Passion Parfums

Depuis que j’avais vu sur les réseaux sociaux que la boutique parisienne Sens Unique allait distribuer en exclusivité européenne les créations de la maison américaine Eris, je dois bien avouer que j’étais curieux de les découvrir. De toute manière, à chaque séjour à Paris, le passage par cette parfumerie dont j’aime à la fois l’accueil est et la sélection est un moment privilégié donc je savais que je n’allais pas avoir longtemps à attendre pour sentir, voire essayer ces fragrances issues d’une collaboration avec l’excellent parfumeur français Antoine Lie. Je dois bien dire que j’ai un coup de foudre global pour la marque et je j’ai beaucoup de mal à en sélectionner un que j’aimerai porter tant tous m’impressionnent et me ravissent. Je remercie d’ailleurs, comme à chaque fois, tous les représentants de l’équipe de la boutique car l’échange entre passionnés est tout aussi passionnant que la découverte. Après une petite exploration de ma wishlist à sentir, dont je vous reparlerai plus tard, nous nous sommes vus offrir de découvrir les cinq eaux de parfums et l’extrait que comptent la collection et, fait rare, nous avons été unanimes, pour saluer la performance de création et la qualité des jus. Je vous emmène donc dans cet univers singulier, hors norme qui est, pour moi, ce que devrait être plus souvent la parfumerie de niche.

Antoine Lie

La première création dont je voudrais parler est aussi notre premier essai et notre première découverte. C’est le lancement de cette année, 2021. Je dois dire que j’ai été enthousiasmé par « Green Spell » car, si j’avais bien évidemment déjà senti des parfums « verts », peu d’entre-eux m’ont semblé aussi réalistes et aussi réussi tant par la création que par la tenue et que par le sillage. L’un d’entre-nous l’a essayé et j’en ai profité durant les heures qui ont suivi. La marque le décrit ainsi : « Nous savons tous à quoi ressemble une belle journée de printemps. Dans Green Spell, le parfumeur Antoine Lie a fait apparaître - comme par magie - les notes les plus vertes de la parfumerie pour créer un élixir qui vous remontera le moral et vous transportera à travers le parfum dans ce lieu joyeux ». Qu’elles soient naturelles ou synthétiques, les notes vertes sont travaillées ici avec un soucis de naturalisme sans aucun côté abstrait. Pour moi, c’est un parfum expressionniste qui nous entraîne d’herbes coupées. Le départ de mandarine d’Italie et d’absolu de bourgeon de cassis avec coeur constitué de résine et d’huile de galbanum associé à un très bel absolu de feuille de violette et de narcisse français pour se terminer sur un accord de feuilles de tomate, de feuille de figuier de vétiver haïtien, de musc et surtout d’ambroxan. Une pyramide un peu complexe pour un résultat d’un parfait réalisme. Pour ma part, j’ai adoré « Geen Spell ». Je le trouve absolument incroyable et, porté, il nous entraine un matin de printemps quand la rosée s’évapore et que le soleil commence à faire exploser l’odeur de l’herbe coupée. Il est, pour moi, un premier coup de coeur.

 

Avec son envolée de poivre rose de Madagascar, de fleur d’oranger de Tunisie et de coriandre du Maroc, son coeur de ciste labdanum espagnol un peu cuiré, de jasmin opulent d’Égypte, de piment indien et son fond de cèdre de l’Atlas, de musc et le côté salin d’un absolu d’algues, « Belle de Jour », lancé en 2016, m’a vraiment fait craquer il faut bien le dire et, depuis que je l’ai découvert, je l’ai porté déjà deux fois grâce à la dose d’essai conséquente et précieuse qui m’a été offerte. La marque le décrit ainsi : « Belle de Jour  s'épanouit sur des notes de fleur d'oranger et de jasmin rehaussées de coriandre. Il s'assèche sur une base sensuelle d'encens, de muscs et la profondeur d'une surprenante note absolue d’algue ». Ce parfum, c’est comme une fleur qui n’existe pas. Je ne sais pas si Antoine Lie s’est inspirée de l’atmosphère du film de Luis Bunuel mais, à moi, c’est plutôt aux « Fleurs du Mal » de Baudelaire qu’il me fait penser. Envoûtant, animal, presque vénéneux, cette création est celle de la sophistication abstraite idéale aux élégantes de l’âge d’or hollywoodien ou du dandy anglais de la fin du XIXème siècle. C’est un envoûtement presqu’un peu décadent, presqu’un peu subversif aussi. Sur ma peau « Belle de Jour » s’insinue, reste, revient à mes narines comme un foulard d’une matière jusqu’alors inédite. C’est une création poétique mais attention, plus proche de l’époque romantique et flamboyante de Rimbaud que de la douceur mélancolique de Marcelline Desborde-Valmore. Tout ça pour vous dire que j’ai adoré « Belle de Jour » et que je me demande si ce ne sera pas « mon » Eris.

« Night Flower s'ouvre sur une explosion de cardamome fraîche et aromatique. Le cuir animal et le daim s'enroulent autour d'une tubéreuse indienne narcotique, se séchant en une base confortable de goudron de bouleau, de patchouli, de cannelle et de tonka ». Telle une tubéreuse épicée, animale et cuirée, « Night Flower » s’ouvre sur une note de bergamote italienne, d’essence de bouleau goudronnée qui constitue en elle-même un début d’accord cuir de russie puis un coeur plus doux de daim, de tubéreuse indienne et de cannelle du Laos pour se poser sur un trio de patchouli indonésien, de tonka du Vénézuela et de musc. Quand on s’intéresse à la parfumerie, on sait que la tubéreuse peut revêtir plein d’accents différents, certains même ont une facette animale très prononcée et c’est ce qui est mis en avant dans cette très complexe « Night Flower ». Sombre, cuirée et sophistiquée, la fleur m’évoque quelque chose d’un polar des années quarante ou d’un film noir. J’aime beaucoup la dualité goudron de bouleau et tubéreuse que je trouve absolument inédite ou alors au moins lorsqu’elle est réalisé avec autant de nuances. C’est un parfum narcotique, que je crois addictif et, même si j’ai pris le temps de le sentir et de le re-sentir en découvrant la collection, il est loin de m’avoir livré tous ses secrets. Ceci dit, il m’a plu aussi beaucoup et je pense que je pourrais tout à fait le porter.

 

 

Antoine Lie décrit « Ma Bête », lancé en 2027 comme à la fois féroce et élégante. Je dois dire que ce parfum m’a vraiment surpris avec son départ d’aldéhydes, de néroli tunisien et de noix de muscade indienne, son coeur de cypriol indien, de styrax du Honduras et de jasmin indien. Son socle de cèdre de Virginie et de patchouli indonésien mêlé à un accord de notes animales est, même s’il est singulier, un beau pied pour ancrer un parfum dans la peau. Plus « brut » que les précédents, plus difficile peut-être aussi, il n’en reste pas moins élégant. La marque le décrit ainsi : « Ma bête vous caresse avec la suggestivité d'une fourrure parfumée. Collision du floral et de l'animal, Ma Bête associe un royal Néroli tunisien aux épices et une overdose à 50 % du cocktail animalier d'Antoine Lie ».  Je dois dire que c’est, pour moi, le parfum à la fois le plus inédit et le plus difficile de la collection mais je pense que je pourrais bien le porter même s’il n’est peut-être pas celui que je choisirai en premier. Je lui trouve une modernité absolue et une audace indéniable et insatiable. On a l’impression qu’Antoine Lie a joué avec la note animale et qu’il a cassé les codes pour nous dérouter. Et ça marche !

« Un mélange pétillant de gingembre, de safran, de vétiver et de poivre noir sur un lit crémeux de cèdre et de bois de santal, enveloppé de riches notes de cacao, de benjoin et du ronronnement animal du castoréum, Mx. brouille les frontières entre les notes de parfum conventionnellement masculines et féminines pour créer une symphonie de décadence olfactive ». « Mx » est un parfum singulier qui s’ouvre sur une résine Oliban d’Éthiopie, un gingembre indien, du saffran, et du poivre noir de Madagascar. Son coeur est un duo boisé avec des notes de santal australien et de cèdre de Virginie. Il est trompeur et semble être un boisé épicé assez classique mais quand il a eu évolué sur la touche j’ai été frappé par le côté très cuiré, presque goudronné de bois de bouleau russe associé à une fève de cacao très aromatique du Venezuela, notes auxquelles sont venus s’ajouter du vétiver d’Haïti, du benjoin du Laos, du patchouli indonésien et un accord castoreum. C’est un parfum complexe et déjà facetté sur le carton. Je ne sais pas du tout comment il peut évoluer sur ma peau car je l’ai trouvé très cuir et saffran et je n’avais pas envie de ça le jour où je l’ai découvert mais il faut bien dire qu’il est beau et profond et ravira les amateurs de cuirs un peu sombres.

 

C’est un extrait et il est absolument incroyable landé en 2019. Sortie en série limitée, « Mxxx » porte dans ses notes de fond 7% d’ambre gris naturelle, et, si j’avais senti cette matière première. Elle est associée à un top note de gingembre bleu de Madagarscar,, de saffran, d’oliban et de grains de poivre noir, un coeur de cacao de Trinidad, de cèdre de virginie et de bois de santal comme son prédécesseur, c’est le fond qui fait toute la différence car le vétiver, le patchouli, le benjoin et le castoreum se fondent finement dans un des notes de pierre d’Afrique et de vanille verte de Madagascar. Ceci dit, ce parfum que je ne porterai pas forcément m’a permis de me rendre compte de ce que pouvais être l’ambre gris, même au coeur d’une composition complexe, lorsqu’il est aussi concentré. Il prend beaucoup de place et je dois dire que, si j’aime le sentir, je ne l’imaginerais pas sur moi. Je pense qu’en même que sur quelqu’un d’audacieux et d’amoureux de cette effluve d’ambre gris, il est complètement parfait. C’est, en tout cas une belle découverte d’un parfum entre. bois, notes animales et orientales. Je le trouve très singulier.

Vous l’aurez compris, toutes les créations de la maison me plaise tant par la force et la puissance qu’elles dégagent qu’avec la délicatesse et la singularité de leur création. J’ai été complètement séduit et je suis content que la Boutique Sens Unique en ait l’exclusivité européenne jusqu’à nouvel ordre car découvrir la collection, c’est aussi se rendre dans son écrin et se laisser porter par une équipe compétente et passionnée qui saura vous guider vers un parfum que vous allez aimer passionnément. Pour ma part, je porterai l’une des créations d’Antoine Lie pour Eris un jour. Laquelle ? Je ne sais pas encore…