Passion Parfums

Depuis 2015, la Fragrance Foundation France décerne, chaque année, un prix à un parfum d’une marque de niche indépendante faisant la distinction avec les maisons affiliées à un groupe. J’ai trouvé intéressant de revenir sur les parfums récompensés au cours des huit dernières années en détail et peut-être de vous donner l’idée d’aller mettre votre nez dessus. L’article sera donc un peu long mais je trouvais intéressant de confronter nos ressentis sur les compositions qui ont le plus plu au jury dans cette catégorie vraiment à part et de féliciter à la fois les fondateurs des marques et les parfumeurs qui ont pris des risques et osé sortir des sentiers battus pour nous proposer des fragrances différentes et étonnantes.

2015 - Pour cette première année, la Fragrance Foundation France avait choisi de récompenser un pionnier des maisons indépendantes et qui ont su, à ce jour, le rester. J’ai nommé Marc-Antoine Corticchiato qui obtenait le FIFI Award pour le meilleur parfum d’une maison de niche indépendante avec « Corsica Furiosa » sorti l’année précédente. Je ne l’avais pas senti depuis des lustres mais parfois, je conserve mes échantillons et j’ai donc pu remettre mon nez dessus pour vous en parler de mon mieux. Avec ce parfum qui s’ouvre sur une envolée « furieuse de citron vert, de menthe et de lentisque, se poursuit avec un coeur de feuille de tomate et de poivre noir très frais et piquant pour se poser sur un fond cuiré de ciste et de mousse, Marc-Antoine Corticchiato rend, une fois encore, hommage à sa Corse natale. « Corsica Furiosa » porte bien son nom. Ce n’est pas du tout un parfum sage mais, au contraire, une composition pleine de contrastes entre les notes de menthe, de poivre, et de feuille de tomate qui assurent un développement très frais et le fond naturaliste et cuiré par le ciste. Je trouve que c’est une très belle création qui mérite bien son prix mais, je dois le dire, je n’ai pas vraiment envisagé de la porter car je la trouve un peu trop vive même pour moi. Cela ne remet absolument pas en question son originalité et son extrême force. « Corsica Furiosa » doit être idéal pour l’été car il est vraiment un parfum vivifiant et facetté.

2016 - Pour la deuxième année, la Fragrance Foundation attribue le FIFI Award du meilleur parfum d’une marque de niche indépendante à Marc-Antoine Corticchiato pour un extrait de parfum qui aurait du être éphémère mais s’avère finalement permanent dans la collection. Il a pour nom « Tabac Tabou » et il était sorti l’année précédente. J’ai une histoire avec ce parfum car, si j’ai un peu de mal à le porter, je ne m’explique d’ailleurs pas pourquoi, il est sans doute l’une des créations qui m’a le plus impressionné quand il est sorti. Je pense qu’il a été, pour moi, un choc olfactif sans précédent car il ne ressemble absolument à rien d’autre. Il s’ouvre sur la facette cuirée du narcisse associée à une note de foin fraîchement coupé puis, et c’est l’une des premières fois à ma connaissance, son coeur est constitué d’un absolu de feuille de tabac comme il n’avait jamais été distillé puis la fragrance se pose sur un fond d’immortelle, de liatris et de notes miellées. Il ne pourrait pas mieux me convenir et pourtant, même si je le trouve absolument fabuleux, il n’est pas le Parfum d’Empire que je préfère. « Tabac Tabou » est clivant. On l’aimera ou non mais il est incroyable et il faut absolument le découvrir sur la peau. Pour moi, et je pèse mes mots, il fait partie des plus belles sorties de la parfumerie d’auteurs de ces dix dernières années.

 

 

2017 - La troisième année marque l’émergence de marques récentes et j’imagine que le choix est devenu de plus en plus difficile car il s’est porté sur une création vraiment originale composée par Fabrice Pellegrin pour Ross & Ross, « Mentha Religiosa ». Bizarrement, je ne l’avais pas senti avant cette année. Je ne sais pas pourquoi et je dois dire que j’ai beaucoup aimé d’emblée. Il fait la part belle à une formule courte et très épurée avec un magnifique départ de menthe et de bergamote qui oscille entre douceur et force puis vient un coeur résineux et poudré d’encens et d’iris pour, finalement, se poser sur un fond de muscs blancs et de cèdre. Ce qui m’a frappé le plus c’est l’incroyable évolution sur la peau. « Mentha Religiosa » est vraiment un parfum atypique de bout en bout. Là encore, je n’avais rien senti de pareil. En général, je trouve les créations de Fabrice Pellegrin, notamment pour Diptyque, assez belles mais plutôt classiques et là, c’est l’originalité qui me vient au bout des doigts pour le décrire. Je trouve que c’est un merveilleux parfum. Il me plait énormément et je pourrais tout à fait me l’approprier. Certes, on ne peut pas tout porter mais quand même. Quelle merveille ! Pour moi, « Mentha Religosa » est vraiment très inédit et n’est-ce pas ce que l’on demande à un parfum d’auteur ?

 

2018 - Cette année-là, j’ai eu une révélation olfactive grâce à la cérémonie des FIFI Award car a été récompensé sûrement l’un de mes parfums préférés de tous les temps alors que je ne l’avais pas aimé au premier abord mais si vous suivez ce blog, vous connaissez l’histoire. Créé par Isabelle Doyen pour Naomi Goodsir, « Nuit de Bakélite » est une interprétation absolument hallucinante de la tubéreuse en parfumerie. Tout dans cette composition respire l’originalité et les belles matières. Pour moi, c’est carton plein et le mot est faible. Le départ est très vert et pas forcément agréable avec des notes d’angélique croquante, de feuille de tomate lumineuse, de feuille de violette poudré et d’un galbanum qui renforce cette impression. Le coeur est un trio de notes entre le karo karoundé dont nous avons déjà parlé, l’iris et, bien évidemment, cette tubéreuse fantômatique, clivante et tout à fait surprenante. Sur ma peau, la fleur se fait verte, boisée, vénéneuse et d’une diabolique originalité. J’ai adoré ce parfum. Je le porte depuis déjà longtemps. Il a une tenue indestructible ! Il sent même dans mon placard boite fermée alors c’est vous dire le sillage ! En tout cas, pour moi, je récidive depuis que je l’ai porté la première fois, c’est vous dire s’il me plait !

 

 

2019 - C’est à Memo, fondée par Clara Molloy qu’est attribué le FIFI Award du meilleur parfum d’une marque de niche indépendante pour « Morrocan Leather » créé par Sophie Labbé pour la très belle collection Les Cuirs Nomades. Il est vrai que ce parfum est tout à fait original avec un départ de mandarine, de gingembre et de cyprès, un coeur d’iris très poudré, d’ylang-ylang et de fleur d’oranger puis un fond de vétiver, d’ambrofix, de résine de galbanum, de styrax, et fève tonka et de muscs reconstitués sur un accord cuir. Complexe, original, « Morrocan Leather » m’avait assez séduit dans un premier temps. Je l’ai même essayé à plusieurs reprises. Je trouve qu’il allie le versant ethnique avec un autre, beaucoup plus élégant qui lui permet de se faire facile à porter pour les amateurs de la signature Memo. Bizarrement, après avoir tourné pas mal autour, je suis passé à autre chose. J’ai bien aimé ce parfum et je comprends qu’il ait séduit le jury mais il n’est pas pour moi. C’est ainsi. Je n’ai pas trop cherché à savoir pourquoi.

 

2020 - Nous avons changé de décennie et vu l’explosion du succès des premiers parfums créés par. Quentin Bisch pour le jeune couturier français Marc-Antoine Barrois et, cette année 2020, c’est « Ganymède » qui reçoit le FIFI Award du meilleur parfum d’une marque de niche indépendante. Une fois encore, je comprends tout à fait le choix du jury même si ce n’est absolument pas un parfum que je pourrais porter. Je pourrais le décrire comme un marin boisé et épicé. Le départ est d’ailleurs une étrange envolée de mandarine et de safran, le coeur est construit sur le triptyque immortelle, osmanthus et violette puis le fond renforce la fragrance avec le cèdre, le cuir, les muscs, le patchouli et différentes notes boisées. Au premier abord, j’étais très séduit par le côté étrangement salé et salin de « Ganymède ». Je dois même dire que j’étais surpris de ne pas trouver de calone dans les notes principales. J’ai eu l’occasion de le porter et je ne le supporte vraiment pas autour de moi. Depuis, une version extrait est sortie avec un part plus belle à l’immortelle. Sur le papier il me plait également mais je n’arrive pas à le porter. Il y a quelque chose dans « Ganymède » qui me retient. Je ne sais vraiment pas pourquoi.

 

2021 - Cette année-là, j’ai découvert Voyages Imaginaires, la marque 100% naturelle lancée par Isabelle Doyen et Camille Goutal. Je dois le dire, tout comme pour Naomi Goodsir, j’ai un coup de coeur global pour toutes les créations et « L’Échappée Sauvage » qu’elles ont composé et qui a reçu le prix du meilleur parfum d’une marque de niche indépendante ne fait pas exception à la règle même si ce n’est pas celui que j’ai choisi… Il faut bien faire des choix même s’ils sont difficiles. Le départ est absolument classique avec des notes de figue, de baies roses, de bergamote et de citron mais alors le coeur d’amande et de narcisse, c’est quelque chose ! Je n’avais jamais rien senti de tel. Il y a une originalité entre le passage de la tête au coeur qui enrichit la fragrance que j’ai trouvé jubilatoire de découvrir. Le fond de cèdre, de gaäc et de sauge sclarée est poudré et presque vanillé avec la fève tonka et je dois dire que je me suis laissé séduire par l’originalité et l’extrême qualité des matières premières de ce parfum. Certes, je connais bien la signature de Camille Goutal et Isabelle Doyen et je suis très client de leur style mais là, elles ont réussi à encore me surprendre et m’attirer comme un aimant. « L’Échappée Sauvage », selon mes goûts, mérite très largement son prix et je trouve qu’il y a quelque chose d’addictif à le sentir et le re-sentir. Peut-être le porterais-je un jour…

 

 

2022 - L’an dernier, en 2022, j’ai été un peu plus dubitatif avec le choix du jury qui a décerné le FIFI Award du meilleur parfum d’une marque de niche indépendante à « Velvet Tonka » créé par Alexandra Carlin pour BDK Parfums. La parfumeuse s’est inspiré d’une corne de gazelle, la pâtisserie orientale bien connue. Le départ de fleur d’oranger et d’amande douce est donc vraiment très prenant dès la vaporisation et nous arrivons, c’est vrai, sur un accord de tabac et de rose puis un fond de tonka, d’ambre et de vanille. Pour moi, « Velvet Tonka » est vraiment « too much ». C’est un parfum vraiment gourmand, enveloppant, il m’a dérangé. Je dois dire que je ne suis pas vraiment attiré par ce genre de fragrances et que je ne pourrais absolument pas le porter. Je suis franc et je dis les choses. Je pense qu’il y avait peut-être, en 2022, des créations qui serait plus à leur place dans cette sélection mais l’olfaction est si curieusement subjective que je ne vois pas pourquoi je porterai un jugement. « Velvet Tonka » n’a pas su me plaire vraiment mais cela n’engage que moi.

2023 - Cette année, c’est à « Malamata » créé par Dominique Ropion pour la collection 100% vegan Les Simples de Ross & Ross et je dois admettre que je ne le connais pas. Je peux juste vous dire ce que publie la marque : « En tête, un festival de verdure : une fraîcheur menthe poivrée, galbanum vert, lentisque et feuilles de violette. Un cœur floral de rose, muguet et des notes végétales vertes, sauge et absinthe. Un fond multi facettes : foin, patchouli, accord ambre gris et musc. Un floral qui se pique de vert ». La marque ne communique pas sur la pyramide olfactive mais j’espère pouvoir, un de ces jours, sentir cette création que je ne connais pas et qui, j’en suis sûr, pourrait me surprendre à défaut de me plaire. C’est aussi cela le but du jeu.

 

 

Voilà, rendez-vous en 2024 pour la suite. Cette année, je me suis concentré sur le prix attribué au meilleur parfum d’une marque affiliée à un groupe, « Abyssae » créé par Daphné Bugey pour La Botanique de L’Artisan Parfumeur. C’est un parfum que j’aime particulièrement et je suis très content de ce prix.