Passion Parfums

Parmi les parfums qui auraient du mal à être lancés dans le circuit sélectif aujourd’hui il y a « Antaeus » créé pour Chanel par Jacques Polge en 1981. Je l’ai redécouvert il y a quelques jours et je l’ai trouvé plus qu’audacieux, presque extravagant. La marque décrit ainsi cette création à la fois complexe, inédite et clivante : « Antaeus célèbre la virilité fugace du héros grec dont la force se dérobe quand il ne touche plus terre. Cette masculinité puissante et sensible se révèle dans un parfum cuir-aromatique intense et subtil » et, après l’avoir vraiment re-senti pour écrire cet article, je crois que j’irai presque encore plus loin. Antaeus est un personnage de la mythologie grecque fils de Poseïdon et de Gaïa, était un peu subversif et on disait qu’il dépouillait ceux qui s’approchaient de ses terres. Il fut tué par Héraclès. Héros ou antihéros, la dualité est parfaitement retranscrite par le créateur de cette fragrance étonnante, clivante et vraiment hors-norme. Le parfum est supposé figurer le mythe d’un héros à la fois vulnérable, fort et généreux. Le parfumeur a choisi ce cuir à la fois aromatique et épicé d’une originalité tout à fait surprenante.

Pour moi, ce n’est pas un cuir comme les autres. Tout d’abord, la construction est un peu celle d’un chypre sans bergamote avec un départ de citron, de sauge sclarée et de myrte que je trouve presque déjà animale. Ce n’est pas précisé par la marque mais il me semble presque sentir un côté clou de girofle et un peu violette. Le coeur est très surprenant. À des notes de rose et de jasmin sont associées celle de coriandre très présente et de foin fraîchement coupé. Le fond est résolument chypré avec l’accord mousse de chêne et patchouli mais il est enveloppé par les notes cuirées du labdanum et animales du castoreum et de la cire d’abeille. Je trouve ce parfum vraiment très étonnant surtout dans son évolution. Je ne peux m’empêcher de penser que si la marque avait choisi une concentration eau de parfum, il aurait été quasiment importable. L’eau de toilette est déjà relativement capiteuse pendant un long moment mais, lorsque le côté opulent s’estompe un peu, reste le côté à la fois cuir et chypre très élégant, inédit, sophistiqué et sans doute très masculin puisque la marque le dit. Je me demande bien ce que donnerait « Antaeus » sur une peau féminine et je me plais à penser que ce serait particulièrement chic et un peu subversif. C’est un très beau parfum mais il faut oser le porter. Il est vraiment audacieux et, même s’il garde un côté « années 80 », il reste très attirant et, je trouve, assez incroyable.