Passion Parfums

 

 

 

Elles sont multiples les facettes de la fève de tonka qui est utilisée en parfumerie depuis très longtemps. Cette matière première peut avoir des accents poudrés, vanillés, gourmands voire cacaotés mais aussi cuirés et même fruités. Aimé Guerlain fut l’un des premiers parfumeurs à en comprendre toute la richesse. En 1889, il va l’utiliser de manière très importante pour la création de « Jicky » en en exploitant les aspects les plus aromatiques. En prenant sa suite, Jacques Guerlain la mettra également en valeur dans nombre de ses créations telles, par exemple « L’Heure Bleue » dans laquelle elle est exploitée pour son côté un peu vanillé et boisé. C’est une matière première extrêmement utilisée en parfumerie et je me suis rendu compte que je ne lui avais pas encore consacré d’article. Il fallait y remédier. Vous connaissez le principe, j’ai du choisir quelques créations dans lesquelles elle était utilisée en majeur. J’ai essayé de partir tous azimuts afin de vous parler des infinies possibilités qu’elle offre. J’en ai retenu cinq qui m’ont particulièrement paru intéressantes pour illustrer mon propos.

« Étui d'arme blanche ou robe ceignant le corps, il peut être redoutable. Paré de fève tonka et d'encens, son caractère cuiré ne s'épanouit que dans l'ombre ou la nuit. Par la vertu d'un vice, c'est un fourreau noir », tels sont les mots utilisés par Serge Lutens pour évoquer « Fourreau Noir »qui existe aujourd’hui soit en flacon de noir soit dans la collection du vaporisateur tout noir. Lancé en 2009 et créé par Christopher Sheldrake, c’est un parfum très linéaire. Je l’avais un peu oublié lorsque j’ai vu que Gwen, sur sa chaîne YouTube La Demoiselle aux Pivoine en parlait avec beaucoup d’intérêt. J’ai eu envie de le re-sentir et j’en possède plusieurs échantillons que je garde précieusement car je ne pense pas que je l’achèterai. En effet, il a été longtemps le parfum de l’un de mes amis proches et je ne me vois pas me l’approprier. En revanche, je l’aime énormément. Très linéaire, il est un mariage entre la lavande très aromatique et très « grillée », la fève de tonka et l’amande, le tout enrobé de notes musquées. Je trouve que « Fourreau Noir » est la quintessence de l’élégance sombre « à la Serge Lutens ». Je le redécouvre avec plaisir et je l’imagine bien dans des écharpes au coeur d’un hiver froid et sec presque continental. Je lui trouve un chic tout particulier et, en même temps, il fait partie des créations de la maison qui me semblent faciles à porter.

Lancé en 2013 dans la collection Les Jardins de Fragonard, « Encens et Fève Tonka » est une très belle approche car, c’est, cette fois, le côté ambré de cette matière première qui est exploitée. Après un départ très épicé puisqu’on y retrouve le poivre noir et la noix de muscade associés à la bergamote en envolée puis la rose en coeur et enfin la fève de tonka associée à la vanille et à l’encens en fond. Il n’est pas le parfum que je préfère dans la collection car la note d’encens, très présente, me déroute quelque peu. Je trouve néanmoins que, pour un prix très doux, il peut être une alternative à des parfums d’auteurs plus onéreux et il constitue une jolie interprétation de cette note si riche en l’abordant par un angle original. Sur ma peau, le parfum est un peu trop rond alors que je pense qu’il doit prendre d’autres nuances parfois. Je le trouve particulièrement bien réalisé et, s’il n’est pas pour moi, je ne saurais trop vous conseiller d’aller le découvrir car il est vraiment intéressant et original. J’en profite pour faire une petite mention spéciale au packaging qui est, comme toujours chez Fragonard, particulièrement soigné et réjouissant.

Pour les hommes de la génération, « Jaïpur Homme » créé en 1998 par Annick Menardo pour Boucheron est évidemment un must. Je ne peux pas dire que je l’aime plus que ça sur moi mais nombre de mes copains l’ont porté avec délice durant les années qui ont suivi sa sortie. C’est un oriental épicé très complexe qui fait, lui-aussi, la par belle à la fève de tonka. Après un départ de cardamome rafraîchie par des notes de citron et de citron vert, il évolue vers un coeur de cannelle et d’oeillet avant de se poser sur un lit de benjoin, de fève de tonka et de patchouli. Je dois dire qu’il étais sans doute très novateur lorsqu’il a été lancé. Je l’ai réessayé pour écrire cet article et de nombreux souvenirs me sont revenus en mémoire. Des images de fêtes parisiennes avec des copains un peu perdus de vue aujourd’hui. Je m’en suis trouvé un peu nostalgique ce qui n’est pas forcément dans mon caractère. Sur ma peau, il est résolument très baumé et, si je le trouve beau, je crois que j’aurais du mal à le porter. Il n’est pas très facile pour une création dormant dans les linaires du circuit sélectif. Je pense, en revanche, qu’il mérite d’être découvert ou redécouvert car il a ce je ne sais quoi d’extravagant qui pourrait plaire à plusieurs d’entre-vous. C’est un petit plaisir pas trop cher à ne pas négliger.

Il me faut revenir à Guerlain car la fève de tonka est présente dans nombre des créations de la marque. J’ai choisi de parler de « Tonka Impériale » sorti en 2010 dans la collection l’Art et la Matière et créé par Thierry Wasser parce que je l’ai pas mal senti il y a quelques mois et que, sur le papier, il aurait tout pour me plaire. C’est cette fois la facette gourmande de la matière première qui est mise en avant avec un départ de bergamote et d’amande amère. Au coeur, elle est associée à la feuille de tabac et au jasmin et le fond d’encens et de pin en termine l’évolution. Je dois dire que j’en attendais beaucoup car, vraiment, il avait tout pour me plaire et finalement, je ne l’ai pas aimé. Je l’ai trouvé beaucoup trop sucré et beaucoup trop entêtant. De plus, je trouve qu’il a un certain manque d’originalité dans son évolution et c’est dommage car le départ est assez prometteur. Pour moi, c’est un peu un flop mais, lorsque l’on parle de fève de tonka, il semble absolument incontournable. En tout cas, il mérite d’être découvert au moins par curiosité.

 

 

 

J’ai gardé mon préféré pour la fin et c’est « Tonka 25 » créé pour la marque Le Labo par Daphné Bugey en 2018 car c’est un énorme coup de coeur. Étant donné que j’aime beaucoup le travaille de sa créatrice, j’ai tenu à le découvrir peu de temps après sa sortie et je ne l’ai pas regretté. C’est une facette musquée et cuirée de la fève de tonka qui est mise en avant dans cette très belle création. Elle y est associée à une note dominante de cèdre de l’Atlas et de styrax avec de la vanille et de la fleur d’oranger par petites touches. C’est un vrai coup de foudre et je le porte depuis quelques mois. J’en suis très content. Je lui trouve quelque chose d’à la fois chic et complètement atypique. Attention, ce n’est pas un parfum facile à porter. Son côté dense et très cuiré contrebalancé par le côté poudré et vanillé peut dérouter. En tout cas, sur ma peau, son évolution est absolument démente. Au départ, je n’étais pas certain de sa tenue mais finalement, je ne m’en plains pas. Il reste sur ma peau et sur mes vêtements toute la journée et, si son sillage est discret, il est parfaitement adapté à ce que j’aime. En tout cas, c’est une curiosité et une belle !

J’ai adoré faire cette revue et remettre mon nez dans des parfums que j’avais un peu oublié. Il y en a des dizaines d’autres qui me viennent en mémoire, je pense par exemple à « Amande Persane » de Roger et Gallet que j’ai souvent essayé ou encore évidemment à « Shalimar » mais il m’a fallu faire des choix. J’espère que cette sélection vous donnera envie de faire de nouvelles découvertes. Allez, pour moi, aujourd’hui, ce sera « Tonka 25 »…