Inspiration équestre ou parfums de cavaliers ?
De tous temps, l’équitation sous toutes ses formes ont inspiré les parfumeurs. Certains d’entre-eux comme Jean-Paul Guerlain en son temps ou, plus près de nous Marc-Antoine Corticchiato, ont étés ou non eux-même cavaliers émérites. Le plus curieux est le rendu que cela peut donner en parfumerie et les différences d’univers. Cet article m’a été inspiré par Jessica qui vient lire mon blog depuis le début et qui s’est remise à monter à cheval adulte après une éclipse de 20 ans. Alors, bien sûr, lorsqu’on pense odeurs autour de cheval, on peut imaginer des effluves de cuir, des notes animales et d’herbe coupée mais j’élargirai avec des côtés sombres comme le goudron de Norvège ou aromatique d’huile de laurier, des substances utilisées pour les soins et l’entretient des sabots. Alors, du pas au galop, j’avais envie de vous emmener, sans étriers, dans l’univers des créations inspirées par le cheval ou l’équitation à travers des parfums que je trouve très emblématiques du « style équestre ».
Le premier qui me vient à l’esprit vient, évidemment, de chez Hermès et qui porte le nom évocateur de « Galop ». Il est contenu dans un magnifique flacon tout à fait « dans le thème ». « Signé par le parfumeur d'Hermès Christine Nagel en 2016, Galop d'Hermès s'inspire de l'univers équestre et incarne la liberté en mouvement : Chez Hermès, j'ai découvert toute la féminité du cuir. J'ai composé Galop d'Hermès comme un tableau avec deux matières emblématiques d'Hermès et de la parfumerie : le cuir et la rose ». Ce parfum est, contre toute attente, un féminin et pourtant je pense qu’il pourrait tout à fait séduire les hommes. C’est un rose et cuir très finement travaillé mais sans sophistication excessive. Pour ma part, j’ai un peu de mal avec l’évolution de ce parfum car la note de safran, très animale, résiste à tout sur ma peau. Elle éclipse un peu le coeur de rose et d’osmanthus et le fond, assez propre, de muscs blancs et de cuir. Christine Nagel considère « Galop » comme l’une de ses premières créations majeures chez Hermès et il est vrai que, si segmentant soit-il, il a su rencontrer son public. Il n’est pas le parfum grand public de la marque que je préfère mais je raffole du flacon que je trouve positivement magnifique.
Il y, dans l’oeuvre de Marc-Antoine Corticchiato, surtout pour Parfum d’Empire, une inspiration équestre indéniable. Je pourrais vous parler des la conjugaison des notes gourmandes, de l’iris et du cuir dans « Equistrius » (qui était aussi le nom d’un de ses chevaux de saut d’obstacle mais je ne le trouve pas tellement évocateur. Je préfère me concentrer sur le très onéreux « Ruade » que je n’aime pas tellement mais dans lequel, outre son nom, on sent l’inspiration équestre évidente. Sorti l’an dernier, en 2023, il constitue un pari risqué car il ne s’adresse absolument pas à l’habituelle clientèle de la marque et la qualité des matières premières est incroyable. Le parfumeur explique : « J’ai découvert le oud il y a une trentaine d’années. A l’époque c’était un de mes amis chercheurs - brillant analyste des matières premières naturelles - qui m’en avait envoyé une petite fiole accompagnée de sa complexe fiche analytique et d’un petit mot manuscrit me disant qu’il était persuadé que cette note terriblement animale devrait me plaire. Effectivement ! Des années après, j’ai voulu travailler ce oud pour un de mes parfums. Je savais exactement comment je voulais l’utiliser. Mais très vite, on a commencé à le voir revendiqué partout et j’ai préféré mettre de côté ce projet qui me tenait à cœur. Pourtant, malgré la déferlante, on sent rarement le oud au naturel : la parfumerie occidentale s’est approprié la note avec des reconstitutions souvent collantes et écœurantes, en la castrant de la brillance de ses effets cuirés et de son envol très animalisé. La noblesse du oud me rappelle celle de quelques compagnons de route : Equistrius, Salomon, Santeano, Harissa, Dingo, Quoachem, Harold, Iris du Ronceray... et tant d'autres. Les chevaux ont toujours fait partie de ma vie. En me soutenant pendant la traversée des jours les plus sombres, ils m'ont plusieurs fois sauvé » et je n’ai pas grand-chose à rajouter si ce n’est que le côté très animal de ce parfum, de ces notes de oud, de narcisse, de foin, d’ambre gris et de muscs est un peu trop pour moi. J’aime l’idée artistique de la composition de ce parfum mais je ne pourrais pas le porter malgré la qualité du oud que je trouve majestueuse.
Marc-Antoine Corticchiato
« Une composition noire aux notes animales, Corpus Equus rend hommage à la nature noble et sauvage d’un étalon arabe, à son tempérament de feu. Être intrépide et fougueux à l’allure élégante, il fend le vent, laissant derrière lui une odeur de terre, foulée par son galop, mêlée au cuir chaud de sa selle qui frotte sur son dos ». Naomi Goodsir est également cavalière et je cois qu’elle est fascinée par l’indépendance et l’énergie du pur-sang arabe. Il me semble que l’on avait échangé sur le sujet lorsque nous nous étions rencontrés. C’est une jeune femme pas très grande, mince et sportive et le gabarit, un peu dans le même style de cette race de chevaux très prisée mais pas toujours pratique pour pratiquer une équitation de loisirs voire même sportive, je me suis dit qu’elle correspondait bien à son caractère enjoué et passionné et à son gabarit. Cela ne m’a donc pas surpris. En 2021, elle a confié à Bertrand Duchaufour, la composition d’un parfum sombre, goudronné, très inspiré du monde équestre. J’en parlais en introduction mais ce parfum, très cuir, m’évoque aussi le goudron de Norvège, un produit, comme un vernis, utilisé pour durcir la fourchette, soit le dessous du sabot du cheval, pour éviter qu’elle ne devienne molle et perméable. Pardon pour ce petit détail qui peut paraître hors-sujet mais je trouve qu’il faut préciser. Ce parfum s’ouvre directement sur les notes de coeur, une rose cachée, profonde, presque noire qui s pose sur un fond très profond de bois fumés, d’essence de bouleau, de cèdre, d’encens, de muscs, de patchouli et d’ambre. Pour moi, cette création de Bertrand Duchaufour est un peu double. Certes, il y a le côté animal qui rappelle l’univers équestre mais il y a aussi un côté sombre, goudronné, presque épicé et fumé. J’adore sentir ce parfum. Il est un coup de coeur olfactif. Cependant, je n’arrive pas à le porter. Il est surpuissant et je ne vois pas trop dans quelle circonstance me l’approprier. Il n’en n’est pas moins que je le considère comme un chef-d’oeuvre et que je ressens le vent qui attrape le visage lors d’un galop un peu rapide. Il est, à mon sens, une parfaite réussite.
Créé par Francesca Bianchi en 2019 pour Beaufort London, « The Black Knigh » m’évoque aussi l’équitation. Ce « Chevalier Noir » est à la fois animal et franchement inspiré de l’odeur d’une sellerie parfaitement entretenue. Avec « The Black Knight », Francesca Bianchi revisite une construction à la fois chyprée et cuirée. « The Black Knight est un parfum de cuir pour hommes et femmes. Le capitaine de la Renaissance Giovanni Dalle Bande Nere, ainsi que sa loyauté, son style de vie spartiate et son engagement moral ont inspiré cette création. Imaginez l'odeur d'un camp militaire : la douceur des arbustes sauvages, la fumée d'un feu de camp, l'odeur des punaises de cheval en cuir. Une rose poudrée – symbolisant sa maîtresse secrète – arrondit un cœur intense de vétiver, grand protagoniste de ce parfum ». Le parfum s’ouvre sur des notes d’armoise et de carvi puis vient un coeur de miel, de cire d’abeille, de rose bulgare, de narcisse et de beurre d’iris qui lui confère un côté très rond et enveloppant avec un versant très cuir, puis le fond de mousse de chêne et de patchouli est renforcé par les notes boisées du cèdre et l’opulence un peu végétale du patchouli. Francesca Bianchi exploite la facette très cuirée du narcisse tout en l’associant à un iris poudré et floral à la fois et à une très belle rose de Bulgarie qui lui confère une élégance particulièrement étonnante. « The Black Knight » est un vrai beau cuir. Il est même une parfaite réussite qui pourrait bien devenir un classique du genre. Francesca Bianchi donne une interprétation contemporaine d’un parfum à la pyramide olfactive bouleversée, voire même hybride et « The Black Knight » est déjà iconique.
Décidément, je suis complètement fan de Beaufort London. En redécouvrant plusieurs parfums de la marque, je me suis dit qu’il n’y en n’avait vraiment aucun que je n’aimais pas et que j’étais complètement sous le charme de cette marque britannique, originale, artistique et extrêmement contemporaine imaginée par Leo Crabtree et dont les jus sont réalisés par les talentueuses parfumeuses britanniques Julie Marlowe et Julie Dunkley. J’ai redécouvert le premier opus de la collection « Revenants » qui « présente une collection d'impressions olfactives de personnages du passé britannique. Personnages de notre histoire dont la présence persiste, subtilement » que j’avais senti pour la première fois à Paris à la boutique Sens Unique (je remercie d’ailleurs énormément Victoria de m’avoir orienté sur cette marque qui est un énorme coup de coeur) et que j’avais essayé il y a longtemps. Je me suis fait plaisir et je me suis dit que je pourrais le porter… aussi ! « Iron Duke est un hommage à Arthur Wellesley, duc de Wellington (1769-1852). Ici, parfumeur Julie Dunkley a créé un parfum étonnamment puissant avec des profondeurs de notes animales - une apparition du célèbre cavalier, homme politique, guerrier et pionnier de la mode de l’époque. » Indéniablement cette création atypique porte la signature de la maison que je trouve reconnaissable entre toutes. Profond, intense et complètement original, c’est un parfum cuiré avec une note de feuille de tabac et de rhum et il est construit autour de la poudre à canon comme plusieurs des fragrances de la maison. Il a une facette animale mais je ne la sens pas trop. En revanche, je retrouve l’odeur du savon glycériné que l’on utilise pour entretenir les cuirs d’une sellerie. Ayant grandi dans le monde de l’équitation, je ne peux qu’être sensible à cette odeur que je n’ai pas identifiée tout de suite mais qui, maintenant que je me suis penché sur la pyramide olfactive, me paraît complètement évidente au coeur de la composition. Malgré l’inventivité et l’originalité de ce jus, je retrouve ainsi une effluve familière, liée à l’enfance et à l’adolescence que je n’avais pas sentie depuis des années. Alors « Iron Duke » est-il un parfum de cavalier ? Au premier abord, j’aurais plutôt dit un parfum de pirate mais c’est vrai que pourquoi pas. En tout cas, il n’est pas linéaire et, je me rends compte, alors que je le porte, qu’il a une évolution tout à fait extraordinaire sur ma peau. Il prend presque des accents de feuille de violette et d’agrumes perdus au milieu de notes parfois liquoreuses et souvent fumées. C’est un parfum complexe, audacieux et à ne pas mettre entre toutes les peaux car je pense qu’il n’est absolument pas consensuel. Il faut vraiment l’apprécier et adhérer à l’esprit tout à fait singulier de Beaufort London pour l’apprécier.
Voilà, il y a bien évidemment d’autres parfums qui m’évoquent le cheval et l’art équestre mais il ne me sont pas forcément venus à l’esprit en écrivant. J’espère que ce pont tracé entre art sportif, animal et parfum vous aura intéressé. En tout cas, pour ma part, j’ai pris plaisir à me replonger dans ces parfums denses et profonds qui me rappellent un animal que je connais très bien.
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