Julie Marlowe, les notes fumées à l'anglaise
Elle est bien mystérieuse Julie Marlowe. Binôme de Julie Dunkley pour ce qui est des créations de la marque de Leo Crabtree Beaufort London, elle se fait plus que discrète sur internet. Je n’ai trouvé que très peu d’informations et aucune photo pourtant, j’avais quand même envie de lui consacrer un portrait car j’aime beaucoup son travail. J’ai cherché et trouvé quelques petites choses tout de même. En outre, j’ai pu savoir qu’en dehors de Beaufort, elle avait créé au moins un autre parfum, « Augustine » pour la maison Moro Dabron dont je ne sais rien. Apparemment, il s’agit d’un ambré fleuri donc aux antipodes de ce que je connais de son travail. En revanche j’apprécie beaucoup tous ceux qu’elle a signé, seule ou avec Julie Dunkley, pour la maison de Leo Crabtree. J’ai donc décidé d’y revenir et je vais essayer, sans être exhaustif, de vous donner, une fois encore, mes impressions. Je ne suis pas objectif (encore moins que d’habitude) car, vraiment, j’aime beaucoup ce travail. En tout cas, je vous emmène sur les traces très ténues du travail de Julie Marlowe.
Lancé en 2015 dans la collection Come Hell or High Water de Beaufort London, « Tonnerre » (précédemment « 1805 Tonnerre »), est le parfum créé par Julie Marlowe que j’ai découvert en premier lorsqu’on m’a, à la parfumerie parisienne Sens Unique, présenté la marque et j’avoue que j’ai eu un vrai coup de coeur pour ce parfum atypique, pas forcément facile à porter et très fumé. « L’étincelle vespérale de l’Angleterre et des baisers aux agrumes…” 1805 – L’année au cours de laquelle Nelson a gagné à la fois la Bataille de Trafalgar et perdu la vie. L’année au cours de laquelle Sir Francis Beaufort a introduit son ‘Échelle de Force des Vents’. Le parfum Tonnerre imagine des moments au sein même de la bataille de Trafalgar. Des accords de fumée, de poudre à canon, de sang et de brandy associés avec des embruns marins et une note d’agrumes pénétrante : le parfum est singulièrement audacieux dans sa composition et cependant ultimement raffiné, provoquant et unique. Le parfumeur Julie Marlowe a créé une composition audacieuse sans compromis, mais au final élégante, provocante et remarquable - une vraie histoire dans une bouteille ». Le parfum s’ouvre sur un accord de brandy et d’embruns marins, des notes de bergamote, de pamplemousse, de gingembre, de citron et de citron vert ainsi qu’un accord poudre à canon et cyprès. On retrouve au coeur des notes d’agrumes amers (encore le pamplemousse et le citron vert) et de bois divers. En fond, la marque parle d’un accord ambre foncé, sapin baumier, cèdre de l’Atlas, bois blonds mais aussi bouleau et ciste. Il en résulte un parfum sombre très profond et atypique. Les notes fumées sont très présentes. J’ai pas mal porté ce parfum et il n’est pas le plus facile que je connaisse même si je le trouve absolument addictif. Il donne le ton de la signature de Julie Marlowe que je trouve à la fois très sombre et attirante.
« Largement s'inspirant de ‘La Tempête“ (dans lequel Shakespeare évoque des images de temps violent, de naufrages et d'îles magiques), le thème principal de «Fathom V» est une phrase glanée dans «Chant d`Ariel» dans la pièce. «Forme Marine» ou “Sea-Change”, que maintenant nous comprenons comme «une transformation» ou une «métamorphose» est apparue pour la première fois dans la pièce et maintenant est utilisée couramment. Le changement perpétuel de l'état de la mer - dans un flux constant entre calme et nature - est point de départ pour la marque, exploré à travers l'utilisation de matières premières apparemment contradictoires dans des concentrations “surdosées”: le sel rencontre la terre, les herbes pétillantes se mélangent avec des mousses foncées, les notes claires de fleurs rencontrent des épices noires intenses. En contrastant le dessus et le dessous, la lumière et l'ombre, nous imaginons l'état changeant de la mer: son intensité - l'attrait de ses profondeurs sombres. Un parfum pour les intrépides qui remettent en question les idées préconçues sur ce que signifie vraiment «aquatique»… ». J’ai très souvent parlé de « Fathom V », créé par Julie Marlowe en 2016 toujours pour la collection Come Hell or High Water de Beaufort London. Il a été un coup de coeur immédiat et je pense que c’est le parfum de la marque que je porte le plus car il est utilisable toute la nuit. Bien qu’il soit très dense, il garde une certaine fraîcheur. Le départ, très frais se pare de baies de genièvre, de tangerine, de cassis, de notes de feuilles vertes et de terre puis vient un coeur absolument étonnant de thym, de lys, de jasmin, d’ylang-ylang, de gingembre, de cumin, de poivre noir mais aussi de mimosa. Je trouve même que, sur ma peau, il y a un côté muguet et lilas salé. Le fond de patchouli, de vétiver et de mousse de chêne, traditionnellement chypré, se mêle aux notes de sel, d’encens et de cèdre avec un accor ambré. Il en résulte un parfum vraiment très complexe, surprenant, totalement inédit. C’est un néo-chypré que j’aime vraiment, d’ailleurs, je le porte beaucoup.
Je trouve que « Lignum Vitae » est vraiment le parfum le plus surprenant de la collection Come Hell or High Water de Beaufort London. Créé par Julie Marlowe en 2016, il est ainsi décrit par la marque : « Lignum Vitae a été inspiré par la découverte de l'horloger du 17ème siècle John Harrison. Il a utilisé le bois Lignum Vitae dans le traitement des chronomètres, car ce bois est exceptionnellement dur et résistant à la corrosion de l'air marin. Inspiré par l'utilisation innovante des matériaux par Harrison, Beaufort London mélange des notes inattendues pour créer un parfum intrigant aux multiples facettes. Dans ce parfum les accords métalliques chauds évoquent le surnom de Lignum Vitae - «Forêt de fer»; et la senteur poivrée agrumée de cette sorte de bois est mélangé avec une touche de l'air salé et imprégnée de chronomètres marins faits en cuivre. Il s'est avéré que lors du sciage, le bois exceptionnellement dense de Lignum Vitae libère un arôme de “gâteau” comme une allusion à la Madeleines de Proust. En associant des matériaux exotiques bruts et inattendus la marque célèbre l’esprit innovateur qui a mis fin à la recherche du temps perdu et permis la sécurité du passage des navires à travers le monde. Julie Marlowe a été chargée de combiner tous ces aspects énigmatiques d'une manière inattendue et intrigante ». Tout de suite, il m’a évoqué « Lux » de Mona di Orio que je porte depuis longtemps et je l’ai aimé sans vraiment pouvoir me dire si je le porterais ou non. C’est un gourmand sans sucre et il est le seul des deux collections. Il s’ouvre sur des notes de poivre noir, de fruits rouges, de notes marines, de bergamote, de genièvre, de gingembre, de citron vert, de résine Oliban et de caramel. Cette envolée nous emmène sur un coeur de bois de gaïac, de vétiver, de bois d’agar et de poivre noir puis sur un fond basé sur un accord sable et de notes marines puis d’ambre avec des mousses, des muscs et de la vanille. Sur ma peau, je l’ai dit souvent, c’est une madeleine presque citronnée. Je l’ai évoqué récemment dans « mes parfums préférés » et je le redis, il est élégant et addictif à la fois.
Créé par Julie Marlowe en 2015, « Vi et Armis » est sans doute le parfum de la collection Come Hell or High Water de Beaufort London que j’ai eu le plus de mal à aborder et pourtant, je l’aime beaucoup maintenant. Certes, il est extravagant, mais je me surprends à prendre beaucoup de plaisir à le porter. « Décrit à la fois comme "le chaos dans un flacon" et "la fête de Noël d'un alchimiste", ce parfum est une célébration du fumé : lapsang souchong, whisky tourbé, tabacs sombres, épices et opium se combinent pour produire un parfum intensément provocateur à partir d'ingrédients "surdosés". Paradoxal et stimulant - singulier et narcotique ». Très dark, il s’ouvre par des notes épicées de cardamome et de poivre noir qui enveloppent un té noir très fumé et l’amertume du pamplemousse. Je trouve que l’envolée a presque une tonalité cannabis. Le coeur s’arrondit avec des accords de whisky, de fruits rouges et de fleur d’opium associées à l’encens et à l’ylang-ylang mais c’est le fond, complexe, sombre, qui va vraiment me plaire. On y retrouve des notes de tabac, de bouleau, de oud, d’ambre, de ciste labdanum, de caramel, de santal, de patchouli et d’une très belle qualité de cèdre de l’Atlas. Je me souviens que, lorsque j’ai découvert « Vi et Armis » il y a déjà quelques années, je me suis trouvé à la parfumerie Sens Unique avec un tout jeune homme au look très classique et dont cette bombe était le parfum. Je peux dire que que j’ai été plus que surpris. Au début, il me rebutait et pourtant, maintenant, son étrange élégance me conduit à le porter pas mal et à l’assumer de plus en plus. Il reste l’un des parfums les plus segmentants de ma collection.
Je me rends compte que Julie Marlowe a surtout créé les parfums de la collection Come Hell or High Water de la marque et que j’en ai porté presque plus que ceux de Julie Dunkley. Leo Crabtree lui a peut-être confié la composition de ses idées les plus clivantes mais j’admire énormément son talent. Je trouve qu’elle travaille les notes fumées comme personne. En tout cas, je me suis replongé dans son travail avec toujours le même plaisir. Je pourrais tous les porter. Il est même probable que je le fasse ou que j’ai pu le faire. C’est une signature qui me convient parfaitement même si ça peut surprendre. En tout cas, j’ai hâte de découvrir ce qu’elle a créé d’autre pour des marques britanniques qui finiront bien par traverser le Channel.
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