Passion Parfums

« ls buvaient de l'absinthe comme on boirait de l’eau, L’un s'appelait Verlaine, l'autre, c'était Rimbaud, Pour faire des poèmes, on ne boit pas de l’eau » chantait Barbara. Mais qu’est-ce que l’absinthe ? Bien sûr, il s’agit d’un alcool de plantes sulfureux, appelé « la fée verte » pour ses effets hallucinogènes je crois. C’est aussi une plante utilisée parfois en parfumerie. Elle a un petit côté anisé mais elle ressemble aussi, par certains côtés, au vétiver auquel elle est souvent associée. L’absinthe est une plante herbacée souvent présente dans des compositions aromatiques fougères ou encore dans des créations boisées et vertes. Les poètes du XIXème siècle en buvaient beaucoup et elle avait, parait-il, des propriétés hallucinogènes. De tous temps, les parfumeurs l’ont utilisée comme soutien dans des jus où la fraîcheur est alliée à l’opulence. Je dois dire que, si je suis un peu dubitatif sur la note anis, j’aime celle de l’absinthe. Je la trouve vraiment très agréable et il me semble qu’elle ouvre des tas de possibilité. Si elle est présente dans de nombreux parfums d’auteur, elle sait aussi se faire discrète dans des jus plus mainstream. Allons-y, explorons un peu quelques unes de ces créations sulfureuses parfois ou rafraîchissante souvent.

Alessandro Gualtieri l’a utilisée chez Nasomatto dans une création appelée tout simplement « Absinth ». « L'absinthe, alcool de l'évasion. Plaisir inspirant des écrivains, la porte qui permet d'échapper à la réalité, jusqu'au fou rire, jusqu'à la folie. A la sortie du voyage, un chef d'oeuvre prend forme ». Après un départ de notes vertes de synthèse et d’hédione, on saute directement à un fond très épuré d’absinthe et de vétiver. La concentration extrait de parfum lui donne quelque chose de vraiment dense. J’ai eu un coup de coeur pour ce parfum dès que je l’ai senti et je crois bien que je pourrais le porter. Je lui trouve quelque chose de presque extrême-oriental, voire japonisant. Un peu d’amertume me fait penser à une décoction de matcha mais le côté anisé vient rafraîchir l’ensemble. C’est un parfum à l’écriture très épuré et pourtant, je lui trouve une certaine complexité notamment dans son évolution sur la peau… en tout cas sur la mienne. C’est un parfum très présent et sa tenue est très longue. Pour moi, « Absinth » fait partie des belles réussites de cette maison. C’est une création à la fois très originale et particulièrement bien réalisée car elle demeure tout à ait portable. C’est, à mon sens, la plus poétique des interprétations que l’on peut trouver en parfumerie. Alessandro Gualtieri a réinventé cette note anisée et ronde à la fois avec des accents boisés d’une très belle manière.

 

 

 

À une époque de ma vie, je prenais régulièrement le train, avec une jeune fille qui travaillait au stand de l’Artisan Parfumeur au Printemps à Lyon et elle me conseillait de porter « Fou d’Absinthe » dont je vous ai déjà parlé. La marque en décrit ainsi l’inspiration : « La fée verte de l'inspiration sous forme de parfum. Vice interdit du Paris bohème, l'absinthe a alimenté la folie, les mauvais rêves et les nuits endiablées du Moulin Rouge. Ce parfum capture le terrain de jeu des contrastes de la liqueur, équilibrant des notes fraîches avec une chaleur épicée et boisée ». Créé, je devrais dire écrit, par Olivia Giacobetti en 2006, cette composition très épicée autour de l’absinthe et de l’angélique a quelque chose d’à la fois très vert et très aromatique fougère, famille olfactive plutôt masculine, mais je trouve qu’il est très beau porté par une femme. Le départ est, à mon sens très angélique. Le coeur de muscade, de patchouli, de poivre et de badiane et le fond de sapin baumier en font un parfum très tenace malgré une apparente légèreté. L’absinthe y est présente tout au long de l’évolution et son côté anisé est renforcé par le clou de girofle et la badiane. J’ai beaucoup aimé l’essayer mais je ne suis pas certain qu’il soit pour moi. Je le trouve peut-être un peu trop anisé pour pouvoir le supporter toute une journée, il n’empêche qu’il s’agit-là, d’une des pièces maîtresse de la collection de L’Artisan Parfumeur et je trouve qu’il est très emblématique de la marque.

 

 

« L’odeur végétale caractéristique des feuilles argentées de l’Absinthe dans l’esprit bucolique du jardin botanique » tels sont les mots de Fabrice Pellegrin pour évoquer « Bel Absinthe » qu’il a créé pour la collection Les Simples de Roos & Roos. J’ai beaucoup aimé cette création épurée, aquarelle et herboriste à la fois. Le départ un peu anisé de l’absinthe est contrebalancé par une très douce camomille qui lui apporte même quelque chose de floral qui se renforce avec un coeur très étonnant de santal et de musc. L’absinthe est présente tout au long de l’évolution et se pose sur un fond très tenace de patchouli et de bois. Je trouve que, Fabrice Pellegrin, une fois encore, a travaillé avec beaucoup de chic et pas mal de naturalisme, une note pas toujours évidente. « Bel Absinthe » est, à mon sens, l’une des interprétations les plus limpides, les plus épurées de cette « fée verte » si subversive. « Bel absinthe très végétale. En tête se conjuguent camomille et absinthe, des notes végétales aux accents aromatiques. En cœur se dessine une douceur veloutée avec le dream wood (captif santalé et boisé) enveloppée de muscs blancs. Dans le fond boisé, patchouli d’Indonésie et cetalox (bois ambré) en overdose pour amplifier le sillage. Une exquise féerie verte », tout est dit.

 

 

Le dernier parfum que j’ai exploré est quand même un peu un coup de coeur. Il s’agit de « Absinthe » que décrit ainsi son créateur Nicolas Beaulieu : « L’abandon des corps qui se frôlent, qui s’attirent et se touchent, dans l’effervescence d’un club vibrant. Troublante euphorie d’une fête désinhibée qui ne sait pas finir. Les décibels montent bien haut dans la nuit, tandis que les épidermes baissent la garde. Pluie endiablée de sons et d’odeurs jusqu’au petit jour ». En général, je n’apprécie pas tellement cette matière en parfumerie sauf, dans mon très regretté « Glacialis Terra » de L’Artisan Parfumeur et je n’en n’attendait rien. Je crains parfois les notes un peu anisées mais, là encore, le parfumeur a réalisé une création dans laquelle elles sont discrètes et ne me dérangent absolument pas. Il n’a pas de note de tête et on entre directement dans le coeur d’absinthe, de feuille de violette et de narcisse qui lui confère une première tonalité cuirée puis lla note se renforce en fond avec le styrax, le patchouli et le vétiver. L’association de l’absinthe et d’un cuir doux est absolument apaisant, très addictif et vraiment élégant. Été comme hiver, cette composition, presque linéaire, pourrait très bien m’accompagner. Il n’est ni trop chaud ni trop frais, ni trop enveloppant ni trop léger. C’est l’équilibre parfait comme dans plusieurs parfums de la collection. En tout cas, pour ma part, c’est un coup de coeur et je me sens l’envie de le porter. Il faudra donc que je le réessaye pour voir si je me sens bien avec.

 

 

Je ne pense pas que l’absinthe soit une note vraiment pour moi mais je la trouve très intéressante. L’interprétation de Nicolas Beaulieu pour Headspace est peut-être celle qui se rapproche le plus de mes goûts. J’ai remis mon nez sur ces quatre parfums mais je ne les ai pas réellement réessayés. Il faut que je tente de vivre avec l’un ou l’autre. En tout cas, je suis plus intrigué qu’attiré vraiment par cette note alors il faut que j’affine mes impressions.