Passion Parfums

 

C’est grâce à une vidéo de Clotilde sur sa chaîne YouTube Iris Factice, que je me suis décidé à m’attaquer un un vaste sujet, le travail du maître parfumeur Dominique Ropion qui est, l’un des parfumeurs très prolixes que nous avons en France. Attention, je ne vais pas faire une revue exhaustive de ses créations tout d’abord parce que je ne suis pas attiré par toutes et ensuite parce qu’il faudrait plus d’une dizaine d’articles pour en voir le bout. J’ai donc décidé d’en choisir arbitrairement cinq dont je n’ai jamais parlé et qui me plaisent. J’ai eu du mal à en éliminer mais bon, je me lance car le sujet est vaste.

C’est en 1996 que Dominique Ropion crée pour la maison Caron une eau de parfum qui va avoir un certain succès. Il s’agit, vous l’aurez peut-être deviné, de « Aimez-moi » dont le nom est, évidemment un rappel de l’iconique « N’aimez que Moi » créé par Ernest Daltroff durant la première guerre mondiale et que j’ai largement évoqué dans mon article sur la marque. Attention, « Aimez-moi » n’est nullement une réinterprétation de son illustre ancienne en eau de parfum, c’est une création à part entière autour de la violette et de l’iris mais c’est à dessein que je n’en n’avais pas parlé lorsque j’ai écrit mon article sur la combinaison de ces deux matières premières car, ici, la violette prend largement le dessus et on la retrouve à tous les étages de la pyramide olfactive. L’envolée d’épices et de bergamote sont, au départ, un véritable « trompe-l’oeil » car le parfum, lorsqu’il évolue vers les notes de coeur, devient indéniablement un fleuri reposant sur des notes boisées, vanillées et ambrées ainsi qu’une rose cachée comme bien souvent les parfums de la marque. C’est une violette ultra-poudrée, intense, volontairement désuète et je dois dire que je suis vraiment très surpris qu’un tel parfum n’ait pas disparu depuis belle lurette du catalogue de la marque tant il peut paraître (délicieusement) daté. Dominique Ropion l’a voulu ainsi et je pense qu’il a eu raison. Il a été légèrement reformulé en 2013 et son packaging a changé déjà deux fois depuis son lancement mais il est toujours-là, imperturbable, d’un classicisme forcené, trônant entre les parfums modernisés et les nouveautés de la maison. Le cahier des charges était donc judicieux et il a été vraiment bien réalisé par le parfumeur. « Aimez-moi » est, envers et contre tout, un intemporel.

C’est en 2015 que la marque Costume National lance « Soul », un cuiré oriental épicé très original, tout en transparence et en élégance complètement dans l’esprit maison. Le départ est poivré, presque piquant mais arrondi par une très judicieuse note de cardamome. Ensuite, pendant son évolution, le parfum prend des accents boisés et même franchement cuir mais un cuir doux, enveloppant, ambré et vanillé. C’est un concentré de modernité et Dominique Ropion a su complètement revisiter un classique de la parfumerie pour lui donner une vraie identité. Le côté un peu « aquarelle » du parfum est très étonnant et presque déroutant. J’ai essayé « Soul » il y a quelques mois et je ne l’ai pas oublié. Quand il est sur moi, il m’arrive de l’oublier et il me suffit de tourner la tête ou de bouger pour qu’il se rappelle à mon bon souvenir. J’aime bien l’univers de Costume National et je me dis que ce parfum qui a, sans jeu de mot aucun, une vraie âme, pourrait être une bonne entrée en matière. Il faut, en revanche, aux amateurs de parfums opulents et dotés d’un énorme sillage, se diriger vers une autre création du maître parfumeur car celle-ci est toute en finesse et en subtilité. Je lui reprocherai peut-être, en tout cas sur moi, une tenue un peu courte mais il faudrait que je le réessaye pour me remémorer ce point. De plus, comme toujours, chez Costume National, le packaging à est à la fois épuré et très élégant. Je trouve que « Soul » est l’une des belles réussites du maître parfumeur et il est vraiment à découvrir.

 

 

Pour moi, « Géranium pour Monsieur » en 2009 et « Portrait of a Lady » en 2010, sont deux parfums qui se répondent et ils avaient parfaitement leur place dans les très prestigieuses éditions Frédéric Malle. Commençons donc par le plus ancien qui est un parfum boisé et résineux qui a su capter le côté amer du géranium qui est présent tout au long de l’évolution très épicée et boisée du parfum. Je l’ai porté plusieurs fois car il m’intrigue mais il n’est pas nécessairement pour moi. J’aime beaucoup le côté menthe fraîche du départ et les épices comme la cannelle, le clou de girofle et la badiane qui lui donnent une énergie tout à fait étonnante. Je suis moins fan du fond très encens et styrax un peu âpres malgré un baume de benjoin, des muscs blancs et un bois de santal qui l’adoucissent. Comme je le disais précédemment, il est typiquement le genre de parfum que j’aime sentir mais pas porter. Je suis complètement conscient de la qualité et de la singularité de la création mais il me faut admettre qu’il est presque trop sec pour moi. Je pense, en revanche, que bien porté, il se révèlera être une merveille absolue. Peut-être lorsque mon nez aura encore évolué ou que j’aurais pris quelques années, que j’aurais envie de « Géranium pour Monsieur »… qui sait ?

Comme dans la parfumerie du sélectif, il y a dans les marques de niche (même si je n’aime pas tellement cette appellation que je trouve largement galvaudée maintenant) des parfums qui sont ou deviendront des incontournables. De ce fait, on ne présente plus « Portrait of a Lady », hommage de Dominique Ropion au film de Jane Campion du même titre avec Nicole Kidman. Je reconnais que j’ai vraiment accroché lorsque je l’ai senti pour la première fois. Les notes de tête à la fois florales, fruitées et épicées ainsi qu’un fond musqué et ambré sont un véritable choc olfactif et le côté oriental qui se développe petit à petit lui donne un côté arrondi et opulent que je trouve complètement addictif. Estampillé comme un parfum féminin, je trouve que « Portrait of a Lady » est très beau sur ma peau et je ne ne suis pas du tout étonné qu’il remporte un grand succès chez les hommes également. Récemment, la propriétaire d’une boutique qui distribue la marque me confiait que c’était le parfum de son mari et cela ne m’a pas surpris outre-mesure. Il est l’illustration de ce que je pense, pour bien porter un parfum, il faut seulement qu’il nous plaise. Tout cela n’a rien à voir avec les codes, le marketing et les idées reçues. « Portrait of a Lady » fait partie des parfums les plus complexes que j’ai eu l’occasion d’essayer mais, tout comme pour « Géranium pour Monsieur », ce n’est pas vraiment un parfum pour moi. C’est un investissement et je pense que, si je le possédais, je le porterais trop peu souvent. Il n’en reste pas moins que ce « portrait » est un chef-d’oeuvre.

 

 

C’est en collaboration avec Fanny Bal que Dominique Ropion a créé en 2018 « Hello You ! » pour la marque anglaise Paul Smith. Je ne le connaissais pas mais j’ai eu l’occasion de le sentir il y a peu et, honnêtement, j’ai beaucoup aimé. C’est un aromatique fougère et il est rare que je sois sensible à cette famille olfactive. La construction en est assez classique puisque l’on retrouve, en tête de l’orange et de la bergamote ainsi que du poivre blanc, en notes de coeur de la lavande et en note de fond du ciste, du patchouli et du vétiver mais ce qui fait son originalité est une note de pomme verte poivrée qui fait exploser le tout. Discret mais original, « Hello You ! » est véritablement un joli parfum pour l’été, il est relativement abordable mais pas forcément facile à trouver ce qui en fait tout de même une excellente alternative à des parfums du sélectif plus convenus et moins réussis (voire même plus chers) et il mérite qu’on s’y arrête. Personnellement, j’ai eu l’opportunité de le sentir cet hiver dans un concept store qui distribue la marque et il m’a fait un peu de l’oeil. Pour l’instant, je n’ai pas franchi le cap mais, cet été, je me demande si je ne vais pas y revenir ou tout du moins aller l’essayer autour de moi une ou deux fois pour me décider. Je trouve qu’il a un petit côté « classic chic » à l’anglaise et, n’ayons pas peur des mots, il est très joli.

 

 

Et voilà, j’ai survolé la colossale oeuvre olfactive de Dominique Ropion et je dois dire que je me suis replongé avec une certaine jubilation dans les doses d’essai des cinq parfums dont j’ai choisi de vous parler. Je vous joins, ci-dessous, une petite vidéo dans laquelle le parfumeur évoque « Portrait of a Lady » afin de compléter mon propos.