L'Artisan Parfumeur, le rêve de Jean Laporte
Et si l'on remontait aux origines...
"L'Artisan Parfumeur est né d'une plaisanterie lorsqu'un ami de Jean Laporte lui demanda de se servir de sa formation de chimiste pour créer un parfum à la banane, à porter avec un costume du même fruit au bal des Folies Bergères. Inspiré, il créa par la suite un parfum de pamplemousse, puis de vanille.Jean Laporte expérimenta pour créer différentes senteurs originales avec des matières premières naturelles. Sa première collection connut un grand succès ; dès lors, Monsieur Laporte fut reconnu comme un artiste passionné et L’Artisan Parfumeur acquit une renommée auprès des plus grands amateurs de parfums."
Jean Laporte
C’est ainsi que la marque présente sa création. Avec Diptyque et, un peu plus tard Annick Goutal, l’Artisan Parfumeur est l’une des premières marques de parfumerie alternative et elle a été créée en 1978 par un passionné qui allait révolutionner le genre. La maison compte quatre collection : Les Eaux de Cologne, les Eaux de Toilette, les Eaux de Parfum et Natura Fabularis et, depuis sa naissance, nombre de parfums ont été créés. Jean Laporte fera créer un flacon d’apothicaire à la fois sobre et luxueux pourvu d’une étiquette élégante. Il y a quelques années, le flacon a quelque peu évolué, devenant teinté avec une étiquette plus sobre. Je crois que la marque a voulu une certaine unité. Une revue exhaustive est non seulement impossible mais inutile. J’ai donc choisi de me concentrer sur cinq parfums, les uns emblématiques, les autres conformes à mes goûts pour illustrer mon propos. Jean Laporte fut le premier à mettre en avant les parfumeurs en faisant, le plus souvent, figurer leur nom sur le flacon et je trouve que la démarche était à la fois osée et indispensable.
Commençons par le début et par « Mûre et Musc », créé en 1978 par Jean-François Laporte et qui figure actuellement dans la collection des Eaux de Toilette. Je pense qu’à l’époque, il devait être un ovni dans le milieu de la parfumerie. Après une envolée d’agrumes (orange, citron, mandarine) et de basilic, la mûre et les fruits noirs et rouges prennent toute la place mais d’une manière délicate. Les notes de fond sont un musc blanc qui apporte une fraîcheur poudrée et « propre » à la composition. La mousse de chêne est également une note de fond importante qui rend la fragrance plus profonde. N’ayons pas peur des mots. Son succès est absolument incroyable et, en quelques années, « Mûre et Musc » devient un incontournable et un intemporel de la parfumerie. En 2003, c’est Akiko Kamel qui revisitera la formule pour en faire une version cologne que je n’ai pas connue mais c’est surtout l’interprétation « Extrême » réalisé par Karine Dubreuil, née en 1993, que j’ai eu l’occasion de découvrir dans la collection des Eaux de Parfum. Honnêtement, je préfère la concentration eau de toilette que je trouve plus subtile mais je pense que combiner les deux pourrait être une idée. « Mûre et Musc » est mythique et a participé au succès de la marque. Il reste, encore aujourd’hui, l’un des gros succès de la parfumerie. Il est parfaitement mythique.
Créé en 2003 par Jean-Claude Ellena, « Bois Farine » fait également partie de la collection des Eaux de Toilette. La marque le présente comme ça : « Bois Farine est inspiré de l'arbre Ruizia Cordata, présent dans les forêts de l'Île de La Réunion, dont les petites fleurs rouges ont une odeur inattendue de farine. Cette senteur est recréée par le Maitre Parfumeur Jean-Claude Ellena à travers une illusion olfactive astucieuse de notes de pâtisserie et de notes de noisettes, donnant un parfum charnel et étonnamment sensuel. Le cèdre, le gaïac et le bois de santal évoquent les arbres désormais protégés de cette forêt unique. » Je dois dire qu’il est, à la fois, l’un des parfums les plus atypiques et des plus singuliers à la fois parmi les créations du parfumeur mais également parmi tout ce que j’ai pu sentir. Il n’est pas vraiment gourmand et pourtant il évoque quelque chose de sec, non pas poudré mais poudreux. Oui c’est ça, il y a comme des effluves de farine mais pas seulement. C’est vrai que Jean-Claude Ellena a, en quelque sorte, « compilé » notes poudrées et boisées. En note de tête, l’iris, terreux évoque presque un côté « délicieuse poussière » avant de s’arrondir pour devenir baumé puis presque fleuri. Les bois utilisés en note de fond sont le cèdre et le bois de gaiac qui donnent au parfum une certaine profondeur et lui confèrent, en dépit de sa concentration eau de toilette, une tenue remarquable. J’ai une histoire avec « Bois Farine », je l’ai essayé pour la première fois avant l’aller au cinéma pour voir un film qui m’a particulièrement marqué et, tout au long de la séance, il m’a accompagné. C’est un parfum dont je parle peu mais que j’aime beaucoup. Pour moi, il est l’une des grandes réussites de la marque.
Comme je l’évoquais dans un autre article (voire même plusieurs), Olivia Giacobetti a pas mal collaboré avec la marque. On lui doit plusieurs très belles créations. Je citerai « l’Eau de l’Artisan », (qui, hélas n'existe plus), « Passage d’Enfer » ou encore « Premier Figuier » mais j’avais envie de revenir sur « Tea for Two » (devenu difficile à trouver) sorti en 2000 dans la collection des Eaux de Toilette et qui est celui que je porte. Je l’ai déjà évoqué dans l’article sur les épicés mais, étant donné que j’ai remis mon nez dedans pour écrire celui-ci et que je le trouve extraordinaire. Les notes de tête en sont un peu abrupte avec un thé lapsang souchong très fumé et une badiane qui m’évoque un peu l’odeur du pain d’épices. Le parfum évolue vers d’autres notes de la même famille (cannelle, gingembre et même tabac) pour évoluer sur un fond de cuir et d’une vanille très végétale, presque boisée. Pour ce passage au XXIème siècle, l’Artisan Parfumeur avait fait fort. « Tea for Two » est vraiment une création originale. On adhère ou pas mais il ne laisse pas indiffèrent. Allez, je ne développe pas plus pour ne pas trop radoter mais je vous engage à aller découvrir « Tea for Two », c’est une merveille !
Jean Laporte fera le choix de vendre l’Artisan Parfumeur dans les années 80 et, en 1988, il s’associera avec d’autres parfumeur, Jeanne-Marie Faugier, Jean-Paul Millet-Lage, Jean-François Laporte et Nicolas de Barry pour créer Maître Parfumeur et Gantier. Depuis, hélas, il nous a quitté mais il demeure, pour moi, celui qui a rendu possible l’émergence d’une parfumerie indépendante faisant la part belle aux nez, aux créateurs, en mettant leurs noms sur le devant. Avec l’Artisan Parfumeur puis Maître Parfumeur et Gantier, il a été un acteur essentiel du succès de la parfumerie d’auteurs. Aujourd’hui, si ses marques sont affiliées à des groupes, elles continuent, contre vents et marrées, à faire créer des parfums singuliers, dotés d’une vraie personnalité et, pour nous les passionnés, c’est une source de curiosité et d’inspiration.
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