"Féminité du Bois", époque Shiseido, un choc olfactif
Il y a des trésors perdus, supprimés ou reformulés. Parfois, au détour des rencontres, on peut remettre notre nez sur ces parfums qui ont pourtant marqué leur temps. Je pense à « Tabac Blond » ou « Narcisse Noir » de Caron, à « Bandit » créé par Germaine Cellier pour Robert Piguet qui est devenu « Bandit Suprême » après avoir été reformulé par Aurélien Guichard mais je pense aussi aujourd’hui à « Féminité du Bois » sorti en 1992 et créé par Pierre Bourdon et Christopher Sheldrake. Je ne l’avais jamais senti et j’ai eu l’opportunité de mettre mon nez dessus (un grand merci à Sébastien qui possède quelques trésors incroyables et qui me l’a fait partager) et je dois dire que je comprends complètement pourquoi il était une telle révolution à sa sortie. J’ai pu aussi voir son flacon originel, couleur lie de vin, tout en courbe et en élégance. Quel dommage que ce parfum, finalement très différent de la reformulation, au demeurant très belle, composée par Christopher Sheldrake lorsque le parfum est entré dans la collection Serge Lutens. Tout d’abord, et je m’en souvenais, il a été le premier parfum qui n’était pas construit sur la base d’une pyramide olfactive. En effet, dans « Féminité du Bois » et ensuite dans la plupart des parfums de Serge Lutens, il n’y a pas de notes de têtes ni d’agrumes pour accrocher le nez. On a parlé, et je ne m’en souvenais plus, à l’époque, d’une colonne vertébrale verticale entouré, en spirale, d’un ruban composé des autres notes et je trouve que c’est assez juste. En effet, on a l’impression de tourner autour du cèdre avec ces notes très violette et fruits confits.
"Bois de violette"
"Bois et Fruits"
Il faut se souvenir que les parfumeurs ont, en quelque sorte, réuni deux créations qui sortiront indépendamment l’une de l’autre longtemps après. J’avais senti et même essayé, à l’époque « Bois et Fruits » et « Bois de Violette » qui sont comme « Féminité du Bois » éclaté. Quand j’ai mis mon nez dans la version originale, j’ai bien retrouvé les notes de ces deux fragrances. En effet, outre le cèdre overdosé que je trouve finalement moins présent que dans la version actuelle, on distingue parfaitement la prune et la pêche confites, les épices, il m’a semblé qu’il y avait un côté cannelle très prononcé et peut-être gingembre, et le parfum se met à prendre de l’ampleur et la note de violette vient parfaire cet équilibre. J’ai toujours trouvé que « Féminité du Bois » était un nom bien curieux, voire provocateur, pour une création finalement très androgyne mais je pense que peut-être cela avait échappé à Serge Lutens et aux parfumeurs si j’en juge par la « féminité » du flacon tout en courbe et en élégance. Je suis complètement fasciné par cette version que je trouve encore plus envoûtante que celle qui est sur le marché actuellement et que j’aimais déjà beaucoup. En tout cas, je dois le dire, je trouve qu’il y a quelque chose de très attirant dans cette ancienne création de Shiseido. Je comprends aujourd’hui que Serge Lutens, directeur artistique, avait vraiment voulu un parfum différent, en rupture avec tout ce qui s’était fait auparavant. Christopher Sheldrake était le candidat idéal pour le réaliser car, lorsqu’on connait son cheminement intellectuel et olfactif. J’espère (on peut toujours), trouver un jour, un flacon de cette première mouture du parfum quelque part, un peu oublié car, honnêtement, je le porterais bien.
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