Passion Parfums

 

 

 

La mousse de chêne (ou lichen) est une matière première que j’aime vraiment beaucoup et je me rends compte que je ne lui ai jamais consacré d’article. Elle est à nouveau autorisée par l’Ifra sous sa forme naturelle et je trouve que c’est une bonne nouvelle car, même si on peut le recréer artificiellement, il est difficile de retrouver toutes les facettes qu’elle peut revêtir. En effet, son odeur est très complexe. D’après la description dans Olfastory, on peu trouver 80 types d’odeurs différentes dans ce produit vraiment étonnant. Je peux citer des versants, chamoignons, sous-bois, feuilles mais aussi un côté presque marin. Souvent, elle est utilisée en fond car elle aide à fixer certaines autres notes. Elle est évidemment, l’un des ingrédients majeurs de l’accord chypré qui j’aime beaucoup lorsqu’elle est associée au patchouli. Bien évidemment, je la sens très facilement dans des parfums comme « Mitsouko » de Guerlain (notamment en eau de toilette et en extrait) ou encore, bien sûr, dans le très beau « Eau des Merveilles » d’Hermès. J’ai choisi quatre parfums que je porte et que j’aime beaucoup. Il y en a beaucoup et il m’a fallu me décider pour quatre créations bien différentes les unes des autres.

Je ne pouvais pas parler de mousse de chêne sans évoquer « L’Air de Rien » créé par Lyn Harris en 2006 pour sa marque de l’époque Miller Harris et qui fait partie de mes signatures. Je parle tout le temps de ce parfum, je le sais mais il se devait de figurer dans cette sélection tant il est réussi et tellement j’aime le porter. Après un départ de néroli et de bergamote, un coeur floral et presque café, s’exprime ce superbe fond de mousse de chêne et de patchouli associé à des notes de muscs blancs, de vanille sèche entourant un accord ambre. Ce parfum, pour moi, c’est la finesse parfaite, de multiples facettes conférées bien souvent par la mousse de chêne. Je trouve qu’elle est boostée par des notes très stylisées, sans doute synthétiques mais très difficilement identifiables. La mousse de chêne est présente tout le temps avec un côté végétal et un peu terreux à la fois mais qui reste très doux. C’est un chypre moderne, très contemporain, un peu à l’anglaise mais sans s’éloigner trop des standards et de l’accord créé par Coty. Pour moi, il révèle un équilibre parfait. Sur ma peau, il prend toute sa place facilement. Imaginé pour Jane Birkin et surtout pour compliquer son style iconique, c’est une très belle création qui mérite d’être redécouverte. Le retour de la marque en France est une bonne nouvelle et j’espère qu’on va en entendre parler.

En 2015, avec James Heeley crée « Chypre 21 » pour sa marque éponyme et je dois dire que j’ai craqué complètement sur ce parfum qui fait également la part belle à la mousse de chêne. J’en parle rarement et pourtant je l’aime énormément. Il est, pour moi, le plus androgyne des parfums dans lesquels elle tient une place vraiment très importante. « Chypre 21 est un accord en phase avec le 21ème siècle, dans lequel James Heeley a sublimé les ingrédients principaux d’un chypré classique: bergamote, rose, patchouli et mousse de chêne pour les retravailler en un parfum contemporain et unisexe. Cette fragrance parfaitement exécutée laisse de côté les notes poudrées et féminines d’un chypré traditionnel. Elle s'ouvre sur une fraîcheur moderne et propre, et se développe en un voile oriental de safran, de rose, de musc, de mousse de chêne et de santal. Tout comme le chypré classique, l’accord est parfaitement équilibré : aucune note ne domine sur une autre ». Je trouve qu’il est d’une élégance parfaitement contemporaine. Il s’ouvre sur des notes de bergamote et de citron mais aussi de romarin qui nous conduit sur un coeur de violette, de rose et de géranium, entre notes poudrées et mentholées puis se pose sur l’accord mousse de chêne et patchouli relevé d’une note de safran. Sur ma peau, c’est un chypre rose ultra sec et légèrement épicé mais je le crois très versatile. Il faut absolument l’essayer.

 

 

« Romain Gary imagine un savant subterfuge littéraire en créant Emile Ajar. L’anonymat devient pour lui une façon de se réinventer et de devenir multiple. Une source d’inspiration idéale pour Jardins d’écrivains dont les créations naissent d’interprétations olfactives. Tel un parfum caméléon Ajar est une histoire d’incarnation. La noirceur de l’encens oriental se mêle à une éblouissante orchidée. Une ambivalence exprimant le paradoxe de la personnalité. Une sorte de jeu d’ombre et de lumière qui sommeil en chaque individu ». Le moins que l’on puisse dire est qu’Anaïs Biguine sait utiliser la mousse de chêne et, que ce soit dans Les Cocottes de Paris ou dans sa marque originelle, Jardins d’Écrivains, elle utilise beaucoup cette matière première pour mon plus grand plaisir. J’ai beaucoup hésité mais j’ai poté pour « Ajar » qu’elle a composé en 2017. La construction n’en n’est pas vraiment Chyprée mais elle est vraiment atypique et facettée avec un départ de bergamote et de poire, un coeur d’orchidée et de jasmin puis un fond qui est presque une overdose de mousse de chêne associée au bois de santal et à l’encens. Ce parfum, singulier, unique, vraiment dans l’esprit original de la parfumerie de niche, plaira ou rebutera mais, il faut le dire, artistiquement c’est une grande réussite. En tout cas, je pourrais tout à fait me l’approprier mais il y a tant de belles choses dans la marque que je ne sais plus où mettre mon nez.

 

 

Pour terminer, j’ai choisi l’une de mes plus grandes frustrations parfumées. Il s’agit de « Mon Patchouly » créé en 2009 par Ramon Monegal pour sa marque éponyme : « Catégorique et provocateur. Séduction rusée, impulsion de liberté. Bois moussu et craquant ». On retrouve ici une construction Chyprée un peu bouleversée puisqu’après une envolée de bergamote, de notes vertes et de yuzu, c’est au coeur que l’on retrouve le patchouli associé au maté et au jasmin puis, en fond, la mousse de chêne prend toute sa place et elle est soutenue par les muscs, la vanille et la fève tonja. C’est un chypre plus classique, un peu vintage même mais avec un twist ultra moderne. L’association de la mousse de chêne et de la fève tonka est vraiment du plus bel effet car il y a comme un voile légèrement poudré qui se dégage. J’aime énormément ce parfum mais, et je le regrette beaucoup, il ne matche pas du tout avec ma peau et je ne le tiens pas alors qu’il résiste sur tous ceux que je connais et qui l’ont essayé voire porté. C’est une frustration car, pour moi, c’est l’une des plus belles créations de Ramon Monegal.

 

 

J’aurais pu citer, bien évidemment, « Exit The King » d’État Libre d’Orange que j’ai beaucoup porté ou encore, par exemple, « Bandit », le chef-d’oeuvre de Germaine Cellier pour Robert Piguet. Je pense aussi à « Cabochard » de Grès, « Chypre Isli » de Maison Incens et bien d’autres mais il m’a fallu faire un choix. Pour moi, c’est « L’Air de Rien » et « Chypre 21 » mais, en règle général, chypre ou néo-chypre, sont, il faut le dire, ma tasse de thé.