Creed, une dynastie de parfumeurs
J’avais déjà parlé, ça et là, de parfums créés par la famille Creed au fil des siècles et jusqu’à nos jours mais je n’avais jamais vraiment fait une revue de la marque qui est, rappelons-le, restée indépendante jusqu’à ces derniers mois. J’ai toujours trouvé que la marque avait pris le meilleur de sa « double nationalité » franco-anglaise. Créée en Angleterre en 1760 par James Henry Creed, la maison est d’abord une maison de couture avant se tourner résolument vers le parfums et d’installer son siège à Paris vers 1850. Dès lors, elle va parfumer les monarques des cours d’Europe qu’elle équipait déjà en vêtements d’équitation. Ce n’est qu’au XXème siècle qu’elle devient, petit à petit, uniquement une maison de parfum. Pour Creed, la création de fragrances est une affaire de famille mais nous y reviendrons. J’ai décidé de faire cette revue en vous parlant de trois féminins puis de trois masculins que je trouve emblématiques. Je ferai l’impasse sur « Aventus » que j’ai beaucoup évoqué et qui est l’un des bests qui a rendu la maison moderne car il y a plein d’autres créations qui méritent d’être évoquées.
La dynastie Creed

La famille Creed, une dynastie de parfumeurs
Trois féminins
Réédition d’un parfum appelé « Impératrice Eugénie » et créé, comme son nom l’indique pour l’épouse de Napoléon III, « Jasmin Impératrice Eugénie » a été recréé par Olivier Creed et est ressorti en 1989 puis à nouveau arrêtée et réédité il y a deux ans. Il est devenu l’unique ambré fleuri de la marque après la disparition de « Vanisia ». Le départ de bergamote, le coeur d’ambre gris construit avec une très belle variété de jasmin d’Italie et de rose de Bulgarie et le fond de santal et de vanille en font un classique. Si la formule originale était proche de celle-ci, nul doute qu’elle a du inspirer Guerlain, Molinard et même Caron pour la création de leurs orientaux de « la même famille » dans les années 20. « Jasmin Impératrice Eugénie » n’est en aucun cas un parfum novateur mais son côté vanillé, poudré et oriental est vraiment une belle réussite. Je n’aime pas tellement ce style de créations mais je dois dire que j’ai adoré le découvrir puis le redécouvrir. Je trouve que c’est une réussite.
Olivier Creed a également travaillé une fleur pas facile dans « Tubéreuse Indiana » sorti en 1980 puis arrêté puis également relancé. Il a su gommer le côté trop opulent, voire presque entêtant. Il a su magistralement l’adapter à l’élégance anglaise dans « Royal Mayfair » et la transformer en bouquet parfait dans ce parfum-ci. Après un départ de bergamote, il a utilisé une variété de fleur toute en nuances venue d’Inde au coeur et un fond d’ambre gris délicatement vanillé pour créer un parfum d’une originalité incroyable. J’ai mis un peu de temps à apprivoiser « Tubéreuse Indiana » car je trouve qu’il ne ressemble à rien d’autre. Je l’imagine porté par Colette avant qu’elle ne devienne une écrivaine célèbre ou par les clientes de Mary Quant dans les sixties. Je l’imagine aussi porté par des femmes d’aujourd’hui, audacieuses, variant les looks et les styles. C’est un parfum qu’il faut assumer mais il est vraiment très intemporel et très chic.
Comment n’aurais-je pas été séduit par « Fleurs de Gardénia » lancé en 2012 et créé par Oliver Creed. C’est un bouquet de fleurs épicé et opulent mettant en valeur l’une des fleurs que je préfère en parfumerie. Le départ est acidulé, entre poivre rose et bourgeon de cassis mais le coeur est résolument floral puisqu’on y retrouve un bouquet de jasmin rose, de pivoine, de muguet et de rose autour d’un gardénia « à l’anglaise » opulent et élégant. Le fond est un duo de patchouli et de cèdre de Virginie qui reste discret, laissant toute la place aux leurs et particulièrement à sa note principale. C’est un vrai fleuri, moderne, élégant mais très « pop ». Je suis complètement sous le charme à chaque fois que je le porte. Je l’ai essayé souvent et, même si c’est un féminin et que j’ai opté pour un autre gardénia, il reste là, dans un petit coin de ma tête et il ne va pas en sortir de sitôt.
Trois masculins
Dans la collection des Millésimes masculins, Olivier Creed a voulu ressortir en 2000 un parfum hespéridé tabac (et oui !) qui avait existé dans les années quarante. D’aucun disent qu’il aurait été porté par Winston Churchill ce qui n’aurait rien d’étonnant. Pour ma part, il est sans aucun doute l’une des créations de cette collection que je préfère. Son élégance est vraiment très « à l’anglaise » et coche toutes tes cases de ce que j’aime. De plus, il est « très Creed » et allie avec une finesse toute particulière des notes qui pourraient sembler antinomiques de prime abord. Le départ est très agrumes avec une bergamote douce et une orange amère mais il est relevé par un coeur de gingembre avant de se poser sur un fond de tabac et de cuir renforcé par la délicatesse de l’ambre gris et la force du patchouli. L’extrême élégance de « Tabarome » m’a toujours interpellé et je crois que c’est sans doute l’un des parfums de la maison qui entre dans mon top cinq. Je l’ai essayé à de nombreuses reprises mais, hélas, ma peau l’absorbe et il a, sur moi, une tenue très limitée ce qui m’a un peu dissuadé mais qui sait, un jour peut-être…
Dans la même collection, Olivier et Erwin Creed ont créé, en 2004, « Original Vetiver », un boisé épicé que je trouve également d’une délicatesse absolue. Ce travail autour d’une note pourrait sembler simple voire même simpliste mais il ne faut pas s’y fier. L’envolée d’agrume et de gingembre est un classique de la maison mais le coeur de vétiver d’Haïti, de santal et d’iris lui donne toute son originalité. Le fond d’ambre gris très cher à Olivier Creed est rehaussé d’une note d’ambre gris. Pour moi, ce parfum va bien au-delà d’un solinote vétiver, c’est une composition très évolutive, toute en transparence et en légèreté. Je dois dire que j’ai toujours été très client de ce genre de parfum à la fois boisé, un peu terreux et pourtant résolument hespéridé et poudré. C’est un esprit très moderne qui tranche un peu avec les autres vétivers « classiques » de la parfumerie. Je trouve que l’association avec le santal doux, lacté, lui donne un côté très réconfortant et pourtant il garde le pep’s des agrumes tout au long de son évolution. Bref, il faut le dire, « Original Vetiver » est une merveille.
Créé par Olivier Creed en 1985, Green Irish Tweed est indéniablement, avec « Royal Oud » et surtout « Royal Mayfair », l’un des parfums de la maison que je préfère. Je le trouve à la fois élégant, tenace et particulièrement doux. Pour moi c’est un aromatique poudré. J’aime le départ très très verveine mais aussi le coeur de feuilles de violette et d’iris et le fond d’ambre gris de bois de santal. C’est un parfum que je pourrais qualifier « d’aristocratique ». Je le trouve à la fois tout à fait dans l’esprit de la maison et franchement original. Intemporel et très «british», il fait partie vraiment de mes tops dans la marque. Je le trouve vraiment unique en son genre. C’est un parfum qui existe depuis déjà longtemps mais je le trouve intemporel. Vraiment, il a une modernité et une originalité qui me ravit. Oui, il pourrait, à l’avenir, remplacer « Royal Scottish Lavender » qui était « mon » Creed et qui n’existe plus.
Il existe bien évidemment plein de fragrances que j’aime chez Creed et un article seul ne suffit pas pour en faire une revue. Je trouve que la marque est une véritable mine de beaux parfums. Je ne sais pas ce qu’il va advenir de ces créations avec le rachat dont elle vient de faire l’objet mais ce type de changement annonce toujours des modifications de catalogue. J’espère que le fait qu’Olivier Creed reste le parfumeur de la marque sera une bonne chose pour son évolution. En tout cas, pour l’instant les jus sont là, dans les élégants flacons d’origine et je vous assure qu’il faut vraiment les découvrir.
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