Edmond Roudnitska et le cumin

Edmond Roudnitska
Mais parlons de matières premières. On retrouve, très souvent, dans les parfums de Monsieur Roudntiska, des notes de bergamote bien sûr mais aussi de verveine, de violette et surtout de cumin qui semble être le dénominateur commun des parfums qui sont venus jusqu’à nous et qui a été conservé au cours des diverses réinterprétations. Je m’explique, cette note, que j’ai appris à apprivoiser alors que je ne l’aimais pas du tout, est souvent tout à fait identifiable dans les compositions d’Edmond Roudntiska. Cela m’avait frappé lorsque son fils Michel, nous avait, en conférence, fait découvrir les versions originales de plusieurs parfums comme, par exemple, « Eau d’Hermès » ou encore « Diorama ». Dès la création de « Femme », en 1944, cette épice est associée à la prune et à la rose dans un parfum à la fois opulent et doté d’un sillage très reconnaissable. J’aime beaucoup la version ancienne de ce parfum que j’avais pu découvrir en conférence dans une concentration, pour le coup, assez importante. La note de cumin peut avoir un côté peau, très sensuel, presque sueur mais aussi un peu « culinaire » et l’art d’Edmond Roudnitska a été de s’éloigner de ce dernier aspect dans « Femme » qui, est, pour moi, une création très sensuelle, presque subversive toute en restant élégante. En 2013, Olivier Cresp avait réinterprété le parfum une première fois en atténuant le côté cumin mais le résultat n’était manifestement satisfaisant car, plus récemment, il a baissé la concentration et fait revenir en force cette épice étonnante. Il en résulte une eau de toilette plus facile à porter que les versions d’origine mais dans un très joli esprit chypre fruité et épicé qui est vraiment dans la lignée du parfum voulu par le parfumeur.
Le cumin, on le retrouve également bien évidemment dans d’autres créations d’Edmond Roudnitska. Je passerai rapidement sur « Moustache », toujours pour Rochas en 1949 où elle est associée très discrètement à un côté agrumes qui donne une tonalité « cuir chevelu après le shampooing ». Si j’aime beaucoup ce parfum en tant que tel, je le connais moins donc je ne veux pas raconter de bêtise. Je retrouve aussi cette note rehaussant une nouvelle fois la prune dans « Diorama » pour Christian Dior en 1948 qui a été reformulé en 2010 pour la Collection des Parfums de Monsieur Dior par François Demachy qui a su très bien, une nouvelle fois, conserver l’esprit d’origine. Je me souviens de l’original, senti également en conférence et je le trouve très proche de sa formule actuelle. En effet, il y a quelque chose de vraiment addictif dans les deux versions. Celle de 2010 est vraiment proche de celle de 1948 mais dans une interprétation un peu plus « tendre », moins sensuelle. « Diorama » est considéré comme un grand féminin, à l’instar de « Femme » mais je dois dire que je peux porter l’un comme l’autre sana aucun problème. Il faut dire que j’ai vraiment une prédilection pour l’accord chypré avec un coeur de prune et de fleurs capiteuses surtout lorsqu’il est associé à des épices que ce soit en tête ou durant le développement. C’est sans doute pour cela que je considère la création d’Edmond Roudntiska sorti en 1999 aux Éditions de Parfum Frédéric Malle sous le nom « Le Parfum de Thérèse », sans doute comme l’un des plus beaux parfums de tous les temps. Là, le cumin est remplacé par des notes un peu melon, violette et même poivre, ce qui rend la création complètement avant-gardiste. Je fais une petite digression nécessaire pour expliquer ma démarche car ce n’est pas le cumin qui est le fil entre les autres créations d’Edmond Roudnitska mais plutôt la prune.
Je ne peux pas parler du travail du cumin dans l’oeuvre d’Edmond Roudnitska sans évoquer, bien évidemment, l’« Eau d’Hermès » qu’il a composé n 1951 est qui est, depuis quelques années, l’une de mes signatures olfactive également. Là, l’épice sensuelle domine dès l’envolée, les notes d’agrumes puis de cuir. Cette composition est un faux cuir de Russie car elle est plutôt lumineuse que sombre, légère en profonde à la fois, et doté d’une étonnante tenue. J’aime énormément la dualité entre fraîcheur et sensualité dans cette fragrance très originale, moderne et jamais tellement imitée. Aujourd’hui L’ « Eau d’Hermès », est une petite vente de la maison Hermès. Peut-être le trouve-t’on daté mais moi je ne trouve pas. C’est vraie belle composition originale qui ne dérangera pas les autres mais gardera chic et faux classicisme. Pour moi, c’est un parfum vraiment très abouti et je trouve que la version originale est presque identique à celle que nous connaissons aujourd’hui et je pense sérieusement qu’il s’agit-là d’un parfum à redécouvrir.
Pour résumer, je dirai que l’attachement d’Edmond Roudntiska pour le cumin m’a fait vraiment découvrir cette note sous un autre jour. Je la trouve désormais très belle, singulière et intéressante. Lorsqu’elle apparaît dans une pyramide olfactive, elle me donne souvent envie de découvrir le parfum. Je n’ai pas toujours de belles impressions mais, souvent, je la trouve sensuelle et presque inverse des notes florales. En tout cas, je voulais revenir sur le travail de ce parfumeur incroyable et sur son rapport avec cette épice. J’espère vous avoir donné envie de sentir des parfums qui la contiennent comme, par exemple « Épices Marines » créé par Jean-Claude Ellena pour les Hermessences, « Night » d’Olivier Cresp pour Akro ou encore « Azyiadé » de Marc-Antoine Corticchiato pour Parfum d’Empire. J’espère que vous me donnerez vos ressentis.
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