L'élémi, une résine aux multiples facettes
« L’élémi est une gomme-résine. C’est le produit d’un arbre de la famille des canarium luzonicom dont fait également parti la myrrhe et l’encens. La gomme élémi est principalement originaire des Philippines, au sud de Manille. C’est pourquoi cette gomme est aussi appelée « l’élémi de Manille ». La gomme est très malléable et possède une couleur blanche éclatante. Elle brunit seulement au contact de l’air. Lorsqu’elle brule, la gomme d'élémi produit une odeur citronnée et boisée qui rappelle le fenouil ou l’oliban. Elémi est un nom arabe qui signifie « au-dessus au-dessous » Source - Olfastory. La résine d’élémi est également une matière première naturelle très utilisée en parfumerie et j’ai trouvé intéressant de retrouver quatre parfums dans laquelle son odeur dense, parfois baumée, parfois boisée. Nombre de créateurs l’utilisent plutôt en notes de tête car si elle est travaillée de manière fraîche, cette résine retient tout de suite l’attention mais elle peut aussi avoir des côtés boisés ou encore un peu encens même si la note est plus ronde, plus « Baume du Tigre ». J’ai donc choisi des créations que je connais et qui offrent différentes facettes de cette matière qui, vraiment, offre nombre de possibilités.
Le tout premier parfum qui me vient en tête est « Tsingy » créé par Thierry Bernard pour Parfumeurs du Monde en 2016 et qui est composé uniquement de matières naturelles dans une concentration très élevée. Je l’ai pas mal porté donc je le connais bien. C’est un parfum tout à fait addictif dans lequel la résine d’élémi est travaillée plutôt de manière boisée. Le parfumeur en décrit ainsi l’inspiration : « Madagascar, soleil levant, la brume se lève doucement : les volutes d’ylang et de frangipanier, empreintes de vanille délicate s’évaporent de la latérite mouillée. « Tsingy, la princesse qui marche sur la pointe des pieds » est née ici. Ce conte olfactif dévoile les couleurs, les odeurs et l’émotion d’une magnifique terre à parfum ». Le départ est très frais avec des notes de combava qui est un petit agrume ancien, de citron vert, de gingembre et de mandarine rouge puis le coeur floral et rond construit autour de la fève tonka et de la fleur de frangipanier associée à l’ylang-ylang et rehaussé d’une pointe de vanille donne au parfum un côté légèrement oriental qui se renforce tout en prenant un accent très original et boisé avec un fond de résine d’élémi, de vétiver et de patchouli. Construit un peu comme un chypré floral sans mousse de chêne, « Tsingy » est sans doute l’une des créations de Parfumeurs du Monde que j’ai préféré porter car sa tenue sur ma peau est très longue et son sillage très suffisant. C’est une invitation au voyage comme si on se promenait entre les orchidées produisant la vanille avec un bouquet de fleurs exotiques à la main. Quand je l’ai découvert, j’ai énormément porté ce parfum et j’y reviendrai sans doute un jour.
Lorsque Vanina Muracciole a « ressuscité » « Cuir » de la maison Le Galion en 2015, elle a réactualisé la formule en utilisant, la résine d’élémi en tête et en exploitant sa facette à la fois ronde et un peu citronnée. La marque décrit ainsi l’inspiration de ce parfum que je trouve particulièrement intéressant car, inscrit dans la traditions des beaux cuirs de la parfumerie traditionnelle française mais doté d’un twist moderne et très actuel : « « En 1960, la maison Dior demande à Paul Vacher de composer le premier cuir Dior, Diorling. Paul Vacher fit alors preuve de génie. Il choisit ses matières premières avec le plus grand soin et composa un sac en cuir olfactif, le sac à main d’une femme, un très beau sac de luxe à la surface aussi douce que la peau dans le cou de celle qui le porte, un cuir imaginaire, crémeux, travaillé à la main. Paul Vacher imagina un sac sans couture, aérien comme une caresse. » En hommage à cette création de Paul Vacher, qui s’était déjà illustré dans cette famille olfactive en 1931 par la composition de Scandal de Lanvin considéré comme l’un un des plus grands cuirs de la parfumerie moderne, et à son Esprit visionnaire et talentueux, Le Galion propose aujourd’hui Cuir, une création originale sur le thème du cuir, s’ouvrant sur un départ hespéridé de bergamote et d’élémi, et construit autour du lys blanc de l’ambre gris, des muscs et du santal. » et je trouve que c’est vraiment une création intéressante car c’est un cuir doux, floral, différent et particulièrement élégant. Le départ un peu frais s’harmonise vite avec le côté cuir ambré et floral du coeur posé sur un fond doux et musqué avec un santal pas trop crémeux. Je ne l’ai jamais vraiment porté mais je l’ai essayé à plusieurs reprises. Pour moi, il a tout pour être un classique de la belle parfumerie d’auteurs.
Dans « Akkad », créé pour la collection Talismania de Lubin en 2012, Delphine Thierry a utilisé la résine d’élémi et sa facette plus « encens » et baume. Cette note vient renforcer le côté un peu mystique de la fragrance. Un départ très envoûtant de mandarine, de bergamote rehaussé par la sauge sclarée, un coeur d’élémi et d’encens arrondi par le styrax et la cardamome qui lui donne presque un côté crème de marron et un fond ambré et cuiré par le ciste labdanum et le patchouli arrondi par la vanille confèrent à ce parfum son succès tant il est à la fois singulier, doté d’une forte personnalité et facile à s’approprier. Je crois qu’il est, avec « Upper Ten », l’un des bests de la collection et je le comprends car je connais plusieurs personnes qui le portent et l’aiment énormément. Pour en décrire l’inspiration, Gilles Thévenin écrit : « Je suis Sargon, puissant souverain d’Akkad, qu’éleva Aqqi le jardinier des Grands Marais, entre le Tigre et l’Euphrate. L’essence d’Akkad est le cadeau que me fit la belle Ishtar, qui m’aime et me protège. On y trouve tous les onguents les plus précieux du Punt, et aussi ceux des îles de la Grande Mer, et d’autres qui viennent de plus loin encore. Cet ambre est la lumière qui éclaire mon règne, c’est le trésor le plus précieux de mon empire ». En ce qui me concerne, malgré le côté un peu rond et réchauffé par la résine d’élémi et la vanille, je trouve « Akkad » un peu trop encens et, si j’aime énormément le sentir sur les autres, je sais bien qu’il n’est pas pour moi et que je ne le supporterais pas tout une journée. Il n’en demeure pas moins que c’est un merveilleux parfum à découvrir absolument.
En 2010, Fabrice Pellegrin crée pour Ditpyque l’un des grands succès de la maison. J’ai nommé « Eau Duelle ». La résine d’élémi est associée à une très belle gousse de vanille de Madagascar. Le parfumeur décrit ainsi sa création : « Une ode au voyage et à la vanille. Sur la route des épices, la vanille au coeur d'Eau Duelle se charge de saveurs nouvelles : les accents lumineux et addictifs du calamus, les nuances sombres et fumées du cypriol. Traversant le temps et les frontières, la vanille Bourbon de Madagascar se révèle ici entre ombre et lumière ». Je trouve que la vanille associée au côté très facetté de la résine d’élémi, au poivre rose et à une essence de cypriol très dense, donne un parfum très complexe. Je préfère l’eau de toilette à la concentration eau de parfum que je trouve un peu trop « confite » et gourmande notamment sur ma peau où elle devient très baumée et très ronde. Je l’ai essayée à la suite d’une conversation que j’ai eue avec l’une d’entre vous et c’est vrai que cette vanille botanique et un peu aromatique est très bien travaillée mais j’avoue que je ne pourrais pas porter « Eau Duelle ». Même en petite quantité et en concentration eau de toilette, c’est une fragrance qui m’entête même si je sais en reconnaitre volontiers la qualité. Je sais que ce parfum, dans ses deux concentrations, rencontre un grand succès mais, honnêtement, il n’est pas pour moi.
La résine d’élémi apporte de nombreuses nuances à la palette du parfumeur et je comprends très facilement qu’elle soit utilisée dans beaucoup de belles créations notamment dans la parfumerie d’auteurs. Pour ma part, j’aime surtout son côté hespéridé un peu rond et baumé que son versant boisé ou encens. Dans ma sélection, je reste vraiment attaché à « Tsingy » même si c’est vrai que « Cuir » est un parfum qui me fait de l’oeil depuis que je l’ai découvert. En tout cas, ça m’a donné envie de me pencher sur d’autres créations qui lui font la part belle et je pense que j’irai y mettre mon nez.
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