Hommage tardif à Jean-Claude Gigodot
Je n’avais pas eu connaissance d’une triste nouvelle qui remonte au mois de mars dernier. Jean-Claude Gigodot dont j’aimais beaucoup le travail notamment pour Maison Incens nous a quitté et je voulais absolument lui rendre hommage. En effet, outre sa discrétion et son extrême humilité, j’ai toujours eu beaucoup d’admiration pour ses créations et pour la beauté de sa signature. Jean-Claude Gigodot a signé nombre de parfums pour différentes marques outre Maison Incens dont il était le créateur attiré. Il a travaillé les fleurs, les encens, les constructions chyprées avec un talent formidable. J’avais pu voir ou lire quelques rares interviewes et ce qui me frappait était son extrême simplicité. Alors je ne savais pas très bien comment lui rendre hommage autrement qu’en rééditant l’article que je lui avais consacré il y a quelques temps. Je termine en lui disant merci pour les merveilles qu’il nous laisse et j’envoie, très en retard, un peu comme une bouteille à la mer, toutes mes condoléance à son fils Éric, également parfumeur, ainsi qu’à tous ses proches.
Jean Claude Gigodot et son fils éric, également parfumeur
On ne parle pas souvent de Jean-Claude Gigodot et pourtant c’est un parfumeur de grand talent qui a composé une grande partie des fragrances de Au Pays de La Fleur d’Oranger et de Maison Incens. J’ai découvert son travail il y a déjà longtemps grâce à une création à quatre mains pour Parfumeurs du Monde que j’ai énormément portée mais nous y reviendrons. Je voulais explorer un peu sa « parfumographie » depuis que je porte « Chypre Isli » de Maison Incens et voilà qui est chose faite. J’ai choisi quatre créations que je trouve absolument magnifiques. Je vous emmène donc sur les traces d’un très bel univers et j’espère que je vous donnerai envie d’y mettre votre nez.
J’ai découvert le travail de Jean-Claude Gigodot il y a quelques années à travers « Tundhza » qu’il a créé en 2016 pour Parfumeurs du Monde, la première marque de parfums 100% naturelle dont j’ai croisé la route, avec son fils Éric et je dois dire que je ne l’aurais sans doute pas choisi car, à l’époque, je ne portais pas vraiment de parfum dans lesquels la rose était travaillée en majeur. « Caresse slave. Cette fragrance riche de passion, de sensibilité et d’émotion est une promenade romantique parfumée au cœur des vallées de la Bulgarie. La Rose est la grande actrice de cette romance, une séductrice habillée de douceur fruitée. Au fil de l’histoire, cette caresse slave vous sur- prendra par sa force de caractère ». Le parfum s’ouvre avec une envolée déjà complexe, douce amère, de pamplemousse, de mandarine, de pêche, de cassis et de lavande puis la rose, en coeur, associée à l’ylang-ylang et au géranium prend toute sa place et elle est soutenue par un fond d’encens, de vanille, de santal et de patchouli. « Tundhza » est un parfum vraiment singulier, une rose fraîche associée aux agrumes et au cassis. Je trouve que ce parfum ne ressemble à rien d’autre. Sa haute concentration lui assure une belle tenue, en tout cas sur ma peau, et je trouve qu’il s’agit-là d’une très belle rose inédite.
Depuis que je l’ai découvert, je tourne un peu autour de « Figue Aoudii » que Jean-Claude Gigodot a créé pour Maison Incens en 2014. Décidément, je change de plus en plus d’avis sur la note de figue ! En effet, ce cuir, car il s’agit de cela, s’ouvre avec des notes de bergamote puis arrive un coeur de figue, de violette et d’iris puis de cuir, d’ylang-ylang et de cèdre pour se poser sur un fond de oud, de santal, d’ambre et de musc. « La figue, dont le symbolisme réside dans la sensualité, la violette délicate, l'ambre doux et l'oud captivants sont mélangés pour apaiser les sens et créer un parfum charnel et séduisant ». Je suis complètement fan de ce parfum et je pourrais tout à fait le porter. Il est particulièrement ciselé. J’avais eu envie de lui consacrer un article dans la rubrique Exquise Trouvaille et il est bien possible que je le fasse. En tout cas, je suis très enveloppé par ce cuir doux, rond sans jamais être gourmand. Il y a quelque chose de très élégant mais aussi de vraiment singulier dans le sillage de ce parfum tendre, doux, très facile à porter tout en ne ressemblant à rien d’autre. Je l’essaye et le réessaye. Je dois dire que je l’aime de plus en plus. C’est un vrai coup de coeur.
Je ne connais pas bien du tout Au Pays de La Fleur d’Oranger mais tout de même, j’ai essayé « Néroli Blanc » que Jean-Claude Gigodot a composé en 2005 et qui est le parfum le plus connu de la marque. Je dois dire que j’aime beaucoup ce parfum même si le néroli n’est pas ma matière première favorite. « Néroli Blanc rend hommage à la note clé de la collection : la fleur d’oranger, telle une orangeraie fleurie. Un parfum doux et enivrant, tel une promenade romantique dans un jardin. Une peau embrassée par le soleil ». Après une envolée de fleur d’oranger, de bergamote et de mandarine, un coeur de fleurs blanche et de rose renforce cette impression de bouquet frais et très « jardin » qui est soutenu par un fond de cèdre, de vanille et de musc. Très franchement, j’aime beaucoup ce parfum alors qu’il est un peu éloigné de mes goûts. Je trouve qu’il ne tombe pas dans l’écueil du fond trop boisé et presque dérangeant que j’ai pu sentir dans d’autres créations mettant en valeur la fleur d’oranger. Je ne l’ai pas senti depuis un certain temps mais je m’en souviens parfaitement.
Je vais bien évidemment revenir sur Maison Incens qui est vraiment l’une de mes marques coup de coeur découverte ces derniers mois. J’ai choisi un autre cuir. Celui-ci est différent, beaucoup plus tranché voire même épicé. Il s’agit de « Cuir Erindil » que Jean-Claude Gigodot a créé en 2014 et que la marque décrit ainsi : « Cuir Erindil est une interprétation surprenante du cuir. Si on avait à imaginer le cuir de dragon, qu’est-ce qu’il sentirait?.. C'est une odeur étonnante, une rencontre entre la mandarine et la myrrhe épicée par le cumin, mélangée avec de la poussière de chaussée et une bouffée de tanneries. Une étrange rencontre. La note de cuir est insaisissable à certains moments, mais elle monte et tombe sur la peau, brossée par une note d'iris et de vanille ». Le départ de mandarine et de bergamote est assez classique mais les notes d’épices, l’encens, la myrrhe et l’iris se mêlent au coeur puis vient un fond de cuir, de musc, de santal et de vanille. Si l’on suit la pyramide, on imagine quelque chose de très brutal et de pas forcément facile à porter mais il n’en n’est rien. Ce parfum est tellement facetté et « sculpté » qu’il en devient très élégant et tout à fait agréable. Il est sans doute un peu original mais je reconnais qu’il a quelque chose de finalement évident, en tout cas pour moi. Il me plait beaucoup comme toutes les créations de la marque.
Vous l’aurez compris, j’aime beaucoup la signature de Jean-Claude Gigodot. En tout cas, je trouve que le fil que je peux tirer entre les différents parfums me convient parfaitement. J’avais envie depuis longtemps d’écrire cet article. En tout cas, j’espère que vous aurez la curiosité de sentir ces parfums. Vous pourriez vous faire très plaisir.
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