Fredrik Dalman, la nouvelle âme de Mona di Orio
J’ai pas mal hésité à écrire cet article car je suis tellement attaché aux créations de la regrettée Nathalie di Orio alias Mona pour sa maison éponyme que j’ai un peu considéré le fait de m’intéresser aux créations lancées après sa disparition comme un infidélité mais je crois qu’il faut que je laisse quand même une place au travail de Fredrik Dalman qui a repris le flambeau après un court passage de Mélanie Leroux le temps d’un parfum. Il a créé quatre parfums pour la collection classique ainsi que toute celle que je ne connais pas et qui s’appelle The Alinea Collection. Je vais donc me concentrer sur les quatre premiers. On ne sait pas grand-chose de son parcours sinon qu’il a vraiment apporté sa signature, à la fois différente de celle de la fondatrice de la marque et suffisamment originale pour prendre le relai et plaire aux amateurs de Mona di Orio. J’avais déjà évoqué « Dõjima » qui est mon préféré mais, grâce à Antonio, de la parfumerie parisienne Marie-Antoinette, j’avais pu découvrir ces parfums il y a quelques mois et j’ai décidé d’y repenser pour vous décrire le mieux possible mes impressions.
Le premier parfum signé par Fredrik Dalman en 2016 est « Bohea Bohème » qui, c’est vrai, est une belle création originale. La marque le décrit ainsi : « Résines et bois précieux accentuent le thé de Bohéa, tandis que des facettes de notes fraîches, douces et terreuses se posent sur la palette. Des accords vifs et épicés de bergamote et de poivre de Sichuan arrivent avec l'élégance poudrée de l'iris florentin et les fleurs fruitées de l'absolu d'osmanthus, comme le foin sec et les notes vertes subtiles de la surface du géranium. La chaleur du parfum s'approfondit et s'attarde alors que le thé sophistiqué est imprégné d'ambre noisette, de bourgeons de peuplier miellés et d'une infusion de baumes, de bois de chêne et de gaïac. Ce qui transpire est un parfum boisé luxueux avec un vibrato balsamique, non conventionnel et séduisant » et je trouve que c’est assez bien résumé. Le parfum s’ouvre, sans presque de notes de tête sur un thé noir et fumé presque huileux, de camomille et de genièvre fumé puis, arrive un iris pallida rehaussé de sapin baumier très résineux puis le fond, très mousse de chêne est arrondi et encore baumé par une note de cire d’abeille. Je dois dire que je sens aussi très bien la note d’osmanthus en coeur qui donne un côté à la fois cuiré et fruité. Il faut bien le dire « Bohéa Bohème » est un très joli parfum, très singulier et j’ai aimé le découvrir mais je ne suis pas du tout certain de pouvoir le porter car il y a une note, je pense issue d’une molécule de synthèse, qui me gêne un peu lors du développement sur ma peau. Il n’en demeure pas moins vraiment bien réussi et il faut le découvrir.
« Un parfum qui caresse la peau comme des gants de daim doux. Des notes d'osmanthus, de poivre de Sichuan, de bois de cèdre sont combinées avec la richesse terreuse du patchouli. Le parfum s'adoucit avec le temps, s'attardant sur une note chaude de suède laiteux gonflée par un musc précieux ». En 2017, Fredrik Dalman signe « Suède de Suède », son premier cuir qui est plutôt comme une suède, un daim, velouté et très profond mais d’une douceur absolue. Il s’ouvre sur des notes de poivre de Sichuan très discret et de feuille de fraisier puis le parfum nous entraîne sur un accord de suède que je trouve presque trop doux mais qui s’enrichit du versant cuiré de l’osmanthus puis d’un fond basé sur un accord castoréum un peu animal renforcé par du patchouli, du bois de cèdre et des muscs. Personnellement, je n’ai pas tellement adhéré à « Suède de Suède » que je trouve vraiment trop doux, presque doucereux même si je reconnais que c’est une belle création. Il y a, une note vraiment très lactée qui m’évoque un peu un travail sur le santal que je n’aime pas même si la marque ne communique pas du tout dessus. Je dois dire que « Suède de Suède » n’est vraiment pas mon préféré. Ceci dit, il est quand même remarquablement bien construit et composé de belles matières, je n’en disconviens pas. Il faut juste dire qu’il n’est pas pour moi.
« Dõjima » est, je l’ai déjà dit, vraiment mon préféré de cette série de quatre. Fredrik Dalman l’a créé également en 2017 et vraiment, il faut le dire, c’est une réussite. « Le nom dérive du Dōjima Rice Exchange fondé par Samurai en 1697 à Osaka, au Japon. Remontons à ce moment dans le temps, ayons la beauté et la sérénité d'un seul grain de riz comme armure de séduction. Dõjima se transforme en poudre en se combinant avec la chaleur de la peau et un nuage de poudre de riz entouré de jasmin et d'iris rayonne tout au long de la journée. La texture douce du riz est relevée par un ambre poudré chaud tacheté d'épices sèches et de bois sur une base de musc crémeux ». Il est indéniablement poudré, très élégant et un peu lacté alors que là, bizarrement, ça ne me dérange pas du tout. Il m’évoque un peu un thé tchaï avec son départ basé sur un accord de riz, un absolu de noix de muscade qui est une note que j’aime beaucoup en parfumerie, son coeur de graine d’ambrette, de jasmin, d’iris et de sauge sclarée et enfin son nom de labdnaum, de bois de santal et de muscs. Il est vraiment équilibré et je le trouve très proche de mes goûts. J’avais un peu peur du côté « eau de cuisson du riz » que j’ai un peu retrouvé dans certains parfums ces dernières années mais je trouve que le côté poudré rend ce parfum vraiment très élégant et original. En tout cas, il n’est pas du tout convenu et il faut vraiment l’essayer sur la peau.
Comme son nom l’indique, « Santal Nabataea », lancé en 2018 est plutôt un boisé. « Un parfum autour du bois de santal inspiré de l'ancien royaume de Nabataea et de leur capitale Petra. Un voyage olfactif illustrant l'histoire des gens, leurs vastes relations commerciales, leur savoir-faire architectural et l'environnement même dans lequel ils ont passé leur vie. La base est une ode à la plus haute qualité du bois de santal et à l'odeur d'argile du grès de couleur terre cuite dans laquelle Petra est taillée. La beauté et le romantisme de l'antiquité classique avec une approche moderne ». Le moins que l’on puisse dire est que ce parfum est vraiment très étonnant. Il s’ouvre autour d’un poivre noir très présent, d’abricot sec et de feuille de cassis ensuite vient un coeur de laurier rose et d’opoponax et enfin, le parfum se pose sur un fond basé sur un accord d’argile que je ne sens pas, de bois de santal rendu très dense par une note de café et arrondi voire amandé par la fève tonka. C’est un parfum vraiment très moderne et on est loin du bois de santal lacté ou même crémeux classique. Là, le parfum est un peu rond mais surtout il présente vraiment un côté terreux très surprenant. Je dois dire que je n’ai pas beaucoup aimé le sentir sur ma peau. Il est superbement construit, original et complexe mais il est un peu trop éloigné de mes goûts. Il porte vraiment, en revanche, la signature d’un parfumeur de talent, qui ose bousculer notre nez et, en cela, il trouve sa place dans la collection.
Sur quatre parfums, je suis séduit par deux et je pourrais en porter un ce qui n’est vraiment pas si mal. Je ne collais pas la Alinea Collection mais je trouve que, dans les classiques, il a vraiment apporté quelque chose de différent, certes, mais d’intéressant et surtout dans l’esprit de l’oeuvre olfactive qu’avait construit Nathalie di Orio alias Mona. Je regrette un peu d’ailleurs que la politique des détenteurs néerlandais de la marque soit un peu négligente par rapport à une certaine diffusion en France car je crois qu’on ne peut trouver ces parfums qu’à Toulon chez Paris Parfum dans notre pays. Il semblerait que ce soit le dernier point de vente en France. Je le déplore car je suis très attaché à Mona di Orio.
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