Frapin, du cognac au parfum
C’est en 2007 que la maison de cognac Frapin et Compagnie a lancé son premier parfum pour soi inspiré de leurs traditions et de leur savoir-faire. Depuis, 15 jus conçus par des parfumeurs de talents ont été lancés. La maison a choisi Sidonie Lancesseur, Bertrand Duchaufour, Jeanne-Marie Faugier, Anne-Sophie Behaghel, Alienor Massenet, Amélie Bourgeois, Marc-Antoine Corticchiato et Jerome Epinette pour composer une collection que j’ai découvert la plupart des créations récemment même si j’en connaissais déjà un ou deux. Globalement, ce sont de beaux classiques mais s’ils n’étaient pas que cela ? Certes, certains sont faciles d’accès et un peu consensuels mais d’autres ont une vraie originalité. J’en ai sélectionné cinq qui m’ont vraiment séduit pour vous écrire cette revue. J’en ai choisi quatre qui m’ont particulièrement plu et je vais essayer de vous donner mes impressions.
Créé par Anne-Sophie Behaghel en 2014, « Nevermore » est le premier parfum de la collection que l’on m’a conseillé de découvrir. Aldéhydé et profond, ce travail autour de la rose est particulièrement surprenant. Je pensais avoir fait un peu le tour des jus qui utilisent cette « reine des fleurs » en majeur et je me trompais. On peut la décliner à l’infini. La marque présente le parfum ainsi : « Tout comme le poète choisissait des mots cinglants pour écrire un beau percutant, le parfumeur Anne-Sophie Behaghel se saisit de matières violentes et amères pour raconter le mystère. Elle ose la force d’une rose tyrannique qui déroute avant de conduire à l’envoûtement » et je trouve que tout est dit. L’envolée de poivre noir et de notes synthétiques comme la floralozone et les aldéhydes, le coeur d’oxyde de rose (un terme que je ne connaissais pas mais qui est un traitement qui fait ressembler la rose un peu à l’oeillet je trouve), de centifolia et de rose de Damas associées à la lie de vin est pour le moins surprenant et le fond d’ambroxan et de cèdre s’harmonisent à des bois ambrés et à l’ambroxan pour donner un parfum à la fois piquant et rond, très original et particulièrement doté d’un caractère fort. Un peu floral, un peu inédit, un peu liquoreux, il n’est pas classique et il fait partie des parfums les plus étonnants de la collection. Je dois dire que, si j’admire le travail, la note un peu piquante qui perdure sur ma peau n’est pas forcément ce que je préfère mais c’est une création à découvrir absolument.
« La boxe, comme le parfum, est une rencontre avec soi-même. Une rencontre faite de rituels et d’une gestuelle étudiée. C’est aussi un moment violent qui se doit élégant. Régit par des règles précises et le respect de son adversaire, la boxe est dès la fin du 19e siècle un sport de gentlemen. En fin connaisseur de l’univers pugilistique, David Frossard tient tout cela en compte lorsqu’il lance l’idée d’un parfum frais, élégant, puissant, viril. Jérôme Epinette, rencontré quelques années auparavant, se voit confier l’interprétation de cet univers tout autant animal que réfléchi » tels sont les mots de la marque pour décrire « The Orchid Man » créé par Jérôme Epinette en 2015. Tout aussi complexe que le précédent, je décrirai ce parfum comme un chypre cuiré et floral. L’envolée de poivre noir et de bergamote m’a accroché tout de suite ce qui reste rare avec les parfums de niche et le coeur de cuir adouci par des pétales de jasmin est, il faut bien le dire, magnifique. Il se pose sur un fond de patchouli et de mousse de chêne est tout ce que j’aime et il prend un relief tout particulier avec une note d’ambre noir. Vraiment c’est mon premier coup de coeur. Il est absolument magnifique sur ma peau. Tout en transparence et en élégance, il n’a pas l’originalité de certains parfums que j’ai pu découvrir ces derniers temps mais c’est un très beau travail, très délicat et élégant. Il est présenté plutôt comme un masculin mais je crois qu’il conviendra vraiment à tout le monde. Il peut sembler un peu consensuel mais je trouve qu’il est parfaitement imaginé et réalisé. C’est une très belle réussite.
Lorsque j’ai évoqué le parcours de Sidonie Lancesseur, j’ai évoqué « L’Humaniste » que j’ai été content de redécouvrir. Elle a créé ce parfum en 2009 pour la maison Frapin et, s’il est très classique, je le trouve vraiment agréable. La marque en parle avec ces mots : « C’est à Rabelais, le personnage le plus illustre de sa lignée, que la maison Frapin rend hommage avec L’Humaniste. Clin d’œil à l’oracle de la Dive Bouteille, cette rasade de gin confère à L’Humaniste un ton résolument masculin, arrondi par les accents verts et rosés de la pivoine et par les facettes amande, foin et tabac de la fève tonka ». Si je le trouve un peu sage pour évoquer l’écrivain du XVIème siècle, je trouve que ce parfum est parfaitement réjouissant et qu’il oscille entre aromatique et épicé. Le départ de citron et de bergamote est rehaussé de poivres noir et roses, le coeur de genièvre, de muscade et de pivoine ne pouvait que me séduire et le fond, basé sur un accord gin enveloppé de mousse de chêne et de fève tonka révèle à la fois une fraîcheur et une rondeur tout à fait réjouissante. Pour résumer, je dirais que « L’Humaniste » n’est pas forcément le parfum que je choisirai dans la collection mais je l’aime bien. Il est un peu facile certes mais tout à fait agréable à porter entre un sillage très suffisant et une tenue qui me convient aussi. Jamais entêtant, il est sans doute le parfum le moins puissant que je connais dans cette collection.
Créé par Marc-Antoine Corticchiato dont, décidément j’aime beaucoup le travail, en 2012, « Speakeasy » est mon coup de coeur absolu dans la marque. Je l’ai déjà évoqué à plusieurs reprises mais j’ai été très heureux de remettre mon nez dedans et il est probable qu’un jour je franchisse le pas. Complexe, incroyable dans son évolution, il est déroutant, élégant, puissant et presque gourmand dans sa toute fin de développement. Sur ma peau, il est absolument parfait. La marque le décrit ainsi : « Rafraîchi par un accord mojito (rhum, menthe et limette), ce tabac blond d’une grande suavité s’enrichit d’accents liquoreux (immortelle) et des facettes foin et amande du liatris odorant et de la fève tonka. Un cuir oriental onctueux, richement ambré, intensifie cette palette fauve ». Son départ est déjà très original et on sent la recherche de matières premières vraiment belles et atypiques. L’extrait de rhum martiniquais est associé à une essence de davana indien, à une orange juteuse et à un citron vert très présent qui s’enrichit au coeur d’une note de menthe fraîche de Russie et d’une très belle qualité de géranium. À ce stade, on a l’impression d’un parfum très « mojito », frais et estival mais ne nous y trompons pas, le fond de tabac et de fève tonka s’enroule sur une note d’immortelle que j’aime énormément pour donner un cuiré presque liquoreux et musqué. C’est l’un des parfums les plus facettés que j’ai senti dans la collection. Il porte toute l’originalité dont nous régale bien souvent le parfumeur. Vraiment c’est un très gros coup de coeur.
Je ne sais pas pourquoi, je pensais que je n’allais pas forcément accrocher avec les parfums Frapin et j’avais tort. Il y en a au moins deux qui m’ont vraiment plu et je ne les connais pas tous. Je suis complètement fan de « Speakeasy » et j’aime beaucoup « The Orchid Man ». Ce sont des parfums vendus à un prix relativement raisonnable et assez facile d’accès lorsque l’on veut sortir du sélectif et aller vers une parfumerie plus confidentielle. Par contre, il faut le dire, l’univers est très inspiré de celui, très spiritueux des alcools à boire qui est l’A.D.N. de la marque. Il faut bien avoir cela à l’esprit pour entrer dans ces effluves. Vraiment, Frapin est une marque à découvrir.
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