Passion Parfums

 

J’ai souvent parlé des créations de Jérôme Épinette mais je ne lui avais jamais consacré de portrait parfumé et pourtant, il a actuellement à peu près 160 parfums à son actif. Il était donc grand temps que je me promène dans les fragrances qu’il a inventé et que je vous emmène avec moi. J’en ai retenu cinq que je trouve particulièrement significatives de son travail et de la signature que je crois reconnaitre lorsque je les sens. C’est un parfumeur qui compte et j’ai eu beaucoup de plaisir à remettre mon nez dans ces quelques créations dont j’ai décidé de vous parler. Il faut le dire, Jérôme Épinette est le nez quasi unique de Floral Street, Byredo et de Vilhelm Parfumerie mais il a aussi composé des fragrances pour d’autres marques, et elles sont nombreuses. Allez, je vous emmène avec moi dans cette promenade parfumée.

Je vais tout de même commencer par un parfum créé pour Byredo. J’avoue ne pas être très attiré par la marque, à part par « Bal d’Afrique » que j’aime bien mais j’ai bien fait mes devoirs et je suis allé redécouvrir plusieurs parfums avant d’en choisir un qui se trouve plutôt dans mes goûts. J’ai choisi « La Tulipe », lancé en 2010. « Le parfum La Tulipe saisit l’esprit de cet intrigant symbole du printemps, fleur timide non odorante, qui éclot à la fin de l'hiver. Cette fleur est mise en valeur par une composition de rhubarbe, cyclamen et de freesia, que le bois blond et le vétiver complètent à leur tour ». Cette interprétation d’une fleur emblématique dont on ne peut pas saisir tellement l’odeur s’ouvre sur des notes de cyclamen, de freesia et de rhubarbe puis, à l’aide de molécule de synthèse, c’est une recréation de l’odeur fraîche de la fleur qui constitue le coeur avant que le parfum ne se pose sur un fond de bois blonds et de vétiver. Je trouve qu’il y a presque, dans ce parfum, une impression de lilas ou encore de muguet qui me plait beaucoup mais, je dois le dire, son manque total d’évolution et l’impression d’une fragrance très synthétique me déçoit quelque peu. Je trouve dommage que la marque et le parfumeur n’aient pas opté pour un peu plus de naturalisme. Il n’en demeure pas moins que « La Tulipe » est agréable et facile à porter.

« The Orchid Man », créé par Jérôme Épinette pour Frapin en 2015 est devenu iconique. « La boxe, comme le parfum, est une rencontre avec soi-même. Une rencontre faite de rituels et d’une gestuelle étudiée. C’est aussi un moment violent qui se doit élégant. Régit par des règles précises et le respect de son adversaire, la boxe est dès la fin du 19e siècle un sport de gentlemen. En fin connaisseur de l’univers pugilistique, David Frossard tient tout cela en compte lorsqu’il lance l’idée d’un parfum frais, élégant, puissant, viril. Jérôme Epinette, rencontré quelques années auparavant, se voit confier l’interprétation de cet univers tout autant animal que réfléchi ». Vous l’aurez compris, avec son départ de poivre noir et de bergamote, son coeur de cuir et de jasmin et son fond de patchouli, d’ambre et de mousse de chêne, ce parfum chypré est surtout prisé par les hommes mais je me plais à penser qu’il serait très joli sur une peau féminine. Il est élégant, profond, facile à porter et particulièrement chic. Je ne le trouve pas forcément très original mais il a un petit twist qui fait qu’il retient l’attention lorsqu’on le sent et aussi lorsqu’on le porte. Son développement sur ma peau est très joli. Il ne me correspond pas bien mais je le trouve très joli.

Je connais bien « Cherry Punk » que Jérôme Épinette a créé pour Room 1015 en 2020 car je l’ai pas mal porté. Il a quelque chose de très étonnant avec son départ de cerise enveloppé de safran et de poivre noir, son coeur poudré de mimosa et de violette avec une touche de jasmin et son fond de cuir, de patchouli et de fève tonka. C’est un parfum absolument contemporain avec quelque chose d’un peu subversif et pourtant, il demeure facile à porter. La dualité entre la cerise, très présente et le fond cuiré et légèrement poudré lui donne une drôle de sensualité mais aussi une curieuse élégance. Il m’a beaucoup plu. Je l’ai porté un peu par hasard mais c’est un parfum singulier qui me conforte dans l’idée que l’on peut vraiment trouver des parfums dits de niche dans les créations récentes. « 10:45 - elle est toujours en retard. Sirotant son Cherry coke avec un doigt de porto, ce Mimosa épineux en Rangers ouvre la boutique Westwood sur King’s Road. Vous auriez attendu une heure juste pour la voir tourbillonner avec les nouveaux vinyles, cette Violette insoumise dans son blouson en cuir tatouée de peinture. Perdue dans une douce rêverie, son rouge à lèvres brule votre peau, les volants blancs Jasmin de son chemisier donne une touche de romance... mais ne vous méprenez pas, peut être que ce Sex est pour les rebelles, mais ça vend. « 7 pounds for the “Pistols”, no coins, please. ».

Pour évoquer Vilhelm Parfumerie, j’avais envie de parler à nouveau de « A Lilac A Day » mais il semblerait qu’il soit discontinué. J’ai donc opté pour un autre coup de coeur de la marque créé par Jérôme Épinette en 2015 et qui porte le nom évocateur de « Dear Polly ». « Un battement de cœur : l’odeur du thé noir, infusé à la perfection, comme elle l’aime. La lumière matinale fraîche comme une bouchée de pomme. La nuit qui relâche lentement son étreinte sur les sens. Le thé noir de Ceylan réchauffe la peau tandis que le musc sensuel frémit au dessous ». Je trouve que le côté Earl Grey de ce parfum est assez réconfortant et, lorsqu’il s’ouvre sur des notes de bergamote et de pomme, il m’enveloppe assez facilement. J’aime beaucoup le côté très doux sur ma peau qui se corse un peu lorsqu’arrivent les notes de de coeur principalement constituées de thé de Ceylan puis, en fond, l’ambre, les muscs et la mousse de chêne rendent la fragrance complètement chic et délicate. J’aime beaucoup ce parfum. Je pourrais très facilement le porter. Je trouve que Jérôme Épinette a su très bien retranscrire le côté cocon qu’évoque la marque avec cette dédicace amoureuse.

« Belle Époque à Paris. Réminiscence de Proust aux Bains Guerbois avec une amie chère. Après un bain de vapeurs, un massage, voici venir l’heure langoureuse du thé. Un thé noir aux myrtilles et pomelo. Confidences. Chuchotements à l’oreille. Odeur de cuir de Toscane, senteurs de violette, de maté et de vanille ambrée. De qui ces parfums émanent-ils ? Lui, elle ? Parfums mêlés. Parfum perdu, parfum retrouvé ». Il m’a fallu me décider et j’ai eu un peu de mal à choisir la cinquième création de Jérôme Épinette et je suis allé au plus facile car j’avais à ma disposition quelques gouttes encore de « 1900 L’Heure de Proust » qu’il a créé en 2018 pour les Bains Guerbois et dont je possédais plusieurs doses d’essai, je ne sais pas très bien pourquoi. Le parfumeur le décrit ainsi : « Il y a d'abord le thé noir qui donne la signature du parfum. Puis les notes terreuses du vétiver et enfin l'aspect fumé et intriguant que le palo santo donne au parfum. La bergamote et la myrtille apportent un revers inattendu à la fragrance. Un sourire à chaque spray ». J’avoue que ce parfum n’est pas mon préféré dans la marque mais je trouve qu’il est complexe et original ce qui n’a pu que retenir mon attention. Le départ de bergamote et de pomelo légèrement amère s’adoucit avec la myrtille puis le coeur de thé, de cuir et de violette lui confère un côté très élégant. Jusque-là, je suis séduit mais le fond construit sur un accord praliné, avec des notes de bois de gaïac, d’ambre, de maté et de vanille, m’a un peu dérouté. Je dois dire que je le trouve peut-être, sur la toute fin de l’évolution, un peu trop gourmand pour moi. Il n’en demeure pas moins emblématique du travail du parfumeur et il porte sa signature de manière évidente pour moi.

 

 

Le travail de Jérôme Épinette est très affirmé et je trouve qu’on en retrouve toujours l’esprit. Parfois, je suis dérouté, parfois je demeure séduit mais, en tout cas, je ne peux jamais savoir ce que je vais penser en découvrant l’une de ses créations. En tout cas, il est prolixe, talentueux et son nom devient totalement incontournable. J’aime beaucoup l’idée d’un fil conducteur et il me semble que je l’ai trouvé.