Passion Parfums

Son nom est définitivement associé à la maison Chanel dont il a été le parfumeur attitré entre 1978 et 2013, date à laquelle il a passé progressivement la main à son fils Olivier tout en continuant de travailler sur la collection des exclusifs. Lorsque l’on prononce le nom de Jacques Polge, et même si, à partir du début des années 80, on reconnait l’influence de Christopher Sheldrake notamment dans les orientaux, on pense à tous les chefs d’oeuvres qu’il a créé ou réactualisés pour la marque. Discret, presque timide en interview, Jacques Polge était un peu l’un des hommes de l’ombre derrière des jus dont le succès est immense et ne s’est jamais démenti. Même s’il a signé ponctuellement des parfums pour d’autres maisons (je pense, entre-autre à « Diva » pour Ungaro), il demeure, pour moi, le parfumeur de Chanel à qui l’on doit nombre de chefs d’oeuvres. Je ne vais pas évoquer la réactualisation des parfums d’Ernest Beaux pour la collection des exclusifs mais seulement quelques parfums qu’il a signé et, qu’ils soient mythiques ou plus confidentiels, m’ont plu ou tout du moins marqué depuis des années.

Christopher Sheldrake et Jacques Polge

Le premier parfum qui me vient à l’esprit est le très singulier « Antaeus » qu’il a signé pour la collection homme de la maison en 1981 et que j’ai re-senti il y a quelques temps après l’avoir un peu oublié et que je trouve particulièrement étonnant. C’est un chypré cuiré sans cuir, un parfum inclassable qui s’ouvre sur des notes de bergamote et de myrrhe avec des notes de sauge sclarée et de coriandre ainsi que d’autres agrumes. Le coeur de rose est construit avec du thym et du basilic mais aussi du jasmin et le fond de mousse de chêne et patchouli est renforcé par le castoréum synthétique très présent et une note de ciste. À cette époque où l’aromatique fougère était de mise pour les hommes, Jacques Polge se fond dans l’univers Chanel et innove. C’est un parfum très différent de tout ce que j’ai pu sentir dans toute ma vie. J’ai beaucoup aimé ce parfum même si je ne me vois pas forcément le porter. Je le trouve presque trop audacieux pour moi. Il est résolument intemporel et vraiment, il n’a pas pris une ride.

 

 

 

Je n’ai jamais aimé « Coco », que Jacques Polge a signé (même si je trouve que l’on retrouve beaucoup le style Sheldrake derrière) en 1984, mais je lui reconnais vraiment une qualité de création totale. La rose de Bulgarie, dès l’envolée, se complexifie avec des notes de pêche et de mandarine mais aussi de coriandre et de jasmin. Le coeur est épicé et opulent avec le mimosa, le trèfle et surtout le clou de girofle et le parfum se pose sur un fond d’ambre, de ciste, de fève tonka, de civette, d’opoponax et surtout de bois de santal presque crémeux. C’est un oriental qui peut sembler classique mais, pour ma part, il est surtout sulfureux, difficile à porter car il peut vite faire « cocotte » ce qui m’évoque les débuts de Gabrielle Chanel et j’ai tendance à entendre une petite chansonnette quand je le sens, j’ai nommé « qui qu’a vu Coco dans l’Trocadéro » qui est à l’origine du surnom de Mademoiselle. J’ai aussi en tête la sublime publicité de Jean-Paul Goude avec Vanessa Paradis. Reste que je ne supporte que très difficilement « Coco ». Il faut vraiment le sentir et le découvrir. Son succès est tel que plusieurs déclinaisons en ont été lancées mais l’original reste le moins consensuel.

 

 

 

J’ai un vrai attachement pour « Égoïste » lancé en 1990 et qui est comme une version réactualisée de « Bois Noir » lancé trois ans auparavant qui avait été lui-même très largement inspiré de « Bois des Isles », un ancien parfum de la maison qui allait être reformulé et rééditer dans la collection des exclusifs presque vingt ans plus tard. Mais revenons à « Égoïste » qui a été mon premier parfum. C’est un oriental avec un départ de palissandre et d’acajou construit autour de la coriandre et de la mandarine de Sicile. Le coeur est épicé par la cannelle mais reste très rose et oeillet et le fond est une overdose de bois de santal et de tabac arrondi par la vanille et l’ambre. On reconnait, une nouvelle fois, l’audace de Christopher Sheldrake derrière les idées plus classiques de Jacques Polge. Il en résultera un parfum « plus-que-parfait », d’une modernité absolue et qui va tout de suite rencontrer son public. Jacques Polge a, une fois de plus, signé un parfum qui va devenir mythique. J’ai également un superbe souvenir d’une autre publicité réalisée par Jean-Paul Goude pour son lancement que j’ai adorée.

 

 

 

Parmi les parfums marquants créés par Jacques Polge, je citerai quand même un dérivé. Celui du « N°19 » baptisé « Poudré » lancé en 2011 et que je préfère de loin à l’original. Il porte bien son nom. C’est un parfum un peu vert avec des notes de férule gommeuse et de néroli en tête mais un coeur d’iris utilisé en grande quantité et de jasmin et un fond de vétiver et de fève tonka poudré encore un peu plus par les muscs blancs. C’est un floral musqué et sans doute l’un des premiers vraiment notables sortis sur le marché et en particulier dans le circuit sélectif (on a aujourd’hui les parfums de Narciso Rodriguez mais ils n’existaient pas encore lorsque Jacques Polge a créé le « N°19 Poudré ». Je trouve ce parfum particulièrement élégant et réussi même si je regrette son manque évident de tenue. Il est estampillé féminin mais je le trouve très facile à porter pour un homme. J’y ai renoncé car, sur ma peau, il s’évapore tout de suite.

J’avais envie de parler d’un parfum de la collection des Exclusifs totalement créé par Jacques Polge et il m’a semblé que « 31 rue Cambon » lancé en 2016 était parmi les plus représentatifs du talent du parfumeur. L’ouverture de bergamote est tout de suite relevé par le poivre noir très présent et une note très verte. Le coeur d’iris et d’ylang ylang est très opulent et particulièrement ciselé avec des touches de rose et le fond de patchouli donne toute sa profondeur au parfum. Attention « 31 rue Cambon » est un parfum pour soi, il n’a ni une grosse tenue ni un sillage opulent. Il représente vraiment le talent de Jacques Polge et porte sa signature toute en légèreté que l’on a pu observer dans la série des parfums « Chance » et « Cristalle » que je ne connais pas très bien mais que j’ai également su apprécier. « 31 rue Cambon » est un très joli parfum « moderne » de la collection privée. J’ai beaucoup aimé le découvrir.

Évidemment Jacques Polge a signé de nombreux autres parfums même s’il ne les a pas tous réalisés entièrement mais il m’a fallu faire un choix. J’ai aimé me replonger dans cet univers très passionnant et typique du chic à la française de la maison. Le style Chanel a aussi pris un virage sous l’égide du créateur puis de son fils avec « Bleu » mais je ne suis pas très fan donc je passerai là-dessus. Je préfère parler de ce que je connais et de ce qui m’attire le plus.

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