Déroutante sauge sclarée
« La sauge scarlée est une plante herbacée de la famille des lamiacées, originaire du sud de l'Europe et d'Asie occidentale. Très odorante et velue, celle-ci mesure de 40 cm à 1 m de hauteur dans la nature mais peut atteindre environ 1 m 60 en culture. Elle se dote de tiges robustes portant en leur partie supérieure des poils glanduleux contenant de l’huile essentielle. Ses feuilles sont grandes et de forme ovale et ses fleurs font environ 3 cm de long. Elles se dotent de 13 nervures ainsi que de dents épineuses et que d'une corolle inférieure blanche. La couleur de la sauge scarlée évolue du bleu pâle au lilas et sa floraison a lieu en juin. Celle-ci est largement cultivée dans les pays tempérés et sert tout autant de plante ornementale que médicinale. En effet, ses feuilles possèdent des propriétés analgésiques, anti-inflammatoires, antioxydantes, antimicrobiennes et cytotoxiques. Qui plus est, la sauge scarlée est riches en oméga 3. En parallèle, sachez que ses feuilles peuvent également être utilisées, fraîches ou séchées, pour aromatiser les plats de viande. De même, la sauge scarlée était autrefois utilisée en Allemagne pour aromatiser le vin et lui donner un goût musqué. En Angleterre, elle a en revanche servi de substitut au houblon pour préparer la bière. En outre, la sauge scarlée est une plante connue depuis la Préhistoire. De même, la légende chinoise dit que la sauge ne fleurit que dans les jardins des foyers où règne la femme en bonne maîtresse de maison… » Olfacstory. La sauge sclarée est très utilisée en parfumerie car elle est souvent un support et elle peut aussi apporter un twist très intéressant au parfum. J’ai mis très longtemps à l’identifier mais, maintenant, j’y arrive assez bien. Pour illustrer mon propos, j’ai décidé de choisir quatre parfums dans laquelle cette note aromatique et florale est très significative.
Le premier parfum que j’ai re-senti et dans lequel j’ai senti cette note est « Riviera Lazuli » créé, comme son nom l’indique, pour la collection Riviera d’Atelier des Ors par Marie Salamagne en 2019. La parfumeuse explique : « J'ai voulu donner vie à ces moment de pur bonheur entre éclaboussures d'eau salée, citronnade acidulée et caresse du soleil. Les accords d'encens et d'immortelle séchée apportent de la chaleur à la fragrance, avec une touche d'épices caramel évoquant le bois de teck ». J’ai tout de suite trouvé le mélange des notes boisées, aromatiques, épicées et résineuses. L’envolée de citron, de bergamote et de cyprès revêt sur ma peau presque quelque chose de iodé qui s’intensifie avec le côté très aromatique de la sauge sclarée en coeur qui est soutenue par le cèdre et le bois de gaïac puis se pose sur le fond d’encens et d’immortelle. Par essence ce parfum qui détourne un peu les codes de l’aromatique et du parfum marin est portable en été. Personnellement, je l’ai choisi car, vraiment je le trouve vraiment très emblématique de l’utilisation de la sauge mais, je l’avoue, je ne pourrais absolument pas le porter. Les notes presque salées et aromatiques se développent presque de manière entêtante. Il n’en demeure pas moins extrêmement bien construit et pourra plaire aux amateurs de ces deux styles de parfums.
« Moi, j’arrivais sans crier gare aussi docile qu’un chardon », écrivait l’auteure-compositrice-interprète Anne Sylvestre et ça pourrait parfaitement s’appliquer à moi. C’est pourquoi le nom de ce parfum créé par Christian Vermorel pour Maison Matine ne pouvait que titiller ma curiosité. Je suis donc allé essayer « Esprit de Contradiction » lancé en 2019. « Un message piquant, tout est dans le nom, Esprit de Contradiction, représente la dualité entre la fraîcheur de la mandarine et la chaleur du bois de cèdre, entre l’acceptation et les revendications. « Remets en cause le statu quo, fais entendre ta voix ». Franchement, il m’a bien plu avec un départ très improbable de mandarine toute douce, de citron fusant et épicé de coriandre et de poivre noir. Le coeur de clou de girofle, d’ylang-ylang, d’iris et de gingembre est vraiment super original et le fond de sauge, piquant, boisé, aromatique peut paraître incongru malgré la présence de muscs blancs, de vétiver et de bois de cèdre mais je trouve finalement l’ensemble très cohérent malgré des duels de notes plutôt antinomiques. Je n’avais pas spécialement aimé ce parfum lorsque j’ai découvert la marque et j’avais tort. Il me plait beaucoup. C’est quand même une pépite de singularité et de contrastes.
Quand j’ai voulu écrire un article sur la note de sauge sclarée, j’ai tout de suite pensé à « Akkad » créé par Delphine Thierry pour la collection Talismania de Lubin en 2012 et dont elle décrit ainsi l’inspiration : « A l'ombre d'un temple assyrien, la prêtresse brûle des encens en hommage à la déesse Ishtar ». J’ai toujours le documentaire dans lequel elle raconte la création de ce parfum et ça m’a donné envie de le redécouvrir ce qui était facile car j’en possède plusieurs échantillons. Le départ de sauge est presque « piquant » et il s’adoucit avec la bergamote et la mandarine pour nous emmener sur un coeur d’encens, d’élémi, de cardamome et de styrax. Le fond, construit avec le patchouli, le cistre, très présent et la vanille autour d’un accord ambré plus synthétique ne me plait pas vraiment au premier abord mais, finalement, une fois posé sur ma peau, il est assez joli, prenant presque des inflexions de marron glacé. « Akkad est un parfum ambré lumineux, mystique mais aussi sensuel. Une plongée dans les plaisirs profanes de tyrans antiques, l’exhalaison des huiles sacrées, l’odeur épicée des peaux d’esclaves magnifiques au corps de liane, mollement offertes sur les divans et les draps de soie ». Bien sûr, dans la collection Talismania, je préfère « Idole de Lubin » ou encore « Upper Ten » mais, si je veux être vraiment objectif, je dirais que c’est une vraie grande réussite. Il faut le dire, à mon sens « Akkad » n’est pas un beau parfum, c’est un grand parfum.
Je ne pouvais pas écrire un article sur ce sujet sans évoquer « Sauge » de Headspace : « Aux premières lueurs de l’aube, la nature impétueuse possède la fraîcheur incisive des eaux vives d’un torrent de montagne. La moindre odeur explose comme une extase. Celle d’une fleur sauvage à peine éclose, emplit l’air tout entier et devient la promesse d’un renouveau, le rêve d’un possible. Alternant entre le frais et l’ardent, cette fougère 3.0 révèle une explosion racée de sauge sclarée et d’épices, dans un encensement d’angélique, une vibration claire d’encens et de bois épris de liberté. Une émanation contemplative de la nature, la volupté d’un jour nouveau, l’effervescence d’une renaissance ». Travaillé par Caroline Dumur dont, vraiment, j’aime de plus en plus le travail, il est aussi mon coup de coeur dans cette sélection. L’envolée de sauge sclarée est très atypique avec le côté vert, presque croquant, de la racine d’angélique et très animal du cumin qui se pare d’un coeur très vert résineux, presque mentholé de géranium, de cyprès et même de cypriol qui donne un petit côté cuir. Le fond de santal et d’encens est très bien « rectifié » pour mon goût par le côté à la fois cuiré et poudré de la fève tonka. J’étais un peu passé à côté de ce parfum et il m’a fallu le remettre plusieurs fois sur ma peau pour le « comprendre » si je puis dire. En fait, il a commencé à me séduire pendant que je le portais. Vraiment, c’est un très beau parfum aromatique et résineux, loin de mes goûts mais hyper réussi.
Voilà, je me suis penché sur une note que je connaissais mal même si j’ai énormément porté « Lavandula » de Penhaligon’s qui associait la sauge sclarée à la lavande (j’ai retrouvé cela dans « Provence » de Nissaba qui est vraiment très intéressant également) mais l’exploration a été passionnante. Un grand merci à Stéphanie R de m’avoir donné l’idée de cet article. C’était un petit défi que je me suis lancé et j’ai finalement pris beaucoup de plaisir à le préparer en me remettant dans ces quatre parfums si j’ose dire.
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