"Habanita" a 100 ans
À sa sortie, en 1921, il avait la réputation d’être révolutionnaire et de couvrir l’odeur du tabac blond américain que fumaient les femmes des années folles. Pour moi, il est irrémédiablement lié aux coupes de cheveux à la garçonne, aux robes à la taille déportée, au charleston et à une certaine joie de vivre étourdissement de ce début d’entre-deux guerres. Image d’un Paris insouciant, de Kiki de Montparnasse ou encore d’une divine Joséphine Baker, « Habanita » a 100 ans et il ne les fait pas ! Il a été reformulé il y a quelques années et surtout « allégé » afin de n’avoir pas trop de sillage, il a été décliné, bref, il va bien. Je l’ai re-senti très récemment et, si je lui trouve un côté vintage, je l’ai découvert plus androgyne que je n’aurais cru. Ça m’a poussé à me demander comment était la femme « Habanita », celle qui a fait son succès. Je ne saurais le dire mais je l’imagine indépendante, joyeuse et décidée, mi-pirate, mi-séductrice, un peu féminine mais vivant avec la liberté des hommes. Pour moi, c’est une mondaine et elle est à l’aise dans toutes les situations. C’est la femme du XXème siècle et pourquoi pas du XXIème même si le parfum a su aussi, au fil de son siècle d’existence, séduire des hommes. La marque décrit ainsi cet intemporel universel : « Une icône de la parfumerie, la sensualité à fleur de peau… Depuis 1921, Habanita s'est imposé comme le premier oriental féminin de la parfumerie. D'essence pour cigarette à extrait de parfum, ce jeune prodige des années folles inspire toujours autant par son sillage unique, osé, ultra-racé ».
Henri Bénard
Une ouverture de géranium, de lentisque et de petitgrain, un coeur de vétiver, de jasmin et de rose sur un fond de mousse de chêne, de santal de Mysore enveloppé d’une overdose d’ambre, c’est un oriental comme j’en connais peu. Molinard explique aussi qu’il y a des notes de fleurs d’oranger et de bergamote, d’héliotrope, d’ylang ylang, mais aussi de vanille. C’est le parfumeur Henri Bénard, qui, à contre-courant de l’époque qui privilégiait plutôt les eaux de Cologne et les hespéridés en général, a mis à l’honneur ce parfum complexe, profond et sensuel au sillage scandaleusement opulent qui a presque une facette feuille de tabac. Au cours des années 20, il ne cessera de le faire évoluer mais la première version a quand même 100 ans. Bien sûr, les autres parfumeurs de la maison continueront de le faire évoluer en lui offrant un départ plus frais. En 2012, Célia Larouge-Bénard lui offre un nouveau flacon tout en respectant le travail de René Lalique qui en avait créé l’original. Lorsque je sens ce parfum, lorsque je regarde ce flacon, je me dis qu’il n’aurait pas de succès aujourd’hui dans une marque du sélectif ou dans une maison typiquement grassoise alors qu’il serait à sa place dans une collection privée ou une marque de niche. Je pense qu’il a pu influencer le travail de parfumeurs contemporains tels Maurice Roucel où Dominique Ropion par exemple tout en restant parfaitement unique et singulier. Je serais tout à fait curieux de sentir la version originale de 1921.
Le flacon des 100 ans
Pour résumer, je dirais que je suis très séduit par ce parfum centnaire moi qui n’aime pas trop les orientaux et dont les goût vont plutôt vers des créations modernes. Il y a des exception, « Habanita » en fait partie. En tout cas, c’est un bel anniversaire, celui d’un des derniers bijoux de la belle parfumerie à la française du XXème siècle.
Inscrivez-vous au blog
Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour
Rejoignez les 225 autres membres