Après avoir publié un article sur le parcours de son fils Michel et de vidéos de conférences sur Edmond Roudnitska, il m'a semblé intéressant de revenir sur son parcours de parfumeur. Il fut le premier, qui ait considéré la création de fragrance comme une expression artistique et a été, sans doute, le père de la parfumerie moderne telle que nous la connaissons aujourd'hui. J'ai trouvé un article sur le site de Cosmopolitan que je trouve très bien fait et très synthétique :

Edmond Roudnitska, parfumeur

Par L'équipe Cosmopolitan.fr

 

 

 

Edmond Roudnitska est un célèbre parfumeur français, connu pour ses collaborations avec de nombreuses marques. Découvrez l'empreinte qu'il a laissé dans le monde du parfum, et surtout chez la maison Dior.

L'article original dans Cosmopolitan

Conférence sur Edmond Roudnitska en présence de son fils Michel

La vie d’Edmond ROUDNITSKA

Par Thérèse ROUDNITSKA

Edmond Roudnitska 1905-1996

Il avait vingt ans quand il entra « en parfumerie ». Il vint à la parfumerie non par vocation mais grâce aux heureux hasards de l’existence qui, après ses études, l’avaient fait rêver de voyages lointains vers les îles tropicales où poussent les plantes à parfum, mais qui finalement, le firent atterrir dans un laboratoire d’analyse d’une grande Maison grassoise de matières premières.

Là, Edmond se familiarisa avec les différentes méthodes d’analyse, chimiques et physiques des « temps anciens » et eut à étudier toutes les essences, régionales ou d’origine lointaine. Il fit ce travail avec soin et rigueur, en sentant chaque essence soumise avec un tel intérêt, une telle acuité qu’au bout de quelques mois il pouvait par exemple, donner la densité d’une essence d’ylang à la troisième décimale près, comme il aimait à le raconter. Sa curiosité, sa perspicacité, sa mémoire olfactive n’échappèrent à personne et c’est ainsi qu’au bout de deux ans d’analyses, il a place de parfumeur lui fut proposée dans la région parisienne.

Là encore, sans savoir ce qu’était la composition, Edmond accepta et travailla intensément avec le parfumeur senior qui dirigeait le laboratoire mais qui devait la maison trois mois plus tard. Trois mois d’apprentissage avec un homme d’expérience, bon pédagogue, qui su faire naître en son élève une autre passion que celle du chant, la passion de la parfumerie. Ensuite, seul, Edmond dut répondre à toutes les demandes de bases parfumantes, pour le monde entier, que la Maison recevait. Ainsi, grâce à un travail acharné, grâce à son tempérament méthodique mais imaginatif, il se forgea un métier à toute épreuve, un métier qu’il ne voulut jamais abandonner même dans les moments les plus difficiles. Nous étions dans les année 30. Puis il changea de Maison.

Dans les années 40, des rencontres personnelles lui ouvrirent les portes de la réflexion sur l’Art, sur le Beau. Il eut alors une soif de lectures philosophiques qui, de fil en aiguille, la passion aidant, le mena jusqu’à Kant et jusqu’à Etienne Souriau, professeur d’Esthétique à la Sorbonne. Il fit la connaissance de ce « sage » qui avait écrit l’  « Avenir de l’Esthétique » en 1929 et parlé le premier de la Science des Formes.

Alors l’esprit d’Edmond, toujours en éveil, la projection de son intelligence au delà de l’ « acquis » lui firent entrevoir ce que les parfums et leurs « formes olfactives » pouvaient relever du Beau et il se lança dans l’écriture de son livre l’ « Esthétique en Question ». J’en sui s témoin, ce fut un travail énorme et une aventure qui dura plusieurs années et qu’il mena de front avec ses recherches de création en parfumerie.

Au cours des années 50 et 60, alors qu’il a prit son indépendance, l’Art devint l’un de ses principaux objectifs : les musées, les expositions de peinture, de sculpture, des civilisations anciennes, les voyages en Égypte, en Grèce, en Crète, au Cambodge, rien ne lui échappait. Plusieurs artistes devinrent ses amis, leurs préoccupations créatrices répondaient aux siennes et cela le confortait dans la voie qu’il avait ouverte.

C’est à cette époque-là que le talent de parfumeur et la personnalité de E. Roudnitska éclatèrent. Bien sûr le parfum Femme avait vu le jour en 1944, grâce à un travail personnel tenace sur une idée que sa curiosité, et son imagination sans à priori avaient engendrée. Mais l’enrichissement déterminé de sa culture, l’affirmation de son goût, la perception intuitive d’un idéal de beauté contribuèrent à la naissance de Diorissimo en 1956 et de l’Eau Sauvage en 1966, à leur universalité et à leur intemporalité, le temps qui a passé le prouve maintenant. Le rêve de tout artiste se réalisait pour lui.

Quand, au cours de ces dix dernières années, après une carrière bien remplie Edmond Roudnitska aimait rencontrer les jeunes parfumeurs et les élèves de l’ISIPCA en particulier, il voulait leur faire comprendre il était devenu celui qu’il venaient écouter. Mais je crois que « se raconter » était difficile pour lui qui était si pudique. C’est pourquoi j’ai voulu lui rendre hommage en essayant de dire comment il s’était construit par voie de conséquence comment chacun peut, quand il a la flamme intérieure et la foi, prendre sa destiné en main.

Thérèse Roudnitska

Janvier 1997

Source : Site Art et Parfum