Je n'aime pas la fleur d'oranger mais ça j'aime
Par boutade, j’ai l’habitude de dire que je n’aime la fleur d’oranger que dans les madeleines mais certainement pas en parfumerie. Je dois bien admettre que c’est un peu vrai si c’est une matière première très employée, je la préfère, et de loin, comme support à une composition complexe. Par exemple, j’ai énormément porté la version de « Narcisse Noir » de 2011 créée par Ernest Daltroff pour Caron. Quand le néroli ou la fleur d’oranger sont travaillés en majeur, j’ai beaucoup plus de mal mais parfois, il peut y avoir des exceptions qui confirment la règle. C’est le cas par exemple de « Neroli Mediterraneo » de Perris Monte Carlo qui vient de sortir. Je lui ai d’ailleurs consacré un article à part entière. Beaucoup d’entre-vous ne sont pas de mon avis et on m’a demandé quand même une petite sélection de parfums que j’aime et dans lesquels cette note est mise en avant. J’ai eu envie de me prêter à l’exercice et j’en ai retenu quatre. Allez je vous emmène sur les traces de cette fleur pour laquelle j’ai parfois une certaine répulsion mais qui peut, dans certains cas, me plaire.
Le premier parfum qui me vient à l’idée est « Fleurs d’Oranger » créé par Christopher Sheldrake pour Serge Lutens en 2003 et que je trouve, ma foi, bien déroutant. La marque le décrit ainsi : « Souvenir heureux de son arrivée au Maroc en 1968, et premier choc olfactif pour Serge Lutens, émerveillé par la vision de "ces femmes recueillant dans de grands draps blancs, les fleurs blanches tombant, sous les coups de badines, des bigaradiers". Une odeur sans question, celle du bonheur ! » et je dois dire que c’est assez bien vu. Dans la direction qu’il a voulu donner à ses parfums, notamment à cette époque, Serge Lutens avait un postulat, ne pas utiliser d’agrumes ni de notes de tête. Christopher Sheldrake a donc inventé une autre manière de travailler la fleur d’oranger en lui donnant un alter-ego qui serait la tubéreuse. Je trouve que ce parfum, légèrement miellé, affiche une dualité assumée entre ces deux notes. Comme toujours, la marque ne communique pas sur les notes, je dois donc me fier uniquement à mon nez. Je retrouve bien sûr la fleur d’oranger, fraîche presque verte qui se fait un peu douce et miel puis la tubéreuse, subversive, un peu médicinale. Le tout constitue un vrai parfum, un peu capiteux, très élégant et je me suis toujours demandé si je pourrais le porter.
On le sait, Marc-Antoine Corticchiato est autant attaché au Maroc qu’il peut l’être à sa Corse Natale. Ainsi est né « Azémour les Orangers » en 2011. Ce parfum, je le connais bien car, sans l’avoir réellement choisi, je l’ai porté et c’est vrai que je l’aime bien. Le parfumeur le décrit ainsi : « Toutes les facettes de l’oranger... Un chypre frais et intemporel qui dévoile toutes les facettes de l'oranger : le zeste pétillant et la chair ensoleillée du fruit, le vert sombre des feuilles, la douceur miellée de la fleur, la vigueur du bois. Mais le mot « amour » qui se niche au sein d'AZEMOUR exprime aussi l'attachement profond du créateur à la terre qui l'a vu naître, et ce parfum est une évocation du paysage marocain avec ses dunes, ses herbes sauvages, ses orangeraies… Azemour, une élégance intemporelle au royaume du Maroc ». Après un départ d’orange douce associé à des notes de pamplemousse, de mandarine, de cassis, de poivres noir et rose, de cumin, de clémentine, de citron et de coriandre, la fleur d’oranger prend toute sa place au coeur avec des accents de géranium et de rose auquel le parfumeur a ajouté un accord daim puis arrive un fond de mousse de chêne sans patchouli mais avec des notes de cyprès et de foin. Bizarrement, j’aime beaucoup le côté frais et hespéridé du départ et même le coeur de fleur d’oranger mais je suis moins attiré par le fond qui est, finalement, sur moi, très boisé. Il n’en reste pas moins que c’est une merveille à porter surtout en plein été.
J’ai eu un vrai coup de coeur pour « L’Eau de Sévigné », « Cette eau de Cologne fraîche, légère mais raffinée, rappelle l’élégance de la célèbre marquise et femme de lettres parisienne, qui habita la place des Vosges et baptisa la si belle rue de Sévigné. Vous retrouverez dans cette Cologne la pureté de la lavande et la douceur du petigrain, relevés avec audace par une touche pétillante, apportée par la bergamote », alors que, sur le papier, cette création a tout pour me déplaire et m’éloigne de mes goûts habituels. Créé par Stéphanie de Bruijn pour sa maison éponyme en 2020, cet esprit Cologne est faussement classique. En effet, avec son départ de bergamote, il me donne tout de suite envie d’aller plus loin, le coeur de lavande, plutôt habituel est contrebalancé par une note de menthe fraîche pas du tout aromatique mais vraiment presque épicée et le néroli arrive, associé au petit grain comme si la pyramide olfactive se contractait pour donner, très rapidement une impression globale. Contrairement au deux premier, la dilution fait que cette Cologne est moins présente et sa tenue est plus limitée mais c’est aussi l’occasion de se reparfumer. En tout cas, j’aime beaucoup le côté désuet et intemporel à la fois d’ « Eau de Sévigné ». C’est une très jolie trouvaille dans laquelle le néroli n’est pas gourmand ni vert mais reste parfaitement floral.
Je suis, en général, assez hermétique à l’univers de Atelier des Ors je dois bien l’admettre. Je n’aime ni le concept ni le flacon et ne parlons pas des jus qui ne me provoquent pas la moindre émotion. Il en faut pour tout le monde. Comme toujours il y a une exception et c’est « Riviera Sunrise » que la marque décrit ainsi : « Riviera Sunrise est une fragrance évocatrice de la lumière dorée du soleil Méditerranéen. Les rayons du soleil embrassent la cime des orangers centenaires et se mêlent aux flots dorés comme une danse parfumée. Une atmosphère qui oscille entre le charme de la fraicheur des matins calmes et une explosion d’énergie solaire ». Créé par Marie Salamagne, dont j’apprécie vraiment beaucoup le travail, a, encore une fois, tout pour me déplaire avec une envolée de citron alors que je préfère l’orange amère ou la bergamote, un coeur de fleur d’oranger, de basilic et de feuille de figuier et un fond de vétiver, de muscs et de cèdre. C’est une vraie explosion de fraîcheur et je trouve que sa sortie est fort à propos. Je l’ai essayé un jour de chaleur intense et il m’a fait du bien. Je l’avais un peu oublié et je voudrais remercier Jessica, qui vient régulièrement sur ce blog, de l’avoir rappelé à mon bon souvenir. C’est un vrai parfum de vacances qui sent bon un cocktail frais sur une plage de la Méditerranée. Je dois dire qu’il dégage une certaine impression de bien-être non négligeable.
Il doit bien exister d’autre exceptions à la règle. J’en ai senti plusieurs mais ces quatre-là sortent, à mon sens, vraiment du lot. Cette note que je n’aime pas spécialement est travaillée à chaque fois de fort belle manière et, finalement, ma peau réagit bien avec tous les parfums que je cite. C’est peut-être aussi pour ça que je suis content de vous en parler. Je pense que beaucoup d’entre vous aiment le néroli, la fleur d’oranger et que chacun a ses préférences mais il me fallait un jour quand même, exposer les miennes.
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