Passion Parfums

J’ai très souvent évoqué la collection des Exclusifs de Chanel car je considère que c’est la collection privée la plus intemporelle, la moins et la plus identifiée que je connaisse. À chaque fois que je mets mon nez sur les créations d’Ernest Beaux puis de Jacques et Olivier Polge, je suis assez émerveillé par la finesse du travail et son intemporalité. J’ai eu l’occasion, une fois de plus sentir et même d’essayer sur la peau deux fleurons de cette collection, « Bois des Îles », créé par Ernest Beaux en 1926 et remis au goût du jour par Jacques Polge en 2007 puis en 2016 et « 31 rue Cambon » créé par ce dernier en 2007 et réinterprété en 2016. Pour moi, il y a dans ces deux parfums beaucoup de l’esprit d’une maison qui demeure peut-être plus ancrée dans sa tradition et dans celle de la belle parfumerie à la française que d’autres. J’ai donc décidé de revenir, en quelques mots sur les impressions que je ressens lorsque je remets mon nez dessus.

Je commencerai donc par « Bois des Îles ». Ernest Beaux, en 1926, propose à Mademoiselle Chanel un parfum très avant-gardiste dans lequel il fait la part belle au bois de santal. La marque le décrit ainsi : «  Parfum boisé avec un fond oriental, Bois des Iles dévoile des effluves de santal, de vanille, de vétiver et de fève tonka aux notes légèrement gourmandes entre amande amère et pain d’épices. On retrouve également la rose damascena, l’ylang-ylang et des bois précieux. L’ensemble est allégé par les aldéhydes ». Il s’ouvre sur une envolée aldéhydée et jasminée sans la moindre note d’agrume ce qui est déjà étonnant dans notre parfumerie contemporaine puis le coeur de rose et d’ylang-ylang vient nous envelopper avant de se poser sur un socle construit autour du bois de santal et de la fève tonka enveloppé par une délicate vanille et soutenu par un vétiver discret. Je dois dire que j’aime énormément l’idée d’un parfum aussi moderne créé à une époque où tout devait sembler inédit. La marque continue : « 1926 : ‘L’Art Déco s’impose, l’exotisme fascine, le jazz déchaîne les passions’. En réponse ‘aux rêves de terres lointaines et de bois précieux’, Coco Chanel invite à l’exotisme à travers Bois des Iles. Ce premier boisé au féminin, aujourd’hui présenté comme mixte, a notamment inspiré la création du parfum Egoïste en 1990. En 2007, Bois des Iles a rejoint Les Exclusifs, une collection de parfums rares en vente exclusivement dans les boutiques Chanel » et je dois dire que je trouve ce faux ambré, vrai boisé un peu floral et un peu aldéhydé beaucoup plus facile à porter que son « descendant », « Égoïste » que j’aime pourtant beaucoup car il a été le premier qui a accompagné ma vie d’adolescent. « Bois des Îles » s’avère moins vanillé, plus sobre, avec un caractère et un équilibre un peu différent. Je suis toujours étonné lorsque je sens ce parfum. Je regrette un peu que l’eau de toilette n’ait pas une tenue comparable à celle de l’extrait.

« Ce merveilleux ‘parfum de peau’ sur fond chypré dévoile des touches de poivre noir. Des senteurs davantage florales s’allient à un ‘sillage poudré d’iris’ ». Afin de rendre hommage à la boutique historique et iconique de la maison Chanel, quoi de mieux que qu’un parfum et pourquoi ne porterait-il pas, en guise de nom, son adresse parisienne. C’est un ainsi que Jacques Polge a repris les codes de la marque pour lancer, dans la collection des Exclusifs, en 2016, un chypre moderne, élégant et parfaitement « couture ». J’ai donc nommé « 31 Rue Cambon » que j’adore ! « Le cœur de l’univers de Coco Chanel se trouve au 31 rue Cambon, adresse à laquelle elle s’installe en 1921. L’histoire de Chanel s’étale sur ces quatre étages : ‘la boutique, le salon haute couture, l’appartement privé de Mademoiselle, le studio de création et les ateliers’ ». Des notes de bergamote et de poivre, un coeur floral très complexe et un peu mystérieux entre opulence et transparence et un fond d’iris, de patchouli et de mousse, tel est ce parfum classique, élégant, construit avec une certaine légèreté. J’aime beaucoup ce parfum et je remercie Sébastien de me l’avoir fait découvrir il y a quelques mois car vraiment j’étais passé à côté. En le portant récemment, je me suis fait un plaisir fou. Il me convient bien, sur ma peau, il est particulièrement agréable et j'imagine que la reconcentration en 2016 en eau de parfum n’a rien enlevé à cette création originale et très fine. J’aime beaucoup la signature de Jacques Polge. En tout cas, je me sens très proche de cet univers chic, épuré et discret car c’est comme ça que ce chypre intemporel est construit. Je pourrais tout à fait le porter, c’est un fait, mais je ne peux pas m’approprier toute la collection des Exclusifs.

J’avais envie de revenir sur ces deux parfums parce que je les aime et que je les trouve vraiment plein d’un chic qui manque parfois dans certaines marques (y compris dans ce que j’appellerai la fausse niche et qui fleurit depuis quelques décennies) et qui peuvent rivaliser avec les plus baroques des créations de la parfumerie.