Deux découvertes chez Francesca Bianchi
Je continue à explorer l’univers vraiment très charnel, je ne vois pas d’autre mot, de Francesca Bianchi grâce au concours de Fabien de Yuuminoki. J’avais découvert la marque il y a déjà un certain temps mais il semblerait que, en France, elle ne soit guère distribuée et pourtant, je la trouve vraiment très intéressante. L’univers de cette parfumeuse américaine, qui pourtant ne contient aucune matière d’origine animale, est profond, « très peau » et, même si je n’aime pas trop ce terme en parfumerie car je le trouve complètement galvaudé, je pense qu’on peut dire que ses créations sont profondément sensuelles. Fabien m’a fait connaître, en attendant les éditions 2024, les deux parfums sortis l’an dernier sur lesquels je n’avais pas eu l’occasion de mettre mon nez. Je les ai trouvés particulièrement bien réalisés.
Le premier parfum que j’ai pu essayer est donc sorti l’an dernier et il porte le nom évocateur de « Encounters », littéralement « rencontres », tout un programme ! Dès l’envolée, les notes de bergamote, d’orange, de lavande et de coriandre donnent le ton et mettent l’accent sur le côté très dense que va donner l’évolution. Après un certain temps du à la très haute concentration, le coeur se fait complètement addictif. Il est composé de beurre d’iris, d’angélique, de rose et de cannelle. Je dois dire que ce stade du développement commence à beaucoup me plaire. Les notes de fond, qui tardent un peu à arriver, revêtent des versants différents, le premier est faussement animal avec la recréation de l’ambre gris et du castoreum puis vient un côté complètement cuir avec un oud de très belle qualité et travaillé d’une manière très élégante avec le santal, le cèdre mais aussi le baume du Pérou et le benjoin. Francesca Bianchi explique avec clarté son inspiration : « J'ai toujours été fascinée par les contaminations de différentes cultures, donnant naissance à de nouvelles formes – dites syncrétistes, éclectiques : pour moi, une nouvelle merveille déviante. Je me souviens de mon enchantement pour les écritures pseudo-arabes exotiques et mystérieuses auréolées de certaines peintures de la Renaissance centrées sur un caractère par excellence de la culture chrétienne et pourtant contaminées par une référence à la culture arabe. Ou les incroyables formes syncrétiques comme les temples grecs ou romains transformés en églises chrétiennes, ou l'architecture indo-islamique, fusionnant deux cultures dans une nouvelle langue. J'ai souhaité restituer cette obsession avec Encounters, grâce à une combinaison de deux ingrédients emblématiques de l'Orient et de l'Occident, l'Iris et l'Oudh – un moment de contact d'où naît une nouvelle créature. Vous retrouverez le raffinement sophistiqué du beurre d'Iris, avec son poudré doux et mystérieux ; une matière qui se développe dans le sol pour ensuite générer la plus lyrique des fleurs. Et vous trouverez l'Oudh, une matière née d'une infection des arbres Aquilaria, qui produit alors l'une des odeurs les plus envoûtantes et les plus complexes de la gamme d'ingrédients de la parfumerie ». Je trouve qu’elle y a parfaitement réussi car le oud se fait doux, poudré, même un peu racinaire. Sur la peau « Encounters » s’avère d’une très grande subtilité. Il n’est pas, à proprement parler, mon genre de parfum mais j’ai vraiment aimé le porter pour écrire mon article. Je suis content de l’avoir découvert. Il ne serait peut-être pas « mon » parfum de la marque mais je le trouve bigrement bien construit !
La seconde création m’intriguait depuis plusieurs mois et j’avais envie de la découvrir. « Byzantine Amber est le troisième parfum qui compose, avec Libertine Neroli et Unspoken Musk, la série spécifiquement dédiée aux glorieuses matières premières de la parfumerie, réinterprétées selon le style de la maison. Byzantine Amber est un parfum intense et décadent, comme une grande civilisation dans la phase finale de sa splendeur. Salomé de Gustave Moreau est un tableau qui peut évoquer en images la splendeur et le drame de cette œuvre olfactive. Les belles mosaïques de la civilisation byzantine, comme celles de Ravenne, présentent des tesselles d'or brillantes qui sont imparfaites car elles s'usent avec le temps. Ce sentiment de splendeur théâtrale et lumineuse accompagné d'un côté sombre et obscur a inspiré l'Ambre byzantin. Le géranium – pulpeux, rosé, épicé, légèrement vert, contraste avec la minéralité sèche de l'ambre gris et du styrax. La colonne vertébrale de cette œuvre est une structure familière, un accord ambré enrichi par l'épice qui la rend sensuelle : la cannelle. Cet accord chaleureux et brillant est assombri par des aspects cuirés, fumés et animaux, qui donnent de l'intensité et caractérisent la composition ». Quand je lisais cette description, he me disais : « enfin un parfum ambré qui pourrait me plaire… » et je ne me trompais pas. Nous ne sommes pas là dans ma famille olfactive de prédilection mais j’admets tout à fait qu’il y a une ou deux compositions sur le marché, je pense à « Ambre Russe » de Parfum d’Empire, « Farah » de Brécourt ou encore « Les Nuits » d’Astier de Villate par exemple, qui me séduisent. C’est également le cas de « Byzantine Amber », également lancé en 2023. Après une envolée très ronde de bergamote et de cannelle, le parfum se développe avec un coeur de géranium puis un fond de benjoin très « papier d’Arménie » rendu très cuiré par le labdanum et le styrax. Le côté animal est renforcé par des traces d’encens, d’ambre gris et un accord cuir. Sur ma peau, « Byzantine Amber » est à la fois très ambré, un peu animal mais surtout résolument moderne. C’est un parfum contemporain inspiré de la grande tradition de la parfumerie. Le twist, je ne sais pas trop d’où il peut venir, le rend potentiellement intemporel mais également complètement différent des autres parfums de cette famille que je connais. Il est à découvrir absolument.
J’ai maintenant hâte de découvrir « The Mariner’s Rhyme » et « Love For Sale », les deux créations de 2024 que nous aurons sans doute bientôt en France. Par ailleurs, je me suis demandé si je pourrais porter « Encounters » ou « Byzantine Amber » et je pense que oui mais je reste fidèle à mon envie. Jusqu’à présent, mon parfum préféré de la collection reste, bizarrement, un aromatique, et il s’agit, éternellement de « Etruscan Water ».
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