Germaine Cellier, une vraie personnalité
Il y a quelques mois, j’ai relayé un article passionnant sur la première femme a avoir signé des parfums après la seconde guerre mondiale. Personnage au caractère bien trempé, Germaine Cellier avait, il faut bien le dire, du génie son travail incroyable à influencé nombre de parfumeurs. Je regrette que la plupart des parfums qu’elle a créé aient aujourd’hui disparu. J’ai évidemment entendu parler de « Vent Vert » (1947) pour Balmain, que je ne n’ai jamais senti, mais des noms comme « La Fuite des Heures » (1949) pour Balenciaga, « Coeur Joie » (1946) pour Nina Ricci ou encore « Monsieur Balmain » (1964) ne pouvaient que me faire rêver. Elle a aussi créé deux jus que je connais bien (même s’ils ont du être légèrement reformulés au cours des décennies) et que j’aime particulièrement, pour la maison Robert Piguet. Que ce soit un chypré, cuiré, tabac qui était, à l’origine destiné au femmes ou une tubéreuse, quintessence d’une élégance qui pourrait sembler désuète, il faut le dire, Germaine Cellier a signé des merveilles qui ont été le point de départ du travail de nombre de parfumeurs et qui vont influencer plusieurs générations. Retour donc sur deux pépites de la parfumerie qui sont venues jusqu’à moi.
Chypré, vert, cuiré, presque tabac, « Bandit » créé en 1944 par Germaine Cellier a été vraiment une révolution à une époque où les parfums étaient plutôt floraux ou orientaux. Une envolée d’adéhydes, de gardénia, d’ylang ylang, d’armoise et de bergamote, un coeur d’oeillet, de jasmin, de violette et de tubéreuse avec des accents de rose, un fond de patchouli et mousse de chêne bien évidemment mais aussi de vétiver, de bouleau et d’ambre, c’était osé. Le créateur suisse voulait un parfum en rupture avec tout ce qui avait été fait avant et il l’a eu. En 1944, le lancement du parfum fait grand bruit. Il a lieu lors d’un défilé où les mannequins sont habillés de noir, de pantalons très près du corps, le visage dissimulé par un loup. On reprochera à Piguet et par extension à Germaine Cellier de donner une image presque sado-masochiste à ce parfum si singulier. Il est vrai qu’un chypre vert et cuiré destinés aux femmes, c’était inhabituel (c’est le moins que l’on puisse dire) mais la parfumeuse n’avait pas peur du scandale et elle a eu bien raison. Le style de « Bandit » va influencer nombre de parfumeurs durant les décennies qui vont suivre. Il a influencé bien évidemment le parfumeur Bernard Chant pour la création de « Cabochard » pour Grès, en 1959, même s’il s’agit d’un chypre moins vert et plus floral puis, Nicolas Mamounas et Roger Pellegrino pour « Macassar » de Rochas que j’aimais beaucoup &n 1980 et, plus près de nous, les héritiers de ce parfum pourraient être « Coeur de Noir », créé en 2016 par les anglaises Julie Marlowe et Julie Dunkley ou encore « Exit the King » de Ralf Schwieger pour État Libre d’Orange. Ce parfum, originellement destiné au femme semble, aujourd’hui plus plaire aux hommes ce qui n’est pas une surprise pour moi. Avec « Bandit », Germaine Cellier a créé un style et, s’il a été retiré du catalogue pour être reformulé, j’espère qu’il ressortira dans une belle version.
On présente toujours « Fracas », créé en 1948 par Germaine Cellier comme une tubéreuse mais c’est un parfum beaucoup plus complexe qui est un véritable bijou de la parfumerie. Il a d’ailleurs obtenu le FIFI Award All of Fame en 2006 et ce n’est que justice. Il m’a toujours plu et pourtant la tubéreuse et moi, c’est un peu « je t’aime, moi non plus ». Le départ est assez duel avec des notes de pêche juteuse, de bergamote et de mandarine douces mais de fleur d’oranger et de jacinthe un peu vertes. Le coeur est construit autour de la tubéreuse, du jasmin et du gardénia avec des accents poudrés de rose, d’iris et de violette et une facette cuirée avec le narcisse et l’osmanthus. Le fond est un mélange de bois de santal, d’ambre, de mousse de chêne et de vétiver qui soutient la fragrance. C’est un vrai floral. Je dirai même un grand floral. Là, encore, Germaine Cellier s’est affranchi des modes, elle a inventé une explosion exotique, voire même vénéneuse avec une tubéreuse presque médicinale qui est, pour moi, la quintessence d’une féminité glamour et un peu surannée. Pourtant, c’est un parfum qui demeure un grand succès et sans doute le fleuron de la marque. De nombreuses personnalités comme Katharine Hepburn, la princesse Margaret ou encore, plus près de nous, Juliette Gréco, ont porté énormément « Fracas ». Je l’ai re-senti pour écrire cet article car j’ai une kyrielle de doses d’essai et je me dis qu’il n’est tout de même pas le parfum de tout le monde. Il faut avoir une sacrée personnalité pour l’assumer ! En tout cas, il est, pour moi, une véritable réussite, une pépite de la parfumerie et même plus, un exemple de la belle création à la française. Il est réapparu sur le site de Robert Piguet et a du être reformulé. J’espère qu’il est toujours aussi beau.
Pantalon, clope au bec et caractère fort, Germaine Cellier a su imprimer à ses création une personnalité avant-gardiste et indépendante. Elle a été, officiellement la première française à signer des parfums et ses formules complexes mais finalement très modernes, en font l’une des parfumeuses les plus importantes du XXème siècle. Au risque de radoter, je dirai que je regrette vraiment de n’avoir pas pu découvrir ses créations dans leur intégralité. Je vous engage, si vous en avez l’occasion, ne serait-ce que par curiosité, d’aller sentir « Bandit » et « Fracas ». Ce sont deux parfums incontournables et indémodables.
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