Isabey, entre tradition et parfumerie d'auteurs
« Isabey est une Maison de parfum d’« art et essai. Luxe, rareté, élégance et tradition avec une touche de modernité, sont la quintessence de cette maison niche et confidentielle. Sa philosophie peut se résumer comme suit : « un parfum ne doit pas seulement être une image ou un concept mais plutôt une œuvre d’art, une création d’excellence avec sa propre histoire à raconter ». Les lignes contemporaines résultent de la collaboration entre Rania Naim, directrice artistique et Jean Jacques, parfumeur. Tous deux puisent leur inspiration dans le patrimoine riche de la maison, les codes art déco, les essences rares et les matières nobles. », telle est la présentation que la marque fait de son travail. Je suis, depuis longtemps très impressionné par la qualité des parfums Isabey et particulièrement par leur travail des fleurs, de leur mise en valeur et des savants arrangements que les parfumeurs de la maison savent inventer pour créer des parfums rares, intenses, d’une élégance absolument intemporelle comme un smoking de haute couture qui s’adapte avec une déconcertante facilité à de nombreuses personnalités. J’ai donc fait des recherches pour écrire cet article et je remercie chaleureusement Emma (Emma Gardénia) qui est une fidèle lectrice de ce blog et qui m’a fait parvenir une mine d’information sur l’historique de la marque.
L’histoire de la marque :
Créée par le baron Henry James de Rothschild, la marque voit le jour en 1924. Son nom est inspiré par celui du peintre miniaturiste français Jean-Baptiste Isabey et, dès 1925, elle reçoit une médaille d’or à l’exposition des Arts Décoratifs de Paris pour l’un de ses coffrets appelé « Collier Isabey » créé par le maître verrier André Jollivet. Il faut dire que, outre le jus, le parfum, à l’instar de tous ceux de la marque, est présenté dans un flacon digne de la plus haute joaillerie. Le soin était confié à des artistes comme René Lalique ou encore Julien Viard, de créer des pièces uniques afin de pouvoir « Habiller » les parfums de la maison. Les premiers sortis, furent «La Route d’Émeraude », « L’Ambre de Carthage », « Lys Noir », « Le Chypre Celtique » et « Le Bleu de Chine » et, alors que la concurrence entre les maisons de parfum fait rage entre Guerlain, Coty et d’autres, Isabey, dans les années trente, tire glorieusement son épingle du jeu. Malheureusement, la guerre va marquer un coup d’arrêt à la vie de la maison qui devra fermer en 1941. Il faudra attendre 1999 pour que les parfums soient réédités par la société Panouge. Aujourd’hui, la marque compte huit eaux de parfum dont deux masculins ainsi que trois extraits qui reprennent les codes originaux dans la maisons et qui sont présentés dans un coffret perle, j’ai nommé « Perle de Gardénia », « Perle de la Route d’Émeraude » et « Perle de Lys Noir ». Les autres parfums sont des recréations réalisées par des parfumeurs contemporains, j’ai déjà cité Jean Jacques, qui est, depuis peu, le nez attitré de la maison Caron mais également Catherine Selig et Luca Maffei dont je connaissais déjà un peu le travail notamment pour Perris Monte Carlo. Pour ma part, j’ai découvert cette marque il y a une dizaine d’année et je dois dire que son élégance et son côté précieux dans le sens « bijou » m’ont immédiatement impressionné. Je porte, d’ailleurs, depuis peu, et je vous en ai déjà parlé, « Sir Gallahad » que j’aime vraiment énormément. Tous les parfums Isabey sont des fleuris, sauf « L’Ambre de Carhage » mais nous y reviendrons. J’ai décidé de détailler chacune des créations sauf « Prends-Moi (Take Me) » que je n’ai pas encore découvert. Allons nous promenez dans ce jardin rêvé et parfumé qui va nous envoûter et, pourquoi pas, nous séduire irrémédiablement.
Les créations :
Le premier parfum d’Isabey que j’ai « rencontré » il y a une dizaine d’années, je vous en ai abondamment parlé, est « Gardénia ». Soliflore envoutant, il a été réédité et je pense reformulé en 2006. C’est un parfum que j’aime particulièrement car il restitue parfaitement, à mon sens, l’odeur de la fleur dont il porte le nom et que j’ai toujours aimée. Pour moi, à l’instar de « Datura Noir » de Serge Lutens, « Gardénia » a quelque chose de diaboliquement vénéneux et d’addictif qui me donne envie, à chaque fois que je mets mon nez dedans, de le sentir et le re-sentir encore et encore. Je l’imagine tout à fait sur une femme des années trente, élégante, britannique par exemple, et mêlant l’odeur du gardénia à un simple tailleur en tweed bien coupé ou à une robe du soir noire, longue et soyeuse. Pour moi, il est la quintessence d’un chic aujourd’hui disparu pour laisser place à une certaine modernité. Je ne trouve pas que « Gardénia » soit facile à porter. Il n’est pas le parfum de tout le monde mais, lorsque la personne qui le choisit se l’approprie, c’est une merveille et il est, pour moi, sans doute l’un des plus beaux fleuris que j’ai senti dans ma vie. Il m’a toujours fait envie mais, et même si les parfums n’ont pas de genre, je le trouve difficile à porter pour un homme et, de toute manière, un peu trop capiteux pour moi. Il n’en reste pas moins que j’aime remettre mon nez dedans à la première occasion. Ses notes de tête de mandarine et d’ylang ylang nous mettent déjà dans une ambiance envoutante et le coeur de rose de Bulgarie, de jasmin, d’iris et de gardénia nous emporte vers un fond de santal précieux et d’ambre gris posé sur des notes musquées. Il est absolument parfait !
Lancé en 2009, « Fleur Nocturne » surfe sur la même vague. C’est un bouquet floral absolument inédit et on retrouve le gardénia si cher à Isabey au coeur d’une composition plus sombre, plus singulière, plus mystérieuse. Je l’imagine bien, porté lors d’une soirée d’été, dans un jardin, par une femme séductrice. J’ai un ami qui dit toujours qu’il lui évoque une espionne de roman. Pour moi, « Fleur Nocturne » est une trompe-l’oeil olfactif. Il est tout en clair obscur, tout en finesse et son côté « dark » nous entraîne dans un océan de fleurs rêvées. Il mêle avec adresse notes florales et accents fruités. En tête, on retrouve la mandarine, la fleur d’abricotier et la pêche blanche qui évolue sur un coeur de jasmin et de magnolia construit autour du magnolia puis, en fond le patchouli et la vanille rendent le parfum très dense, très capiteux, avec des accents orientaux que je trouve assez uniques dans ce genre de composition. J’aime beaucoup « Fleur Nocturne », je trouve qu’il est complètement indémodable. Son élégance est presque un peu subversive et mystérieuse.
« Un parfum pour ceux qui vivent leur vie comme un voyage. La Carthage antique était un comptoir maritime accueillant des navires chargés de senteurs précieuses et rares en provenance de pays lointains. De cette quête des horizons inconnus et mystérieux, Isabey créa un parfum unique pour l’homme qui sait comment dompter ces contrées sauvages. “L’Ambre de Carthage” est un masculin moderne symbolisant l’esprit des longs voyages, faits de défis et d’aventures. ». C’est ainsi que la marque décrit ce premier masculin sorti en 2011. Ceci dit, je trouve, pour ma part, complètement mixte. C’est le seul oriental de la maison à ce jour et il est construit autour d’une note d’ambre assez légère. En tête on retrouve un accord thé au jasmin relevé par une bergamote à la fois douce et fraiche et un bois de bouleau un peu « à l’ancienne » que j’aime beaucoup. L’absolu de ciste associé à l’osmanthus très cuiré et pas du tout abricoté et à un patchouli discret constituent un coeur ultra classique et intemporel. Le fond, construit autour de l’ambre avec des notes de bois de santal, d’encens et de muscs pose le parfum et lui donne vraiment son identité. Pour moi, « L’Ambre de Carthage » est un beau parfum mais, comme vous le savez si vous lisez ce blog, je ne suis pas tellement adepte des orientaux et j’ai un peu de mal à le porter. De plus, sur ma peau, il est assez éphémère et je l’ai un peu écarté. Ceci dit, j’adore le sentir.
Créé en 1924, « La Route d’Émeraude » a été rééditée et sans doute reformulé en 2012. C’est un ambré fleuri qui pourrait être un peu le pendant féminin de « L’Ambre de Carthage ». Délicat, floral et très sophistiqué, je le trouve presque « exotique » et il est, pour moi, une invitation au voyage indéniable. La marque parle évidemment des pays d’Orient, lointains et mystérieux mais, pour moi, il symbolise un peu également des îles sauvages et perdues au milieu d’un océan car je trouve que le bouquet floral qui constitue son coeur est complètement inédit. Le départ de rose, de bergamote et de cannelle le rend déjà très intriguant. Puis on arrive aux notes de coeur, très envoûtante avec la fleur d’oranger, la tubéreuse, l’ylang ylang et surtout un jasmin sambac omniprésent qui se repose sur un fond ambré, vanillé et musqué. Je trouve que ce parfum est presque une version sophistiquée de « Gardénia » et de « Fleurs Nocturnes ». En 1924, il était présenté dans un flacon facetté qui symbolisait les splendeurs de l’Extrême Orient. J’ai toujours trouvé que ce parfum était hors du commun.
« Lys Noir » est également une réédition d’un parfum de 1924 et il a fait son apparition dans la collection Isabey en 2014. Il est complètement hors-norme. La marque le décrit ainsi : « Tout comme Le « Gardénia », La « Route d’Emeraude » ou encore Le « Mimosa, » « Lys Noir » est un des premiers parfums d’Isabey à avoir contribué au prestige de la maison. Il a été repensé tout d’abord en 2014 et maintenant en 2017 tout en gardant les codes art-déco emblématique d’Isabey. « Lys Noir » est un parfum mystérieux, désirable, pour les femmes élégantes au style glamour et avec du charme, laissant derrière elles une signature inoubliable partout où elles passent. ». Élégant et raffiné, il n’oublie jamais d’être très original avec un départ de poivre noir, un coeur de lys, de tubéreuse construit avec l’amertume du narcisse et la facette poudrée de l’héliotrope. Le fond, boisé, avec de l’ébène, du bois de santal et du patchouli est très sombre, très « dark ». Je pense que je pourrais le porter sans problème. Il m’a toujours énormément séduit.
Je connais un peu moins « Tendre Nuit » et il m’a fallu le re-sentir avant d’écrire mon article. Créé par Jean Jacques en 2018 est une rose cachée, étonnante et finalement toute aussi addictive que les autres. Le départ d’amande et de poivre rose est très original et le coeur entre huile essentiel et absolu de cette reine des fleurs se révèle très intense et nous conduit vers un fond de bois de cachemire, d’ambroxan, de benjoin de de vanille. Je trouve que cette rose est, une fois de plus, complètement hors norme et qu’elle nous emmène dans un univers très doux sans être doucereux. Aujourd’hui, ce genre de parfum est appelé floriental et je trouve ce terme tout à fait approprié. Maintenant que j’ai senti premières créations de Jean Jacques pour Caron, j’identifie tout à fait sa signature dans « Tendre Nuit ». Je trouve que ce parfum est, sans aucun doute le plus moderne des féminins et j’aime beaucoup sa construction. Ceci dit, il est vrai que je le trouve un peu éloigné de mes goûts même si j’en apprécie son côté composé, il me fait un peu trop sortir de ma zone de confort. En revanche, pour celles et ceux (car je le trouve tout à fait portable par des hommes) qui veulent un parfum d’Isabey plus contemporain, il est parfaitement idéal, il faut le dire.
Étant donné que j’ai déjà largement évoqué « mon » parfum Isabey, « Sir Gallahad », je ne vais pas développer une description à nouveau mais je vous engage à vous promener au fil des pages de ce blog car vous allez le croiser, soyez-en sûr et quant à « Prends-Moi (Take Me) », il me faudra le découvrir avant de vous en parler mais son nom est tout un programme. Il fait partie, et je l’ai dit, des nouveautés de ce printemps que je brûle de sentir et, dès que j’en aurai l’occasion, je vous en ferai une revue. Pour résumer mon propos sur Isabey, je dirai que de marque luxueusement classique et surannée, elle est devenue, depuis sa re-création, une maison incontournable de la belle parfumerie et qu’elle propose des fleuris parmi les plus beaux que je n’ai jamais senti. Isabey est à découvrir et redécouvrir et vraiment, passer à côté serait dommage.
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