Passion Parfums

Dorothée Piot

Depuis qu’elle compose des parfums, Dorothée Piot s’est avéré éclectique, adroite et particulièrement inspirée. Je m’étonne moi-même de ne pas lui avoir consacré un portrait précédemment et il me faut, bien évidemment, réparer cet oubli. Je dois dire que je suis impressionné par ce que j’ai découvert et je me dis que la parfumeure crée tous azimuts et que chaque fragrance qu’elle a composée porte vraiment une signature que je trouve affirmée (en tout cas dans celles que je connais) et je suis content d’en avoir redécouvert quatre qui m’ont beaucoup impressionné. Elle a créé pour de nombreuses marques, dans le circuit sélectif mais aussi dans un univers plus spécifique et confidentiel. Je me suis rendu-compte que j’en connaissais pas mal aussi me suis-je, comme toujours, laissé porter par mes goûts.

Je ne suis pas tellement attiré par l’univers de Jul et Mad (il faudrait que je m’y penche tout de même un peu plus) mais il est un parfum emblématique et au nom évocateur qui m’a toujours bien plu. Il s’agit bien évidemment de « Terrasse à Saint-Germain » lancé en 2012 et qui ne pouvait que me parler. « Un parfum aussi élégant que sophistiqué. Sa formule étonne par la complexité de l’accord floral-boisé-musqué, qui vient embrasser sa fraîcheur initiale. Ce parfum incarne une parfaite dualité : à la fois classique et moderne, masculin et féminin, familier et pourtant unique, telle la rencontre fulgurante entre deux âmes à la terrasse d’un café parisien… ». Avec un départ très frais, et qui tends vers les notes de rhubarbe et de pamplemousse plutôt que vers la tangerine, le parfum, d’ès la vaporisation, me séduit par son côté accrocheur. Le coeur à la fois floral et aquatique de feesia, de lotus et de rose conserve une certaine fraîcheur et le fond de patchouli et de musc est soutenu par la douceur du bois de santal. Je ne sais pas s’il m’évoque le Quartier Latin que j’imagine un peu plus dense, un peu plus profond, mais je le trouve particulièrement réussi et avec un twist qui m’a surpris lors de son développement sur ma peau. En tout cas, il m’a séduit et je crois que je pourrais tout à fait le porter durant un été ou même un automne un peu ensoleillé.

« 2013 Résidence d’Artistes » est sans doute l’un des parfums de la maison Les Bains Guerbois qui m’a le plus titillé le nez. J’ignore si je pourrais le porter mais j’adore le sentir. Dorothée Piot l’a créé en 2018 et je ne l’ai découvert qu’il y a un an à peu près lorsque la marque est arrivée à Lyon. Résolument chypré, il s’ouvre sur un duo de bergamote et de cardamome arrondi par la mandarine et la pêche, le coeur de jasmin associé aux notes épicées, presque peau, du cumin, au côté boisé vert du papyrus et poudré de la violette est complètement inédit. Le fond est construit autour du patchouli avec des notes de cuir, de musc et de bois de santal. L’ensemble est beau, cohérent, très moderne et c’est une manière de rendre au chypre des lettres de noblesse tout en dépoussiérant complètement le style. La marque le décrit ainsi : « 2013. La première page des nouveaux Bains. Avant une rénovation totale et pendant quelques semaines, la crème mondiale de l’Art Urbain s’approprie ce lieu mythique. Explosion de couleurs, de senteurs faite de musc, santal, papyrus, violette, cumin, cardamome, mandarine. Effervescence, audaces, liberté, rencontres des arts et des êtres, qui se frôlent et s’entremêlent. Éphémère. Tout s’est évanoui. Reste le parfum. Et si les murs pouvaient parler ? ». J’ai adoré le côté bohème chic de ce parfum et je trouve qu’il porte très bien son nom. J’ai beaucoup aimé la finesse avec lesquelles les notes sont ciselées. C’est, pour moi, un très beau parfum vraiment.

J’aime bien l’univers de Majda Bekkali et il faudra que je consacre une revue à la marque. J’avais noté tout de suite que Dorothée Piot avait créé, en 2010, « J’ai fait un rêve clair ». Le départ de résine d’elemi associé au cumin et au côté vert et riche du petit grain m’a conduit très rapidement sur un coeur comme un bouquet floral de néroli, de lys, de cassis, de jasmin, d’ylang-ylang et de fleur d’oranger. L’encens en fond ne me gêne pas du tout car il est associé à la douceur des muscs, au côté profond d’un castoreum recréé, du labdanum et du papyrus puis les bois de cèdre et de gaïac soutiennent la fragrance avec une élégance absolument nette et sans aucune concession. L’univers poétique de Majda Bekkali est retranscrit avec beaucoup d’adresse par la parfumeure. C’est une création unique, singulière mais dans laquelle on retrouve à la fois l’univers de Dorothée Piot et de la marque. Je pourrais tout à fait porter ce floral lumineux et particulièrement bien construit. Il a su me séduire et me plaire. Je l’ai réessayé pour écrire cet article et il est peut-être celui des quatre que je préfère.

Il fallait un cuir et c’est « Chambre Noire » que Dorothée Piot a créé pour Olfactive Studio en 2011 qui a remporté mes suffrages. Je l’avais réessayé en vue d’écrire cet article. Il me plait toujours autant que quand je l’ai découvert. « Parfum mystérieux et sensuel, « Chambre Noire » est un parfum qui se révèle dans l’obscurité, aiguisé par le faisceau de lumière de la note de tête vibrante. Un parfum à vivre à deux, à partager dans l’intimité d’une chambre d’hôtel lointaine. Il révèle son caractère peu à peu, entre cuir sexy et notes chaleureuses et opulentes ». Après un départ résolument poivré, un coeur se développe autour du jasmin avec des notes de papyrus, à la fois vertes et boisées, de violette poudrée et de prune confite avec un accent encens. Le fond de santal est doux, crémeux, et reprend de la force avec le patchouli, la vanille, le cuir et les muscs. J’ai beaucoup aimé ce parfum mais c’est vrai qu’il correspond bien à mes goûts donc je m’y attendais. Je l’ai porté pas mal pour écrire cet article et, même avec la chaleur, je le trouve agréable. Je pourrais tout à fait me l’approprier. Il est cuiré comme j’aime, d’une manière délicate et moderne.

 

J’aime décidément beaucoup de ce que je connais du travail de Dorothée Piot. J’ai pris beaucoup de plaisir à écrire cet article en me replongeant dans les quatre parfums que j’avais sélectionné de prime abord et je ne suis pas déçu. Ils me plaisent tous même si je ne suis pas certains de me les approprier, ils pourraient tout de même figurer sur une wishlist que je m’interdis de rédiger.