les notes fruitées, aromatiques ou florales. C’est le cas dans le merveilleux « Un Jardin sur le Nil » créé par Jean-Claude Ellena pour Hermès en 2005. La marque le décrit ainsi : « Un jardin de vie, généreux et pétillant, où les senteurs de mangue verte, de fleur de lotus et de jonc odorant se mêlent à l’encens et au bois de sycomore ». J’adore ce parfum je dois le dire. L’envolée de graine de carotte, de feuille de tomate et de pamplemousse pourrait être amère mais non car la mangue verte, présente tout au long du développement lui sonne vraiment quelque chose d’un peu rond. Le coeur, aquatique oscillant entre la fleur de lotus et l’orange amère est absolument magique et lui confère quelque chose d’exotique. Le fond, construit autour de la facette cuirée du ciste labdanum nous emporte sur les rives sinueuses de ce fleuve mystérieux qui a vu naitre nombre de civilisations différentes dont certaines très anciennes. Les basenotes sont également la cannelle épicée et douce, les muscs blancs et l’iris légèrement poudrés. Pour moi, « Un Jardin sur le Nil » est l’un des nombreux chefs d’oeuvres de Jean-Claude Ellena mais je n’avais jamais réalisé que la petite note cuirée et profonde venait du ciste. J’en ai essayé d’autres mais, il n’y a rien à faire, c’est mon Jardin Hermès de prédilection. Il est tellement beau, à la fois simple et sophistiqué, que je pense bien que j’y reviendrai un jour.
Parmi les parfums mettant le ciste en avant que j’ai porté, il y a évidemment « Cuir Ottoman », créé en 2006 par Marc-Antoine Corticchiato pour Parfum d’Empire. « Cuir embaumé d’iris, facetté par le ciste et réchauffé par le styrax brûlé, qui entraîne dans son sillage les notes enivrantes des parfums orientaux – baume de tolu, résine de benjoin et larmes d’encens… L’effluve devient opulent avec le jasmin d’Égypte, puis s’arrondit avec la vanille et la fève tonka. Et le Cuir Ottoman se fait chair alanguie offerte aux vapeurs du hammam ». Construit autour de l’accord cuir de Russie, ce parfum est pourtant résolument moderne et s’ouvre avec les notes poudré d’une très belle variété d’iris et l’opulence du jasmin d’Égypte déjà cuiré par le ciste et nous arrivons sur un coeur baumé avec toujours cette note persistante associée au baume de tolu, au benjoin et au styrax très overdosé. Le fond, entre encens, vanille et fève tonka, fait encore la part belle au ciste qui revient à mes narines lorsque je le sens autour de moi. C’est un parfum que je connais bien car je l’ai porté pendant plusieurs années et je sais qu’il est devenu l’une des plus grosses ventes de la maison et surtout un iconique de la parfumerie de niche. Ce n’était pourtant pas gagné car il est arrivé à une époque où les cuirs n’étaient pas du tout à la mode. Marc-Antoine Corticchiato n’en n’avait cure, il l’avait réussi et voulait le sortir. Bien lui en a pris car, aujourd’hui, il garde ses inconditionnels et il est, sans doute l’un des parfums emblématiques de la parfumerie indépendante.
Il ne m’était pas possible de terminer cette sélection de parfums construits autour de la note de ciste sans évoquer le très beau « Labdanum 18 » créé en 2006 par Maurice Roucel pour Le Labo et que je sens à chaque fois que j’en ai l’occasion. C’est un cuir de Russie entre mousse de chêne et bois de boulot renforcé par des notes animales de castoreum, de civette et de muscs synthétiques, arrondis par la vanille et rendu un peu sombre par le patchouli et diverses résines et baumes. Le ciste, présent dès l’ouverture, confère à ce parfum linéaire, construit comme une réinterprétation des parfums très opulents des années 20. « Labdanum 18 » est vraiment l’illustration parfaite de l’univers olfactif du parfumeur. Maurice Roucel aime les notes animales, il aime le cuir et la vanille. Pour lui, un parfum n’est jamais « too much » et c’est encore le cas ici. Il est incroyablement opulent, imposant et terriblement efficace. Comme ça, il ne ferait pas envie mais il est tellement facetté qu’il surprend par une contradiction. Il est assez linéaire et on se prend toutes les notes dans le nez d’un coup mais il reste facetté et élégant. Il est très Maurice Roucel. Je retrouve sa patte si particulière et, si je ne pourrais pas le porter, j’aime vraiment le sentir et le re-sentir quand j’en ai l’occasion. « Labdanum 18 » est un parfum cuiré ciste pour celles et ceux qui n’ont, passez-moi l’expression, pas froid aux yeux. C’est une merveille mais j’ai du mal à me l’approprier. Je ne pourrais pas l’expliquer.
C’est une matière première qui ouvre vraiment beaucoup de possibilités. Qu’il fasse ressortir celles auxquelles il est associé ou qu’il trône en majeur, le ciste, le ciste labdanum, est un ingrédient qui, bien souvent participe à la beauté d’une création. Je me rends compte qu’il a tellement de facettes qu’il permet une infinité de nuances. Je suis content d’avoir étudié le sujet car je ne verrai plus mes parfums de la même manière aujourd’hui. Je me demanderai souvent s’ils n’en contiennent pas, sous formes de traces ou d’overdose lorsque je les sentirai évoluer sur ma peau.
Inscrivez-vous au blog
Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour
Rejoignez les 221 autres membres