Headspace, la matière première et son environnement
« Piégeant des impressions, des instants fugaces revus par l’imagination, Headspace les restitue avec des matières premières naturelles d’exception traitées en overdose, et des extraits ‘Headspace’ sélectionnés avec soin, pour créer des parfums uniques, ouvrant la voie à une haute parfumerie poétique restituant l’incapturable ». Headspace est une toute nouvelle maison de parfum qui a été fondée en 2022 et qui propose, comme postulat de départ la mise en valeur de matières premières dans des parfums modernes et inédits. Les créations sont signées Nicolas Beaulieu, Fanny Bal, Julien Rasquinet, Caroline Dumur et Miroslav Petkov et sont présentés dans des flacons d’une grande simplicité. Il en résulte sept compositions que j’ai eu la chance de découvrir. J’en ai retenu quatre comme toujours et je vais essayer de vous donner envie de découvrir cette maison atypique et dont la démarche olfactive m’a beaucoup intéressé. J’ai pu découvrir les sept créations de la marque et j’ai décidé d’en faire une revue exhaustive car je les trouve très réussies. L’article sera un peu long mais je trouve que la marque mérite qu’on s’y penche dans sa globalité.
Le premier parfum que j’ai pu découvrir est « Santal » créé par Julie Rasquinet qui en parle ainsi : « L’éloge innocent de la légèreté, de l’apesanteur limpide, de la facilité de vivre. Capter l’effervescence de cet instant magique où l’inconnu ne fait plus peur, tout devenant facile, où l’on se sent forcément sublime et invincible, un peu comme s’il l’on marchait à quelques centimètres au-dessus du sol ». En règle générale, avec le santal, c’est un peu « je t’aime, moi non plus ». En effet, je crains le côté très lacté voir crémeux de ce bois. Je trouve qu’avec cette création Julien Rasquinet ne tombe absolument pas dans l’écueil d’exploiter cette facette sentie et re-sentie. Il s’ouvre avec un accord champagne puis le coeur, atypique, est construit autour de la rose, du safran et de fruits rouges. Le santal, en fond, est « asséché » en quelque sorte par le patchouli et le vétiver et presque rendu minéral par l’encens. L’envolée est absolument extraordinaire et je la trouve complètement inédite. Je trouve qu’il a su vraiment inventer une autre interprétation du santal et ce n’est pas pour me déplaire. Je ne peux pas dire que ce soit un coup de coeur absolu mais il m’a plu beaucoup par son originalité et la qualité des matières premières qui est évidente dès la vaporisation.
« La pente est abrupte pour rejoindre la petite plage sauvage de sable blanc balayée par les vents marins. Comme déposé-là au hasard, un rocher monumental mouillé d’embruns forme comme une alcôve minérale, encore réchauffée du soleil d’hier, propice à la méditation. De temps en temps venir s’y asseoir face à l’infini des flots, les yeux fermés. Mystique du calme et de la sérénité » tels sont les mots de Julien Rasquinet pour décrire « Myrrhe », la seconde création sur laquelle j’ai mis mon nez. C’est un duo de notes entre l’encens et la myrrhe et je dois dire qu’il m’emmène très loin de ma zone de confort car il oscille entre des notes un peu rondes, presque gourmandes et d’autres franchement résineuses voire même minérales. Très franchement, et même si je reconnais la qualité de la création et des matières premières, « Myrrhe » est un peu trop éloigné de mes goûts pour vraiment me provoquer une émotion. Il séduira les amateurs de ce type de parfums car il est diablement qualitatif et vraiment bien réalisé. On reconnait tout l’art de Julien Rasquinet qui est capable d’aller là où beaucoup d’autres parfumeurs ne se rendent pas.
Le troisième parfum que j’ai exploré est aussi mon premier vrai coup de coeur. Il s’agit de « Absinthe » que décrit ainsi son créateur Nicolas Beaulieu : « L’abandon des corps qui se frôlent, qui s’attirent et se touchent, dans l’effervescence d’un club vibrant. Troublante euphorie d’une fête désinhibée qui ne sait pas finir. Les décibels montent bien haut dans la nuit, tandis que les épidermes baissent la garde. Pluie endiablée de sons et d’odeurs jusqu’au petit jour ». En général, je n’apprécie pas tellement cette matière en parfumerie sauf, dans mon très regretté « Glacialis Terra » de L’Artisan Parfumeur et je n’en n’attendait rien. Je crains parfois les notes un peu anisées mais, là encore, le parfumeur a réalisé une création dans laquelle elles sont discrètes et ne me dérangent absolument pas. Il n’a pas de note de tête et on entre directement dans le coeur d’absinthe, de feuille de violette et de narcisse qui lui confère une première tonalité cuirée puis lla note se renforce en fond avec le styrax, le patchouli et le vétiver. L’association de l’absinthe et d’un cuir doux est absolument apaisant, très addictif et vraiment élégant. Été comme hiver, cette composition, presque linéaire, pourrait très bien m’accompagner. Il n’est ni trop chaud ni trop frais, ni trop enveloppant ni trop léger. C’est l’équilibre parfait comme dans plusieurs parfums de la collection. En tout cas, pour ma part, c’est un coup de coeur à sentir mais je ne sais pas si j'aimerais le porter.
C’est Fanny Bal qui a créé « Genièvre » qui est sans doute le parfum dans lequel je mettais tous mes espoirs. Elle en explique l’inspiration : « Au bord de la nuit, cerné de corps survoltés de musique, siroter du bout des lèvres un verre de gin glacé. Entouré de sa tribu, savourer cette soirée et toutes les fêtes à venir qu’il faudra inventer ». Plus complexe que les trois précédents, il s’ouvre sur une note de gin très fraîche puis arrive un coeur de baies de genièvre, de poivre rose, de mandarine et d’encens puis la note de gin revient en fond soutenu par le cèdre. Je dois dire que, sur le papier, c’est totalement un parfum pour moi mais, sur ma peau, hélas, la note d’encens « dévore » l’ensemble de la composition et, si je trouve que c’est une réussite, un parfum vraiment qualitatif, il n’est pas pour moi il faut bien l’admettre. La note presque froide de l’encens est la seule qui ressort sur ma peau un peu comme dans « Encens Flamboyant » d’Annick Goutal qui est l’un des rares parfums de la marque qui, en dépit de sa qualité et de la beauté de la création, ne me convient pas. Les deux compositions ne se ressemblent pas du tout mais elles me provoquent la même sensation. Ce sont les hasards de l’olfaction.
Ensuite, j’ai mis mon nez sur « Sauge » dont je n’attendais rien et qui, pourtant, a été un second coup de coeur. Caroline Dumur, sa créatrice, le décrit ainsi : « Aux premières lueurs de l’aube, la nature impétueuse a la fraîcheur incisive des eaux vive d’un torrent de montagne. La moindre odeur explose comme une extase. Celle d’une fleur sauvage à peine éclose emplit l’air tout entier et devient la promesse d’un renouveau, le rêve d’un possible ». Tout comme plusieurs parfums de la collection, il nous fait entrer directement sur le coeur de sauge très aromatique associé au côté vert de la racine d’angélique et un peu mentholé du géranium associés au versant épicé du cumin et de poivre noir puis arrive un fond de cyprès, de cypriol, de santal, de tonka et de résine oliban. C’est un parfum en clair obscur. Il revêt des facettes très lumineuses et vertes mais aussi d’autres, épicées par le cumin et arrondies par le santal qui sont vraiment sombres. « Sauge » est vraiment une merveille. Il est très original et très inédit. Je l’ai essayé sur la peau et, c’est vrai qu’il m’a beaucoup séduit. Je pense que je pourrais tout à fait me l’approprier. Il peut avoir un côté très « soir » mais aussi donner envie de le porter dès le matin. Si je le trouve singulier, il est également facile à porter. C’est sans doute à cela que l’on reconnait un parfum comme si on pouvait le faire sien lorsqu’on le découvre. Je ne sais pas s'il serait pour moi mais j'aime beaucoup le sentir.
« Aux premières lueurs de l’aube, la nature impétueuse a la fraîcheur incisive des eaux vive d’un torrent de montagne. La moindre odeur explose comme une extase. Celle d’une fleur sauvage à peine éclose emplit l’air tout entier et devient la promesse d’un renouveau, le rêve d’un possible » sont les mots du parfumeur Miroslav Petkov pour décrire « Styrax ». Là encore, on entre dans le coeur très résineux du styrax associé à l’osmanthus qui renforce le côté cuir, au cypriol et au safran puis arrive un fond d’ambre, de patchouli, de labdanum et de vétiver. Je dois dire qu’il fait l’unanimité et pour cause. Il est sans doute la création la plus classique de la collection et je la trouve presque vintage mais excessivement qualitative. Elle est à mi-chemin entre les grands classiques de la maison Le Galion et « Tonka 25 » créé par Daphné Bugey pour Le Labo. C’est un cuir résineux, addictif, d’une grande élégance et d’une beauté un peu mystérieuse qui fait les grands parfums. Je pourrais parfaitement le porter au plus froid de l’hiver mais peut-être qu’il n’est pas complètement un coup de coeur. En fait, il ne me surprend pas mais il me rassure. Je pense qu’il va devenir un incontournable de la maison. Il ne me semble pas me tromper.
Le dernier parfum est aussi mon troisième coup de coeur. Il s’agit de « Tubéreuse » (quelle blague !) qui a été également créé par Nicolas Beaulieu qui en parle très bien : « Sur sa peau nue, le souvenir de l’extase et dans l’air de cette chambre avec vue, le sillage fuselé d’une fumée de cigarette : la trace indélébile de l’amour, le souvenir enflammé d’un désir fou. Un parfum narcotique qui frissonne d’interdit, comme le retour aux sources instinctives du parfum ». Il s’ouvre sur une envolée de tabac puis après quelques minutes, le coeur de tubéreuse, de lentisque, de cassis et de galbanum vient prendre toute la place avec une élégance vénéneuse qui ne pouvait que me charmer. Le fond de vanille et de cèdre se pare encore une fois de tabac et je trouve que, dans la totalité de l’évolution, « Tubéreuse » est vraiment d’une redoutable originalité. Des parfums dans lesquels cette fleur ténébreuse et animale occupe le premier plan, j’en ai aimé et j’en ai porté dans ma vie et j’arrive encore à me laisser surprendre. La dualité entre le côté floral vert et le tabac est absolument magnifique, magique presque, et je ne peux m’empêcher d’y revenir encore et encore. Pourtant, je ne sais pas si je pourrais le porter.
Comme vous pouvez vous en douter, Headspace a su me séduire car je trouve que la démarche artistique est géniale. Je trouve que ça fait du bien de mettre la main sur une vraie marque de niche, à la démarche originale et inédite, sans artifice ni communication forcenée. Alors certes, nous sommes loin des jus commerciaux dont nous sommes souvent abreuvés et les créations de la marque ne plairont pas à tout le monde mais pour moi, Headspace c’est de l’émotion. Pour ma part, et même si j'ai adoré découvrir la marque, je n'ai pas trouvé celui ou ceux que je pourrais vraiment porter même dans mes trois préférés.
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