Francesca Bianchi, cuirés mais pas que
Puissant, brut, animal… J’avais tout lu sur l’univers des extraits de parfums de Francesca Bianchi et je brûlais de les découvrir vraiment et surtout de les essayer. Sur les douze sortis à ce jour, j’en ai essayé neuf et j’ai décidé, pour écrire cette revue, de me concentrer sur les cinq que j’ai préféré ou, tout au moins, qui m’ont le plus impressionné car je dois dire que c’est une collection absolument étonnante et un monde olfactif qui m’a sorti de mes habitudes et encore plus de ma sempiternelle zone de confort. Je vous donnerai mon impression générale en conclusion mais vraiment, ne serait-ce que pour se constituer une bibliothèque olfactive différente, ils sont à découvrir. Malgré un nom et un nom de marque à consonance italienne, « Francesca Bianchi » est une maison néerlandaise née en 2016 et qui porte le nom de la créatrice qui a composé tous les parfums. Allez, je vous emmène dans un univers clivant, étonnant et hors norme… En route !
« C’est l’histoire d’une époque révolue sur la rencontre secrète d’un amoureux. Il représente les contradictions entre le sens et la sensibilité, la pruderie et la passion. Les amants sont animés par le désir mais leur éducation les retient. Riche en matières premières naturelles, le jasmin et le cuir sont les protagonistes de ce parfum ». Lancé en 2018, « The Lover’s Tale » est le premier cuiré que j’ai essayé et il est vrai que c’est celui que j’ai préféré. Ce parfum est, pour moi, une interprétation du cuir très narcotique avec des notes animales bien évidemment mais également une omniprésence du jasmin qui, dès le coeur, prend beaucoup de place dans cette fragrance sophistiquée et envoûtante. L’envolée de bergamote et de mimosa est un peu miellée et aldéhydée et le coeur de jasmin d’Égypte est légèrement poudré par l’héliotrope et la rose de Bulgarie. Le fond est cuiré, profond avec l’accord cuir de Russie (bois de bouleau et mousse de chêne) mais aussi le ciste, le vétiver et le castoréum (de synthèse évidemment) et le résultat est un parfum d’une profondeur très intéressante. C’est un extrait et il faut le laisser évoluer longtemps et lui permettre de prendre sa place sur la peau ou sur les vêtements. Pour moi, c’est un cuir très « maroquinerie » ou très « sellerie ». Je le vois très bien adopté par les amoureux de l’art équestre par exemple. Pour mon goût, il est un peu trop opulent et « costaud » si je puis dire. Je le trouve très beau mais je ne pense pas pouvoir l’assumer. Peut-être que s’il avait été proposé dans une concentration plus légère, mon avis serait différent car je le trouve vraiment beau et plus facile à porter tout de même que « The Dark Side » que je ne développerai pas aussi mais dont je vous parlerai sans doute.

« Angel Dust », créé dès 2016 est, à mon sens, tout à fait avant-gardiste. Plutôt féminin dans sa conception, il en résulte un parfum complètement mixte et facetté. Francesca Bianchi en décrit l’inspiration ainsi : « Tout en travaillant sur Angel’s Dust, j’étudiais mon chemin vers une touche féminine innocente, légère comme une plume, mais en même temps séduisante, audacieuse et corrompue ». Plus transparent dans l’idée, ce parfum ne m’a renvoyé à rien de ce que je connaissais et je l’ai essayé plusieurs fois avant de pouvoir le décrire un peu car il m’a un peu dérouté. Le côté très poudré de l’iris et du mimosa est présent tout au long de son développement sur ma peau et il est enveloppé d’un baume de benjoin et de tolu, d’une note musc de Tonkin parfaitement recrée (ceux qui connaissent « Musc Tonkin » de Parfums d’Empire comprendront ce que je veux dire) mais toute en délicatesse et en finesse. La note de poivre noir en ouverture m’a énormément surpris, presque dérangé dans cette composition mais alors son évolution sur moi, outre le fait qu’elle est étonnante, demeure tout à fait harmonieuse. Le fond est également légèrement cuiré et m’évoque un peu les cabarets berlinois des années 20 où se côtoyaient chanteurs, danseurs et buveurs de bières et dans lesquelles les femmes portaient des costumes d’hommes. En évoluant, il s’avère légèrement désuet mais ce n’est qu’une facette et il y en a beaucoup. Je l’ai bien aimé, je pourrais le porter mais il n’est pas mon coup de coeur.
Solaire, charnel, sensuel, « Sex and the Sea », créé en 2016, est un parfum au jus tout aussi provocant que son nom et je dois dire que je l’ai vraiment aimé même s’il n’est absolument pas pour moi. Il a quelque chose de complètement addictif et on y revient encore et encore. Francesca Bianchi l’a voulu subversif et je trouve le jus en rapport avec ce qu’elle a voulu exprimer : « Ce parfum représente le souvenir d'une rencontre sensuelle au bord de la mer. Loin d'être un parfum frais-ozonique et inoffensif, c'est une concoction passionnée et sauvage de peau surchauffée, de crème solaire coco, de sel de la mer et du sable, suggérant l'atmosphère d'un rendez-vous voluptueux derrière les dunes ». Ambré, avec une envolée d’ananas et de mimosa, poudré avec un coeur d’iris et de vanille puis un fond de ciste labdanum, de rose et de myrrhe enveloppé d’une immortelle qui vient juste soutenir la fragrance, il est à la fois vraiment le parfum de vacances au soleil par excellence mais il a quelque chose de très sensuel et c’est un parfum de séduction par essence. Je le trouve très moderne et complètement addictif. Je le préfère de beaucoup à la déclinaison que propose Francesca Bianchi et qui fait la part belle au néroli. Je suis revenu sur mon avant-bras qui le portait de nombreuses fois durant son évolution et je dois dire qu’il a quelque chose de vraiment magnifique. Ceci dit, je le trouve sans doute un peu difficile à porter de part sa concentration peut-être. Il est idéal pour un été ensoleillé voire coquin mais peut-être un peu trop puissant. Je ne saurais pas le dire. En tout cas, il porte remarquablement son nom mais je n’en dirai pas plus…
Allez, avec le prochain allons nous perdre dans un paradis… perdu ! Lancé en 2019, « Lost in Heaven » est le parfum épicé de la collection et je le trouve absolument magique je dois bien le dire. Il aurait pu être mon coup de coeur si je n’avais pas trouvé encore plus beau mais je vais y revenir. Opulent, exotique, unique, c’est un parfum comme je les aime. Il est audacieux mais facile à porter. Je dois dire que je l’adore et que je vais utiliser la dose d’essai jusqu’à la dernière goutte. Il est extrêmement complexe et construit autour du cumin et de la cannelle avec une envolée de magnolia et de pamplemousse, un coeur d’ylang-ylang et de muscs blancs pour aller sur un fond de fève tonka, de patchouli et de vétiver. Les épices sont présentes tout au long de son développement et je dois dire que, à peu près une heure après sa vaporisation, il se fond avec la peau et devient franchement superbe. Francesca Bianchi le décrit ainsi : « La double nature de tout être humain: le désir de la perfection, l'innocence, l'absence d'erreur, à un endroit non contaminé par le péché d'un côté, et la faillibilité et l'impossibilité inévitables de corriger les erreurs. La combinaison de fleurs blanches et de facettes animales représente cette dichotomie, comme une invitation à accepter à la fois l'idéalisme et l'imperfection comme une caractéristique humaine très spécifique ». Je trouve ce jus à la fois sensuel et poétique. Je crois que c’est la création la plus facettée de mes découvertes. Il est rond tout en restant aérien, épicé tout en étant particulièrement ciselé. Je le trouve vraiment très réussi et il m’a beaucoup séduit. Je pourrais me l’approprier sans aucun problème comme vous l’aurez compris.
J’ai gardé mon préféré pour la fin et vous verrez que vous ne serez pas surpris. Il s’agit de « Etruscan Water ». Je vous livre les mots de Francesca Bianchi : « Au sud de la Toscane, vous vous approchez d'une baie enchanteresse en vous promenant dans la plus belle et enivrante végétation méditerranéenne. Votre peau est réchauffée par la chaleur du soleil du Sud, mais vous êtes revigoré par l'odeur salée et rafraîchissante de la mer ». Après un départ de petit grain, de bergamote, de pamplemousse, de tangérine et de carvi, le coeur d’immortelle et de jasmin donne au parfum toute sa personnalité. Le fond de racine d’iris, d’ambre gris et de mousse de chêne installe la fragrance et la rend à la fois très facile à porter et vraiment élégante. C’est une construction chyprée et je ne pouvais qu’être séduit par cette création de 2019. Je trouve que le côté vraiment très bergamote de l’envolée donne bien le ton même si le coeur est complètement atypique. Le fond, rassurant, patchouli et mousse de chêne met complètement en valeur les autres matières premières et donne à la création, une cohérence et une parfaite harmonie. Vous l’aurez compris, je suis emballé par ce parfum et je le trouve vraiment très en adéquation avec mes goûts. Je l’ai repéré tout de suite dès que je l’ai vaporisé et son évolution sur moi n’a cessé de me réjouir. Oui, je l’aime beaucoup et je pourrais tout à fait le porter. Je pense qu’il est vraiment mon préféré dans les parfums dont j’ai eu les doses d’essai. Il est fantastique.
Pour résumer, je dirai que j’ai trouvé que la démarche artistique de Francesca Bianchi était passionnante même s’il n’y a que deux parfums qui entrent vraiment dans mon univers olfactif. Je regrette peut-être un peu que la concentration soit aussi importante car, vu que les créations sont vraiment dotées d’une très forte identité, des eaux de parfums auraient été plus faciles d’accès, du moins je pense. En tout cas, j’ai fait abstraction de ce que j’avais pu lire pour pouvoir me faire une idée et je ne le regrette pas car sinon, j’aurais peut-être un peu redouté d’y mettre mon nez. Francesca Bianchi travaille la note de cuir avec énormément de talent mais c’est lorsqu’elle s’écarte un peu ce côté « maroquinerie » que je préfère son travail. Comme quoi, rien n’est jamais joué car je suis plutôt amateur de cuirés en général et là, ce n’est pas ce que j’ai préféré.
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