Passion Parfums

* Article entièrement réécrit

 

 

Après des études de parfumerie à l’ISIPCA de Versailles, Delphine Thierry a travaillé pour L’Oréal, Chanel et I.F.F. avant de quitter Paris pour la Provence et devenir indépendante. Elle va alors créer des fragrances pour plusieurs marques de parfumerie et notamment pour Lubin. Comme je l’ai déjà mentionné dans mon article sur la marque et comme elle l’explique elle-même dans le documentaire que j’ai publié en annexe, sa collaboration avec Gilles Thévenin, directeur de la marque, est particulièrement fructueuses. La signature de Delphine Thierry est tout à fait identifiable et je trouve qu’il y a quelque chose de sensible dans son travail. Elle a créé également douze jus que je ne connais pas mais que j’aimerais découvrir pour Parfumeurs Français. Je ne peux parlé que de ce que j’ai senti alors, il va me falloir, hélas, faire l’impasse sur toute cette partie de son travail. Ceci dit, il reste de belles choses à découvrir et à redécouvrir. J’ai choisi quatre fragrances très différentes que je trouve particulièrement représentatives de son talent de parfumeuse.

J’ai découvert « Tulaytulah » créé par Delphine Thierry pour l’Andalus Collection en 2015 récemment. Je l’ai beaucoup aimé. Il s’ouvre avec une très belle envolée de sakura à laquelle est associée des notes de cyprès et d’anis très surprenante. Le coeur est liquoreux avec un versant whisky à l’ancienne et amandes. Le fond, construit sur un accord daim poudré de vanille et de tonka est de toute beauté. J’ai vraiment aimé surtout sur la peau. Il matche merveilleusement bien sur moi. « Tulaytulah est le nom de Tolède en arabe et en hébreux. Située sur un éperon rocheux au bord de la rivière Tage, Tolède est  la cité des trois cultures. Elle est célèbre pour sa tolérance religieuse: quand elle faisait partie de Al-Andalus, juifs, chrétiens et musulmans y vivaient ensemble, en paix et en harmonie.Grâce à cette coexistence (La Convivencia), la ville devint une capitale économique et culturelle radieuse. Tolède la médiévale fait perdre la tête. Églises, palais, forteresses, mosquées et synagogues, des monuments qui révèlent aux yeux du monde le raffinement et le goût de ceux qui y ont, par le passé, élu domicile ».

 

À sa sortie en 2015, j’avais adoré l’unique parfum de Eve & Daphnée créé par Delphine Thierry qui portait un nom curieux « Tentation 1 Contre Lui ». Floral, boisé et un peu aromatique, ce parfum m’a énormément séduit même si je savais qu’il n’était pas pour moi et que, pour le coup, je le trouvais plutôt féminin. Le départ d’agrumes, d’angélique et de géranium est presque amer mais le coeur poudré de rose de Damas, d’aubépine et d’armoise est sublimé par un iris très délicat. Le fond de santal, de ciste, de cèdre repose sur un patchouli particulièrement bien travaillé. Son sillage est très limité mais sa tenue est particulièrement merveilleuse. La marque le décrit de la manière suivante : « Le Premier parfum de la maison, Tentation 1 Contre Lui, évoque la venue au monde d’ Eve, la femme originelle, née Contre Lui. Ses notes addictives célèbrent l’amour et la nature en un sillage intemporel légèrement poudré. Pour exprimer la poésie du jardin mythique, il a été fait appel à des matières premières rares et précieuses telles que la concrète d'Iris et la rose de Damas. 100% naturels… ». Je pense que tout est dit.

 

 

 

Pour Lubin, Delphine Thierry a créé des parfums pour deux collections. Je commencerai l’un de ceux de Talismania que j’aime beaucoup. Il s’agit de « Galaad » créé en 2012. Il m’évoque toujours une feuille de tabac travaillée de manière à la fois épicée et aromatique. L’ouverture de romarin, de cyprès et cardamome conduit à un coeur de myrrhe, de miel et de copaïba qui est un baume bienfaisant. Le fond de cèdre de l’Atlas, de cypriol, de tabac est rehaussé d’une note de oud. Je trouve ce parfum intrigant, très envoûtant et addictif. J’ai aimé beaucoup le porter toutes les fois où je l’ai essayé. J’ai même un temps tourné autour mais, sur ma peau, la tenue est un peu limitée et je n’ai pas franchi le pas… pour l’instant. Je trouve que ce parfum est très emblématique de la collection Talismania et, bien qu’il ne soit peut-être pas aussi populaire que « Upper Ten » ou encore « Akkad » dont on parle plus. Pour moi, il est plus délicat et plus raffiné mais ce n’est que mon point de vue. Je pense que c’est un jus très agréable et singulier. Je le porterai peut-être un jour.

 

 

 

« Bagheera représente le moment de la journée quand le soleil atteint son zénith, et l'interaction la plus éclairée entre l’homme et animal. En pénétrant profondément dans la jungle pour atteindre la partie médiane de l'île, ils réveillent accidentellement une panthère de son sommeil. Instinctivement, ils commencent à courir, mais la panthère court autour d’eux, puis le long d'eux, puis finalement devant.L’animal tourne la tête pour indiquer un changement de direction et les guide avec tempérament distant à une cascade dans le nord de l'île.Envie de caresser l'épaule du gros chat noir ». Comme souvent, Delphine Thierry travaille cette création pour Malbrum comme un onguent, profitant de toutes les facettes des matières premières qu’elle utilise. Le départ de feuille de cassis, de mûre et de truffe est très déroutant mais très vite, le coeur prend toute sa place avec une association iris et violette poudré et soutenu par un fond de cuir, de papyrus et évidemment de bois de cèdre. Si je devais faire une parenté, je rapprocherai « Bagheera » de « Quartier Latin » qu’Aliénor Massenet avait créé pour Memo et qui, je crois, a été hélas, discontinué. Pour ma part, « Bagheera » n’est pas forcément exotique mais m’évoque plutôt une bibliothèque avec des senteurs de cuir de reliure un peu poussiéreux mais terriblement addictif. La dose d’essai qui m’a été gentiment offerte, est assez importante et je vais le porter encore une ou deux fois. C’est indéniablement une trouvaille et je ne manquerai pas, si le jus continue de me plaire autant, de faire un saut à Bordeaux pour découvrir la région et aussi les autres créations de la marque. Je trouve que vraiment Delphine Thierry a une signature reconnaissable entre mille et, si j’apprécie beaucoup, je n’avais jamais pensé pouvoir m’approprier une de ses créations. Peut-être que « Bagheera » sera celle-là… Qui sait ?

 

 

« Sève et racines, feuilles, mousse et fleurs de sous-bois... De la terre au parfum, un instantané sensoriel, brut, sauvage, puissant » tel est décrit la terre également composé par Delphine Thierry en 2020. Avec son envolée d’angélique, d’absinthe et de feuille de violette pour le côté poudré, son coeur cuiré par le narcisse et épicé par le gingembre et son fond de vétiver d’Haïti, de patchouli indien et de papyrus, ce boisé avait tout pour me séduire et tel a été le cas. Je m’explique, je ne suis pas très fan des boisés mais j’aime bien la note de violette un peu terreuse et poudrée et je trouve qu’elle s’harmonise magnifiquement avec le le coeur de narcisse et de gingembre puis avec ce versant papyrus que je trouve à la fois peu usité et très intéressant. Vraiment, ce parfum me plait car je le trouve vraiment très hors-norme. Il a quelque chose de très fumé dans son évolution et il m’a fait penser, sans vraiment leur ressembler à d’autres créations un peu « ethniques » que j’ai pu apprécier au cours de mes pérégrinations parfumées. C’est comme s’il venait compléter en quelque sorte, une famille olfactive à part entière mais non répertoriée. Je dois dire que l’évolution est à la hauteur de l’envolée sur ma peau et que « La Terre » me plait particulièrement.

 

Delphine Thierry est particulièrement inventive et je trouve qu’elle traduit dans ses parfums ses impressions telle qu’elle les décrit en interview de manière très fidèle. J’aime beaucoup son univers et je serai très heureux de découvrir d’autres créations qu’elle a réalisé pour d’autres marques. Il faut absolument découvrir son travail car il est très intéressant. Je trouve ses parfums très « solaires » et très finement réussis.