Passion Parfums

 

 

J’ai toujours aimé les parfums dont la note dominante est le vétiver. Évidemment, le premier que j’ai senti et porté puisque des amis me l’avaient offert pour un anniversaire, était celui de Guerlain que j’ai toujours trouvé très joli mais dont la tenue m’a quand même, il faut bien le dire, déçu. Ceci dit, cette matière première m’a toujours beaucoup plu. J’ai porté pas mal de créations dans lesquelles elle est travaillée en majeure comme, par exemple, « Le Baiser du Dragon » de Cartier ou encore tout simplement « Vétiver » de L.T. Piver et « Vetyver » de Mona di Orio. J’avais déjà consacré un article à cette matière première lorsque j’ai commencé la rédaction de ce blog mais elle est utilisée dans tant de composition que je me suis dit qu’une nouvelle revue pouvait être agréable à découvrir. Je me suis donc rendu en parfumerie et j’ai fouillé dans mes échantillons pour pouvoir sélectionner cinq créations dans lesquelles le vétiver et son odeur à la fois boisée, racinaire et verte, prend beaucoup de place. J’ai essayé d’aller vers des parfums très différents les uns des autres afin de pouvoir vous offrir un éventail assez large de possibilités. J’ai porté certaines des fragrances de cette liste mais, pour ce qui est des autres, je me suis contenté de les essayer et je vais tenter de vous révéler mes impressions, bonnes ou moins bonnes.

Il y a, chez Maître Parfumeur et Gantier, plusieurs parfums que j’aime et dans lequel le vétiver est travaillé en majeur. De « Centaure » à « Racine », les parfumeurs nous ont emmené en voyage pour nous offrir des créations très différentes avec, souvent une belle proportion de cette matière premières aux facettes inépuisables. Je crois que je n’avais jamais parlé de « Route du Vétiver » que j’ai pu découvrir il y a quelques années à la boutique de la rue des Capucines à Paris. Je possédais une dose d’essai donc j’ai pu le porter complètement pour pouvoir vous en parler. C’est un parfum lancé en 1988 et créé par Jean Laporte. « Explorez l'exotisme brut et sauvage du Vétiver de Réunion qui se mêle au mysticisme oriental. Une fragrance puissante avec des notes de muscs, de santal, de jasmin et de bois précieux ». C’est à dessein que j’ai choisi cette création très originale et d’une grande élégance qui s’ouvre sur une envolée de cassis, d’aldéhydes associée à un accord de feuilles vertes qui nous entraîne doucement sur un coeur de vétiver Bourbon, de bois et de jasmin pour se poser sur un fond de muscs blancs et de bois de santal. Le mot qui me vient en redécouvrant « Route du Vétiver » est « élégance ». Ce parfum, peut-être plus apprécié par les hommes, très vert dans son départ, se fait plus doux, racinaire mais jamais sombre grâce au jasmin. Je lui trouve même de petites notes animales qui viennent « assouplir » le côté peut-être un peu trop boisé pour moi. S’il ne détrône pas « Racine » qui est « mon » vétiver de la marque, je le trouve quand même vraiment très joli et plaisant. Pour moi, il ferait partie d’un top si je décidais d’en élaborer un.

 

Le deuxième parfum que j’ai décidé de sélectionner, est un classique et je dois dire que je ne me lasse pas du tout de le sentir. Il a été composé par Thomas Fontaine pour le Galion en 2015 et s’inspire très largement de « Eau de Vétiver », créé pour la marque en 1968 par Paul Vacher. Il s’appelle tout simplement « Vétyver ». « Sur la Piste de l’homme, Paul Vacher crée en 1968 dans un contexte de révolution des moeurs son iconique Vétyver. Vétyver ou « les Fleurs du Mâle », comme l’aime à rappeler la campagne de communication crée à l’occasion du lancement de la fragrance : « Ces Fleurs, Le Galion est allé les cueillir aux Indes : Elles s’appellent Vétyver. Un Parfum musqué et musclé. Frais, sec, racé. Un parfum mâle ! » Le Galion réédite aujourd’hui Vétiver à partir de sa formule originale, une fragrance aromatique et typée s’ouvrant sur des notes hespéridées de épicées de Bergamote, Mandarine d’Italie, de Noix de Muscade et de Coriandre, développant un coeur aromatique autour de la Sauge Sclarée, la Lavande, le Petit grain, l’Estragon et la Verveine, pour laisser sur la peau un sillage intense ». Plus classique, plus complexe aussi que le premier, ce parfum est, à mon sens, un classique qui peut très bien prendre le relai des vétivers de Lubin (que j’aimais beaucoup mais qui n’existe plus) ou de Guerlain. Il est classique et chic. Très androgyne, il plaira, je pense, aux femmes autant qu’aux hommes. Le départ de bergamote, de mandarine épicé de muscade et de coriandre est, n’ayons pas peur des mots, absolument magnifique et ce coeur de sauge sclarée, de lavande, de petit-grain, d’estragon et de verveine se développe avec beaucoup de classe pour nous emmener sur un fond où le vétiver est associé au bois de santal, à la fève tonka et aux muscs. « Vétyver » fait partie des très belles créations et surtout re-créations de la marque. Je le trouve d’un chic fou. En outre, il demeure ultra facile à porter car il conserve une certaine fraîcheur. Dans tous les parfums à dominante de vétiver que j’ai redécouvert pour écrire mon article, il est sans doute l’un de ceux que je préfère.

 

 

 

J’avais entendu dire que « Vétiver Extraordinaire », créé en 2002 par Dominique Ropion pour les Éditions de Parfums Frédéric Malle était l’un des parfums dans lesquels cette matière première était vraiment la plus concentrée. « La séduction à l’état pur. L’essence d’un homme au charme irrésistible ; l’humour et la sophistication de celui qui n’en fait jamais trop. Une masculinité sensible, mais toujours présente qui caresse plutôt qu’elle n’hurle. Un départ frais de bergamote, d’orange amer et de poivre rose propulse un immense bouquet de bois : vétiver Haïti, bois de santal, et cashmeran, que le musc et la mousse de chêne arriment à la peau pour une séduction infinie. Le charme en bouteille ». Alors, est-il pour moi la création de la séduction ? Peut-être pas mais je trouve ce parfum vraiment très bien travaillé et je vais tenter de vous exprimer au mieux ce que j’ai ressenti en le laissant vivre sur ma peau. Le départ est assez vif avec des notes hespéridées d’orange amère et de bergamote qui attire vraiment le nez d’autant qu’une facette poivre rose accentue ce côté et éveille mon intérêt. Le coeur est vraiment construit autour du vétiver qui se renforce de bois de cèdre et de santal et adouci par un accent de cashmeran. Au bout d’un certain temps, le parfum se pose sur un fond de mousse de chêne et de musc. C’est Marion de la chaîne YouTube Des Paons Danse Cent Heures qui m’a suggéré d’essayer un peu plus ce parfum en attisant ma curiosité en me disant qu’il avait presque une facette cacahuète et c’est vrai ! Je ne m’y attendais pas et je pense que le mariage du vétiver et de la mousse de chêne accentue ce côté-là très nettement. Au premier abord, je ne me serais sans doute pas arrêté sur ce parfum mais force m’est de constater qu’il est vraiment d’une grande élégance sur ma peau et qu’il développe chez moi une certaine addiction. Je l’ai porté et j’en avis posé sur mon bras. Je n’ai eu de cesse de le sentir et le re-sentir. Vraiment, j’ai redécouvert « Vétiver Extraordinaire », il est peut-être un peu trop boisé pour entrer dans mes goûts mais je l’ai trouvé absolument magnifique finalement alors que j’étais passé à côté.

 

 

 

 

 

Il y a quelques années, j’ai beaucoup tourné autour du très particulier « Vétiver Veritas » créé par James Heeley pour sa marque éponyme en 2014. « Premier opus de la nouvelle collection des Eaux de Parfums naturelles, Vetiver Veritas est un pur exercice de style. 100 % naturel, il tient sa promesse d’un sillage intense et prolongé, à la manière des grandes créations de la parfumerie.   Pour cela, James Heeley a sélectionné un vétiver d’Haïti de qualité exceptionnelle, présent à plus de 90 % dans la composition, qui révèle des subtilités inattendues. Dans les compositions classiques, le vétiver se dévoile au fur et à mesure que les notes hespéridées et vertes s’envolent. Vetiver Veritas exprime la vérité presque nue de cette matière première.  A l’inverse de la pyramide olfactive, le vétiver d’Haïti est présent dès les premières notes, avec ses notes caractéristiques d’herbes sèches et de terre propre. Associé à une légère touche de menthe, il évolue petit à petit pour révéler une surprenante note fraîche de pamplemousse. Vetiver Veritas est un parfum qui se démarque, une véritable expérience olfactive qui ne laissera pas indifférent les puristes et les connaisseurs de parfums d’exception. Formulé à base d’un alcool de blé organique à la lavande, Vetiver Veritas contient 100 % d’ingrédients naturels, dont 92% d’origine biologique. Le vétiver d’Haïti est issu d’une filière d’extraction éco-responsable. A cause des réglementations de plus en plus strictes sur les allergènes et des prix qui s’envolent, les ingrédients naturels sont de plus en plus marginalisés » et finissent par s’éloigner de la palette du parfumeur contemporain. Aujourd’hui, produire un parfum 100% naturel de qualité est un véritable défi ». La marque explique donc sa démarche pour produire ce parfum qui est, il faut le dire, malgré la difficulté de n’utiliser qu’une partie de la palette du parfumeur, extrêmement bien construit. C’est un travail autour d’un vétiver particulièrement dense, terreux, presque un peu aromatique et amer. Il s’ouvre avec une envolée de maté, de lavande et de menthe puis vient un coeur de vétiver et de pamplemousse qui est renforcé par un fond composé de différentes essences de bois et de végétaux. « Vétiver Veritas » est clivant, dense, pas facile à porter et ne s’adressera vraiment qu’aux amateurs de cette matière première presque brute. Je l’ai réessayé pour écrire cet article et vraiment je le trouve beau mais, définitivement, il est trop « d’un bloc », trop imposant pour que je puisse vraiment le porter régulièrement. Il fait partie de ces parfums que l’on aime sentir mais que l’on n’imagine pas autour de nous.

 

 

 

 

« « Vétiver » : ce nom qui sonne français est pourtant trompeur. En réalité, vettiveru est le nom tamoul qui indique une plante aux longues racines, dont l’on fait également du textile. La distillation permet d’extraire de ces racines une huile essentielle ambrée. Ses origines nous entraînent donc dans le Sud de l'Inde mais pour le Vétiver de Perris Monte Carlo nous étions en quête d’une expérience olfactive particulière. Après avoir humé les variétés les plus utilisées, provenant des Antilles, d’Haïti et de l’île Bourbon, nous avons poussé jusqu'à l'ancienne Java. L'île la plus vaste et la plus peuplée de l'archipel de la Sonde conserve toujours une partie de son aura mystérieuse. Peut-être est-ce la proximité de grands volcans encore actifs mais le vétiver de Java n'a pas la linéarité propre de ses parents. Il est au contraire piquant, anguleux, fumé voire brûlé, avec de soudaines nuances vertes, florales et épicées. Le parfum que nous en avons fait s’adresse à ceux qui relèvent les défis d'aujourd'hui : un cœur boisé et intense s'ouvrant sur de légères notes florales » tels sont les mots de Perris Monte Carlo pour décrire « Vétiver Java » créé par Gian Luca Perris en 2021. À l’époque, je l’avais découvert en avant-première et j’avoue qu’il m’avait aussi beaucoup séduit. Là, l’univers est vraiment très différent. Je pense que ce parfum plaira quand même plus aux hommes. Il n’existe, pour l’instant, je crois, qu’en eau de parfum mais nul doute que l’extrait va être très différent. J’en parlerai en temps et en heure. L’envolée de bergamote de Calabre, de pamplemousse et de poivre de Timur oscille entre douceur acidulée et amertume. C’est au coeur que le vétiver de Java, très boisé, dense et presque âpre vient se mélanger à un très bel absolu de géranium pour se poser et s’adoucir sur un fond ambré et musqué. Comme toujours, Gian Luca Perris a sélectionné les plus belles matières premières pour sa création. Dès la vaporisation, la qualité du parfum me semble tout à fait évidente. Sur ma peau, « Vétiver Java » se fait brut, ethnique pour se poser enfin et devenir d’une curieuse élégance. Il me plait énormément. C’est un parfum que je pourrais tout à fait porter alors que, d’habitude, les boisés est moi, ce n’est pas simple. Cette création, c’est carton plein !

 

 

 

Créé pour sa marque, Parfum d’Empire, par Marc-Antoine Corticchiato en 2022, « Vétiver Bourbon » ne m’avait pas plu du tout à sa sortie. Je lui avais trouvé presque un côté épinard. Je suis obstiné et j’ai voulu le remettre sur ma peau. J’avais une dose d’essai et je ne me suis pas privé. Le parfumeur en explique ainsi la naissance : « Avec Lucien Acquarone, mon complice de maquis et de brousse, grand magicien de la distillation de plantes à parfum, nous passions souvent par la Réunion en partant ou en revenant de Madagascar. Nous y achetions des huiles essentielles de vétiver Bourbon et plus d’une fois, au petit matin, nous avons assisté à sa récolte épuisante sur les plantations de l’île. Cette herbe à la robustesse impressionnante, capable de résister même aux cyclones, permet de lutter contre l’érosion des sols et sa culture consolide les économies fragiles. Cela nous a donné l’idée de tenter une production de vétiver à Madagascar, à partir des souches-mères de la Réunion. Cette aventure nous a permis d’appréhender les difficultés liées à la culture du vétiver. Elle m’a aussi donné envie de travailler toutes les facettes et tous les contrastes de ce vétiver Bourbon. Son aspect roots autant que sa noblesse ». C’est un vétiver terreux, difficile d’accès et absolument végétal et terreux. La marque le décrit comme un « parfum-matière » et c’est ce qu’il est, brut, assez « rêche » et, finalement quand même plus destiné aux hommes même si je ne doute pas que des femmes puissent le porter. Le départ très vert et un peu doux d’angélique et d’ambrette fait vite place à un coeur dans lequel le vétiver est associé au beurre d’iris et épicé de clou de girofle puis il revient en force au fond. C’est un parfum à ne pas mettre sous tous les nez. Nous sommes assez loin de l’élégance un peu désuète des deux premiers ou du côté doux amer du troisième. Marc-Antoine Corticchiato « passe en force » avec un parfum qui, je l’admets, ne me plait pas tellement alors que, généralement, je suis très client de son travail. Peut-être est-il, pour moi, un peu trop « costaud ».

 

 

 

« Des champs d'Indonésie et des îles de La Réunion, le parfum profond et intense du Vétiver Bourbon aux traits amers, verts et sensuellement fumés. Une base de bois aromatiques, avec des touches de Bois de Rose, de Racine d'Angélique et de Pavot ». Aurais-je gardé le meilleur pour la fin ? Je ne sais pas mais je suis, depuis toujours, très séduit par « Vétiver » créé en 1994 par Lorenzo Villoresi pour sa marque éponyme. Pour moi, et je pèse mes mots, dans les parfums que l’on peut trouver sur le marché actuellement, il est parmi les plus beaux dans cette veine. C’est un parfum complexe et, malgré une concentration eau de toilette, il est absolument dense et sa tenue est parfaite. La construction de « Vétiver » est assez étonnante car elle commence par une envolée de bergamote, de lavande, de galbanum, de menthe, de petit grain de bigarade et de bois de rose pour nous conduire sur un coeur très étonnant, presque cuiré de néroli, de sauge, de céleri, de cumin et de noix de muscade. C’est vraiment dans le fond que le vétiver s’impose en s’associant à des muscs, à la fève tonka, au bois de santal et de cèdre mais surtout un accord presque chypré de mousse de chêne et de patchouli. Déroutant, avec des tonalités de cuir et de mousse de chêne, ce parfum, sur ma peau, est une véritable merveille, je dois bien l’admettre. Je ne suis absolument pas dérangé par le côté sombre de la composition bien au contraire. Je l’ai senti sur des hommes et sur des femmes et, à chaque fois, il me revient en mémoire comme l’un des plus beaux parfums de cette magnifique maison italienne. Attention toutefois, « Vétiver » fait partie de la collection Vintage et il n’est pas très facile à trouver en France. Si vous croisez sa route, allez y mettre votre nez, n’hésitez pas, c’est une merveille.

 

 

J’ai voulu faire une sélection de vétivers que je considère désormais comme des classiques en m’appuyant sur mes goûts mais aussi sur la qualité des matières premières. Je sais que, traditionnellement, c’est une matière première liée à la parfumerie masculine mais je sais que nombre de femmes sont aussi attirées par ce côté racinaire et vert d’un ingrédient qui ouvre vraiment de large possibilités.