Passion Parfums

Ces temps-ci, j’ai porté plusieurs fois deux de mes cuirs plutôt frais préférés, « Cuir de Russie » de Chanel et « L’Eau du Prince Igor » de Nicolas de Barry. Tous deux ont, dans les notes de fond, cet accord bois de bouleau et mousse de chêne traditionnellement utilisé en parfumerie depuis le XIXème siècle sous le nom cuir de Russie. L’effet rappelle en fait, l’odeur des peausseries d’une sellerie avec des notes goudronnées et sèches. J’aime beaucoup cette odeur quand elle est travaillé en parfumerie. Si mon préféré reste « Cuir de Russie » de LT Piver, il est vrai qu’il en existe d’autres, associés le plus souvent à des agrumes, de la feuille de violette ou encore des notes plus animales. Mais trêve de digression, je voulais comparer ces deux parfums qui sont tout à fait portables l’été car l’opposition notes sombres et de la fraîcheur est vraiment très agréable. Je vais donc essayer de mettre en lumière les similitudes et les différences de ces deux coups de coeur.

J’ai toujours aimé « Cuir de Russie » de Chanel créé en 1924 par Ernest Beaux et reformulé en 2007 par Jacques Polge pour sa sortie dans la collection Les Exclusifs. Il existe désormais, comme en 1924, dans deux versions, l’eau de parfum (qui a remplacé l’eau de toilette en 2016 il me semble) et l’extrait. La marque en décrit ainsi l’inspiration : « En 1920, le grand-duc Dimitri s’exile de Russie à Paris, portant en lui les images de la steppe blanche, des fourrures et des crinolines. Charmée par le faste byzantin, Gabrielle Chanel orne ses créations de motifs folkloriques et de broderies dorées. Une empreinte slave qu’elle connut également auprès de ses amis Igor Stravinsky et Serge de Diaghilev, fondateur des Ballets russes ». L’idée du parfumeur est alors d’associer l’accord cuir de Russie avec un départ de fleur d’oranger, un coeur de jasmin et un fond de tabac blond. « Le style byzantin était l’une des inspirations de Gabrielle Chanel. Le parfum Cuir de Russie évoque cette empreinte slave dans une fragrance aux accents mystérieux de bois fumé. Une fragrance chaude et charnelle, traçant un sillage sophistiqué ». Je ne connais pas l’original mais j’ai un vrai coup de coeur pour l’interprétation de Jacques Polge même si elle est très volontairement vintage voire même un peu surannée. Je lui trouve une élégance particulière associée à la folie des années 20. Pour moi, c’est une complète réussite. Certes, c’est un cuir et il n’est ni suédine, ni peau de tannerie. C’est un parfum équilibré entre notes goudronnées et florales ce qui lui apporte à la fois une belle profondeur et une certaine fraîcheur. Pour moi, il est indémodable et peut se porter toute l’année. J’aime beaucoup ce parfum. Je lui ferai deux reproche, tout d’abord son prix car il devient de moins en moins accessible y compris en eau de parfum et ensuite sa tenue, justement dans cette version, qui est, il faut le dire, assez limitée. Il n’en demeure pas moins que je trouve vraiment la création magnifique. Je ne sais pas si je le rachèterai quand il sera fini mais j’aime beaucoup le porter.

 

Ce n’est qu’il y a deux ans que j’ai pu découvrir « L’Eau du Prince Igor », pourtant sorti il y a déjà pas mal de temps dans la collection des parfums historiques de Nicolas de Barry et au travers duquel, il a voulu donner son interprétation du cuir de Russie. Pour moi, c’est une réussite totale. L’idée est, avec cette création, de revenir à l’intégration de l’accord bouleau et mousse de chêne dans une construction Cologne : «  Le XIXème siècle voit se répandre la mode des Eaux de Cologne, grâce à la clientèle assidue de Napoléon. Les officiers britanniques de l’Empire des Indes cherchent un peu de fraicheur et adoptent le Vétiver, une petite racine odorante prisée par les Maharajas qui l’utilisent pour rafraichir leurs palais. La mode des “Vétiver frais” commence ici avant d’envahir l’Europe…Sensible à l’univers olfactif des Vizirs, Nicolas de Barry a créé un parfum chaud aux notes vertes en dualité avec la fraîcheur du Citron, de la Bergamote et de l’orange en notes de têtes. Le Santal et le Musc donnent de la puissance et de l’exotisme à cette Eau distinguée… ». Le départ est très orange, citron et bergamote puis l’accord, que l’on reconnait tout de suite, vient enrichir le parfum et lui donner un côté très étonnant car il y a une vraie dualité entre le côté profond du cuir et la fraîcheur aérienne des agrumes. J’ai beaucoup porté cette composition ces derniers temps et, je dois bien le dire, je me suis fait plaisir. Là encore, Nicolas de Barry a joué la carte de l’intemporalité. On se retrouve plongé dans l’univers équestre du début du XXème siècle mais il se révèle aussi complètement contemporain avec le retour à la mode des esprits Cologne. Là encore, je peux peut-être regretter que la tenue soit assez limitée mais je pense qu’il s’agit-là d’une volonté de Nicolas de Barry de ne pas « forcer » certaines notes boisées qui rendraient la création moins facettée. J’aime énormément « L’Eau du Prince Igor » et je pense que c’est un parfum que je rachèterai pour qu’il puisse m’aider à supporter des étés un peu trop chauds car il est une très belle alternative à des floraux légers ou à des hespéridés. Cela permet de changer élégamment. En tout cas, pour moi, cette création est l’une des plus belles réussites de Nicolas de Barry avec « George Sand » bien sûr, qui est l’un de mes parfums préférés depuis près de deux décennies.

 

 

Vous l’aurez compris, j’aime ces deux interprétations du cuir de Russie. Elles ne sont pas, finalement, si différentes. En tout cas, il me faudra faire un choix car on ne peut pas tout porter. Je pense qu’il se portera sur « L’Eau du Prince Igor » pour deux raisons. La première est son prix que je trouve quand même moins élevé et la seconde est qu’il me correspond vraiment bien même si j’aime l’élégance sophistiquée du Chanel. En tout cas, ce sont deux très beaux parfums. Je les aime beaucoup et je suis content d’avoir pu les porter.