Passion Parfums

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Jacques Guerlain, parfumeur majeur du XXème siècle

Jacques Guerlain - SYLVAINE DELACOURTE PARIS

 

 

 

Jacques Guerlain (1874-1963) a été, sans aucun doute, l’un des parfumeurs les plus prolifiques et les plus inventifs du XXème siècle. J’avais déjà un peu évoqué son travail dans un article sur la création qu’il avait faite et offerte à Sarah Bernardht mais je ne m’étais pas encore penché sur son oeuvre. Je ne peux, évidemment parler que des parfums qui sont arrivés jusqu’à nous et dont j’ai pu sentir ou porter les dernières versions.

 

Qui était Jacques Guerlain ?

 

« Jacques Edouard Guerlain, né le 7 octobre 1874 et mort le 2 mai 1963, était un parfumeur français, le troisième et le plus célèbre de la famille Guerlain. Parmi les parfumeurs les plus prolifiques et influents du XXe siècle, plus de quatre-vingts de ses parfums nous sont parvenus, bien que certaines estimations suggèrent qu'il en aurait composé près de quatre cents1. Parmi ses plus célèbres parfums se trouvent L'heure bleue (1912), Mitsouko (1919) et Shalimar (1925). Bien que son travail lui ait valu la notoriété universelle, une considérable fortune et des honneurs et la légion d’honneur. Guerlain évitait son public et n'a jamais accordé d'interview. De fait, son processus créatif et sa vie privée sont très peu connus. ». Source Wikipédia. Afin de compléter ces notes biographiques, j’ajouterai que, à l’instar des parfumeurs de la maison L.T. Piver, Jacques Guerlain a beaucoup utilisé les molécules de synthèses qui permettaient, dès le début du XXème siècle, d’enrichir la palette du parfumeur et d’améliorer la tenue des créations lancées sur le marché. Il a également été influencé par Creed et Molinard pour créer et réinventer les orientaux ambrés fleuris qu’il a su, dès les années 20, les populariser notamment avec « Shalimar » en 1925 qui a remporté immédiatement un succès important. Je peux dire également que Jacques Guerlain a bien évidemment été précurseur dans son domaine et ne s’est jamais fermé aucune porte, créant des parfums tous azimuts, explorant toutes les familles olfactives. Durant plus d’un demi-siècle, il a imposé sa vision de la parfumerie et a influencé beaucoup de nez pour lesquels ses créations sont, non seulement une inspirations mais, souvent, également liés à leurs premières émotions olfactives.

 

Influences

 

En écoutant des conférences, des interviewes des plus talentueux parfumeurs actuels, en lisant des articles sur eux, je me rends compte que beaucoup ont, dans un coin de leur mémoire olfactive, « leur » parfum créé par Jacques Guerlain. Stéphanie Poulage m’avait même confié que « L’Heure Bleue » (cette création revient souvent d’ailleurs dans les témoignages) avait provoqué chez elle, lorsqu’elle l’a découvert, une telle émotion, qu’elle a conservé son premier flacon comme un trésor longtemps et que c’est sans doute ce qui lui a donné envie de faire de la parfumerie son métier sans pour autant s’en inspirer dans ses créations. Christopher Sheldrake revendique avoir été influencés par ce parfum qui lui a inspiré « Cuir Mauresque » pour Serge Lutens qui est, indéniablement, une interprétation cuirée de l’esprit de « L’Heure Bleue ». Dans un autre registre, lorsqu’il a créé « Musc Ravageur » pour les éditions Frédéric Malle, Maurice Roucel a donné « sa » version de l’oriental ambré fleuri « à la Jacques Guerlain », le rendant sulfureux, charnel et d’une opulence absolument étonnante qui peut même le rendre dérangeant.L’influence de Jacques Guerlain se remarque, bien souvent, par une certaine parenté entre ses parfums et les créations originales que l’on peut sentir aujourd’hui. Que ce soit fait consciemment et assumé ou parce que son travail est devenu, avec le temps, un point de référence de la création, je trouve que c’est très net. Je pourrais citer par exemple, « Iris de Nuit » de James Heeley auquel je trouve une parenté avec « Après L’Ondée » ou encore « Coco » de Chanel qui, par certains côtés me rappelle le côté très vanillé de « Shalimar ». De toute manière, l’inspiration des parfumeurs ne vient jamais de nulle part comme celle de tous les artistes d’ailleurs et il est normal que de grandes créations, novatrices pour leur époque soient dans un coin de leur tête.

 

 

 

Quelques incontournables

 

Créé en 1904, « Mouchoir de Monsieur » est une version plus chyprée de « Jicky » créé par Aimé Guerlain et qui était relativement souvent porté par des hommes. Au départ, Jacques Guerlain l’avait, comme son nom l’indique, imaginé uniquement pour parfumer les mouchoirs des hommes et, succès aidant, au cours des décennies, il est devenu un parfum à part entière. Sa concentration eau de toilette le rend extrêmement facile à porter. L’envolée de bergamote est associée à des notes de lavande et de verveine et on évolue sur un coeur de patchouli, de néroli, de cannelle, de rose et de jasmin construit autour de la fève tonka. Le fond poudré d’iris, légèrement ambré et vanillé repose sur la traditionnelle mousse de chêne. J’ai porté ce parfum assez longtemps et je dois dire que, si ça tenue est un peu trop brève pour mon goût, je lui garde un certain attachement et je suis toujours ravi de le re-sentir. Il est possible que j’y revienne un jour car je le trouve moins modifié que « Jicky ». J’espère que la maison ne l’arrêtera pas car il fait partie, à mon sens, du patrimoine olfactif à la française.

 

 

 

« Après l’Ondée », créé en 1906, a toujours été l’un de mes parfums préférés de la maison Guerlain toute catégorie confondue et je regrette vraiment que le groupe LVMH ait décidé de le supprimer du catalogue cette année car il reste, pour moi, mythique et tellement finement ciselé qu’il n’a pas son pareil dans toute la parfumerie française et je pèse mes mots. On pouvait lui reprocher son manque de tenue évidemment mais la beauté de la création me faisait excuser ce désagrément. J’ai, évidemment évoqué ce parfum dans mon article sur l’association de la violette et de l’iris mais je ne pouvais pas consacrer un post sur Jacques Guerlain sans l’évoquer tant je l’ai aimé. La formule est très complexe et je ne vais pas détailler sa pyramide olfactive car je trouve qu’il en ressort évidemment la dualité entre la violette et l’iris qui rivalisent de facettes poudrées et sont renforcées par le mimosa, la rose et l’héliotrope qui en font ce cocon addictif et d’une rare élégance. La note de jasmin en coeur lui donne ce je-ne-sais-qui de floral en plus et vraiment je trouve que son originalité pour l’époque (il était à contre-courant de ce qui se faisait) et la qualité de sa création en font l’un des plus beaux parfums de tous les temps.

Apres l'Ondee Guerlain parfum - un parfum pour femme 1906

 

 

Je ne vais pas, encore une fois, revenir sur « L’Heure Bleue » que j’ai très souvent évoqué au fil des pages de ce blog et qui est, évidemment, l’un des chef-d’oeuvre de Jacques Guerlain car je ne saurais vraiment pas m’arrêter et j’aurais l’impression de radoter. Il y a d’autres parfums que j’aime de cette époque et notamment « Mitsouko », créé en 1919 et dont j’avais parlé tout au début de ce blog dans mon article sur les parfums chyprés. Il est, pour moi, un autre chef-d’oeuvre de Jacques Guerlain et il faut bien le dire, je trouve que je temps n’a aucune prise sur lui. Il y a bien des années, je l’ai porté de manière tout à fait fortuite et je dois dire que je l’ai vraiment adoré. Il coche toutes le cases et il a tout ce que j’aime. C’est un chypre certes, mais un chypre fruité, inédit, envoûtant et addictif. Son élégance est intemporelle et, s’il est estampillé féminin, de nombreux hommes tels Charlie Chaplin par exemple, se le sont appropriés. Il existe dans les trois concentrations mais j’avoue que c’est l’eau de parfum que je préfère notamment à cause de cette note de lilas et de jasmin en coeur qui s’harmonise parfaitement avec la pêche et l’ylang ylang. Certes, il faut aimer l’association bergamote, mousse de chêne et patchouli mais pour ma part, je trouve que « Mitsouko » réussit le tour de force de l’équilibre parfait.

 

 

Best de la maison Guerlain et de la parfumerie en général, « Shalimar », lancé en 1925 est, il faut bien le dire, un parfum dont le succès ne s’est jamais démenti. Il est le premier à comporter dans sa formule la fameuse guerlinade, overdose de vanille de synthèse obtenue « par accident » par Jacques Guerlain. Il est aussi sans doute mon premier souvenir d’odeur puisqu’il était l’un des deux parfums de ma mère. Si célèbre que la chanteuse Régine en parlera dans sa chanson « Patchouli Chinchilla » comme du symbole de la femme élégante (presque trop élégante) et qu’il a su traverser (tant bien que mal) les époques. « Shalimar » est l’archétype de l’oriental ambré fleuri, la référence entre-toute. Pourtant, il a été de nombreuses fois reformulé et je dois dire que remplacer la douce bergamote en tête par un citron omniprésent et acide n’est pas la meilleure chose que la marque ait faite. Je ne reconnais plus que très difficilement le parfum que j’ai senti toute mon enfance et je trouve qu’il est passé de joyau de la parfumerie à banal oriental vanillé. Quel dommage ! D’aucun pourraient parler de massacre et je crois qu’ils ne seraient pas loin de la vérité (ceci dit, c’est aussi le cas d’  « Habit Rouge » que j’ai porté très longtemps) et il m’a fallu faire « le deuil » de ce parfum que j’ai tellement aimé. De reformulations qui le rendent de plus en plus cheap en déclinaisons plus ou moins éphémères, il est l’une des « vaches à lait » de la marque et je ne peux m’empêcher de trouver cela très dommage.

 

 

"Liu" fait partie des Collections Exclusives, fragrances destinées aux passionnés de parfums rares, sensibles aux matières premières nobles et au raffinement de tous les détails. Les Collections Exclusives sont disponibles en France exclusivement dans les Boutiques parisiennes Guerlain, et désormais sur votre Boutique en ligne Guerlain. Grand amateur d’Opéra, Jacques Guerlain ne pouvait que se laisser envoûter par Turandot de Puccini. Difficile de résister au charme de Liu, une femme aussi belle qu’héroïque, pour qui il compose ce poème olfactif où les aldéhydes interprètent l’un de leurs plus beaux rôles. Elles dominent la tête et annoncent, telles des cymbales, l’entrée de la rose et du jasmin qui déploient avec brio le grand air de la sensualité. Comme une oeuvre musicale, le parfum se doit d’avoir un prolongement calme et voluptueux. Pari tenu car, très vite, la vanille accorde ses accents charnels à ceux de l’iris et des bois. ». Telle est la manière dont la marque présente « Liu » créé en 1929 mais je me suis laissé dire qu’il était également né d’un pari avec Ernest Beaux qui était en fait un défi. Jacques Guerlain devait recréer le « N°5 » de Chanel et Ernest Beaux « Shalimar » et celui qui réussissait aurait le droit de lancer le parfum. Mythe ou réalité je ne sais pas mais je dois dire que je trouve l’anecdote géniale.

Vol de Nuit Guerlain parfum - un parfum pour femme 1933

 

 

 

Parmi les parfums mythiques créés par Jacques Guerlain et qui sont venus jusqu’à nous, il y a « Vol de Nuit », lancé en 1933 et qui était si cher à une autre chanteuse, Barbara, qui l’a porté énormément et qui était très cliente de la maison. Pour l’anecdote, son nom lui a même inspiré le titre d’une chanson qu’elle créera sur la scène du théâtre Mogador en 1990. C’est un oriental boisé « très Guerlain » dans sa version eau de toilette. L’envolée d’agrumes, de narcisse et de fleur d’oranger nous emmène sur un coeur d’iris, de narcisse, de violette, de jasmin et de rose. Le fond est épicé et poudré par une racine d’iris associée à la mousse de chêne et aux muscs blancs. J’aime beaucoup ce parfum que je trouve particulièrement chic. En revanche, j’ai eu l’occasion de sentir la version extrait il y a quelques années et je l’ai trouvé très différent. De ce fait, je n’ai pas accroché. Je lui préfère la trop fugace eau de toilette. Je pourrais facilement porter « Vol de Nuit » même si c’est un féminin mais je trouve sa tenue vraiment trop limitée. Il faudrait s’en doucher pour le faire tenir plusieurs heures. Il reste, au demeurant, l’une des très belles créations de Jacques Guerlain et il faut vraiment aller le découvrir lorsque l’on ne le connait pas car il est une véritable réussite.

 

Barbara : les dernières années

Barbara a créé sa chanson "Vol de Nuit" dont le titre lui a été inspirée par le nom de son parfum de Guerlain sur la scène du théâtre Mogador en 1990. La chanteuse était une "guerlinophile" depuis les années 60.

 

 

 

Il a existé, bien évidemment nombre d’autres créations de Jacques Guerlain qui ne sont pas venues jusqu’à nous et qui ont, parfois, des noms étonnantes comme « Verser Troubler » en 1911 ou encore « Candide Effluve » en 1922. Certains d’entre-eux sont accessibles aux archives de l’Osmothèque de Versailles et j’avoue que j’aimerais vraiment y avoir accès afin de les découvrir. Un jour où l’autre, je m’organiserai une visite dans ce temple de la mémoire olfactive collective. Aujourd’hui, j’ai voulu rendre un hommage aux créations de Jacques Guerlain que je connais et que j’ai parfois porté. C’est une promenade merveilleuses dans le travail de l’un des plus grands parfumeur français et je trouvais incontournable de m’y pencher.

 

 

 



28/06/2020
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